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Véridicité de l’information : un concept opérationnel pour l’éducation critique aux médias

Muriel Béasse
Le phénomène des fake news est une opportunité d’interroger les liens entre journalisme et vérité en considérant, en miroir, la relation que les journalistes tissent avec leurs publics, et ce, au sein même de leurs récits d’information. Cette contribution s’intéresse à la notion de véridicité, au centre de l’énonciation journalistique, afin d’offrir des repères au cœur de la triade journalisme-vérité-publics. Elle s’avère pertinente pour comprendre la pluralité des pratiques d’écriture de l’information et servir d’outil dans le cadre de formations critiques aux médias. L’analyse d’indicateurs de véridicité dans des reportages multimédias et des enquêtes graphiques permet d’interroger les stratégies discursives du journalisme et leurs dimensions pédagogiques auprès des publics.

Quand l’émotion l’emporte sur la raison : les publics de RT France face au terme de fake news

Gulnara Zakharova
L’article examine le terme de fake news appliqué à RT France (anciennement Russia Today), chaîne transnationale d’information en continu financée par l’État russe. Accusée d’avoir diffusé des fake news depuis son lancement en 2017, la chaîne a été interdite dans l’UE en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Or, elle a déployé une stratégie de « retournement de situation », se présentant comme la victime de la censure et objet de discrimination, créant de fait un lien affectif avec ses publics, qui se sentent marginalisés et exclus de l’espace public dominant. En s’appuyant sur la théorie des contre-publics subalternes et à travers des entretiens semi-directifs des utilisateurs Twitter, l’article démontre que les sympathisants de RT perçoivent le terme fake news comme une « étiquette », injustement attribué à la chaîne, qui renforce leur confiance à l’égard de RT France au lieu de les avertir des risques potentiels de la consommation de ses contenus.

Loi française contre la manipulation de l’information en période électorale et pratiques professionnelles des journalistes face au phénomène des fake news

Mathieu-Robert Sauvé , Alexandre Coutant
Cet article propose d’analyser les conséquences de la loi contre la manipulation de l’information sur la production journalistique de la presse écrite durant les élections présidentielles de 2022 en France. De quelles manières les pratiques professionnelles ont-elles été affectées par ce nouvel encadrement juridique et quelle en a été la perception des journalistes ? Ces questions ont été explorées dans un questionnaire envoyé aux journalistes de terrain, une observation de leurs activités au travail et lors de dix entretiens avec des responsables de la rédaction de médias de France. L’analyse démontre que cette loi n’a eu à leurs yeux aucun effet sur la pratique du métier et n’a pas contribué à diminuer le nombre ni l’ampleur des fausses nouvelles. Les journalistes estiment que leur expertise est déjà fortement balisée par le droit français et renvoient la responsabilité de la vague de désinformation aux médias socio-numériques. Pour lutter contre la désinformation, c’est à leur impunité qu’il faut s’attaquer, clament-ils, en appelant à de meilleurs programmes d’éducation aux médias. Nous discutons cette perception du phénomène par la profession et questionnons ce que cela implique en termes de permanence de pratiques professionnelles.

La réception et le partage de (fausses) informations par les adolescents : des pratiques situées

Manon Berriche
À partir d’une approche pragmatique et interactionniste, cette étude examine comment la réception et le partage de (fausses) informations peuvent être favorisés ou au contraire entravés par certaines situations selon les contraintes énonciatives qui les sous-tendent. En reposant sur des entretiens collectifs, des observations et un dispositif expérimental, conduits au sein d’une classe de 4ème, cet article montre que les réactions des adolescents face aux (fausses) informations sont loin d’être une constante dépendant uniquement de variables cognitives et individuelles, mais varient selon le degré de publicité des situations.

Des « localiers » responsables de la diffusion de fausses informations ? Une défiance forte du politique.

Anaïs Théviot
Comment est vu le rôle du journaliste par les candidats et les militants dans la lutte contre la circulation rapide et massive de fausses informations en campagne électorale ? Cette interrogation sur la perception du rôle des localiers dans la diffusion de « fake-news » s’est fait jour lors de la conduite de notre enquête empirique sur le cas de l’élection municipale à Angers en 2020. Il est rapidement ressorti des entretiens avec les militants un climat de crainte autour de l’usage des réseaux sociaux justifié par la peur des fausses informations et de leur diffusion généralisée, même par ceux qui sont censés lutter contre. Nous verrons que la défiance est forte entre candidats et journalistes : les premiers accusant les seconds de participer à des campagnes de désinformation, en privilégiant le sensationnel et les polémiques à l’analyse. Ces accusations par le politique participent au dénigrement du métier de journaliste et interrogent sur les spécificités de la lutte contre les fausses informations dans l’espace local.

Fausser l’information journalistique pour mobiliser les algorithmes et les publics : comment les plateformes permettent-elles de faire du vrai avec du faux ?

Camille Alloing
Afin d’étudier la circulation des fake news en ligne, cet article propose une analyse info-communicationnelle du traitement endogène et automatisé des contenus journalistiques sur les médias socio-numériques dans un contexte de controverse environnementale. Regarder ce qui est fait avec ces contenus pour mobiliser des publics à soutenir une cause permet de définir une typologie de pratiques visant tant à les mettre en contexte qu’en circulation. Les contenus journalistiques étant eux-mêmes standardisés pour maximiser l’audience sur les plateformes, ils deviennent le meilleur moyen d’informer, de mobiliser comme de désinformer, sans avoir nécessairement à les reproduire de manière factice. La désinformation en ligne apparait ainsi comme une conséquence de la plateformisation de l’information et de la communication qui l’autorise voire la renforce.

Le debunking sur YouTube : une nouvelle pratique de lutte contre la désinformation en marge du ­journalisme

Florian Dauphin
Cet article s’intéresse à des acteurs en marge du journalisme, qui produisent des contenus pour lutter contre la désinformation. Ils réalisent des vidéos sur YouTube, qu’ils jugent avoir le plus d’efficacité afin de combattre, « debunker » selon leur terme, c’est-à-dire démystifier des théories, croyances ou informations qu’ils jugent fausses : « fake news », pseudo-sciences et théories complotistes. Ils se revendiquent sceptiques et partie prenante de la zététique. Notre interrogation consiste à comprendre les enjeux du debunking, et ses différences avec le fact-checking, en termes de stratégies et d’effets perçus par rapport aux publics.

L’autorité journalistique et ses failles : factualité, « bullshit » et « presque-vérité »

Alexandre Joux
Face aux fake news, le fact-checking rappelle les faits et atteste de leur véracité. Il passe toutefois sous silence la portée communicationnelle du journalisme qui, en s’adressant au public, vise aussi à donner du sens aux évènements. De ce point de vue, le journalisme semble démuni face au « bullshit », à savoir tous ces énoncés performatifs qui ignorent les faits plus qu’ils ne les trahissent. L’autorité du jour- nalisme s’en trouve affaiblie faute d’affirmer sa dimension politique, à savoir l’engagement qui consiste, pour son public, à interpréter les évènements dans une perspective la plus rationnelle possible. C’est ce qu’illustre le discours sur l’éducation aux médias associé au Décodex ou le fact-checking du débat de l’entre-deux tours de la présidentielle française de 2022 par CheckNews et les Décodeurs.

Accès à l’information : un enjeu de la participation citoyenne au Québec face aux projets miniers en région éloignée

Sara Germain
Dans le contexte québécois, bien que le Bureau d’audiences publiques en environnement (Bape) jouisse d’une bonne crédibilité en tant qu’institution de participation citoyenne (Gauthier & Simard, 2011), son efficacité fait curieusement défaut dans le cas de l’industrie minière où, malgré certains cas de forte opposition citoyenne, aucun projet d’exploitation n’a été refusé par le gouvernement (Deneault & Sacher, 2012). Cet article pose un regard critique sur les conditions de la participation citoyenne en regard de l’examen de projets miniers au Québec, particulièrement en région éloignée en analysant la mobilisation citoyenne découlant de l’annonce en 2017 du projet Authier Lithium de la minière Sayona Québec Inc. (SQI) en Abitibi.

La neutralité des journalistes à l’épreuve de la place des citoyens dans les dispositifs de consultation : la géothermie profonde en Alsace

Yeny Serrano, Jean Zoungrana
Cet article interroge la place du citoyen dans les discours d’information en contexte de controverse au sujet de la géothermie profonde dans l’Eurométropole de Strasbourg. Nous avons pris appui sur les dispositifs de consultation mobilisés au sujet de l’acceptabilité sociale de cette technique et la manière dont la presse quotidienne régionale en rend compte. En exploitant le discours des journalistes à travers un corpus constitué de 170 articles et de cinq entretiens, on observe que la neutralité journalistique revendiquée n’apparaît guère : la parole des opérateurs et élus demeure privilégiée au détriment de celle du citoyen cantonné à un rôle passif. La presse quotidienne régionale se présente ainsi comme un relais de la communication d’acceptabilité des industriels.

Débattre de l’énergie électronucléaire ? Conflictualités, participation et activisme délibératif des mouvements sociaux

Mikaël Chambru
Cet article propose une mise en perspective des approches de la délibération à partir du cas de l’énergie électronucléaire en France. En analysant la participation conflictuelle de la mouvance antinucléaire aux débats publics institutionnels, il montre la nécessité de dépasser la dichotomie traditionnellement établie entre acceptabilité sociale et « ensauvagement » dans les procédures délibératives. Puis, en s’appuyant sur une approche communicationnelle et politique de la délibération, cet article propose une conceptualisation des conflits et des désaccords au sein d’instances délibératives. Cette conflictualité est posée comme la base d’une nouvelle problématisation des rapports de force entre « opposants » et « promoteurs ».

La participation citoyenne au paysage au croisement d’initiatives institutionnelle et citoyenne : étude des cas d’un Plan de paysage et d’un Collectif forêt

Anne Carbonnel, Manon Desmartin Alissia Gouju
À partir de l’étude d’un Plan de Paysage et de l’émergence d’un Collectif citoyen dont l’objet est la forêt, cet article a pour objectif de réfléchir à la manière dont la sociologie de l’acteur réseau permet d’éclairer la participation des citoyens à des discussions portant sur le paysage. Cette étude compare deux démarches de participation citoyenne environnementale, institutionnelle d’une part et citoyenne d’autre part, pour mieux comprendre les ressorts et les freins de la participation.

Le budget participatif clermontois, exemple d’un dispositif participatif qui devient le catalyseur des enjeux environnementaux

Éric Agbessi, Nicolas Duracka

Le Budget Participatif de la Ville de Clermont-Ferrand est une politique publique qui répond à une triple situation de crise démocratique (de l’autorité politique et scientifique, de la participation démocratique et de la délibération publique). Sur les 32 projets votés par les citoyens, un quart ont une teneur écologique. Ainsi, les micros espaces publics délibératifs ouverts par l’initiative ont été marqués par une fragmentation. Premièrement, une tendance à produire des échanges régulés par une vision « instituée » du développement durable remettant très peu en cause notre modèle de développement citadin. Deuxièmement, l’émergence d’une forte incommunication et la marginalisation des porteurs de projets porteurs de visions transformatrices (décroissantes ou résilientes).

Justice environnementale et ressentiment vert : l’exemple d’arrondissements montréalais

Caroline Patsias
Cet article examine l’opposition des citoyens des classes moyennes et paupérisées aux politiques vertes dans deux arrondissements de Montréal. Via l’étude de conseils d’arrondissement, cette étude souligne comment la justice environnementale nourrit un ressentiment vert chez certains citoyens. Les citoyens observés ne sont pas idéologiquement contre les politiques environnementales. Ils se sentent plutôt emportés par une « révolution verte » dont ils supporteront la majeure partie des coûts sans en retirer de bénéfices à court terme. Leur conception de la justice environnementale croise une critique procédurale de la démocratie concernant la participation et la transparence et une critique substantielle des inégalités dans la répartition des coûts des politiques environnementales. Ces citoyens mettent également en avant un attachement à leur quartier qui lie l’environnement à une conception du bien commun.

Instagram, un soutien contrasté à la mondialisation des marques muséales et à la diplomatie d’influence. Les cas du Louvre et du Centre Pompidou

Christophe Alcantara, Nicolas Peyre
La mondialisation des marques « Louvre » et « Centre Pompidou » s’opère no-tamment par la création du Louvre Abu Dhabi et du Centre Pompidou Málaga. La communication numérique et plus particulièrement Instagram sont investis par ces musées publics français et ceux créés à l’étranger en valorisant leurs marques. Nous avons observé et analysé toutes les publications de ces quatre musées sur Instagram…

Vers une diplomatie publique française des musées en Chine ? La sinisation numérique des stratégies communicationnelles du Louvre

Zhao Alexandre Huang, Mylène Hardy
Choix prioritaire des touristes chinois voyageant en France, le Louvre a lancé le 1er mai 2015 un projet numérique ciblant le média social chinois Weibo, destiné à promouvoir la culture et les valeurs françaises et à consolider sa présence et sa communication dans le monde sinophone. Son compte Weibo est devenu, depuis 2016, l’un des comptes muséaux étrangers les plus influents de l’internet chinois.

Des marques muséales au service de l’influence française : le rôle du Louvre et de l’expertise muséale dans le Golfe arabo-persique

Marie-Alix Molinié-Andlauer
Cet article propose une comparaison entre deux accords bilatéraux et inter-gouvernementaux en matière de coopération culturelle (décret n°2008-879 et décret n°2018-861) afin de comprendre la circulation de l’expertise dans la région du Golfe arabo-persique avec le modèle des agences. En effet, la création des deux agences qui accompagnent la mise en place des deux projets (Abu Dhabi 2030 et Saudi Vision 2030)…

Diplomatie d’influence et culture au Quai d’Orsay

William Guéraiche
Le discours officiel du Quai d’Orsay est ambigu sur les relations entre diplomatie et culture et de même que sur le contenu de la diplomatie d’influence. La confusion est entretenue à dessein car elle permet de masquer les vrais enjeux qui sont dans l’esprit des dirigeants d’abord comptables. Le passage de Laurent Fabius au ministère des Affaires étrangères (2012-2017) marque un tournant. C’est lui qui donne un contenu à la diplomatie d’influence…

Musées et développement international : l’action culturelle française au Vietnam, au Laos et au Cambodge

Jonathan Paquette
Ces dernières années, plusieurs programmes de recherche en muséologie ont mis en lumière la contribution des musées aux relations internationales. Cet article s’intéresse au rôle du musée comme catalyseur de développement et de coopération internationale. En s’appuyant sur l’expérience de la coopération culturelle française au Vietnam, au Laos et au Cambodge depuis les années 1990, cet article met en relief certaines caractéristiques typiques…

L’expansion internationale des musées : entre diffusion du soft power et valorisation économique du patrimoine culturel

Cécile Anger
A partir d’une analyse du rapport de la Cour des comptes sur La valorisation internationale de l’ingénierie et des marques culturelles paru en 2019 et des pratiques menées par les établissements culturels, cet article se penche sur l’expansion internationale des musées français. Cette expansion se caractérise par la conclusion d’accords à titre onéreux. L’enjeu de diffusion de la culture française dans le monde est important mais il n’est pas exclusif.

Introduction du supplément A 2021 – La marque muséale, une notion au centre de la mondialisation des établissements publics muséaux

Martine Corral-Regourd, Nicolas Peyre
Le Louvre Abu Dhabi (LAD) aux Émirats arabes unis, le Centre Pompidou Málaga (CPM) en Espagne, le Centre Pompidou × West Bund Museum Project à Shanghai en Chine sont devenus des objets de la réflexion académique sur la mondialisation des musées. Il s’agit plus précisément de la mondialisation de la marque d’établissements publics muséaux français. Elle est valorisée à la fois symboliquement et financièrement par son prêt à titre onéreux à des partenaires étrangers comme…

La circulation des savoirs alimentaires à destination des enfants des écoles primaires. Une ethnographie des cantines associatives en Andalousie (Espagne)

Philippe Cardon, María Dolores Martín-Lagos López
Cet article s’intéresse à l’émergence de cantines associatives créées par des parents en dehors des écoles publiques de la ville de Grenade en Espagne. Si ces cantines accueillent tous les jours pour le repas de midi des enfants d’école primaire (entre 14h00 et 16h00), elles s’inscrivent dans un mouvement de réforme par le bas visant à éduquer les enfants qui y viennent à une alimentation soucieuse…

L’éducation alimentaire dans les écoles : diffusion, circulation et réappropriation des normes nutritionnelles

Marie Berthoud
Depuis la fin des années 1990, face aux risques sanitaires multiples associés à l’alimentation, les écoles sont devenues un champ d’intervention privilégié pour sensibiliser les enfants à la « bonne » alimentation. En France, diverses instances publiques se sont associées pour concevoir et diffuser de vastes campagnes info-communicationnelles communicationnelles à l’échelle nationale dont l’un des objectifs consiste…

Faire-savoir et savoir-faire à l’Ecole : l’alimentation à l’écran

Didier Nourrisson
A partir des années 1930, en plus des outils pédagogiques traditionnels, l’École a développé une technologie de communication et d’éducation innovante : le film fixe d’enseignement. Bénéficiant d’un commentaire personnalisé par le maître, puisque le film est muet et déroulé image par image, il assure un enseignement de masse par « l’aspect ». Dans le domaine de l’alimentation et de la nutrition…

Cancers et alimentation : de l’analyse des discours et des représentations à la création d’ateliers culinaires

Clémentine Hugol-Gential
Cet article s’intéresse aux enjeux du repas en situation de cancer et aux différentes valeurs et représentations qui traversent l’alimentation-cancer. Celles-ci se construisent, entre autre, au travers de discours médiatiques et de partages d’informations entre patients sur des médias sociaux. Le cancer et plus globalement, la maladie, interviennent comme une rupture dans la vie des patients induisant des modifications de comportements.