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Loi française contre la manipulation de l’information en période électorale et pratiques professionnelles des journalistes face au phénomène des fake news

18 Nov, 2023

Résumé

Cet article propose d’analyser les conséquences de la loi contre la manipulation de l’information sur la production journalistique de la presse écrite durant les élections présidentielles de 2022 en France. De quelles manières les pratiques professionnelles ont-elles été affectées par ce nouvel encadrement juridique et quelle en a été la perception des journalistes ? Ces questions ont été explorées dans un questionnaire envoyé aux journalistes de terrain, une observation de leurs activités au travail et lors de dix entretiens avec des responsables de la rédaction de médias de France. L’analyse démontre que cette loi n’a eu à leurs yeux aucun effet sur la pratique du métier et n’a pas contribué à diminuer le nombre ni l’ampleur des fausses nouvelles. Les journalistes estiment que leur expertise est déjà fortement balisée par le droit français et renvoient la responsabilité de la vague de désinformation aux médias socio-numériques. Pour lutter contre la désinformation, c’est à leur impunité qu’il faut s’attaquer, clament-ils, en appelant à de meilleurs programmes d’éducation aux médias. Nous discutons cette perception du phénomène par la profession et questionnons ce que cela implique en termes de permanence de pratiques professionnelles.

Mots clés

Fake news, infox, désinformation, journalisme, loi, presse écrite, France

In English

Title

The French law against the manipulation of information during elections and the professional practices of journalists in the face of the phenomenon of “fake news”

Resume

This article proposes to analyze the consequences of the law against the manipulation of information on the journalistic production of the written press during the presidential elections of 2022 in France. In what ways have professional practices been affected by this new legal framework and what has been the perception of journalists? These questions were explored in a questionnaire sent to journalists in the field, in an observation of their everyday practices and in ten interviews with senior media editors in France. The analysis shows that this law has had no effect in their eyes on the practice of the profession and has not contributed to reducing the number or the extent of fake news. The journalists believe that their expertise is already strongly defined by French law and blame the wave of misinformation on social medias. To fight disinformation, it is their impunity that must be tackled, they claim, calling for better media literacy programs. We discuss this perception of the phenomenon by the profession and what it implies in terms of permanence of professional practices.

Keywords

Fake news, misinformation, journalism, law, print media, France.

En Español

Título

La ley francesa contra la manipulación de la información durante las elecciones y las prácticas profesionales de los periodistas frente al fenómeno de las «noticias falsas»

Resumen

Este artículo se propone analizar las consecuencias de la ley contra la manipulación de la información sobre la producción periodística de la prensa escrita durante las elecciones presidenciales de 2022 en Francia. ¿De qué manera se han visto afectadas las prácticas profesionales por este nuevo marco legal y cuál ha sido la percepción de los periodistas? Estas preguntas fueron exploradas en un cuestionario enviado a periodistas en el campo y en diez entrevistas con editores senior de medios en Francia. El análisis muestra que esta ley no ha tenido ningún efecto a sus ojos sobre el ejercicio de la profesión y no ha contribuido a reducir el número ni la extensión de las noticias falsas. Los periodistas creen que su experiencia ya está fuertemente definida por la ley francesa y culpan a la ola de desinformación en las redes sociales. Para combatir la desinformación, es su impunidad lo que debe abordarse, afirman, y piden mejores programas de alfabetización mediática. Discutimos esta percepción del fenómeno por parte de la profesión y lo que implica en términos de permanencia de las prácticas profesionales

Palabras clave

Fake news, desinformación, periodismo, derecho, prensa escrita, Francia.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Sauvé Mathieu-Robert, Coutant Alexandre, « Loi française contre la manipulation de l’information en période électorale et pratiques professionnelles des journalistes face au phénomène des fake news », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°23/5, , p.103 à 121, consulté le samedi 27 avril 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2023/supplement-a/06-loi-francaise-contre-la-manipulation-de-linformation-en-periode-electorale-et-pratiques-professionnelles-des-journalistes-face-au-phenomene-des-fake-news/

Introduction

Le phénomène des fake news a profondément interpellé les professions journalistiques (Grosbois (de), 2022; Joux et Pélissier, 2018). Si l’ampleur et la portée du phénomène demeurent délicates à établir aux yeux de la recherche en sciences de l’information et de la communication (Anderson 2021), les praticiennes ont eu tôt fait de conclure de la menace importante qu’il fait peser sur les sociétés démocratiques (Vauchez, 2022). Cette position les a amenées à développer ou à renouveler un ensemble de pratiques de vérification de l’information et à rappeler leurs normes de qualité dans la production de celle-ci, en se distinguant notamment des initiatives des plateformes principales faisant circuler l’information (Bigot, 2017). Ces pratiques peuvent ainsi être perçues comme un levier mobilisé par les journalistes pour légitimer la qualité de leurs propres productions et rétablir leur autorité estimée en crise en tant que sources d’information (Bigot, 2018; Doutreix et Barbe, 2019).

Ces initiatives professionnelles s’ajoutent à celles d’autres acteurs concernés par le phénomène, comme les autorités politiques. Peu après sa victoire aux élections de 2017, le président de la République française, Emmanuel Macron, annonce que son gouvernement va instaurer une loi pour lutter contre les fake news, notamment en période électorale (Hochmann, 2018). L’opinion publique semble favorable à un tel projet, puisqu’une écrasante majorité de Français (79 %) en approuve le principe selon un sondage du Figaro mené en janvier 2018 (Renault, 2018). Et cet appui vaut à gauche comme à droite. Ainsi, l’Assemblée nationale française adopte en première lecture, le 3 juillet 2018, la « Loi contre la manipulation de l’information ». Cependant, elle est rejetée par le Sénat. Les désaccords persistants mènent à la mise en place d’une commission mixte paritaire. Aucun texte commun n’en ressort et l’Assemblée nationale adopte le 9 octobre 2018 un texte très proche de la première formulation. Celui-ci est à nouveau rejeté par le Sénat, puis rétabli par l’Assemblée le 20 novembre 2018. Dès le lendemain, soixante sénateurs saisissent le Conseil Constitutionnel. Ils sont rapidement imités par soixante députés. Ces vicissitudes aboutissent fin décembre, lorsque le Conseil Constitutionnel reconnaît la conformité de la loi à la Constitution le 20 décembre, ce qui mène à sa promulgation le 22 et à sa publication au Journal Officiel le lendemain (Pierrat, 2019). Dans son application, la nouvelle législation, surnommée « Loi fake news », prévoit d’interdire « toute allégation ou imputation d’un fait dépourvue d’éléments vérifiables de nature à la rendre vraisemblable » (République française, 2018).

Cet article propose d’analyser la manière dont s’est traduit dans les pratiques professionnelles des journalistes le choix d’encadrer, par une nouvelle loi, la production d’information en contexte électoral. Il se fonde sur le cas des élections présidentielles de 2022 en France. Dans un premier temps, nous contextualiserons la controverse ayant eu lieu autour de la promulgation de cette loi. Nous exposerons alors les références conceptuelles ayant guidé notre analyse et décrirons le matériau accumulé. Enfin, nous présenterons nos résultats mettant en avant que, 1) le phénomène en lui-même préoccupe bien la profession, mais que 2) la loi telle qu’elle est formulée s’avère inadaptée aux enjeux que rencontrent les journalistes car 3) elle concerne des contenus pour lesquels les journalistes ont déjà développé des procédures qu’ils estiment abouties de qualité et de vérification de l’information, alors que 4) ils se sentent démunis face à la crédulité qu’ils prêtent aux publics, qui nécessiteraient à leurs yeux d’être davantage éduqués à l’information. Ces résultats donneront la possibilité de revenir en discussion sur le phénomène des fake news en ce qu’il apparaît révélateur de la permanence de représentations et de pratiques entretenant une confusion autour des questions de confiance envers les médias.

Agitation médiatique ou réelle nécessité : une solution juridique controversée

À la suite de nombreux juristes, Emmanuel Pierrat (2019) considère que « le droit français contenait déjà plusieurs dispositions visant à lutter contre la diffusion de fausses informations » quand l’État a adopté la Loi contre la manipulation de l’information. Encore aujourd’hui, un article de la loi de 1881 vise « la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, fait de mauvaise foi, elle aura troublé l’ordre public ou aura été susceptible de le troubler ». 

L’argument gouvernemental de la pertinence d’une nouvelle loi contre la désinformation repose au contraire sur un ensemble de principes concernant la nécessité d’élargir l’attirail juridique (Derieux, 2018; Mouron, 2018). Celui-ci s’avérerait en effet plus focalisé sur les enjeux de troubles de l’ordre public que sur les questions de manipulation de l’opinion et se concentrerait sur des contextes et thèmes très précis n’englobant pas la variété des contextes d’apparition actuels des fake news. De plus, il ne s’appliquerait qu’aux cas ayant des conséquences relativement graves et établies, ce qui exclurait les effets plus minimes, et souvent peu démontrables, que les formats actuels peuvent avoir, pris isolément. La nouvelle loi a pour objectif, par ailleurs, d’imposer des obligations de transparence aux plateformes numériques concernant l’identité des auteurs des contenus. Outre ces éléments nouveaux à encadrer, le projet de loi fait valoir la nécessité de préciser les modalités d’intervention afin de la rendre plus rapide. C’est tout autant la protection contre le détournement de suffrages et la manipulation de l’information que l’effectivité de la présomption d’innocence et la liberté de la presse qui, pour ses promoteurs, s’en trouveraient donc mieux outillées. 1

Pour autant, la loi prévoit aussi un ensemble de mesures pouvant directement toucher le travail des journalistes (Pierrat, 2019). Avant la diffusion, elle ajoute la possibilité pour le CSA de refuser la conclusion d’une convention autour d’un service de radio ou de télévision et « d’apprécier la demande de conclusion d’une convention présentée par une personne morale liée à un État étranger en tenant compte des contenus que le demandeur édite sur d’autres services de communication au public par voie électronique ». Après diffusion, la loi crée une action en référé devant le juge civil afin de faire cesser la diffusion de fausses informations, actionnable durant les trois mois précédant les élections, et une procédure exceptionnelle de suspension administrative de la diffusion d’un service conventionné, toujours durant la période électorale. Ces deux possibilités ont cependant été limitées par le Conseil Constitutionnel qui a ajouté dans sa décision du 20 décembre la nécessité que les caractères inexact ou trompeur des informations et le risque d’altération de la sincérité du scrutin soient « manifestes ». Ajoutons à cet attirail la « possibilité, pour le CSA, de résilier unilatéralement la convention conclue […] avec une personne morale sous l’influence d’un État étranger si le service porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, notamment par la diffusion de fausses informations », ainsi qu’un référé administratif audiovisuel utilisable par le Président du CSA pour imposer aux distributeurs et diffuseurs, sur décision de la Section du contentieux du Conseil d’État, de cesser la diffusion ou la distribution d’un service de communication audiovisuel placé sous l’influence d’un État étranger, pour les mêmes raisons.

Le choix de légiférer a fait l’objet de vives critiques venant des milieux journalistiques, juridiques et citoyens (Alemanno, 2018; D’Aiguillon, 2018; Hochmann, 2018; Mouron, 2018; Pierrat, 2019; Terry, 2018; Trudel, Thibault, 2018). L’initiative a été dénoncée pour son imprécision, son dédoublement de cadres juridiques existants, dans la lignée desquels des routines professionnelles s’étaient déjà mises en place, et pour ses possibles atteintes à la liberté d’expression ou obstacles à la couverture journalistique. Plus spécifiquement en lien avec les pratiques professionnelles des journalistes, cette loi semble, à leurs yeux, s’intéresser au moins en partie aux mauvaises causes, puisqu’outre les plateformes, les institutions médiatiques sont fortement ciblées dans son libellé. En effet, la profession considère que les fake news relèvent plutôt des productions hors-médiatiques et que la nocivité découle majoritairement du contexte de circulation des informations permis par les plateformes numériques (Vauchez, 2019).

Concernant l’imprécision, la loi ne prendrait pas en compte la variété des contenus auxquels se voit accolée la qualification de fake news. Les enquêtes les décrivant soulèvent effectivement leur caractère hybride, mêlant différents degrés de fausseté factuelle et de malhonnêteté rhétorique, ainsi qu’une grande variété des conséquences potentielles de leur circulation (Marwick et Lewis 2017). La formulation de la loi, considérant que « toute allégation ou imputation d’un fait inexacte ou trompeuse constitue une fausse information » ne permet pas de distinguer au sein de cette diversité, même si certains critères supplémentaires devront justifier l’intervention du juge 2. Elle inciterait ainsi à intervenir bien au-delà du champ de la fausseté factuelle, sur lequel les juristes estiment que le périmètre de la loi devrait être circonscrit. Elle risquerait aussi de se voir mobilisée face à des faussetés anodines. Enfin, Hochmann (2018) pointe deux enjeux majeurs. Le premier est de ne pas avoir inclus l’imitation des productions médiatiques, ce qui transforme à ses yeux l’objet de la loi « en réglementation générale de la vérité dans le débat électoral ». Le second concerne le caractère manifeste de la fausseté, dont le juge devra statuer. Or, face à la complexité des contenus qualifiés de fake news, il pourrait rencontrer des difficultés à en attester l’évidence et se résoudre à ne pas intervenir. Cette difficulté pratique risquerait même de mener à un détournement de la loi, puisqu’il serait possible à tout bon rhéteur de détourner le refus d’un juge d’intervenir faute de fausseté manifeste comme un gage de vérité.

Concernant les pratiques journalistiques, la loi pourrait s’avérer inutile si elle restreignait son application aux cas de désinformation volontaire, que l’attirail juridique existant aborde déjà. Elle serait au contraire dangereuse si elle conservait son caractère flou, qui permettrait alors d’étendre sa mobilisation à la variété des styles journalistiques employés pour couvrir la campagne – pouvant s’avérer discutables mais pas nécessairement illégaux ni volontairement manipulatoires – ou encore à la satire et l’ironie, ou même limiter l’accès à la couverture de la campagne par des éditeurs internationaux et à l’expression de son avis citoyen. 

Ajoutons que les dispositions visant à augmenter la rapidité des réactions pour empêcher la diffusion des contenus faux ont soulevé plusieurs doutes. Le premier concerne leur faisabilité dans un contexte où les plateformes coopèrent et consentent à consacrer des moyens de manière peu enthousiaste. Le second soulève le risque d’une application automatique qui permettrait un détournement de ces procédures pour limiter la visibilité de certains contenus partagés par les formations politiques adverses, à la manière de l’usage hostile que certains groupes revendicatifs peuvent avoir des boutons de signalement mis en place par les plateformes pour invisibiliser leurs contradicteurs (Badouard, 2020).

Pour ces critiques, la loi tiendrait donc davantage de la mise en visibilité médiatique d’une volonté d’agir de la part du gouvernement. Elle s’avérerait au mieux inadaptée et redondante, et donc inutile, au pire ambiguë et appropriable comme levier pour compliquer le travail journalistique, et donc nocive. Les élections présidentielles françaises de 2022 ont constitué l’occasion de constater si les raisons de la promulguer et les craintes qu’elle a générées se sont incarnées dans sa mobilisation et la manière dont les journalistes ont couvert l’événement sous sa juridiction.

Documenter les représentations des journalistes et leur éventuelle confrontation empirique à des enjeux de manipulation de l’information dans leur pratique

Pour composer le tableau le plus complet possible de la position et des conditions d’exercice des journalistes de la presse écrite française dans le cadre de l’application de la loi contre la manipulation de l’information, nous avons recouru à une revue de littérature sur la définition des fake news, aux méthodes quantitatives (un questionnaire en ligne) et aux méthodes qualitatives (entretiens semi-dirigés et observation non participante à découvert). 

La revue de littérature a été menée sur Google Scholar avec les mots-clés « fake news » et « définition ». Elle témoigne de l’effervescence de la communauté scientifique autour de ce phénomène : pas moins de 1660 références ont été renvoyées uniquement pour les années 2020 à 2022. Nous avons retenu les 111 articles francophones incluant une définition explicite. 

Notre enquête en ligne vise à analyser les perceptions des reporters de terrain. Mené auprès de 224 journalistes, il se compose de 15 questions dont 12 à choix multiples et 3 à développement (voir annexe 1). Elles portent sur les perceptions du phénomène par les enquêtées, leurs propres expériences et démarches pour y faire face et leurs avis sur la loi. Malgré une sollicitation répétée de toutes les organisations représentant les journalistes en France, le taux de réponse n’a pas permis d’obtenir la représentativité par rapport à la sociologie de ce groupe professionnel. Les informations contenues dans ces questionnaires sont donc à prendre en considération dans une perspective compréhensive, rendue notamment riche par les réponses fournies dans les questions ouvertes, davantage que pour leur représentativité de la profession.

L’ajout d’entretiens a donné la possibilité de connaître les perceptions des personnes qui ont la responsabilité de la véracité des informations diffusées dans les médias d’information. Ceux et celles qui, par leurs fonctions professionnelles, ont le dernier mot sur la décision de publier. Éditeurs.trices, rédacteurs.trices en chef ; cheffes de pupitre, adjointes à la direction … peu importe leurs titres. Comme responsables de l’édition, elles constituent des rouages importants dans l’organisation d’une salle de presse. Ce sont eux et elles qui retiennent ou rejettent les idées de reportage qu’on leur propose, qui suggèrent des thèmes à approfondir ou attribuent des affectations. Mais ce sont surtout, pour les objectifs de cette recherche, les derniers niveaux de validation des contenus avant la diffusion. 10 entretiens (5 hommes et 5 femmes) ont été menés auprès de personnes représentant ces niveaux hiérarchiques. Elles travaillent dans des quotidiens nationaux (5), régionaux (1), agences de presse (1) ou magazines hebdomadaires (3), avec une surreprésentation des quotidiens nationaux. Leur expérience professionnelle va de 15 à 48 ans.

L’observation s’est déroulée dans la salle de rédaction du journal Ouest-France pour la période couvrant le second tour de l’élection présidentielle. Elle a consisté à assister aux réunions de rédaction et à suivre les journalistes dans leur exercice quotidien. Deux séjours ont été nécessaires, soit du 18 au 20 avril 2022 puis du 23 au 25 avril 2022. En termes de tirage, Ouest-France est le plus important média écrit en français au monde avec environ 540 000 exemplaires imprimés par jour. Quand on ajoute à ce nombre les lecteurs.trices des contenus numériques, ce sont 23 millions de personnes par semaine qui consultent Ouest-France. L’équipe compte 550 journalistes salariées ; 2500 collaborateurstrices régionaux-régionales et 30 correspondantes à l’étranger. 

En résumé, le questionnaire permet un tour d’horizon des perceptions des reporters de terrain et les entretiens semi-dirigés favorisent la récolte des témoignages réflexifs auprès des personnes en charge de l’édition. L’observation donne la possibilité de constater les changements et permanences dans les pratiques professionnelles. Récolté pendant et après la campagne électorale, ce matériau permet de circonscrire les perceptions et les pratiques des journalistes de la presse écrite de France face à cette réponse juridique à un problème de communication qu’ils et elles considèrent presque unanimement « préoccupant ».

Que s’agit-il d’encadrer ?

Des définitions laissant apparaître des perceptions divergentes du phénomène

Dans l’espace de la francophonie, il n’existe pas de définition consensuelle de la notion de fake news. Plus encore, l’emploi du terme à des fins analytiques est discuté : terme médiatique davantage que concept, mobilisé à des fins plus stratégiques qu’heuristiques, empruntant à de nombreux concepts historiques plus précis, le terme ne crée-t-il pas davantage de confusion qu’il n’éclaire (Vauchez 2022) ?

Lorsqu’une définition est proposée, quatre éléments reviennent fréquemment. Ils peuvent se regrouper en trois catégories :

L’intention : L’auteure sait qu’il-elle publie une nouvelle inexacte

La factualité; cette nouvelle est inspirée de la réalité. Une fake news qui n’aurait aucun lien avec la réalité n’aurait pas d’intérêt pour le lectorat. La nouvelle falsifiée reprend l’actualité pour se donner une crédibilité et se pare de gages minimaux de factualité 

La structure de cette nouvelle est journalistique. Pour être crédible, la nouvelle falsifiée donne l’impression qu’elle provient d’un média d’information traditionnel. La sémantique et la structure habituelle des nouvelles diffusées dans les médias d’information traditionnels sont prises en modèles. Elle présente un titre choc, des citations, des statistiques, etc. 

La majorité de ces définitions s’aligne donc avec la perspective journalistique excluant les médias du phénomène, exprimée lors de la controverse entourant le projet de loi. Pis, ils en seraient les victimes en étant contrefaits. Cette conceptualisation circonscrit donc fortement le champ d’application légitime du terme, tout en distinguant ce format de la large panoplie des formes plus ou moins manipulatoires d’information ayant été documentées dans l’histoire et pouvant s’observer en leur sein (Colon, 2019; Girel, 2017)

Pour sa part, la loi contre la manipulation de l’information est peu diserte sur le sens précis de l’objet que l’État veut interdire. Nulle part est défini ce qu’est une « fausse nouvelle » et les expressions fake news ou « infox » n’apparaissent pas dans le texte de loi. L’article L 163-2, précise plutôt qu’il y a faute si un juge constate que : « […] des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d’un service de communication au public en ligne » (République française, 2018). 

Ce libellé permet de saisir les craintes des journalistes. En effet, il se démarque des définitions évoquées supra en laissant la possibilité que des médias institutionnalisés soient mis en cause. La formulation inclusive, notamment par l’emploi du « ou » et de l’expression large « sincérité du scrutin à venir », laisse anticiper des possibilités de convocation de la loi pour de nombreux cas classiques de couverture par les médias : un journaliste rendant compte d’allégations fausses formulées par des personnalités politiques peut-il être inquiété ? Est-ce que les pastiches sont inclus ? Est-ce qu’une erreur de bonne foi est sanctionnée ? Est-ce que ceci vaut pour les espaces hors-ligne ? Est-ce qu’une fausse nouvelle relevant du fait-divers, de l’économie, de la culture ou du sport échappe a cette loi ? Difficile d’anticiper le périmètre d’application de la loi telle qu’elle est formulée.

Dans une perspective juridique, cette imprécision de la définition constitue un enjeu majeur, amenant les juristes à un jugement sévère de l’initiative : « Aucune réflexion juridique ou politique sur la lutte contre les fausses informations ne peut se passer d’une définition suffisamment précise de ce phénomène. Les travaux du parlement français ne sont pour l’instant guère satisfaisants à cet égard, mais ils peuvent servir de base à la recherche d’une meilleure définition » tranche ainsi Hochmann (2018). Selon lui, la définition du vrai et du faux pose problème au sens juridique. « Plusieurs exemples sollicités lors du débat parlementaire pour dénoncer les dangers d’une loi contre les fausses informations ne constituent pas des affirmations factuelles, mais des opinions exprimées de manière imagée », souligne-t-il. Quand François Bayrou affirme, lors de la campagne du référendum sur le Traité établissant une Constitution européenne, que « si le non l’emporte, il pleuvra pendant plus de quarante jours », il faut comprendre que c’est une métaphore, une figure de style. De même, quand une députée mentionne que « l’enfer est pavé de bonnes intentions », Jean-Luc Mélenchon a tort de qualifier ses propos de fake news. Il suggère donc de redéfinir la loi de la manière suivante : « Une affirmation factuelle manifestement fausse qui revêt l’apparence d’une véritable information et qui est susceptible d’altérer la sincérité du scrutin. »

Les pratiques professionnelles des journalistes face aux fake news

Au-delà du périmètre d’application de la loi, il est utile de mieux connaître les manières de faire et les représentations des journalistes face aux fake news. Nous avons donc colligé les initiatives évoquées par ces derniers afin de faire face à cet enjeu. L’objectif était de repérer si elles étaient mobilisées par les praticiennes, si leurs logiques justifiaient l’adhésion ou la défiance à la loi et si des pratiques professionnelles en découlant étaient déjà en place. Les nombreuses actions sont regroupées en deux grands axes en ce qui concerne spécifiquement les journalistes : le fact-checking et l’éducation aux médias et à l’information (EMI) (Bigot, 2017). Le premier constitue une pratique aux significations multiples dans le champ journalistique (Vauchez 2019). Dans son incarnation actuelle, elle a pour principales caractéristiques de constituer une frontière entre les espaces médiatiques institutionnels et les autres, accompagnée d’une forte revendication d’autorité informationnelle à attribuer aux premiers. Il s’agit de vérifier la véracité des propos tenus par un acteur social en appliquant une méthode permettant d’établir sa fiabilité factuelle. Sa forme actuelle soulève le paradoxe de s’incarner dans des rubriques spécifiques séparées du reste de la production d’informations, là où l’on pourrait supposer que cette pratique est constitutive de la qualité journalistique dans son ensemble. L’EMI renvoie pour sa part à un ensemble important de travaux aux domaines d’application et au vocabulaire conceptuel riches (Landry, 2017; Liquète, 2018). Résumer ces travaux dépasserait le cadre de cet article et nous n’aborderons ici que leur mobilisation par la profession journalistique, qui diffère des EMI pouvant être mises en place à l’école ou en bibliothèque. Les initiatives des journalistes se focalisent majoritairement sur deux dimensions : la répartition des sources entre fiables et non fiables et l’explication de la manière dont les informations sont produites par les journalistes. À ce titre, elles rappellent et tentent de légitimer une partition traditionnelle des acteurs autorisés à informer, mais n’abordent pas la question des critères aboutissant à la reconnaissance de la qualité d’un contenu, contrairement aux recherches sur les pratiques informationnelles (Kintz et Bats, 2020; Serres, 2012). Elles insistent aussi sur le processus idéal de production de l’information et le rôle essentiel des médias en démocratie, mais évoquent peu la forme concrète que prend l’écosystème médiatique contemporain et ses conséquences sur les manières de travailler des journalistes, pourtant bien documentée (Le Cam et Pereira, 2022; Rebillard et Smyrnaios, 2019). Sont ainsi majoritairement passés sous silence les manquements à cet idéal ou les contenus et pratiques plus ambiguës, qui constituent pourtant le terreau principal des critiques apportées aux médias (Cagé, Hervé, Viaud, 2017; Coutant, Baillargeon,  Carignan, 2022; Frisque, 2014). Au terme de cette présentation de la conception majoritaire de l’EMI parmi les journalistes, soulignons enfin l’importance d’une tradition critique du courant, revendiquant d’ailleurs une plus grande écoute de la part des médias (Beillouin, 2021; Jehel et Saemmer, 2020).

Une solution inadaptée pour un enjeu considéré comme majeur par la profession

Un phénomène préoccupant la profession

Selon les résultats de notre questionnaire, les journalistes de France sont presque toutes préoccupées par le phénomène des fake news. La consultation révèle que 64 % d’entre eux et elles se disent « Beaucoup préoccupées » par le phénomène ; 24 % « Moyennement préoccupées » et une minorité (7 %) « peu préoccupées. ». Seulement 2 % affirment ne pas l’être du tout.

Sans surprise, la quasi-totalité des enquêtées qui ont accepté de nous accorder un entretien dans le cadre de cette recherche s’inquiètent aussi du phénomène des « fake news ». Parmi les dix, une seule personne dit ne pas s’inquiéter « spécifiquement » de ce phénomène. Mais elle souligne du même souffle que leur existence est un signe de « mauvaise santé démocratique ».

Les thèmes qui reviennent le plus souvent sont les menaces à la démocratie que soulèvent les mensonges. Considérant que « fake news » est la nouvelle expression pour la rumeur et que cette notion dont on parle est ancienne, les journalistes estiment effectuer depuis toujours la vérification de faits. Mais si le sujet constitue bien un enjeu social important, il ne justifie donc pas pour autant, selon eux, une évolution de leurs pratiques professionnelles. Le témoignage d’une femme de 39 ans, cheffe de section d’un quotidien national imprimé, résume assez bien l’esprit général :

« Ça m’inquiète à titre de citoyenne à cause des menaces qu’elles posent à l’exercice démocratique. Comme journaliste, je dirais que les fake news sont la nouvelle façon de désigner ce qu’on appelait autrefois les rumeurs. Ce sont les rumeurs des temps modernes. Mais l’impact de ces rumeurs est aujourd’hui démultiplié par les réseaux sociaux. Ce qui était confiné à quelques individus peut aujourd’hui rejoindre un auditoire très vaste. »

Une loi inadaptée aux enjeux perçus par les journalistes

Comment ces personnes perçoivent-elles la loi qui a été adoptée en 2018 ? Deux réactions principales émergent : l’indifférence et l’opposition. « Cette nouvelle loi, personnellement, je la trouve inutile », dit le directeur de rédaction d’un magazine hebdomadaire. Une autre exprime sa perception dans les mêmes termes : « Comme professionnelle, je considère que c’est une loi inutile. » Celle-ci « n’a pas empêché les fake news de circuler, d’ailleurs ». Selon une perception plus négative, la loi pourrait mettre en péril l’exercice même du métier de journaliste en permettant à l’État de s’interposer au sein des pratiques professionnelles. 

« Non seulement cette loi serait-elle inutile mais elle pourrait même avoir des côtés inquiétants puisque, sous prétexte de lutter contre la désinformation, l’État se permet de surveiller le travail des journalistes en exercice. Je pense au volet de la loi qui laisse entendre que les journalistes doivent divulguer leur source. C’est grave, ça. Les journalistes ne devraient jamais être tenus de révéler leurs sources, sauf dans certaines circonstances très rares ». (Femme de 50 ans, rédactrice en chef déléguée d’un quotidien imprimé)

Un journaliste exprime son scepticisme face aux processus prévus par la loi pour intervenir « en quelques heures » (48 pour être précis) et trancher de manière juste et équitable. Cela lui apparaît « dangereux ».

« Qui décide qu›une info est une manipulation, et peut donc décider de l›interdire? Un juge des référés peut-il en quelques heures vérifier ce qui est publié, ou dit ? Cela ne semble pouvoir fonctionner que par référence à une information officielle qui devient la norme. Éminemment dangereux. D›ailleurs, et heureusement, pas d›exemple d›application tant cela paraît improbable ».

Plus laconique et sans appel, un répondant du questionnaire dénonce le mécanisme prévu par la loi pour trier le vrai du faux.

« Dispositif inapplicable et inefficace. On demande au juge de dire en 48 heures ce qui est ou n›est pas la vérité. »

Un autre reprend cet argument mais mentionne que des lois protègent déjà la « vérité » dans les médias. 

« Un juge n’est pas un journaliste et devrait, en 48h, démontrer que l’information publiée par un professionnel est fausse ? Soyons sérieux. De plus, il y a doublon avec le Code pénal qui prévoit déjà des sanctions pour diffusion de fausses informations. »

En effet, nous avons évoqué supra que la France dispose déjà de lois censées s’attaquer au mensonge. Comme le mentionne un autre journaliste : « Il existe déjà le délit de fausse nouvelle dans le droit de la presse… qui date de 1881 si mes souvenirs sont bons. Donc quel intérêt d’ajouter une couche ? ».

Certains vont plus loin dans la description du texte de loi et mentionnent que la nouvelle loi n’a rien donné de significatif.

« La législation, notamment la loi sur la presse de 1871 (sic), réprime déjà la diffusion de fausses nouvelles. Or, les dispositifs existants n’ont pas été évalués avant que ne soit adoptée la nouvelle loi. Pas d’évaluation non plus de son efficacité depuis 2019. »

Plusieurs enquêtées remarquent d’ailleurs la très faible mobilisation de cette loi dans le cadre des élections, signe selon eux qu’elle n’a pas été formulée de manière à saisir le phénomène qu’elle est censée corriger. L’observation menée au sein d’une rédaction confirme l’absence d’évocation de cette loi dans le travail quotidien des journalistes. Elle n’a eu aucun impact observable sur les pratiques professionnelles de ces derniers. On constate aussi que « l’angle » de critique majoritaire concerne le risque de censure et de prise de contrôle juridique sur ce qu’est la vérité. Les journalistes sont ainsi bien conscients du levier potentiel que constitue cette loi pour intervenir sur leurs pratiques professionnelles.

L’encadrement juridique ne serait donc qu’un instrument de plus permettant à l’État de consolider son pouvoir, heureusement trop mal conçu aux yeux de nos enquêtées pour avoir eu des incidences. L’un des répondants au questionnaire ajoute ainsi que « le bilan actuel en témoigne », sans préciser à quel bilan il fait référence :

« Cette loi est de «convenance politique», elle vise à promouvoir le pouvoir politique actuel et éventuellement de lui donner un moyen d›action politique et non d›agir efficacement contre les manipulations de l›information. Le bilan actuel en témoigne. »

La critique porte aussi sur la source de la désinformation, qui selon certains serait plutôt une « créature » de l’État et des spécialistes des relations publiques : « les fake news viennent des dirigeants et de leurs services de com ».

Selon nos enquêtées, la loi telle qu’elle est formulée s’avère donc inadaptée aux enjeux que rencontrent les journalistes. Pour plusieurs, la loi encadre le travail des journalistes alors que ces derniers confirment leur conviction que les fake news sont créées hors des médias. Nous ferions face à un paradoxe : la loi chercherait à contraindre des pratiques professionnelles estimées fiables, au nom de l’encadrement de pratiques néfastes se situant dans d’autres espaces informationnels. À ce titre, les journalistes expriment souvent leur malaise quand ils et elles semblent être pointé·e·s du doigt comme responsables de la désinformation.

Des pratiques professionnelles fiables protégeant bien davantage la qualité de l’information

Dans les verbatims, l’hostilité face à cette loi repose beaucoup sur la conviction des journalistes que leurs pratiques professionnelles existantes constituent des protections bien plus adaptées au phénomène. Cette conviction s’incarne tout d’abord dans la mobilisation de la figure du journaliste comme expert du repérage de cette désinformation : « un juge n’est pas un journaliste » ; « Il faut apprendre aux gens à être eux-mêmes des journalistes ». Les entretiens détaillent en quoi les journalistes s’estiment si centraux. Ces éléments relèvent tout d’abord du partage d’un ethos professionnel les orientant vers la recherche et la défense de « la vérité » :

« La méthode journalistique consiste à proposer au public des faits vérifiés pour lui permettre de se faire une idée juste de la réalité. C’est une approche qui n’est pas sans failles mais qui est basée sur la rationalité. »

Ils renvoient aussi à l’existence concrète d’un ensemble de techniques, méthodes et outils permettant de mener à bien cette mission. Ainsi, un ancien directeur d’agence de presse qui compte 40 ans d’expérience fait le lien avec les routines journalistiques :

« En faisant ce que tous les journalistes font plusieurs fois par jour, quotidiennement : vérifier les dates; chercher des sources crédibles pour confirmer les faits. »

La crédulité supposée des publics n’est ainsi pas une fatalité, si on diffuse ces compétences au sein de la société : « [les gens] ne sont pas idiots. Ils savent comment réagir lorsqu’on leur mentionne l’origine d’un malaise ». Pour cet enquêté, le mot-clef est la « pédagogie » : « Il faut expliquer, transmettre l’importance des sources fiables. Il faut savoir distinguer les faits des publireportages ». Une consœur abonde dans le même sens :

« Il faut apprendre aux gens à ’être eux-mêmes des journalistes. Ils doivent se soucier d’où provient le message qu’ils s’apprêtent à partager. Le public ignore en bonne partie les mécanismes qui font en sorte que la vérité n’est pas le premier critère lorsqu’ils font une recherche Google. Si on doit donner des haricots verts à nos enfants, il ne faut pas leur offrir le plat de bonbons. »

Soulignons la convergence de ces propos avec la conception journalistique de l’EMI ainsi que leur tendance à la réaffirmation d’un idéal de la pratique journalistique évoquées supra. 

Cette convocation de leurs pratiques professionnelles lors des entretiens active chez les enquêtées la critique des plateformes socio-numériques :

« Oui, socialement en insistant sur le fait qu’il ne faut pas confondre information et divertissement. Sur les réseaux sociaux on trouve une grande diversité de contenus; tous ne relèvent pas du travail journalistique. Les médias d’information ont pour mission de produire des nouvelles vérifiées par des professionnels qualifiés. »

Les plateformes deviennent, dans leurs discours, la cause des problèmes de désinformation mais aussi le miroir inversé par lequel valoriser leurs propres pratiques de construction de l’actualité. À nouveau, cette position qui ressort fortement du terrain renvoie à une forme d’autoanalyse identifiée dans la littérature sur le journalisme : celle-ci se concentre sur une conception idéale des manières de travailler des journalistes et de leur mission, en accordant peu de place aux évocations des conditions concrètes, et parfois imparfaites, d’exercice.

Une crédulité supposée des publics qui justifie de les éduquer à reconnaître la fiabilité des journalistes

Comment lutter contre les  fake news ? C’est ainsi d’abord par la défense, et plus encore la promotion de l’autorité du journalisme que nos enquêtées envisagent des solutions. L’axe majeur de réponse au phénomène ressortant de nos terrains passe donc par l’éducation des publics. Cette valeur de pédagogie et « d’éducation populaire » est un leitmotiv, particulièrement après deux ans de pandémie.

« Nous vivons, en France, dans une société fracturée. Les gens ressentent de l’angoisse et de l’anxiété à cause de la guerre en Ukraine, du Covid… Il est facile de duper les gens aux prises avec ce genre d’états d’âme. »

Par exemple, dans le questionnaire, où un espace était réservé aux commentaires, un journaliste du web mentionne des enjeux dans son champ d’expertise, en lien avec des lacunes sur le plan de la culture scientifique.

« Étant journaliste numérique, j›ai vu passer pas mal de contre-vérités sur les domaines scientifiques, sur le covid notamment. Ça m’a obligé (et finalement j’ai trouvé ça intéressant) à m’intéresser aux raisons pour lesquelles on était friands de fake news, et ainsi comprendre comment on pouvait y faire face. »

Si on tente de résumer les propos tenus par notre groupe autour de cette question (« Quelle est la meilleure façon de lutter contre les fake news ? »), la perception générale tend vers la nécessité d’une meilleure compréhension du travail journalistique dans la société. Selon eux, les publics qui reçoivent un flux continu d’information peuvent avoir tendance à croire qu’il n’y a guère de différence entre les « nouvelles » publiées par un populaire influenceur d’un réseau social ou de celles provenant de l’Agence France-Presse. Les journalistes enquêtées affirment haut et fort qu’il y en a une et souhaitent que le public en arrive à cette conscience lui aussi. Soulignons que cette représentation d’un public crédule n’est pas questionnée. Si elle ne dépeint pas nécessairement un public hostile aux médias et si elle lui prête volontiers une bonne volonté, il demeure considéré incompétent en termes de qualification de l’information. Mais de quelle façon cette éducation à faire implique-t-elle directement les journalistes ? Cette question reste peu approfondie. Au-delà de l’appel général au soutien par l’école et le milieu familial, les éléments concrets consistent surtout à faire adopter, ou plus souvent uniquement à reconnaître, les propres pratiques de construction de l’information des journalistes.

Beaucoup de bruit pour rien ?

Discuter les résultats de cette enquête s’avère délicat. Nous pouvons effectivement en tirer une conclusion rapide : cette campagne présidentielle n’a pas permis de repérer des évolutions des pratiques professionnelles et la loi n’a pas eu d’incidence sur le travail des journalistes. Ces derniers évoquent un ensemble de pratiques professionnelles historiques, que nous avons effectivement observées dans leur travail quotidien, et la loi n’est pas venue perturber cette organisation.

Dès lors, cette discussion revendique un statut exploratoire. En effet, elle ne se fonde pas sur l’abondance de matériau empirique pour discuter la littérature mais cherche plutôt à faire sens du constat d’absence de cas qui paraissaient prévisibles aux yeux des autorités politiques et d’au moins une partie des professionnelles de l’information. Nos propositions auront davantage le statut de pistes de recherches destinées à éclairer cet apparent paradoxe : pourquoi, alors que le phénomène des  fake news semblait à la fois suffisamment préoccupant pour en effectuer un traitement médiatique important et justifier un nouvel encadrement juridique, n’avons-nous constaté ni de changements de pratiques de la part des professionnelles dans leur couverture de la campagne électorale, ni de cas de mobilisation de la loi pour résoudre des cas problématiques ? Notre réponse opère en deux temps. Un premier mouvement de recul propose d’envisager ce cas comme un révélateur de la manière discutable de poser l’enjeu des « fake news » au sein de la profession. Dans un second temps, nous abordons les conséquences de cette manière discutable de poser l’enjeu des « fake news » en ce qui concerne les pratiques professionnelles des journalistes.

Un premier élément de réflexion concerne effectivement la manière d’aborder le phénomène, dont découleront la permanence ou l’évolution de ces pratiques professionnelles. Or, les arguments mobilisés par les praticiennes lors de la controverse accompagnant la loi et la définition spécifique émergeant de la littérature consultée laissent apparaître une possible méprise amenant à ne pas bien saisir ce que les fake news révèlent (Grosbois (de), 2022). En effet, la représentation très partagée parmi les journalistes et consistant à considérer le phénomène comme une menace extérieure à leurs espaces, dissuade d’une réflexion sur leur propre pratique. Elle suppose un espace informationnel sûr se distinguant nettement de nouveaux espaces moins fiables. Dès lors, il est logique que leur réaction consiste essentiellement en plaidoyers pour la reconnaissance de la valeur de leurs pratiques telles qu’elles existent et ne se traduise que par des évolutions marginales dans leurs manières de faire. Ainsi du fact-checking, se développant dans des rubriques isolées du reste de l’information produite, où les mêmes routines demeurent.

La littérature abordant les enjeux de confiance dans les sociétés contemporaines remet pourtant en cause cette perception et incite à élargir son appréhension au-delà de la définition réductrice des  fake news (Anderson 2021; Quéré 2018)economic, and methodological structures that have led to the recent emergence of a particular notion of digital communication on social media platforms, one that emphasizes the power of (false. En effet, les critiques entachant l’autorité informationnelle des médias sont bien plus complexes que la seule attraction pour des contenus alternatifs, factuellement faux. Elles reposent sur une littérature documentant les multiples pressions subies par les médias et les contraintes venant peser sur l’exercice de leur métier : sensationnalisme, ingérences politiques ou économiques, floutage des frontières avec les contenus publicitaires, détournements par des producteurs d’ignorance, affinités ou complaisances politiques et économiques non assumées, conflits d’intérêt, absence de traitements de certains sujets, impensé d’un cadrage néolibéral, piètre qualité du traitement de l’actualité, désintérêt envers leurs publics, etc. 

Il ne sera pas question ici de savoir si les marques de défiance évoquées sont justifiées ou non, mais d’interroger ce qu’elles encouragent en termes d’évolution des pratiques professionnelles. Une première piste concerne la reconnaissance de l’exercice imparfait de l’idéal journalistique, qui est documenté mais peu évoqué par les praticiennes. Se trouve ainsi perpétué un malentendu entre les journalistes et leurs publics (Charon 2007) : les premiers supposent une défiance générale à l’égard des médias tandis que les méthodes de travail des journalistes ne semblent pas tant remises en cause en tant que telles. C’est plutôt la manière dont certains titres ou praticiennes les appliquent, ou les formes de manipulation de l’information que des acteurs institutionnels, privés ou publics, emploient qui sont le plus dénoncées par les publics (Altay, Nielsen, et Fletcher 2022; Berriche 2021; Quéré 2018). Assumer le caractère imparfait des productions journalistiques et les risques structurels pesant sur l’information, pourrait alors amener à un renouvellement des normes rédactionnelles, de manière à intégrer davantage de gages de fiabilité directement dans les discours. Cette perspective fait écho aux recherches récentes portant sur la reconnaissance des autorités informationnelles, qui soulignent un recul de la reconnaissance accordée à un locuteur du seul fait de son statut, au profit d’une exigence de démonstration de sa légitimité à revendiquer une autorité (Vitali Rosati 2018). Faute de perfection, une démonstration de forts gages de fiabilité constituerait une manière de distinguer clairement ces contenus de la forme fake news et de rendre plus difficile leur imitation. Une seconde réflexion concerne le rapport à la vérité porté par les pratiques professionnelles actuelles. Ce rapport spécifique, relié à des idéaux de neutralité et d’objectivité, se voit reprocher de provoquer des positionnements impensés aux niveaux culturel, économique ou politique (Cardon et Granjon 2010; Grosbois (de) 2022). Les propositions émanant des praticiennes pour davantage expliciter leur rôle social et assumer leurs différents registres de fiabilité constituent des pistes permettant de penser une évolution des manières de rédiger au niveau énonciatif, et de proposer un contrat de confiance plus fin aux publics (Bergeron, 2020 ; Martel et al., 2021). Fonder la relation sur une conception moins monolithique de la vérité permet aussi de minimiser la confrontation ou l’assimilation aux fake news, qui portent ce même rapport monolithique à la vérité.

Conclusion

Notre enquête nous paraît ouvrir la voie vers de nouveaux questionnements autant qu’elle permet de comprendre ce que les fake news font aux pratiques professionnelles des journalistes. Elle a donné la possibilité de saisir l’inadaptation d’une réponse juridique, démontrée par sa très faible mobilisation durant la campagne ou par les critiques étayées qu’en font les journalistes ayant eu à travailler concrètement sous sa juridiction. En cela, notre recherche appuie empiriquement les critiques théoriques qui avaient émergé lors de la controverse autour de la promulgation de la loi. Elle soulève la permanence des pratiques professionnelles des journalistes pour traiter de l’actualité en période électorale. À ce titre, elle permet de prendre conscience qu’aux yeux des journalistes, les  fake news ne devraient pas inciter à modifier des pratiques estimées efficaces. Cependant, notre travail interroge l’effet d’occultation que la focalisation sur les fake news provoque envers un problème plus déterminant de relation de confiance des médias avec leurs publics. Identifier cet enjeu, où ces dernières paraissent finalement jouer un rôle marginal, permettrait certainement d’initier une réflexion plus constructive sur ce qui provoque de la défiance dans les pratiques concrètes des journalistes. Ainsi, la focalisation des médias sur le phénomène des fake news, que plusieurs enquêtes vont jusqu’à qualifier de panique morale (Carlson, 2020 ; Vauchez, 2022), constituerait-elle une énième manière de ne pas se confronter à un malentendu historique entre les médias et leurs publics, qui justifierait pourtant certaines évolutions des pratiques professionnelles (Charon, 2007; Muhlmann, 2006).

Notes

[1] https://www.village-justice.com/articles/fake-news-loi-relative-lutte-contre-manipulation-information-est-que-projet-loi,29257.html

[2] Ces critères sont la vocation à altérer la sincérité du scrutin, la diffusion délibérée et la diffusion « artificielle ou automatisée et massive ».

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Annexe 1

Questions composant le questionnaire

Professionnellement, jusqu’à quel point diriez-vous que le phénomène des fake news vous préoccupe? 

Choix de réponse : Beaucoup / Moyennement / Peu / Pas du tout 

Au cours des 12 derniers mois, avez-vous été témoin de fake news?

Choix de réponses : Non/Je ne me souviens pas. / Oui, une à 2 fois. / Oui, 3 à 5 fois. / Oui, plus de 5 fois 

La ou les fake news dont vous avez eu connaissance étaient-elles surtout des nouvelles… Cochez la ou les réponses 

politiques? / culturelles et artistiques?/ économiques? / relatives à la santé et à l’alimentation ? / scientifiques? / autres? / Je ne m’en souviens plus. 

Pouvez-vous expliquer les enjeux auxquels vous avez été confronté.e ? 

Veuillez écrire votre réponse ici : 

Jusqu’à quel point êtes-vous en accord ou en désaccord avec la Loi contre la manipulation de l’information adoptée par la France en 2018? 

Choix de réponses : Tout-à-fait d’accord / Plutôt d’accord / Plutôt en désaccord / Tout-à-fait en désaccord / Pas d’opinion 

Quelle est la principale raison qui explique votre position? Veuillez écrire votre réponse ici : 

Quel est votre niveau d’accord ou de désaccord sur les éléments suivants à propos de la Loi contre la manipulation de l’information? Le 1 signifie «Totalement en désaccord»; le 5 «Totalement d’accord». 

Choisissez la réponse appropriée pour chaque élément : Elle contient des risques de censure. / Elle dédouble un encadrement légal déjà existant. / Elle ne concerne pas les journalistes. / Elle risque d’affecter mon travail durant la campagne. 

Avez-vous des commentaires à formuler sur le phénomène des fake news? Veuillez écrire votre réponse ici : 

(Les questions suivantes portaient sur le profil des répondantes et répondants : âge, genre, années d’expérience, secteur d’activité, etc.)

Annexe 2

Grille d’entretien

La présence de fake news dans l’espace public ou dans votre métier vous inquiète-telle? 

En quoi la France est-elle spécifiquement touchée? 

Quelle est votre perception de la Loi contre la manipulation de l’information?

De quelle manière cette loi a-t-elle modifié votre travail? 

Y aurait-il eu une autre façon de contrôler la désinformation?

Vous êtes-vous fait prendre par des fake news dans votre vie personnelle ? Dans le cadre de vos fonctions ?

Croyez-vous que les médias traditionnels (télévision, radio, presse écrite) constituent un bon rempart contre l’invasion des fake news ? Pourquoi ? 

Quelle est la meilleure façon de résister aux fake news ? 

Êtes-vous optimiste ou pessimiste au sujet des fake news en France? 

Auteurs

Mathieu-Robert Sauvé

Journaliste, auteur et chercheur, Mathieu-Robert Sauvé a remporté plusieurs prix de journalisme et d’écriture. En 2019, il a complété une maîtrise en communications à l’Université de Sherbrooke et il poursuit actuellement des études de doctorat à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est chargé de cours à l’Université de Montréal et reporter scientifique au Journal de Montréal. sauve.mathieu_robert@courrier.uqam.ca

Alexandre Coutant

Professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM. Il est responsable de l’axe « Pratiques informationnelles, publics et agir politique » du LabCMO et directeur de ComSanté. Ses travaux portent sur l’appropriation des techniques et les enjeux de confiance dans des environnements sociotechniques. Il s’intéresse aux pratiques informationnelles, à la prescription des usages et à la circulation de contenus sensibles
coutant.alexandre@uqam.ca