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Des « localiers » responsables de la diffusion de fausses informations ? Une défiance forte du politique.

18 Nov, 2023

Résumé

Comment est vu le rôle du journaliste par les candidats et les militants dans la lutte contre la circulation rapide et massive de fausses informations en campagne électorale ? Cette interrogation sur la perception du rôle des localiers dans la diffusion de « fake-news » s’est fait jour lors de la conduite de notre enquête empirique sur le cas de l’élection municipale à Angers en 2020. Il est rapidement ressorti des entretiens avec les militants un climat de crainte autour de l’usage des réseaux sociaux justifié par la peur des fausses informations et de leur diffusion généralisée, même par ceux qui sont censés lutter contre. Nous verrons que la défiance est forte entre candidats et journalistes :  les premiers accusant les seconds de participer à des campagnes de désinformation, en privilégiant le sensationnel et les polémiques à l’analyse. Ces accusations par le politique participent au dénigrement du métier de journaliste et interrogent sur les spécificités de la lutte contre les fausses informations dans l’espace local. 

Mots clés

Fake news, localiers, journalisme politique, campagne électorale, élection municipale, réseaux sociaux 

In English

Title

Journalists responsible for spreading fake news? A strong mistrust of politics.
The case of the municipal campaign of Angers in 2020

Resume

How is the role of the journalist seen by candidates and activists in the fight against the rapid and massive circulation of false information in the electoral campaign? This questioning of the perception of the role of journalists in the dissemination of “fake-news”came to light during the conduct of our empirical investigation into the case of the municipal election in Angers in 2020. It quickly emerged from the interviews with the activists a climate of fear around the use of social networks justified by the fear of fake news and its widespread dissemination, even by those who are supposed to fight against its spread. We will see that the mistrust is strong between candidates and journalists: the former accusing the latter of participating in disinformation campaigns, favoring sensationalism and controversy over analysis. These accusations by politicians contribute to the denigration of the profession of journalist and question the specificities of the local fight against fake news.

Keywords

Fake news, political journalism, electoral campaign, municipal election, social networks 

En Español

Título

¿Periodistas responsables de difundir información falsa? Una fuerte desconfianza hacia la política.

Resumen

¿Cómo es visto el papel del periodista por candidatos y activistas en la lucha contra la circulación rápida y masiva de información falsa en la campaña electoral? Este cuestionamiento de la percepción del papel de los periotistas en la difusión de «noticias falsas» salió a la luz durante la realización de nuestra investigación empírica sobre el caso de las elecciones municipales de Angers en 2020. Rápidamente surgió de las entrevistas con los activistas un clima de miedo en torno a el uso de las redes sociales justificado por el miedo a las fake news y su amplia difusión, incluso por parte de quienes se supone deben luchar contra su difusión. Veremos que la desconfianza es fuerte entre candidatos y periodistas: los primeros acusan a los segundos de participar en campañas de desinformación, favoreciendo el sensacionalismo y la polémica por encima del análisis. Estas acusaciones de los políticos contribuyen a la denigración de la profesión de periodista y cuestionan las especificidades de la lucha local contra la información falsa.

Palabras clave

Fake news, periodismo político, campaña electoral, elecciones municipales, redes sociales

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Théviot Anaïs, , « Des « localiers » responsables de la diffusion de fausses informations ? Une défiance forte du politique. », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°23/5, , p.69 à 85, consulté le samedi 27 avril 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2023/supplement-a/04-des-localiers-responsables-de-la-diffusion-de-fausses-informations-une-defiance-forte-du-politique/

Introduction

L’incitation à la numérisation de la campagne pour les élections municipales de 2020, afin d’assurer une certaine « distanciation sociale » dans le contexte de crise sanitaire, a conduit à la création rapide – ou du moins à la réactivation – de comptes de colistiers, mais aussi d’anonymes qui ont animé sur les réseaux sociaux ce temps électoral exceptionnel. En effet, le coût financier est quasi nul et cela ne nécessite pas une grande expertise dans le domaine du numérique pour créer un compte en ligne. Facebook Live, Instagram, YouTube et même TikTok : les candidats ont investi ces techniques pour communiquer avec leur électorat et les mobiliser. Certains ont même déclaré leur candidature en ligne au lieu de faire une conférence de presse ou d’envoyer un communiqué ; c’est le cas par exemple de Nadia Mezrar, tête de liste divers gauche à Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), devenue depuis maire, qui a annoncé sa candidature sur Facebook. Les comptes satiriques se sont aussi multipliés et ont diffusé « des actualités presque pas fausses », comme l’indique le compte Twitter « Le Angers à l’Ouest » qui commente et critique avec humour la campagne du maire sortant d’Angers. Les réseaux sociaux sont des espaces où l’internaute peut s’exprimer librement, sous couvert d’anonymat. Cette identité non dévoilée peut amener à s’exprimer de manière plus agressive ou à faire circuler des propos sans les avoir vérifiés. Des travaux ont par exemple montré que Twitter jouerait un rôle dans la production et la diffusion de fausses informations lors de situations de crise, tels que les attentats du marathon de Boston en 2013 (Starbird et al., 2014) ou encore lors de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice (Alloing et Vanderbiest, 2018). En campagne électorale, les réseaux sociaux sont aussi utilisés pour faire circuler des fausses informations, visant à dénigrer l’adversaire pour le décrédibiliser aux yeux de l’électorat (Theviot, 2020A). 

Les élections sont en effet des périodes particulièrement propices à la multiplication des « fausses nouvelles » (Bloch, 1999). En tant que « grave symptôme de délitement politique » (Mercier, 2018), les fausses informations en période de campagne électorale peuvent avoir des effets majeurs en influant sur les choix de vote des électeurs. Les journalistes politiques apparaissent alors comme des maillons de la lutte contre leur diffusion. Plusieurs travaux ont déjà été menés sur le rôle des journalistes nationaux pour contrer la circulation massive des fausses informations à travers l’analyse des pratiques de fact-checking (Nicey et Bigot, 2019 ; Bigot, 2019 ; Jaubert et Rivron, 2021), mais peu d’enquêtes se sont focalisées sur les localiers. Pourtant, la presse locale est la catégorie de presse quotidienne la plus lue en France et c’est aussi celle qui emploie le plus de journalistes (Amiel, 2019). C’est également au local que se jouent nombre d’élections (régionales, départementales, municipales) et les rumeurs circulent d’autant plus vite quand le récepteur se sent directement concerné, par un sentiment de « proximité » (Le Bart et Lefebvre, 2005). Mais ce régime du proche semble aussi ne pas pouvoir se combiner avec la critique des pouvoirs locaux et la mise en lumière des « fake » politiques, en lien avec les nombreux partenariats réalisés entre groupes de presse et institutions locales (Frisque, 2011) et la volonté de valoriser le territoire (Kaciaf et Talpin, 2016). Des enquêtes récentes ont montré que les relations entre journalistes et élus se reconfigurent au local au sens où les hommes et femmes politiques font de plus en plus corps, au-delà des barrières partisanes (Kaciaf, 2018), pour défendre le métier d’élu. Le journaliste politique au local n’est-il plus le maillon privilégié des candidats pour communiquer avec leurs électorats ? Les relations locales ont-elles perdu de leurs spécificités ? Comment est vu le rôle du localier par les candidats et les militants dans cette lutte contre la circulation rapide et massive de fausses informations en campagne électorale ? 

Cette interrogation sur la perception du rôle des localiers dans la diffusion de fausses informations s’est fait jour lors de la conduite de notre enquête empirique sur le cas de l’élection municipale à Angers 1 en 2020 2. L’élection municipale angevine ne réserve pas en 2020 un grand suspens : Christophe Béchu, maire sortant, est élu dès le premier tour, avec 57,82 % des voix, soit 17267 votes pour sa liste « Angers pour vous » (49 sièges obtenus sur 59 au conseil municipal). Il s’est présenté, sans étiquette ni investiture, mais avec le soutien des Républicains (LR) et de La République en Marche (LREM), avec une liste renouvelée de moitié par rapport à son précédent mandat. Cette victoire dès le premier tour d’un maire de centre droit a été facilitée par la désunion de la gauche locale. L’hypothèse d’une candidature unie derrière le député Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, avait alimenté certaines rumeurs durant l’été mais ne s’est pas concrétisée. Deux listes à gauche 3 et deux listes à l’extrême gauche 4 laissent alors un boulevard à Christophe Béchu, qui avait déjà réussi il y a six ans – alors sous l’étiquette LR – à faire basculer Angers à droite, après 37 années de socialisme. Ce n’est pas le « feuilleton » de cette élection qui nous intéressait alors, mais plutôt l’usage, par plusieurs listes, d’outils de micro-ciblage électoral au local, tel que l’application Pivot 5 sur iPhone, développée par l’ex-LiegeyMullerPons, devenu l’entreprise eXplain, afin d’indiquer aux militants les portes à cibler. En effet, l’orientation de notre enquête portait alors plutôt sur l’analyse de l’usage des outils de big data électoral par les candidats dans le cadre du projet ANR Mudata 6 . Il est rapidement ressorti des entretiens avec les militants un climat de crainte autour de l’usage des réseaux sociaux, justifié par la peur des « fake news » et leur diffusion généralisée, même par ceux qui sont censés lutter contre. Ces récurrences sur le thème de la diffusion des « fake news » au local nous ont amenés à développer une autre partie dans notre guide d’entretien autour de la construction d’une fausse information, des interactions avec le public, des effets de l’usage des réseaux sociaux sur l’écriture journalistique des localiers et sur les relations entre candidats et correspondants locaux.  

A l’échelle nationale, plusieurs travaux ont montré que les journalistes sont attaqués par les acteurs politiques notamment à l’extrême droite. Des militants décernent ainsi des « prix » aux journalistes qui « n’hésitent pas à mentir délibérément pour servir le politiquement correct » lors de cérémonies d’attribution des « Bobards de l’année » (Stéphan et Vauchez, 2021). Les militants d’extrême-droite construisent la légitimité de leur propos en accusant les journalistes de diffuser des informations considérées comme « monopolistiques et mensongères », d’où cet objectif de développer des médias en ligne de « réinformation » (Jammet et Guidi, 2017) pour produire une « contre-connaissance » ou counter-knowledge (Ylä-Anttila, 2018). Les journalistes tentent d’ailleurs d’alerter sur la montée en puissance des partisans d’extrême-droite en ligne qui jouent un rôle prégnant dans cette bataille de l’information (Albertini et Doucet, 2016). 

Notre enquête montre que ce processus de remise en cause et de dénigrement de l’information proposée par les journalistes professionnels touche aussi le local et s’étend à d’autres partis politiques quand les militants se trouvent confrontés à un article qui n’est pas favorable à l’élection de leur candidat. Toute information peut alors être qualifiée de « fake news », mot valise qui permet de disqualifier le propos et contribue, dans le même temps, à délégitimer le métier de journaliste politique. Dans cet article, il ne s’agit pas de dire qui a tort ou raison, de céder à la tentation d’affirmer qui détient la vérité et de jouer le rôle d’arbitre dans cette guerre de l’information en campagne électorale. L’ambition est bien plutôt d’analyser les spécificités de la relation entre journalistes et acteurs politiques dans ce contexte électoral et les enjeux stratégiques de l’emploi de l’expression « fake news », jouant sur les imaginaires associés et les flottements de définition. Il s’agit alors de saisir les processus de catégorisation et de (dé)légitimation mis en place par certains acteurs politiques qui veulent faire croire en leur vérité, en décrédibilisant le travail des journalistes. 

L’expression « fake news » apparaît hétérogène et polysémique (Tandoc et al., 2018). Dans la littérature académique, plusieurs chercheurs ont tenté de définir cette notion (Wardle et Derakhshan, 2017 ; Pinker, 2020). Florian Dauphin (2019), par exemple, distingue quatre types d’usage de la notion : un usage journalistique (professionnel), un usage du sens commun, un usage politique et un usage scientifique. Julien Giry (2020, p. 375) propose une définition des « fake news » que nous adoptons dans ce texte, en indiquant que, du côté de l’émetteur, elle « est sciemment conçue comme fausse, erronée ou fallacieuse afin d’emporter l’adhésion du récepteur ou du public. L’intentionnalité et le caractère délibéré de la tromperie ne font alors aucun doute ». Cette définition permet alors de distinguer les fausses nouvelles 7 des rumeurs ou des complots. Les rumeurs définies comme « des énoncés informatifs non vérifiés et pertinents par leur fonction qui apparaissent dans des contextes d’ambiguïté, de danger ou de menace potentielle, et qui aident à gérer le risque et à le comprendre » (Di Fonzo et Bordia, 2006, p. 23), ainsi que les complots (France, 2019), aussi nommés « formes de déviance informationnelle » ou « savoirs incertains » par Boullier, Kotras et Siles (2021) n’impliquent pas nécessairement une visée instrumentale, et apparaissent  « plus globales et hégémoniques lorsque les fake news sont circonstanciées et événementielles » (Giry, 2020, p. 382).  Même si elles en partagent la « dimension manipulatrice et la mobilisation d’affects, de stéréotypes symboliques et de cognitions » (Giry, 2020, p. 383), les fausses nouvelles se différencient aussi de la propagande dans la mesure où celle-ci ne requiert pas de faire nécessairement appel à la fabrication délibérée du faux. Elle est également, en un sens, plus ambitieuse que les fausses nouvelles, dans la mesure où elle a pour but d’agir sur les mentalités pour réformer la société en profondeur. Enfin, les fausses nouvelles seraient différentes de la désinformation qui vise à transformer l’information initiale, à la reconfigurer, la (re/dé)contextualiser pour lui donner un nouveau sens (Durandin, 1993). 

Notre analyse s’appuie sur des entretiens réalisés avec les colistiers et les militants, mais aussi avec les journalistes politiques locaux afin de donner une densité sociologique à l’analyse de la diffusion des informations qualifiées de « fake-news » par les enquêtés.  L’idée est de retracer les trajectoires des personnes engagées au local, de saisir ce qui les a amenées à se présenter à une élection ou à militer, de retracer le parcours des journalistes, de documenter leur attrait pour cette profession et de détailler les reconfigurations ressenties notamment avec l’arrivée du numérique et leurs perceptions du travail au local. Nous avons ainsi réalisé trente-deux entretiens semi-directifs auprès des candidats et militants des quatre principales listes en présence 8. Les entretiens se sont déroulés à la fois en présentiel de janvier à mars 2020, puis en distanciel de mars à mai 2020 (par téléphone ou par système de visio). L’enquête s’appuie également sur l’analyse de vingt-deux entretiens semi-directifs avec des journalistes politiques de presse quotidienne régionale (PQR) de l’Ouest de la France (Courrier de l’Ouest, La Nouvelle République, Le Télégramme, Ouest-France, Presse Océan, Sud -Ouest), mais aussi auprès de journalistes d’un pure player local (Mediacités). Cette enquête qualitative a été réalisée dans le cadre d’un projet de recherche sur la plateformisation du journalisme local, mené avec Sandra Mellot (Mellot et Theviot, 2019, 2021).  Dans le cas de la ville d’Angers, nous mobilisons notamment les entretiens effectués avec les membres des deux principaux médias locaux de ce territoire : Ouest France et Le Courrier de l’Ouest. Ce dernier est un quotidien régional français dont le siège se trouve justement à Angers et est distribué à près de 80 000 exemplaires par jour, dans les départements de Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres, à travers cinq éditions. Ce journal est « très segmenté » 9 avec des pages consacrées au national (communes à toutes les éditions), puis des pages départementales et enfin des pages dédiées à l’actualité par ville « qui sont très lues au moment des municipales » 10. Comme le soulignent Pauline Amiel et Franck Bousquet (2021, p.4), une des caractéristiques de la presse locale est de produire « une information qui va de l’international au service de microproximité ». Le Courrier de l’Ouest investit aussi son « rôle politique idéal-typique d’animation du débat local » (Amiel et Bousquet, 2022, p. 84), en organisant et animant un débat de deux heures avec les candidats déclarés aux élections municipales d’Angers, en amont du premier tour (le 10 mars 2020), en partenariat avec RCF Anjou. Quant à Ouest-France, il s’agit du premier quotidien français depuis 1975 11, avec en 2003, « une diffusion journalière actuelle d’environ 800 000 exemplaires : le journal compte ainsi plus de lecteurs que Le Monde et Le Figaro réunis » (Courcelle, 2003, p.130). En 2020, le journal papier se vend un peu moins avec 626 000 exemplaires diffusés chaque jour (source ACPM OJD), mais des versions numériques en forte progression (avec + 45 % comparé à 2019). Le journal papier reste encore indétrônable avec 88,4 % de versions papier et 11,6 % de versions numériques. Toutefois, si l’on en croit ce journaliste politique du Courrier de l’Ouest, ce serait son journal qui serait le plus lu à Angers : « On est les meilleurs en taux de pénétration, en taux de couverture géographique, en taux d’abonnement, etc. Pour vous donner une idée sur la presse papier en Maine et Loire, on vend 7 Courrier de l’Ouest pour 3 Ouest-France, sur 10 journaux vendus » 12.

Notre article s’attache tout d’abord à analyser le climat de crainte qui émane de la diffusion de rumeurs ou fausses informations en ligne (1). Cette première partie permet de contextualiser et de rendre compte de la tonalité de la campagne des municipales à Angers qui a conduit certains colistiers et militants à se défendre d’accusations en qualifiant toute information polémique ou qui déplait de « fausse information » (2) ou en accusant les journalistes d’être responsables de cette diffusion de « fake news » ou pour le dire autrement de « mésinformation » (3).

Des réseaux sociaux qui font peur aux candidats et aux militants : agressivité et circulation rapide de fausses informations

L’analyse des entretiens effectués avec les militants angevins montre bien que le caractère instantané des réseaux sociaux, non totalement contrôlables, fait encore peur. La circulation rapide de rumeurs (dans le cas des rumeurs, il est difficile d’identifier la source et elles circulent alors sans stratégie explicite de ceux qui contribuent à les diffuser) est régulièrement évoquée par les candidats : « Ça fait du mal, ça fait du mal à la démocratie parce qu’il y a des gens, si tu veux, qui sont éduqués pour ça : ceux qui s’intéressent à la politique peuvent dissocier le vrai du faux, mais pas forcément tout le monde. Il y a beaucoup de rumeurs qui disent : ‘oui, il a fait ci, elle a fait ça’. Et ils y croient » 13
. La réception de ces rumeurs par les futurs électeurs interrogent les candidats qui craignent de perdre des voix : « On peut balancer n’importe quelles « fake news » et les gens vont se l’approprier. Et comme ils sont dans la mauvaise rue, ils ne vont pas se remettre en question, ils vont plus vouloir faire l’effort de rechercher la vérité, ça va être leur vérité. Donc ça peut être vraiment une bombe à retardement » 14. Les termes « fake-news » ou « rumeurs » sont utilisés par les enquêtés sans distinction. La définition de ces mots n’est pas un enjeu pour les enquêtés : ils y associent de la crainte et l’impression d’être dépassés par l’effet boule de neige, perçu comme exponentiel en ligne. Leur diffusion en ligne inquiète d’autant plus les candidats qu’ils ont l’impression d’être vite dépassés par la vitesse de circulation. C’est souvent aussi le nombre de partages qui les alerte car celui-ci est quantifié et peut paraître très important au regard du nombre d’habitants de la zone électorale concernée par le vote. 

Les fausses informations, c’est super grave, ça a toujours existé et ça s’est amplifié, ça se dynamise énormément avec le numérique, ça c’est clair. Le problème d’une fausse information c’est que tu mets une minute, … une fausse information t’as le contexte, tu l’as mis dans un cadre qui fait que ça plait, ça attire, c’est tellement gros que ça plait et que ça se diffuse facilement. Tu mets une minute à diffuser une fausse information et tu mets 10 minutes à la contredire, une personne par une personne. Donc oui, il y a des fausses informations, on ne va pas se le cacher à l’échelle municipale là. 15

Plusieurs travaux ont étudié la vitesse et la quantité des partages des fausses informations en ligne (Vosoughi, Roy et Aral, 2018). L’enquête Algopol a ainsi identifié le profil de « partageur » qui se caractérise par « une activité presque exclusivement orientée vers le partage de liens, de statuts ou de photos édités par d’autres » (Bastard et al., 2017). C’est notamment par ces outils de partage qu’il est possible de propager un message au-delà des cercles partisans et de faire gonfler une rumeur en ligne. Toutefois, les nombres de partage ou de « like » ne sont pas représentatifs d’un effet de masse ; d’autant plus qu’ils sont manipulables (Grinberg et al., 2019, Alloing et Vanderbeist, 2018). Des milliers de partages sur Facebook ou de retweets ne signifient pas que des milliers de personnes considèrent cette information comme « vraie » (Allcott et Gentzkow, 2017). Mais une rumeur négative, même si elle n’est pas largement partagée, peut venir freiner une dynamique de campagne et l’enthousiasme des militants. Il peut donc y avoir des effets non sur le public en général – ici les électeurs, mais sur les forces militantes elles-mêmes. 

La méfiance des candidats envers les réseaux sociaux les amène à « nettoyer » leur profil pour ne pas laisser d’éléments qui pourraient faire l’objet de polémique et avoir ainsi une identité numérique « propre ».

Il n’y a pas de filtre, ce sont des nouveaux médias sans filtre, ni régulateur. Alors forcément, il y a une certaine méfiance, comme il y avait avant à l’égard du journalisme. (…) Avant d’accepter mon rôle dans la liste, j’ai « relu » ma vie. On se protège beaucoup. A la permanence, les jeunes ayant été recrutés pour cela, ont passé tout notre fil Twitter en revue…  16

Avec la démocratisation des réseaux sociaux, la séparation entre espace public et espace privé s’avère plus ténue. Les représentants politiques sont aussi attaqués sur leur vie privée et ils se doivent d’être exemplaires dans tous les domaines : « Après t’en as qui vont dire :  ’je vous ai vu. J’ai vu votre candidat à Mac Do prendre un big mac, qu’est-ce que vous me parlez d’écologie ?’ ça n’alimente pas un débat politique sain de dire des choses comme ça. Donc il y a des choses comme ça, il y a des « fake news » oui » 17. L’affaire Griveaux 18 a marqué les esprits et est citée par plusieurs colistiers interrogés, comme le symptôme d’un dévoilement trop fort de l’intime dans le champ politique. 

L’inconvénient, c’est qu’il y a aussi beaucoup de « fake news », il n’y a plus de filtre de l’information et donc tout et n’importe quoi peut être dit. (…) Quand on n’est pas d’accord avec un politicien, on ne fait plus la différence entre ce qu’il représente politiquement et ce qu’il est personnellement : sa famille, sa vie privée, son histoire. Et c’est ce qui me dérange avec le développement d’Internet. On a vu Benjamin Griveaux, je n’accepte pas qu’on puisse l’attaquer sur sa vie intime et publier des vidéos de lui comme ça. Il n’y a plus cette différence aujourd’hui, il n’y a plus cette distance, donc voilà c’est le défaut de la progression des réseaux sociaux. 19

Les colistiers, tout comme les militants, ont le sentiment que, sur les réseaux sociaux, la campagne électorale est beaucoup plus agressive que sur le terrain hors ligne. Cette différence de tonalité entre le militantisme en ligne et le militantisme hors ligne est revenue très régulièrement dans les propos tenus par les candidats de la liste du maire sortant à Angers qui se sont sentis attaqués, notamment sur le bilan de leur tête de liste. 

Je dois vous avouer que j’ai été choqué par l’agressivité sur Twitter ou sur Facebook. Mais ceci dit, lorsque l’on est en réunion publique, lorsqu’on va dans les quartiers, (…) les choses se passent bien, il n’y a pas cette agressivité, ou si l’agressivité a lieu, elle se calme tout de suite parce qu’elle trouve, au travers de la parole, quelque chose qui va bien. Et puis, il n’y a pas cette espèce d’anonymisation, d’un compte anonyme. Là, vous êtes en face à face, vous êtes en one to one. Les choses se font de manière beaucoup plus citoyenne que sur le net 20.

Les insultes et les provocations sont ainsi habituelles sur les réseaux sociaux. Plusieurs militants très actifs en ligne ont indiqué se sentir harcelés et avoir bloqué plusieurs comptes souvent anonymes, considérés comme des « trolls », qui ne faisaient que les attaquer en ligne sur leurs publications politiques, voire personnelles. 

Qualifier de « fausse information » toute information polémique ou qui déplait

Le flottement autour du terme de « fake news » amène certains candidats et militants interrogés dans le cadre de la campagne municipale angevine de 2020 à qualifier toute polémique de « fake news ». Par exemple, la liste « Aimer Angers » a été critiquée car elle n’a pas mis en avant le logo du PS alors que plusieurs membres de cette liste y étaient adhérents – si bien que ces derniers ont été accusés en ligne de ne plus assumer leur attachement partisan. Cette critique incisive est alors qualifiée de « fake news » par un colistier socialiste qui déclare totalement assumer son adhésion au PS et ne pas s’en cacher. Il y a bien une volonté d’induire en erreur et de décrédibiliser l’adversaire, mais peut-on réellement qualifier cela de fausse information ? Il ne s’agit pas de fait, mais d’un ressenti. Il y a des enjeux d’image et de réputation forts.

Voilà une fausse information, c’était sur… pas que sur moi… c’était un peu plus global sur les membres du PS qui est sortie comme quoi on ne voulait pas se montrer sur la liste « Aimer Angers ». Donc en cachant les logos des partis et n’importe quoi en fait parce que l’objectif, c’est d’éviter que les partis soient trop présents. Mais quand ils passent, ils s’arrêtent en disant : ‘Ah nan, c’est le PS. Ils veulent se cacher parce qu’ils ont honte d’eux.’ ‘Nan, nan, on a pas honte hein!’. Il faut les laisser circuler hein, elles peuvent circuler quelques temps et quand on se rendra compte que bah c’est pas vrai, elles circuleront plus. 21

Une autre affaire a secoué la campagne angevine : Le Courrier de l’Ouest 22 a révélé le 3 mars que le numéro 15 de la liste « Angers Écologique et Solidaire » (assistant d’éducation de 23 ans et adhérent au PCF) aurait été poursuivi pour agression sexuelle sur une jeune militante communiste, lors des Universités d’été du parti en 2017 et en 2018, de même qu’à la fête de l’Humanité en 2018. Puis le 4 mars 2020, c’est le 35e colistier, lui aussi adhérent aux Jeunesses Communistes, qui est accusé de viol sur une autre jeune militante communiste. Selon le communiqué de presse de la liste, l’information est cette fois parvenue par les canaux universitaires 23. Tous deux nient les accusations 24. Lors de l’annonce par le journal local de cette accusation d’agression sexuelle, la tête de liste d’Angers écologique et solidaire, a tenté de défendre le premier accusé en dénonçant un règlement de compte politique et une rumeur non étayée par une plainte judiciaire. Il a ainsi déclaré : « Moi aussi, je peux dénoncer n’importe qui, dire par exemple que M. Béchu m’a agressé sexuellement ». Nommer ainsi une autre tête de liste angevine – en l’occurrence le maire sortant – a amené la liste « Angers avec vous » à réagir dans un communiqué de presse et a demandé des excuses publiques de la tête de liste pour ses propos. Les militants d’EELV interrogés sont apparus très embarrassés :

Alors vous allez en entendre parler de ça, ça c’est de la gestion de crise. Là, clairement, panique à bord (rires). Il y a plusieurs communiqués de presse qui sont partis, les deux garçons incriminés ont été écartés, mais ça, ça a été fait après le dépôt de la liste, alors ça rend les choses un peu compliquées. Mais c’est vrai que, ça, pour le coup, ça déstabilise les troupes, ça installe de la suspicion, ça décrédibilise… (…) Donc ça devient compliqué et avec les réseaux sociaux, ça devient, ça amplifie. On sait jamais jusqu’où ça peut aller ces affaires-là. 25

Sur Facebook, un militant PCF soutient ses camarades masculins en dénonçant la « folie » des fake news dans cette campagne pour casser le parti et la facilité de lancer des rumeurs pour entacher une candidature : « Il faut arrêter avec cette folie ! j’ai 80 ans et j’ai été abusé sexuellement à 15 ans. VRAI ou FAUX!!! ». 26

Les accusations d’agressions sexuelles publiées dans un journal local ont conduit à des relations complexes et de méfiance entre journalistes et candidats de cette liste : « il y a eu des soucis, enfin, avec les journalistes, ça a été un peu tendu à ce moment-là. Parce que tout de suite les journalistes forcément, ils veulent chercher, ils aiment bien ce genre de trucs, quoi » 27. Dans le discours des colistiers des listes angevines, se retrouve ce discours de méfiance envers les journalistes et certains considèrent même qu’ils joueraient un rôle dans la circulation d’éventuelles fausses informations, en les publicisant. 

Les journalistes, perçus par les militants comme responsables de la diffusion de fausses informations

Lors des entretiens avec les militants et les candidats, après le discours de façade portant sur l’entente cordiale avec les journalistes locaux, la plupart émettent des réserves sur leur rôle pour informer les électeurs sur la campagne électorale – en considérant qu’ils sont bien souvent partisans, qu’ils veulent faire de l’audience et qu’ils privilégient le sensationnel et les polémiques à l’analyse. 

Après, oui, il y a un biais politique qui nous a même été confirmé par des journalistes que, voilà, les organes de presse choisissaient leur camp et pas forcément pour des raisons idéologiques, mais ils choisissaient un peu la manière dont ils allaient présenter les choses voilà, pour faire le buzz, faire… nourrir un certain nombre de polémiques et qu’en gros, il fallait faire parler de soi en acceptant de polémiquer, enfin voilà. (…) Mais, en gros, plus on dit de conneries, plus on est relayé. Moi, je trouve ça assez hallucinant. 28

Les journalistes pris à parti par les militants sont souvent accusés de répondre plutôt à des enjeux économiques, de faire du buzz pour vendre et attirer le lecteur au lieu de prendre le temps de faire une enquête sérieuse. Colette Brin, Jean Charron et Jean de Bonville (2004) ont déjà identifié cette tendance à un « journalisme de communication » : le « bon » journaliste serait désormais celui qui retient l’attention de son public et qui fait vendre.  Les candidats interrogés ont souvent évoqué la désinformation possible via des titres considérés comme racoleurs qui ne retranscrivent pas le contenu de l’article, mais sont juste faits pour vendre le journal. Les enquêtés assimilent alors diffusion de fausses informations, désinformation et mésinformation 29. Ils considèrent que la qualité du journalisme 30 local baisse, empêtré dans des enjeux économiques et le « tout numérique » qui amène une nouvelle temporalité ne permettant pas autant de vérifications des faits qu’auparavant. 

Moi, les journalistes locaux, c’est pas ma tasse de thé. Mon père qui lisait le Courrier de l’Ouest l’appelait le « bourrier de l’Ouest ». En plus, la presse locale n’était pas favorable à Béchu. Ils ne sont pas du tout apolitiques. Je trouve qu’ils le devraient… au moins être honnêtes ! Localement, ça porte à caution quelques fois. Si tu vois un gros titre disant qu’Angers n’a rien fait pour les logements étudiants ou si t’es mal logé et qu’on dit que Béchu ne construit pas de logements sociaux. Si tu ne sais pas ce qu’il a fait, tu lis que ça… tu y crois, c’est comme des fausses informations. Et le plus dangereux, c’est si tu ne lis pas le journal et que c’est juste la Une que tu vois dans la rue, cela peut être très orienté. 31

Il est vrai que la PQR a dû s’insérer dans la « voie rapide du digital » (Greenberg, 2012) et aller vers la plateformisation de ses contenus en ligne, de plus en plus axés sur le visuel et centrés sur des enjeux de marketing (Mellot et Theviot, 2019) et cette situation a pu avoir des conséquences sur leur temps disponible pour enquêter par exemple.  Les journalistes locaux ont dû se former, modifier leur style d’écriture – autrefois dédié au papier – pour l’adapter à des supports numérisés et au système du « clic ». Il s’agit d’attirer l’internaute par un intitulé et par une image diffusés sur les réseaux sociaux afin de faire la « promotion » d’un article et de pousser ainsi à cliquer sur le lien renvoyant vers le site du journal. Les journalistes eux-mêmes sont bien conscients de cette pression économique (Cagé, 2015), du « web first » et ils la récusent. 

« Il faut qu›on soit, nous aussi, très rapide. Alors qu›avant, si on prend un journaliste de la presse écrite comme je suis, j›écris aujourd›hui pour demain ou après-demain. Donc j›avais jusqu›à minuit et demi ou une heure du matin pour écrire mon papier pour appeler des gens, pour vérifier, pour contrôler. Ça marchait facilement. Mais aujourd›hui, j›écris pour que dans deux minutes, je sois sur Internet. Et là, j›ai… Si je devais être le premier, j›ai plus le temps de vérifier. Et c›est le gros problème de notre profession. » 32

Certains militants considèrent que le supposé attrait des journalistes pour le sensationnel – ou tout du moins la pression au scoop – les amène à produire une forme de « désinformation » ou plutôt de « mésinformation » et à faire circuler des informations non vérifiées. Cet argumentaire se retrouve assez fortement chez les militants de la France Insoumise et ceux de la liste du maire-sortant. Ces derniers ont été marqués par des accusations de plagiat du numéro 2 de la liste qui a alors été contraint de poser sa démission en janvier 2020. Dans ce même mois, c’est aussi le numéro 2 de la liste « Angers citoyenne et populaire » portée par des militants de la France Insoumise qui est décrit par le journaliste politique du Courrier de l’Ouest 33, comme un « agitateur » qui selon les dires de plusieurs personnes interrogées dans l’article, exercerait une mauvaise influence dans les quartiers populaires d’Angers. Ce portrait est qualifié de « nauséabond » dans le communiqué de presse de la liste « Angers citoyenne et populaire » : « Nous, membres du collectif Angers Citoyenne et Populaire, sommes outrés et sidérés des calomnies et graves accusations parues dans le Courrier de l’Ouest (…) Elles <ces accusations> sont relayées sans preuve par le Courrier de l’Ouest. » 34 Le travail du journaliste politique qui suit la campagne angevine pour ce journal est ainsi totalement dénigré car il est accusé de ne pas faire son travail d’investigation et de relayer des insinuations sans preuve. 

Le numéro 2, le second de la liste a été victime de fausses informations avec le Courrier de l’Ouest (…) Il y a des choses totalement erronées, des mensonges complets qui ont été – ou en effet des ‘qu’en dira-t-on’ enfin des choses ‘on a dit que’ voilà. Mais sinon, après, ça s’est calmé 35.

Ce journaliste politique local a pourtant mis en avant son objectif de laisser la parole à la pluralité des discours. En effet, dans l’introduction de l’article, il indique avoir essayé d’interroger le colistier dont il faisait le portrait : « À force d’entendre les fantasmes qu’il véhicule et l’influence néfaste qu’il exercerait à la Roseraie, l’idée de faire son portrait s’est imposée. On a donc essayé de le rencontrer en tête à tête, par deux fois. Deux rendez-vous manqués. On aurait pourtant bien aimé vous raconter un peu Daniel Blanchard par lui-même, équilibrer le portrait peu flatteur que les autres dressent de lui. ». Les partisans du collectif « Angers, citoyenne et solidaire » ont finalement obtenu un droit de réponse : 

L’avocat nous a dit : « il y a diffamation. Vous dites que c’est euh quelqu’un de banlieue de racaille de machin etc… voilà vous n’apportez aucune preuve, c’est de la diffamation envers mon client ». Donc là, on a été obligé de dire : « oui, d’accord, vous avez raison ». C’est pas nous qui le disons nous-mêmes, c’est la direction puisque … Au final, on a accepté un droit de réponse, c’est très précis un droit de réponse. On a accepté un droit de réponse qui soit d’égale grandeur dans le journal, donc eux ils se sont exprimés, ils nous ont filé la copie. 36

Les localiers interrogés insistent sur ce qui serait « la base » de leur métier qui reste leur fil conducteur : « la mise en perspective », le travail d’enquêteur et d’investigateur. Il n’y aurait pas, selon le chef de rédaction du journal Sud-Ouest, de nouveau genre journalistique dédié à la vérification qui aurait été activé par la diffusion accrue de « fake news » en ligne. Pour lui, il s’agit juste d’une des missions premières du journaliste : 

Le fact-checking, c’est un mot qui ne veut rien dire. Derrière fact-checking, c’est ce que tu fais toujours. Tu vas à un conseil municipal, le mec, il balance : ‘ouais, on a augmenté de 15%’ Et toi, ton rôle, tu mets en perspective, le fact-checking c’est la base du travail journalistique, c’est de mettre en perspective. 37

Sur le plan local, les enquêtés mettent en avant leur volonté de se dégager des nouvelles normes journalistiques développées à l’échelle nationale avec la multiplication de services spécialisés dans la vérification des faits ou le journalisme de données 38. La spécificité du local est revendiquée par les journalistes de PQR qui réaffirment leur position. Certains localiers considèrent qu’ils subissent une certaine vision du journalisme de PQN qui dessert leur image : 

Le public ne fait pas la différence entre un journaliste d’un média national important et d’un média local. Prenons Canal Plus : Lagardère machin, Lagardère copain de Sarkozy machin. Donc les gens entre autres, depuis plus d’un an, les gilets jaunes, disent : ‘bah voilà, la conclusion. Il y a un grand patron presse qui a pour copain machin président de la République. De toute façon, l’été, on les voit, ils sont sur le même bateau, le yacht machin. Donc les journalistes, on leur dit quoi écrire !’ 39

Les localiers insistent sur la nécessité d’informer sur leur métier et de faire de l’éducation aux médias pour donner des clés au grand public – et notamment aux plus jeunes – afin de distinguer une information vérifiée d’une fausse information. Les localiers sont bien conscients qu’ils doivent désormais convaincre leurs lecteurs de la qualité de leur travail. En somme, ils ne sont plus considérés comme détenant la « vraie » information : « de plus en plus, on est obligés de répondre à des informations que les citoyens nous renvoient par les réseaux sociaux, en disant : ‘vous vous trompez, la vérité c’est ça !’ » 40. Le métier évolue vers plus d’interactions avec les lecteurs qui interpellent directement le journaliste sur son compte Twitter. Lorsqu’on interroge les localiers sur les reconfigurations de leur métier, ils évoquent systématiquement l’arrivée des réseaux sociaux qui les a amenés à des conversations avec le public et à devoir produire rapidement du contenu qui est mis au même niveau, par certains internautes, que le tweet d’un citoyen lambda. 

Avec l’arrivée des réseaux sociaux, les gens ne font pas la différence entre une information et ce qu’on appelle aussi « fake news » aujourd’hui. Ma grand-mère disait : « ah, c’est écrit dans le journal donc c’est vrai ». Et on pouvait se dire à 90 ou 95 %, c’est vrai. Parce qu’avant de donner l’info, on la recoupe, on vérifie, on s’assure que ce que l’on va dire est vrai sur les réseaux sociaux où on voit de tout et n’importe quoi. Et aujourd’hui tout le monde devient journaliste 41

Les localiers considèrent ainsi prendre de plein fouet le « tous journalistes » et ses effets sur la « consommation » de l’information : « ça se base aussi sur le complotisme, l’attirance qu’ont les gens envers des sites, des blogs radicaux qui ont véhiculé des fausses informations et là, nous on est confrontés aux effets néfastes d’une société numérique où tout se diffuse à une vitesse grand V. On en est aussi victimes » 42. Ils se sentent alors fragilisés dans leur mission et remettent parfois en question même leur vocation pour ce métier.

Conclusion

Le climat de tensions entre journaliste et acteur politique n’est pas neuf. Plusieurs travaux ont déjà étudié cette relation particulière, travaillée à la fois par la connivence, la méfiance et la distanciation, que ce soit au local (Le Bohec, 1994 ; Frisque, 2010 ; Kaciaf, 2020) ou au national (Lévêque et Ruellan, 2010 ; Leteinturier, 2014 ; Daucé, 2017). La présidence de Donald Trump, marquée par des attaques violentes envers les journalistes – les tenant comme responsables de propos mensongers à son encontre 43 et les considérant alors comme « ennemis du peuple américain » 44 -, a ouvert la voie à la critique de cette profession par les acteurs politiques eux-mêmes qui ne s’y risquaient guère dans l’espace public, exceptés aux extrêmes (Major, 2012). Sur la scène internationale, les journalistes subissent des processus de disqualification de plus en plus récurrents. 

Cet article montre que l’espace local n’échappe pas au dénigrement du travail journalistique par les militants et par les femmes et hommes politiques, en jouant notamment sur les flottements des définitions des termes-valises de « fake news », désinformation, rumeurs et mésinformation, utilisés par les enquêtés (et notamment les militants) sans distinction. Les relations locales ont perdu une partie de leurs spécificités. On aurait pu estimer que localement, dans des relations marquées par la proximité, il y aurait plus de retenue (Kaciaf, 2018). Mais les discours militants, en période de campagne électorale – ce temps exceptionnel où tout est exacerbé – sont vite incisifs, surtout quand des controverses se diffusent auprès des électeurs par la publication d’un article et ne sont plus confinées à l’entre-soi du champ politique. Plusieurs militants ont accusé les localiers de participer au jeu des rumeurs pour vendre leurs journaux, comme cela pouvait exister sous l’Ancien Régime avec les « canards » 45. Ces journalistes ou correspondants locaux qui vivent sur le territoire dans lequel ils écrivent ne sont plus « protégés » par le lien de proximité ni par les relations privilégiées entretenues avec leurs sources. La situation médiatique locale a changé, elle est marquée aussi par ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Les candidats ne prennent plus un café avec le localier pour discuter avec lui directement de son article, mais réagissent sur le vif, sous le coup de l’émotion ou d’un point de vue plus stratégique, pour faire le buzz en ligne. Les candidats ne sont plus uniquement dépendants des journalistes pour diffuser leur point de vue. Ils peuvent s’adresser et interagir avec leur public, leurs sympathisants notamment et plus largement leurs électeurs, directement en ligne. Les localiers aussi sont désormais amenés à interagir avec leurs lecteurs sur les réseaux sociaux, notamment pour répondre aux critiques sur les accusations de diffusion de « fausses informations » par les internautes. Les localiers ne se voient pas pourtant comme des fact-checkeurs et cherchent souvent à se démarquer de ces notions (fact-checking, post-vérité, intox, etc.) que certains journalistes « de province » qualifient de champ lexical à la mode, marqué du sceau du « parisianisme ».  D’une position à distance du public par le passé, se refusant même de répondre aux commentaires déposés à la fin des articles en ligne, ils sont désormais poussés par leur direction à entrer dans cette proximité numérique pour défendre leurs articles, insérés dans une économie du clic. Leur position symbolique s’en trouve diminuée, au sens où ils occupent « un rôle de moins en moins différenciable de tous les autres acteurs qui interagissent sur les réseaux » (Amiel et Bousquet, 2022, p. 89). Ils sont alors plus facilement mis en cause, critiqués par les internautes, suivant la ligne de conduite donnée par les candidats, qui ne se retiennent plus de dénigrer le travail journalistique, que ce soit sur le plan national ou sur le plan local, en lui adossant le terme de « fake ».  

La question de « qui produit l’information » est centrale : des journalistes localiers, des correspondants locaux de presse, des stagiaires en charge du suivi d’un village 46, des twittos ou des blogueurs qui proposent des éclairages sur l’actualité politique locale en ligne (le compte Twitter « Le Angers à l’Ouest » par exemple), des candidats eux-mêmes qui publient de plus en plus sur les réseaux sociaux pour promouvoir leur programme et rendre visible « leur vérité », les militants qui créent, relaient et diffusent des publications en ligne. Les producteurs de contenu sont de plus en plus nombreux et ce qu’ils donnent à lire est soumis à des rapports de forces constants et à des luttes de concurrence. Chacun est guidé par un objectif distinct : relater les faits, être lu, être élu, vendre plus, devenir un « influenceur », etc.  

Bien que désormais prégnants dans la communication des candidats pour s’adresser directement aux électeurs sans l’intermédiaire de journaliste, les réseaux sociaux font encore peur. Les militants cherchent à éviter la diffusion d’un scandale en ligne qui viendrait entacher l’image du candidat ou des colistiers. Ils qualifient toute information qui déplait de « fake news » pour discréditer son contenu et la disqualifier aux yeux des électeurs, mais aussi et surtout de leurs sympathisants. Ils reprochent alors aux journalistes de se faire le relais de ces informations qu’ils considèrent comme fausses. Il y a bien ici un usage stratégique du terme de « fake news » par les militants pour refuser ou critiquer toute information non conforme à leurs attentes afin de gagner l’élection. Les rumeurs font peur aux acteurs politiques, mais les « fake news » sont devenues un terme valise – associé au format numérique et imprégné d’imaginaires – facile à utiliser pour regagner la confiance des sympathisants, en indiquant en être victime. 

Notes

[1] Angers, avec ses 156 000 habitants environ, est une ville attractive de l’Ouest de la France, préfecture du Maine-et-Loire, dans la région Pays de la Loire.

[2] Notre enquête s’est centrée dans la ville dans laquelle nous enseignons par souci pratique mais aussi parce qu’elle répondait à notre envie d’étudier l’usage du numérique au local. Nous remercions d’ailleurs plusieurs de nos étudiants de la licence de sciences de l’information et de la communication de l’Université catholique de l’Ouest qui ont réalisé des entretiens ou qui nous ont permis d’entrer en contact avec de nombreux colistiers car notre réseau politique local était alors assez faible – notre lieu de résidence n’étant pas à Angers.

[3] Silvia Camara-Tombini (PS) et Stéphane Lefloch (ex-EELV) sont à la tête de la liste « Aimer Angers » tandis que Yves Aurégan (EELV) conduit une autre liste de gauche, « Angers écologique et solidaire », incluant des membres de quatre partis politiques : Europe Ecologie Les Verts (EELV), Générations, Nouvel Élan et le Parti communiste français (PCF).

[4] L’extrême-gauche se compose de deux listes différentes : « Angers citoyenne et populaire » (LFI, Gauche républicaine et socialiste, Parti animaliste), et « Lutte ouvrière » (LO). L’extrême-droite est représentée par la liste « Choisir Angers ».

[5] Il s’agit d’un modèle statistique qui cible en priorité les bureaux de vote pouvant faire basculer l’élection : « Ce logiciel nous permet de dire, en fonction de ton bureau de vote, dans tel endroit, les gens ont majoritairement voté aux élections présidentielles pour Emmanuel Macron et aux élections européennes, ils n’ont pas revoté pour Emmanuel Macron, donc ils sont déçus. Donc ceux-là, c’est notre électorat cible ». Candidat sur la liste « Angers Écologique et Solidaire » en 17e position (25 ans étudiant en Master 2 à l’Université catholique de l’ouest, adhérent chez Génération).

[6] Ce projet interroge la professionnalisation des travailleurs politiques de la donnée, en portant le regard sur les prestataires et leurs effets sur la communication politique et ses espaces professionnels.

[7] Dans cet article, « fausses nouvelles » est employé comme synonyme de « fake news », au sens d’une information intentionnellement fausse.

[8] Nous avons interrogé les candidats et militants des listes suivantes : « Aimer Angers » (revendiquant 66% de personnes issues de la société civile et avec la participation de membres du Parti socialiste , de Place publique et du Parti radical de gauche – avec un score de 16,80 % au premier tour) ; « Angers citoyenne et populaire » (composé de militants de la France Insoumise et de la Gauche républicains et socialiste, ainsi que du parti animaliste et de colistiers issus de la société civile ; 5,12 % des voix au premier tour) ; « Angers écologique et solidaire » (composé notamment de militants d’Europe Ecologie les Verts , de Générations, du Parti Communiste français et de Nouvel Elan – parti local dissident du Parti Socialiste ; 14,08 % des voix au premier tour) ; « Angers pour vous » (liste du maire sortant Christophe Béchu, classé divers droite ; gagnant avec 57, 82 % des voix dès le premier tour). Les colistiers de deux listes n’ont pas été interrogés : « Choisir Angers » (Affilié au Rassemblement national ; 4,76 % des voix) et « Lutte ouvrière – Faire entendre le camp des travailleurs » (1,40 % des voix au premier tour).

[9] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[10] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[11] Pour en savoir plus sur l’histoire de ce journal, se référer à l’ouvrage de Guy Delorme (2004).

[12] Ibid.

[13] Candidat en 18e position sur la liste « Aimer Angers » (22 ans, Étudiant en lettres modernes). Entretien du 18 février 2020.

[14] Colistier en 15e position sur la liste du maire sortant Christophe Béchu, « Angers pour vous » à Angers (27 ans, sans profession, responsable LREM pour le département depuis octobre 2017). Entretien du 24 février 2020.

[15] Candidat sur la liste « Angers Écologique et Solidaire » en 17e position (25 ans, étudiant en Master 2 à l’Université catholique de l’ouest, adhérent chez Génération). Entretien du 23 mars 2020.

[16] Colistière en 30e position sur la liste du maire-sortant Christophe Béchu à Angers (44 ans, fonctionnaire, LREM). Entretien du 21 février 2020.

[17] Candidat sur la liste « Angers Écologique et Solidaire » en 17e position (25 ans, étudiant en Master 2 à l’Université catholique de l’ouest, adhérent chez Génération). Entretien du 23 mars 2020.

[18] Après la diffusion d’une vidéo à caractère sexuel sur les réseaux sociaux et un site Internet, le candidat LREM à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux a dû renoncer à poursuivre sa campagne le 14 février 2020.

[19] Candidat en 18e position sur la liste « Aimer Angers » (22 ans, Étudiant en lettres modernes). Entretien du 18 février 2020.

[20] Colistier en 51ème position sur la liste du maire sortant Christophe Béchu (38 ans, directeur de clientèle). Entretien du 21 mars 2020, réalisé par visio.

[21] Candidat en 44e position sur la liste « Aimers Angers » (19 ans, lycéen). Entretien du 21 février 2020.

[22] « Municipales. Angers écologique et solidaire : un candidat pointé du doigt pour agressions sexuelles », Courrier de l’Ouest, 3 mars 2020. https://www.ouest-france.fr/elections/municipales/municipales-angers-ecologique-et-solidaire-un-candidat-pointe-du-doigt-pour-agressions-sexuelles-abe757b6-5cc0-11ea-809e-c4759a21e8b1

[23] Extrait du communiqué de presse de liste « Angers écologique et solidaire » : « Ce mercredi après-midi, nous avons appris que le comité de mobilisation de l’université d’Angers contre la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche venait de suspendre le mandat de représentation de Mehdi (nous avons supprimé le nom de famille) pour des accusations de viol. Nous avons immédiatement décidé de mettre Mehdi en retrait de la campagne et de la liste et lui avons demandé de s’engager à démissionner s’il était élu ».

[24] Ils avaient déjà fait l’objet d’une enquête interne en 2019 par la commission « Stop violences » de la direction nationale du PCF.

[25] Militante EELV, 53 ans, encartée. Entretien du 6 mars 2020.

[26] Commentaire posté le 4 mars sur la page Facebook du Courrier de l’Ouest, sous l’article « Municipales. Angers écologique et solidaire écarte un autre colistier, soupçonné de viol ».

[27] Militant EELV, non encarté, 29 ans, interne en médecine à Angers. Entretien du 10 mars 2020.

[28] Candidate tête de liste d’Angers Citoyenne et Populaire (cadre de la fonction publique, 41 ans). Entretien réalisé par téléphone le 24 mars 2020.

[29] Les travaux académiques ont bien travaillé ces distinctions avec notamment les typologies proposées par Claire Wardle (2007) qui identifie sept types de « mésinformation » ou de désinformation qui vont de l’erreur (lien ou contexte erroné) à la satire ou parodie pour ce qui est de la mésinformation, aux contenus trompeurs, fallacieux, complètement fabriqués ou manipulés pour la désinformation.

[30] La « piètre qualité du journalisme » est un des critères identifiés par Claire Wardle qu’elle associe à la production de liens erronés, d’un faux contexte ou de contenu trompeur.

[31] Militante pour la liste de C. Béchu (73 ans, retraitée, adhérente UMP/LR jusqu’en 2017). Entretien du 9 mars 2020.

[32] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[33] « Daniel Blanchard, l’insaisissable », Courrier de l’Ouest, 13 janvier 2020.

[34] https://lecercle49.wordpress.com/2020/01/23/sappeler-djamel-ne-fait-pas-de-vous-un-suspect/

[35] Candidate tête de liste d’Angers Citoyenne et Populaire (cadre de la fonction publique, 41 ans). Entretien réalisé par téléphone le 24 mars 2020.

[36] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[37] Chef de Rédaction du journal Sud-Ouest – La Rochelle. Entretien du 15 février 2020.

[38] Pour dépasser le discours des enquêtés et interroger la capacité de la PQR (en particulier en termes d’organisation et de ressources voire de compétences) à développer ces pratiques plus spécifiques, se référer aux travaux de Pauline Amiel (2017) et à notre enquête sur l’intégration de pratiques infographiques et de data journalisme dans les services de presse locale (Theviot, 2020B).

[39] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[40] Journaliste à Médiacités. Entretien du 12 mars 2020.

[41] Journaliste politique du Courrier de l’Ouest. Entretien du 24 mars 2020.

[42] Journaliste du Courrier de l’Ouest. Entretien du 23 juin 2017.

[43] Donald Trump parle alors de Fake News Media pour désigner les médias dans leur ensemble, « devenue l’une des marques de fabrique stylistiques d’un président qui conçoit les médias d’information grand public comme formant un establishment uniforme, entièrement dédié à la création et la prolifération d’information fausses » (Mort, 2018)

[44] Michael M. Grynbaum, « Trump Calls the News Media the Enemy of the American People », The New York Times, 17 février 2017.

[45] Ces quelques feuilles vendues à la criée, ont souvent proposé une information bidonnée et sensationnelle à des fins commerciales, avec des thèmes récurrents comme l’histoire de la « femme à deux têtes » ou le récit de catastrophes cosmologiques (Bassoni, 2020).

[46] Il est vrai que la PQR est caractérisée par la « constellation hétérogène » des journalistes (Leteinturier et Frisque, 2015).

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Auteure

Anaïs Théviot

Maîtresse de conférences rattachée à ARENES (UMR 6051) et directrice du Centre de recherche Humanités et Sociétés à l’Université catholique de l’Ouest, Anaïs Theviot s’intéresse au militantisme partisan en ligne et aux effets du numérique sur la participation politique. Elle est l’auteure de « Faire campagne sur Internet », paru aux Presses de Septentrion en 2018. 
Son enquête actuelle (ANR JCJC MUTADATA) porte sur l’usage des data par les partis politiques en France et aux États-Unis. Est d’ailleurs paru en 2019 aux éditions du Bord de l’eau : « Big data électoral. Dis-moi qui tu es, je te dirai pour qui voter ? ».
atheviot@uco.fr