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Varia 2025

 

La critique cinématographique sur YouTube : entre normes de la plateforme et stratégies de distribution des films

Tristan Dominguez
YouTube a profondément transformé la critique cinématographique en favorisant l’émergence de vidéastes amateurs. Les choix que ces derniers opèrent en matière d’expression et de films traités ont souvent été compris à travers la liberté promise par la plateforme ou par les contraintes qu’elle impose en matière de valorisation des contenus. A travers une analyse quantitative portant sur 1 280 critiques publiées entre 2012 et 2020 et une analyse qualitative des modes d’expression des vidéastes, cet article souligne l’importance de prendre en compte un contexte dépassant celui de YouTube. Premièrement, la valorisation de l’authenticité des vidéastes ne prend sens que dans un contexte marqué par de fortes méfiances à l’égard des avis cinématographiques écrits. Secondement, le visionnage de critiques sur YouTube est en partie déterminé par la forte médiatisation orchestrée par les distributeurs, orientant les vues vers les blockbusters.

Échanges croisés sur les techniques de l’entretien : le cas des situations intimes

Marion Pillas, Laura Verquère
Ce texte est la retranscription travaillée de l’une des séances du séminaire croisé sur l’entretien de recherche qui s’est déroulé le 4 décembre 2024. L’originalité du format, faisant dialoguer une chercheuse et une journaliste autour de leurs pratiques d’entretien, et la richesse du propos qui en a émané, particulièrement sur le contexte de l’intime, nous ont paru relever d’un apport certain à ce supplément.

Les enjeux de l’anonymisation dans une enquête auprès d’expert·e·s de la question des violences sexuelles

Camille Riou
Cet article porte sur les tensions entre confidentialité et enjeux éthiques de la recherche en terrain sensible. À partir d’une enquête sur les mobilisations contre les violences sexuelles en France et en Italie, il analyse les résistances à l’anonymisation, particulièrement chez des enquêté·e·s expert·e·s de la parole publique. Il explore la manière dont l’anonymisation des entretiens sociologiques est négociée entre enquêteur·ice et enquêté·e, révélant les rapports de pouvoir à l’œuvre dans la relation. Si certain·e·s perçoivent l’anonymisation comme une protection, d’autres y voient une dépossession de leur parole et de leur légitimité politique.

Étudier la pluralité des voix en situation de controverse : analyse réflexive de l’usage de l’entretien semi-directif

Catherine Quiroga Cortés
Cet article propose une analyse réflexive portant sur la mobilisation de l’entretien en tant qu’outil méthodologique capable de saisir les voix moins audibles dans le débat animant deux controverses locales. Les phases de négociation en amont et in situ sont exposées, soulignant leurs écueils et suggérant, à travers un dialogue avec la littérature, des pistes d’ajustement pour de futures études. Elle pointe l’importance d’une articulation entre entretiens et observations (n)ethnographiques et souligne l’importance d’inclure dans l’analyse les obstacles rencontrés ainsi que les ajustements effectués afin de situer les propos recueillis dans les rapports de force propres à chaque controverse.

La fabrique de l’entretien avec des adolescent•es : méthodologies et éthiques des chercheur•es

Valentine Favel-Kapoian, Pauline Reboul
Cet article présente une analyse sur les pratiques d’entretien menées par des chercheur·es en Sciences de l’information et de la communication (SIC) auprès d’adolescent·es sur leurs activités numériques. Soulignant l’invisibilisation des aspects méthodologiques de la pratique de l’entretien en SIC, l’étude explore les méthodes et les défis émergeant des expériences d’enquête qualitative auprès de ce public spécifique. Elle mobilise pour cela la méthode de l’entretien compréhensif auprès de onze chercheur·es de cette discipline. L’analyse met en évidence les savoir-faire communs qu’ils déploient pour rencontrer l’adolescent·e en tant qu’acteur·rice-social·e dans un contexte de recherche souvent situé à l’école.

Converser avec des « quasi-collègues ». L’entretien comme outil d’objectivation des pratiques et de construction d’une identité professionnelle en sciences humaines et sociales

Ioanna Faïta, Simon Dumas-Pimbault
Cette contribution opère un retour réflexif sur l’entretien de recherche semi-directif – pris dans un plus large dispositif d’enquête croisant diverses méthodes mixtes – comme moyen de documenter les pratiques informationnelles des chercheur·euses sur deux plateformes numériques en accès ouvert (Gallica et OpenEdition). Dans un contexte où enquêteur·ice et enquêté·e sont mutuellement des « professionnel·les du discours » et, plus encore, des professionnel·les du discours sur leur méthode, l’entretien peut être vu comme une épreuve d’objectivation réciproque des pratiques : il se transforme en une conversation entre « quasi-collègues » qui sont mis en demeure de justifier des pratiques qui relèvent du familier. En creux, se construit alors une identité professionnelle commune articulée à une communauté de pratiques.

Le chercheur face à ses semblables travaillant sur un terrain sensible : de la posture réflexive à la négociation des rôles sous tension

Nicolas Brard
Cet article explore les enjeux méthodologiques liés à une étude par entretiens portant sur les pratiques de communication des chercheurs travaillant dans un domaine controversé, les neurosciences cognitives chez le primate non humain. La nature sensible de leur sujet nécessite pour eux d’acquérir une certaine maîtrise du discours dans leurs communications publiques. Après avoir détaillé les conditions d’accès à cette population, ce texte s’interroge sur le dispositif d’entretien mis en place, combinant une approche biographique, au prisme de la carrière, et compréhensive autour des pratiques de communications entre pairs et avec les publics non professionnels de la science. Il analyse les inattendus de ces entretiens, en particulier autour de la dynamique des rôles occupés par chacun et la nécessaire réflexivité lors d’un échange entre personnes partageant une proximité à plusieurs niveaux.

L’analyste du discours comme apprenti, journaliste, collègue ? Négocier l’entretien avec des intellectuel·les écologistes

Joseph Gotte
Cette contribution porte sur la négociation de l’entretien avec des acteurs particulièrement rodés à l’activité réflexive, dans une démarche d’analyse du discours. À partir d’un retour d’expérience qui fait suite à 38 entretiens menés avec des intellectuels écologistes francophones, l’article met en évidence trois modèles prédominants dans la distribution des places qui s’y effectue : celui de l’apprenti face à un enseignant, celui du journaliste face à un expert, et celui d’une interaction entre deux collègues. Les épreuves méthodologiques rencontrées – perte de prise sur le guide d’entretien, recours de l’enquêté à des discours généraux déjà prononcés, porosités entre matériaux empiriques et bibliographie – sont ici envisagées comme des éléments à même d’enrichir l’analyse sociodiscursive des intellectuels rencontrés.

L’entretien de recherche avec les spécialistes du discours : retour réflexif sur le milieu des communicant·e·s politiques en France et au Brésil

Camila Moreira Cesar
Cet article propose une réflexion sur les enjeux épistémologiques liés à la réalisation d’entretiens de recherche avec des communicant·e·s politiques travaillant auprès des responsables du pouvoir exécutif en France et au Brésil (2016-2019). En revenant sur l’expérience d’un double terrain, mené dans le cadre d’une thèse soutenue en 2020, il explore les défis spécifiques au recours à cette méthode de recherche rencontrés lors de l’étude d’acteurs spécialisés dans le contrôle de la parole.

Introduction : L’entretien de recherche en sciences de l’information et de la communication : interroger les « professionnel·les du discours » ?

Jean-Philippe De Oliveira, Simon Gadras, Chloë Salles
Ce supplément propose une mise en perspective de l’entretien de recherche en sciences de l’information et de la communication dont les acteurs et actrices des terrains étudiés s’avèrent fréquemment relever de professionnel·les du discours » et qui, plus largement, partagent des caractéristiques sociales avec les chercheur·ses (diplômes, expertises, engagements, goûts culturels, etc.). Il vient clôturer un séminaire portant sur cette thématique, qui s’est déroulé pendant trois années, d’abord à Grenoble, au sein du Groupe de recherche sur les enjeux de la communication (Gresec), puis sous forme d’un séminaire croisé entre le Gresec et l’Équipe de recherche de Lyon en sciences de l’information et de la communication (Elico).

Clichés mathématiques. Mises en récit visuelles de la recherche dans une publication de l’Institut Henri Poincaré : entre communication institutionnelle et médiation des sciences

Odile Chatirichvili
Cet article porte sur les usages de la photographie de scientifiques dans le cas particulier des mathématiques contemporaines, en s’appuyant sur une analyse sémiotique des clichés photographiques issus de l’ouvrage La Maison des mathématiques (Villani, Uzan, Moncorgé, 2014). Publié dans le cadre de la stratégie de communication d’une institution de recherche, l’Institut Henri Poincaré, alors en évolution quant à son image sociale et à son rapport à la société, l’ouvrage ouvre un terrain de réflexion sur ce que les organismes montrent des mathématiques en tant que pratiques et expériences.

Communiquer la science : pratiques et discours de créateur·rice·s de contenus sur la plateforme TikTok

Sarah.Rakotoary
Cet article examine les dynamiques de la vulgarisation scientifique sur des plateformes numériques, en se concentrant sur TikTok. Il explore la transition de la médiation scientifique classique vers une médiatisation adaptée aux logiques des réseaux socionumériques, où les créateur·rice·s de contenu jouent un rôle clé. L’analyse de l’écriture scientifique « plateformisée » révèle comment ces acteur·rice·s construisent et affirment leur identité numérique tout en naviguant entre les exigences des algorithmes et les attentes du public. En s’appuyant sur des exemples de remédiation de pratiques et de stratégies identitaires, l’article met en lumière les formes renégociées, multi-formats et engageants de la diffusion des savoirs scientifiques.

De nouveaux acteurs de la médiation scientifique sur Instagram ? L’exemple du traitement de la santé mentale par Brut, Konbini et FranceTVSlash

Nicolas Brard
L’essor des médias vidéo sur Instagram, et leur dimension presque incontournable auprès de certains publics, interrogent leur rôle dans la médiation scientifique. Cet article analyse cette question à travers le traitement du sujet de la santé mentale par Brut, Konbini et FranceTVSlash (2021-2023). L’étude met en lumière une convergence des enjeux entre les médias vidéo et la médiation scientifique. Elle relève une éditorialisation marquée par des récits personnels, un cadrage événementiel et le rôle de l’influence. La diversité des acteurs — experts, témoins et personnalités publiques — reflète une évolution de la professionnalisation et des légitimités dans la diffusion des savoirs. Enfin, ces médias, bien que favorisant des approches participatives, révèlent un cloisonnement des rôles et une faible intégration des institutions scientifiques.

La médiatisation des vulgarisateurs scientifiques sur YouTube : figures et légitimation de pratiques en voie de professionnalisation

Benoist Blanchard
Cet article examine la manière avec laquelle les vulgarisateurs scientifiques amateurs francophones sur YouTube sont perçus, décrits et légitimés dans l’espace médiatique. À travers l’analyse de 176 articles de presse française entre 2016 et 2022, nous explorons la construction médiatique de ces vidéastes qui sont associés à des « figures ». L’étude révèle la manière dont ces vidéastes, experts, passionnés ou militants, influencent la réception publique de la science tout en illustrant la diversité des rôles attribués aux savoirs scientifiques dans l’espace médiatique.

De la vulgarisation à l’autodiagnostic : une histoire éditoriale des tests dans Psychologies Magazine (1970-2020)

Léo Tertrais-Flamand, Alex Maignan
Les tests psychologiques, disponibles aujourd’hui massivement en ligne, sont des objets d’investigation particulièrement intéressants pour réfléchir à la question de la diffusion et de la médiation de la culture psychologique contemporaine. Partant du succès de Psychologies Magazine depuis les années 1970, l’objectif de cet article est d’analyser l’évolution des formes et fonctions des tests psychologiques qui y sont publiés. Nous montrons que leur vocation est à la fois tributaire des dynamiques éditoriales du magazine (de la vulgarisation au développement personnel), mais aussi plus généralement des recompositions de la culture psychologique et de l’espace des professions psychothérapeutiques contemporaines.

Des usages ordinaires de la science ? Analyse du recours aux savoirs scientifiques dans un quartier à Québec

Olivier Tredan, Marie-Claude Savoie, Fábio Henrique Pereira
Cet article porte sur les formes d’appropriation de l’information scientifique et aux médiations utilisées. Il explore les usages ordinaires de la production scientifique dans un quartier de Québec. Il se penche sur la manière dont les réunions publiques, les médias locaux et les espaces de discussion en ligne mobilisent les savoirs scientifiques dans le cadre de leurs activités. Différentes techniques de collecte de données ont été utilisées, l’accent étant mis sur une observation participante et des entretiens semi-directifs. Les résultats mettent en évidence un désintérêt relatif des répondants pour les dispositifs de vulgarisation de la science, y compris pour le journalisme. À son tour, le territoire organise les réseaux de sociabilité, structure les pratiques culturelles et configure les usages des savoirs scientifiques.

Médiation des savoirs et légitimation des pratiques de santé : le cas de l’automédication au cannabis thérapeutique

Stéphane Djahanchahi
Cet article porte sur la question de l’automédication au cannabis thérapeutique. Cette recherche portait sur des processus de médiation liés aux usages sociaux de savoirs scientifiques et techniques. Nous avons étudié des forums d’usagers et cultivateurs de cannabis pour interroger les dimensions normatives de ces dispositifs. L’analyse a porté sur les logiques de légitimation des connaissances qui sous-tendent la diffusion des savoirs pratiques liés à l’automédication, en dehors, voire en opposition à l’autorité de santé. Nous présentons nos résultats concernant la légitimation des savoir-faire pratiques clandestins appuyés sur des connaissances scientifiques et techniques.

Perturbateurs endocriniens et prévention individuelle : quand la médiation des savoirs en santé environnementale opère comme dispositif biopolitique

Yohann Garcia
Cet article étudie la médiation des savoirs en santé environnementale à partir des dispositifs de prévention des perturbateurs endocriniens. Sur la base d’une enquête ethnographique combinant des observations d’ateliers de prévention dans deux services de maternité publique et des entretiens avec leurs animatrices et leurs participant·es, il montre comment cette configuration de la médiation, tout en faisant advenir de nouvelles catégories de médiatrices et de médiateurs, conduit à un usage normatif des savoirs. Se dessine alors une médiation du biopouvoir davantage tournée vers l’encadrement des conduites individuelles que vers l’« encapacitation » des publics. Au-delà des enjeux de pouvoir, la médiation observée est susceptible de reproduire les inégalités sociales sans régler le problème des expositions ubiquitaires aux substances chimiques.

Les formes de production d’ignorances dans l’expertise sur la pollution de l’air

Saliha Hadna
En s’intéressant à la controverse autour de la qualité de l’air à Saint-Nazaire, cet article analyse la manière dont les revendications locales en faveur de la production de données épidémiologiques se heurtent à plusieurs formes d’ignorances. À partir d’un corpus combinant une dizaine d’entretiens semi-directifs menés auprès des parties prenantes (élus, associations, services de l’Etat) avec une analyse de la littérature grise (rapports officiels, services de l’Etat, DREAL) et de la PQR sur la pollution de l’air, cet article cherche à comprendre comment l’expertise institutionnelle a moins contribué à apporter des réponses aux populations qu’à entretenir l’ignorance sur les origines de la surmortalité par cancer soulevée par l’ORS en 2019. Il tente de saisir ce que les discours des experts révèlent des logiques d’(in)action qui ont pu conduire sur certains territoires à une véritable « culture de la défiance » (Bensaude-Vincent et Dorthe, 2023). L’article met ainsi en exergue quatre processus de production d’ignorance : la foi dans la réglementation, l’absence d’urgence, la globalisation des facteurs de risques, la carence épistémologique concernant l’effet cocktail.

Dossier 2025 B – Enjeux publics de la médiatisation des sciences

Dossier 2025 B Enjeux publics de la médiatisation des sciences   [Version PDF de 136 pages] Ce dossier a été coordonné par Marie-Christine Bordeaux et Mikaël Chambru ➤ Introduction du dossier 2025 B : Enjeux publics de la médiatisation des sciences...

Du goût pour la nature à la défense de la science. La redistribution sociale des visées de la médiation chez les agents d’un muséum

Anna Mesclon
À partir d’une enquête dans un muséum d’histoire naturelle français, cet article repose sur une analyse socio-historique d’une institution de culture scientifique entre 1950 et 2020, en se focalisant sur les visées que ses personnels attribuent à leur travail. Il montre la coexistence, dans l’équipe actuelle, de deux approches – « scolastique » et « naturaliste » – du rôle du musée dans la transmission des sciences. La première, qui correspond à l’approche centrale aujourd’hui, est investie par les agents les plus diplômés ; tandis que la seconde, ancrée de plus longue date au musée, y a suivi une trajectoire de sédimentation et de déclassement. En rapprochant la trajectoire du muséum et celle de ses travailleurs, l’article analyse des transformations et des variations dans la façon d’envisager la transmission des sciences dans une institution ancienne et peu étudiée par les sciences sociales, soulignant le rôle des socialisations scientifiques des travailleurs sur leurs propres perceptions.

Concevoir une émission de médiation scientifique à l’échelle d’une université : logiques d’acteurs et enjeux de médiation

Claudia Adrianzen Lapouble, Laure Bolka-Tabary, Éric Kergosien
La Grande Enquête !, émission télévisée au cœur du Projet MérLin – portée par l’Université de Lille dans le cadre du label SAPS – illustre l’implication croissante des universités dans la médiation scientifique. En tant que membres du comité de rédaction de l’émission, notre équipe de chercheur·e·s en Sciences de l’Information et de la Communication a participé à la conception et à la réalisation de cette émission télévisée scientifique, et observer la complexité des dynamiques éditoriales issues du partenariat entre université, chaîne de télévision et association de médiation scientifique. Grâce à une méthodologie mixte combinant entretiens semi-directifs avec les acteur·ice·s du projet, observation participante et analyse des émissions, l’article examine la construction éditoriale et la médiation des savoirs scientifiques dans une émission télévisée co-réalisée en contexte universitaire.

Résidence croisée journaliste-chercheur·e : questionner les représentations en jeu dans un dispositif de médiation scientifique

Marie-Noëlle Doutreix, Simon Gadras, Isabelle Hare, Annelise Touboul
Cet article porte sur les représentations en jeu dans un projet “Science Avec et Pour la Société”, une résidence croisée chercheur·e-journaliste. Nous avons observé l’importance, la place et le rôle de ces représentations dans la construction du dispositif ainsi que sa mise en œuvre. Ces représentations croisées émanant des trois instances en présence (organisatrices, journalistes et chercheure) se donnent à voir dans les restitutions, oscillant entre des idées-reçues à combattre et des “vérités” à restaurer.

La fabrication de masques pendant la pandémie de Covid19 : expertises en tension, entre savoirs spécialisés et bricolages techniques

Marie Després-Lonnet
Cet article analyse la façon dont des savoirs collectifs se sont construits autour de la conception et de la fabrication de masques en tissu lors de la pandémie de Covid-19. En analysant les échanges qui ont eu lieu dans un groupe Facebook de couturières bénévoles à la suite d’un partage d’informations officielles ou de documents de cadrage, il met en évidence les tensions entre savoirs institutionnels et savoirs pratiques, ainsi que les enjeux soulevés par la légitimation des normes et des discours scientifiques. L’étude révèle la manière dont un groupe, initialement conçu pour favoriser l’entraide entre couturières, s’est transformé en un espace de discussion favorisant l’appropriation, l’interprétation et parfois la remise en question des cadres normatifs et des savoirs afférents. Plus généralement, cet article examine le rôle des groupes de citoyens, et plus particulièrement des femmes, dans la diffusion et la stabilisation des connaissances en temps de crise.

Enjeux de légitimité dans la médiation scientifique : approche par les usages du livre

Émilie Kohlmann, Aude Inaudi, Amélie Coulbaut-Lazzarini
Cet article porte sur le statut du livre à la fois dans sa dimension symbolique et fonctionnelle afin d’interroger les évolutions de la médiation scientifique et les tensions entre différentes représentations de la science et du public, dans un univers où se croise une grande diversité d’acteurs. L’hypothèse est que pour répondre à leur objectif de reconnaissance, les acteurs de la médiation scientifique ont recours à différents éléments symboliques, dont le livre en tant que représentant d’une connaissance scientifique fiable et stabilisée. Objet-frontière, le livre permet d’articuler différents métiers et compétences de la médiation scientifique. Indirectement, il sert à asseoir la légitimité des discours et des acteurs, ainsi qu’à ouvrir sur des dispositifs dans lesquels la place du public est reconsidérée.