-

Appel à articles : « Nouvelles agentivités » et pratiques info-communicationnelles en santé

12 Déc 2025.

Revue scientifique en sciences de l’information et de la communication

[Télécharger le pdf]

Numéro coordonné par : Viviane Clavier, Fabienne Martin-Juchat et Eloria Vigouroux-Zugasti

Cet appel à publication pour un supplément de la revue Les Enjeux de l’information et la communication fait suite à un colloque qui s’est tenu à l’Université Grenoble Alpes les 23 et 24 octobre 2025. Il a pour objectif de rassembler les recherches qui traitent des pratiques info-communicationnelles, intégrant des dispositifs variés mis en œuvre dans le champ de la santé. Il est l’occasion de se saisir de la notion « d’agentivité » qui interroge aussi bien les intentionnalités au sens performatif de la pragmatique que les actions engagées avec ou sans les dispositifs techniques, les systèmes d’intelligence artificielle (IA), les formes d’actions des individus, des groupes sociaux, des associations, des syndicats et des professionnels au sein des établissements de santé.

Les articles pourront prendre en compte l’évolution des politiques d’information et de communication liées aux systèmes de santé, les idéologies sous-jacentes aux innovations de santé ainsi que les discours et les pratiques qui accompagnent la technologisation de ce secteur. Au sein des établissements de santé (hôpitaux, cliniques, maisons de santé, etc.), les acteurs vivent des situations difficiles, voire de souffrance au travail, malgré la mise en place de dispositifs organisationnels qui cherchent à maintenir la cohérence, la cohésion et la justice sociale. Des tensions sont tangibles et ont des conséquences sur les pratiques professionnelles, sur les usages des dispositifs d’information et de communication, sur le rapport à la documentation et aux archives. Enfin, au niveau des individus, leur intégration dans le système de santé comme « responsables de leur propre santé » soulève également des questions sur les caractéristiques des savoirs en circulation, sur les formes de partage des expériences individuelles ou collectives ainsi que sur leur représentation dans les démarches de co-design.

Concernant les techniques et les technologies de santé, les valeurs humaines de solidarité et de résilience méritent d’être questionnées dans le contexte des recherches sur l’innovation et sur la créativité. Les études de patients enrôlés dans la conception de ces dispositifs innovants, par exemple, permettent de saisir les différentes modalités de participation aux expériences situées et contribuent à restituer la manière dont leur vécu est intégré dans le processus de conception. Les usages et mésusages des dispositifs interrogent ainsi les relations entre patients, soignants et machines et soulèvent la question du sens des « nouvelles » pratiques de soin.

Les propositions devront être originales et accorder une place à la notion d’agentivité sur le plan théorique ou méthodologique. Elles s’inscriront dans l’un au moins des quatre axes suivants :

Axe 1 : Enjeux sociopolitiques, socioéconomiques et culturels de la santé

Cet axe explore les enjeux sociopolitiques, socio-économiques et culturels des transformations contemporaines de la santé, notamment la crise des systèmes sanitaires, l’essor des techniques et des plateformes numériques, l’apparition de nouveaux acteurs et formes de coopération. Une attention particulière sera portée aux tensions entre utopies technologiques et réalités socio-économiques, entre États, collectivités et territoires, notamment à l’échelle internationale.

Les systèmes de santé sont confrontés à une crise multiforme, exacerbée par le vieillissement des populations, l’augmentation des maladies chroniques et les innovations techniques. La médecine 4P – personnalisée, préventive, prédictive et participative – se présente comme une réponse aux défis sanitaires. Toutefois, sa mise en œuvre soulève des enjeux complexes, dont la formation et l’intégration des patients « experts » et des questions éthiques, politiques et économiques majeures qui en découlent. Si ces innovations portent des espoirs, elles peuvent aussi entraîner de nouvelles formes de gouvernementalité algorithmique et de déshumanisation.

Dans ce contexte, la numérisation des soins, l’introduction d’algorithmes prédictifs et l’émergence de plateformes numériques participent à la technicisation du secteur, mettant en question la place de l’humain dans les soins. Les plateformes comme Doctolib et les outils d’auto-diagnostic redéfinissent les pratiques médicales, tout en soulevant des questions de sécurité des données et d’équité d’accès, quels que soient les territoires et les communautés. Ce contexte de reconfiguration voire de déstabilisation des systèmes de santé demande alors à être étudié au regard des tensions qui les traversent.

Axe 2 : Datafication de la santé, reconfigurations algorithmiques du corps et des affects

Cet axe invite à réfléchir aux implications de l’intégration des systèmes d’information alimentés ou non par de l’intelligence artificielle (IA), sur les pratiques organisationnelles du secteur médical ainsi que sur l’éthique du soin. Il propose de questionner le mouvement de datafication de la santé où le soin, le corps et les affects deviennent des données, en soulignant notamment les opportunités, tensions et recompositions des pratiques organisationnelles, cliniques et relationnelles.

La généralisation des systèmes d’intelligence artificielle redéfinit la manière dont le soin – en tant que pratique, relation et éthique – est conçu et exercé. Dans un contexte de santé dite algorithmique, le soin se transforme en processus de gestion des données : collecte, traitement et modélisation traduisent les corps, les pathologies et les interactions cliniques en métriques et indicateurs. Ce processus de datafication de la santé soulève des questions de formation, d’éducation, de professionnalisation et d’analyse de la manière dont le soin est vécu, organisé et reconfiguré. Ces systèmes algorithmiques tendent à redéfinir la place de l’humain dans la prise de décision – organisationnelle ou clinique – en automatisant certaines procédures, en présentant des données, indicateurs, informations qui vont « faire autorité ». Enfin, le travail avec et sur les données générées par des systèmes d’IA repose sur divers outils de visualisation qui ne sont pas neutres et vont concentrer un volume important d’indicateurs rendant visibles des tendances et des anomalies, mais aussi les activités quotidiennes. La manière dont les données sont discutées, mobilisées et interprétées soulève les questions concernant leur performativité, leurs biais et leur rôle dans la prise de décision.

Axe 3 : Connaissances, savoirs en santé : recompositions des publics, des dispositifs et des expertises

Cet axe s’attache à la diversité des savoirs qui se déploient dans des espaces variés et qui jouent un rôle central dans la manière dont la santé est abordée à l’échelle individuelle et collective. D’un côté, les savoirs experts, fondés sur la science, les recherches cliniques et les pratiques professionnelles guident les politiques de santé publique et les stratégies de prévention. De l’autre, les savoirs profanes, issus d’expériences individuelles, de récits personnels, permettent de comprendre la manière dont les personnes perçoivent, comprennent et gèrent leur santé. Des espaces de dialogue et de controverses, de formation et d’éducation favorisent leurs rencontres, comme les réseaux de patients experts, notamment. Les typologies classiques sur les savoirs experts versus profanes méritent d’être questionnées alors même que les systèmes d’IA participent à la production des connaissances et que les expériences des patients et des soignants sont converties en données. Dans un contexte de défiance des populations vis-à-vis des politiques de santé publique et de montée en puissance des phénomènes de désinformation, il est intéressant d’observer les pratiques informationnelles et médiatiques des professionnels et des patients, d’étudier les modalités de recomposition des littératies à l’œuvre dans les usages des dispositifs d’information, de prévention ou d’éducation à la santé. L’analyse des formes de médiation doit considérer la diversité des publics – jeunes, séniors, précaires, handicapés, malades, etc. – et des pratiques, les types de pathologies et leurs conséquences sur le rapport à l’information, le rôle des formateurs et les formes d’évaluation des dispositifs et des connaissances.

Axe 4 : Nouvelles écologies réflexives, activités, pratiques et expériences en santé

Cet axe se focalise sur l’observation et l’analyse des bricolages au plus près des expériences et des vécus des acteurs et des patients. Les démarches de co-construction, de co-conception et de co-design dans leurs promesses méritent d’être évaluées au regard de la complexité, de la lourdeur et de la difficulté de leur mise en œuvre. Les relations construites avec des outils numériques quantifiant la maladie ambitionnent d’être encapacitantes. Les vécus expérientiels n’étant pas uniquement exprimables par des mots, en particulier quand il se joue des relations sensorielles et émotionnelles avec les agents non humains, les méthodologies pour rendre compte des nouvelles formes de coopérations et de relations entre les humains et les non-humains (de type robots conversationnels et robots en santé) sont à inventer.

De plus, ce type d’approche nécessite l’autorisation de révéler des dimensions du travail autour du soin, de soi et des autres. Le consentement à révéler le travail émotionnel des acteurs incluant celui des patients se présente comme une difficulté à la fois théorique et méthodologique à aborder dans un contexte de prévention éthique.

Modalités de soumission

Les premières versions complètes des articles (de 24 000 à 35 000 signes espaces compris et rédigés selon les normes éditoriales des articles de la revue disponibles à cette adresse https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/revue/soumettre) sont à remettre pour le 15 mars 2026 à :

Ces versions seront alors soumises à une évaluation en double aveugle. Le retour de ces évaluations aux auteurs et autrices est prévu le 15 mai 2026 et l’envoi des nouvelles versions, le cas échéant, pour le 15 juin 2026.

À la suite de cette phase, la version définitive du texte (prenant en compte les éventuelles remarques et retours des évaluateurs), incluant les corrections mineures ou majeures demandées, sera soumise au comité éditorial de la revue qui demeure souverain pour l’accord définitif de publication prévue en novembre 2026.

Calendrier prévisionnel

  • 15 décembre 2025 : Diffusion de l’AAP
  • 15 mars 2026 : Soumission des articles par les auteurs et les autrices (Version 1)
  • 15 mai 2026 : Envoi des évaluations aux auteurs et autrices par les coordinatrices
  • 15 juin 2026 : Retour des articles corrigés (Version 2)
  • 30 novembre 2026 : Publication du dossier

Bibliographie sélective

Ajana B., Braga J., Guidi S., (2022), The quantification of bodies in health: Multidisciplinary perspectives, Bingley : Emerald publishing.

Alemanno, S., Delille, P., (2023), « Design participatif pour la littératie en santé environnementale », Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC) N° 6(1), 89-108. https://doi.org/10.3917/atic.006.0089

Collet, L., Durampart, M., Heiser. L., Picard, L., (2021), « Enjeux expérientiels de l’utilisation de l’IA en anatomopathologie », Communiquer, 33, 26-44. doi.org/10.4000/communiquer.8819

Cordelier B., Galibert, O., (2021), Communications numériques en santé, Londres : ISTE Editions.

Corroy, L., Chauzal-Larguier. C., (2023), Patients, Caregivers and Doctors: Devices, Issues and Representations, ISTE, Communication and Health Set, 9781786308931. ⟨hal-04228333⟩

Davat, A., Martin-Juchat, F., Ménissier T., (2024), « Co-design with affect stories and applied ethics for health technologies», Frontiers in Communication, Sec. Health Communication, vol. 9, 2024. doi.org/10.3389/fcomm.2024.1327711

Georges, F. (2009), « Représentation de soi et identité numérique », Réseaux, vol. 2, n° 154, 165-193. doi.org/10.3917/res.154.0165

Granjon, F., Nikolski, V., & Pharabod, A.-S., (2012), « Métriques de soi et self-tracking : Une nouvelle culture de soi à l’ère du numérique et de la modernité réflexive ? », Recherches en Communication, 36, 13-26. doi.org/10.14428/rec.v36i36.50983

Grosjean, S., (2022), « Le co-design de technologies de eSanté : Un enchevêtrement de conversations, de tensions créatrices et d’inscriptions circulantes ». Approches Théoriques en Information-Communication (ATIC), 4(1), 103-125. doi.org/10.3917/atic.004.0103

Klein, A., (2008), « La santé comme norme de soin », Philosophia Scientiæ, Travaux d’histoire et de philosophie des sciences, 12- 2 : doi.org/10.4000/philosophiascientiae.127

Mayère A., (2018), « Patients projetés et patients en pratique dans un dispositif de suivi à distance : Le « travail du patient » recomposé ». Réseaux, vol. 1, n°207, 197–225. doi.org/10.3917/res.207.0197

Paganelli C., Clavier V., (dir.) (2023), Pratiques d’information et connaissances en santé, vol. 5, Londres : ISTE Editions.

Pailliart I., (dir.) (2020), Les nouveaux territoires de la santé, vol.3, Londres, ISTE Editions,

Sampic, M., Lépine, V., Mignot, P,. (2023), « Communication et régionalisation des centres de dépistages des cancers », Communication & Organisation, n° 63(1), 173-187.

Schön, D. A., (2017), The reflective practitioner: How professionals think in action, London, Routledge.

Vigouroux-Zugasti, E., Bourret, C., (2023), « La santé au prisme de la communication organisationnelle : enjeux, tensions et perspectives », Communication et organisation, n° 63, 2023, 11-18.

À paraître

Numéros 2025

  • Liste des publications à venir

Numéros

Numéros 2025

Numéros 2024

Numéros 2023

Numéros 2022

Numéros 2021

Numéros 2020

Numéros 2019

Numéros 2018

Numéros 2017

Numéros 2016

Numéros 2015

Numéros 2014

Numéros 2013

Numéros 2012

Numéros 2011

Numéros 2010

Numéros 2009

Numéros 2008

Numéros 2007

Numéros 2006

Numéro 2005

Numéro 2004

Numéro 2003

Numéro 2002

Numéro 2001

Numéro 2000