Promotion, promesses et prophétie de la visite virtuelle au musée
Résumé
Cet article propose de questionner les imaginaires de la visite virtuelle muséale par le prisme des entreprises qui les produisent et en font la promotion. Il émane d’une analyse du discours d’escorte d’un corpus récolté au cours de trois enquêtes ethnographiques dans deux salons professionnels internationaux dédiés aux secteurs de la culture et du tourisme : SITEM et Museum Connections. Si l’argumentaire promotionnel s’appuie d’abord sur des promesses technologiques et de médiation culturelle, l’analyse approfondie du corpus révèle l’idéologie du progrès technique et du solutionnisme technique qui soutient ce discours. L’article tente alors de mettre en lumière les intérêts sous-jacents au développement du marché de la visite virtuelle dans un contexte de structuration du secteur du numérique patrimonial.
Mots clés
Analyse de discours, numérique patrimonial, salons professionnels, visite virtuelle
In English
Title
Promotion, promise and prophecy of museum virtual tour
Abstract
This article questions the imaginaries of the virtual museum tour through the prism of the companies that produce and promote them. It is based on an discourse analysis of its promoting in a corpus collected during three ethnographic surveys in two cultural trade shows : SITEM and Museum Connections. If the promotional argument relies first of all on promises of technological and cultural mediation, the in-depth analysis of the corpus reveals an ideology of technical progress and technological solutionism that supports this discourse. The article then attempts to shed light on the interests underlying the development of the virtual tour market in a context of structuring the digital heritage sector.
Keywords
Discourse analysis, digital heritage, digital heritage trade shows, virtual visit
En Español
Título
Promoción, promesas y profecía de la visita virtual al museo
Resumen
Este artículo se propone cuestionar los imaginarios de la visita virtual al museo a través del prisma de las empresas que los producen y los promueven, a partir del análisis del discurso acompañante de un corpus recolectado durante tres levantamientos etnográficos en las ferias culturales SITEM y Museum Connections. Si el argumento promocional se basa primero en las promesas tecnológicas y la mediación cultural, el análisis en profundidad del corpus revela la ideología del progreso técnico y el solucionismo tecnológico que sustenta este discurso. Luego, el artículo intenta resaltar los intereses que subyacen al desarrollo del mercado de visitas virtuales en un contexto de estructuración del sector del patrimonio digital.
Palabras clave
Análisis del discurso, patrimonio digital, ferias comerciales, visita virtual
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Guiraud Allison, « Promotion, promesses et prophétie de la visite virtuelle au musée », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°24/2, 2024, p.143 à 157, consulté le samedi 23 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2024/supplement-a/04-promotion-promesses-et-prophetie-de-la-visite-virtuelle-au-musee/
Introduction
Depuis les années 1980, les moyens de communiquer, valoriser et exploiter le patrimoine se sont diversifiés grâce à un triple contexte : premièrement, le tournant gestionnaire et commercial des musées (Davallon, 1997 ; Jacobi, 2012 ; Tobelem, 2005), qui correspond à de nouvelles logiques d’accroissement des publics, de diversification des sources de revenus et de renouvellement des équipements ; deuxièmement, le développement des techniques informatiques et leur insertion dans la société, notamment au musée ; troisièmement le soutien des politiques culturelles à destination des initiatives liant patrimoine et numérique 1. Si les projets de développement d’outils numériques in situ et en ligne pour les institutions culturelles et patrimoniales ont été initiés dès les années 80, ils se sont multipliés à partir des années 2010. Ainsi mis en circulation, ces outils forment désormais un objet d’étude privilégié pour les chercheur·es s’intéressant aux dynamiques de patrimonialisation, à l’appropriation des savoirs et des technologies, à la participation des publics comme aux procédés opérationnels et symboliques de mise en œuvre de ces projets.
D’une part, les travaux récents sur ces outils ont montré que l’introduction de nouveaux acteurs dans le champ a eu pour impact des phénomènes d’industrialisation et de standardisation de l’offre de médiation, liés notamment aux intérêts économiques et aux pratiques professionnelles des acteurs industriels (German, 2017 ; Appiotti, 2020 ; Bué, 2021). D’autre part, s’inscrivant dans la filiation des travaux d’Y. Jeanneret et E. Souchier sur les discours d’escorte – considérant que « les discours ne se contentent pas d’accompagner, de l’extérieur, les objets concernés. Ils les configurent. » (Jeanneret et Souchier, 2001) – une partie des travaux sur le numérique patrimonial a, premièrement, permis d’identifier un imaginaire majoritairement enchanté et technophile qui vante les mérites du numérique pour dépoussiérer les musées (Sandri, 2016 ; Pianezza, Renaud et Navarro, 2019). Secondement, ces derniers ont montré le poids des injonctions adressées aux institutions culturelles dans la mise en place des projets numériques dits innovants que les institutions muséales semblent obligées d’adopter (Alexis, Appiotti et Sandri, 2019).
Nous observons qu’un rôle de plus en plus essentiel est attribué aux acteurs des industries de la communication et du numérique dans le champ patrimonial. Leur prise de pouvoir s’effectue avec le soutien des politiques gouvernementales et d’organismes privés à destination des projets numériques patrimoniaux : appels à projets (Numérisation du patrimoine et de l’architecture, Services Numériques Innovants), programmes d’accompagnement (L’incubateur du patrimoine du Centre des monuments nationaux, la French Tech) et événements de promotion (salons professionnels, journées d’études). Alors qu’elles existaient déjà sous diverses formes, les visites virtuelles ont été propulsées sur le devant de la scène pendant la pandémie Covid-19 ayant entraîné la fermeture des établissements culturels et le confinement de la population début 2020. La visite virtuelle 2, habituellement utilisée dans d’autres secteurs (immobilier, architecture), faisait déjà l’objet d’un marché avec des entreprises spécialisées depuis les années 2000, comme Art Graphique et Patrimoine, pionnière en la matière. Le contexte sanitaire a toutefois agi comme un accélérateur pour ce marché : pour les entreprises existantes produisant des visites virtuelles qui ont diversifié leur clientèle et élargi leur offre au secteur culturel (Immersiv 3D) ; et pour des nouvelles entreprises nées à cette période, développant exclusivement des visites virtuelles (Explor Visit).
À la suite des travaux évoqués ci-dessus, et considérant le discours comme un instrument de pouvoir (Foucault, 1971 ; Ricoeur, 1983), cet article propose de mettre en lumière le discours d’escorte de la visite virtuelle et d’en comprendre le fonctionnement et les intérêts qu’il sert. Nous portons une attention particulière à la dimension idéologique du discours d’escorte tel qu’il a été décrit par Y. Jeanneret et E. Souchier comme outil d’affirmation de valeurs humaines et politiques (Jeanneret et Souchier, 2001). En d’autres termes, et pour reprendre les termes du titre de l’article, nous nous demandons ici comment les procédés de promotion de la visite virtuelle, par des rhétoriques s’appuyant principalement sur des promesses, relèvent, à un niveau plus général, de la promotion d’un ordre social, technologique et entrepreneurial.
S’appuyant sur le discours d’escorte de la visite virtuelle que nous avons identifié à partir d’éléments relevés au cours de trois enquêtes ethnographiques dans les salons professionnels du patrimoine et du numérique (1.), cet article déploie une analyse de discours à deux niveaux : d’abord, nous nous attachons à présenter l’argumentaire employé par ces entreprises spécialisées pour promouvoir la visite virtuelle auprès des institutions culturelles, avec une attention particulière aux procédés de rhétorique et aux agencements formels et graphiques (2.) ; ensuite nous analysons les imaginaires auxquels ces discours réfèrent et de quelle manière, par des jeux d’implicite et d’invisibilisation, ils participent des rapports de pouvoir symbolique au cœur de la rencontre entre les industries du numérique et le patrimoine (3.).
Une enquête ethnographique dans les salons professionnels
Le salon professionnel comme terrain de recherche
Avant de présenter notre méthode et les résultats de notre étude, nous apportons quelques précisions au sujet de ce terrain de recherche, peu présent dans la littérature scientifique. Le salon professionnel est « un espace clos, caractérisé par une unité de temps, de lieu et d’action ; [qui] rassemble des exposants et des visiteurs autour d’un thème partagé, dans un objectif commercial. » (Cousin, 2005). Défini comme une utopie performative (Cousin, 2005), il se présente comme un terrain fertile pour l’étude du discours d’escorte. Inspiré du modèle des expositions universelles (Ory, 2010), le salon professionnel se caractérise par trois fonctions : commerciale, communicationnelle et politique.
Les deux premières fonctions, commerciale (vendre) et communicationnelle (promouvoir), sont inextricablement liées, comme l’explique la plupart des exposant·es interrogés lors de nos enquêtes : « On est présent ici pour la visibilité, pas vraiment pour signer des contrats, mais si les contacts qu’on se fait nous permettent de signer ne serait-ce qu’un contrat par la suite, alors on rentabilise notre stand. » (Rendr). La fonction politique agit quant à elle à un double niveau, d’une part, elle catalyse les représentations, participe aux injonctions ambiantes du numérique patrimonial et offre un espace de déploiement à l’idéologie du progrès technique, d’autre part, elle repose sur une mise en scène des jeux de pouvoir et de concurrence entre les différentes entreprises du marché.
Les salons professionnels, par leur unité de temps, d’action et de lieu, et les trois fonctions évoquées ci-dessus, sont des hauts lieux de concentration sémiotique où se construisent des représentations et où des rapports de pouvoir se cristallisent. Ils permettent de saisir l’ensemble du dispositif du discours d’escorte des visites virtuelles, dans une approche qui entend dépasser le discours dans son acception commune afin de le considérer comme un dispositif complet (Jeanneret, 2014).
Présentation de la méthodologie
Les projets de numérisation et de présentation du patrimoine via les outils informatiques existent depuis longtemps, prennent différentes formes et empruntent métaphoriquement les codes de la visite muséale (Davallon et Le Marec, 2000 sur les CD-ROM culturels ; Després-Lonnet, 2009 sur les bases de données). Au sein de ces initiatives, nous définissons la visite virtuelle comme une activité spécifique de consultation numérique d’un environnement virtuel mimant une visite réelle reproduite par des techniques informatiques et dans lequel l’utilisateur·ice peut agir en temps réel. Il ne s’agit donc pas d’évocations métaphoriques de l’exposition mais d’une simulation du réel (via des photographies 360 ou des modélisations 3D). Notre étude s’est déroulée au sein de deux salons professionnels internationaux portant sur le tourisme culturel, la valorisation du patrimoine et le numérique. Trois périodes d’enquête s’étalant sur sept jours ont été réalisées en immersion dans les salons où nous avons enquêté sur 12 entreprises qui déclarent proposer une prestation de visite virtuelle telle que définie ci-dessus.
Salon |
Lieu |
Date |
Entreprises étudiées |
SITEM 2021 |
Carrousel du Louvre, Paris |
14, 15 et 16 septembre 2021 |
11e District, Art Graphique et Patrimoine, Explor Visit, Immersiv3D, Mazedia Wezit, Realcast, Smarter Plan |
Museum Connections (MC 2022) |
Parc des expositions de la Porte de Versailles, Paris |
30 et 31 mars 2022 |
11e District, Art Graphique et Patrimoine, Explor Visit, Immersiv3D, My tour live, Smarter Plan |
Museum Connections (MC 2023) |
Parc des expositions de la Porte de Versailles, Paris |
17 et 18 janvier 2023 |
Art Graphique et Patrimoine, Holoforge, Immersiv3D, Incahoots Production, Metaseum, My tour live, Realcast, Saola Studio, Smarter Plan |
Cette enquête se fonde sur l’étude d’éléments hétérogènes collectés sur le terrain selon une démarche que l’on pourrait qualifier, à la suite de J. Le Marec et I. Babou (Le Marec et Babou, 2003 : 235-299), d’ethno-sémiotique. Cette approche permet de « considérer avec une égale attention les phénomènes qui ont trouvé leur inscription, et ceux qui ne sont ni inscrits ni symbolisés, mais qui se manifestent dans l’enquête, au moment des entretiens et des observations. » (Le Marec et Babou, 2003). La méthode que nous avons construite se déploie en trois points : l’observation et l’imprégnation propre à la pratique ethnographique, adoptant une posture de visiteuse-chercheure ; la collecte de matériaux (documents promotionnels, photographies des stands, enregistrement de pitch) et la collecte de la parole des personnes présentes. Pour ce dernier point, nous avons procédé en deux étapes au cours de brefs entretiens réalisés directement sur les stands : il est d’abord demandé à l’interrogé·e de présenter son offre, son produit et son entreprise (recueil du discours commercial), puis les raisons de sa présence au salon (discussion informelle). Dans le cadre de l’analyse proposée dans cet article, nous avons prêté une attention particulière au lexique employé, aux arguments mobilisés et à l’iconographie utilisée dans le but de mettre au jour les motifs récurrents et leur fonctionnement dans la promotion des visites virtuelles par les entreprises étudiées. Cette démarche est une manière d’appréhender le discours d’escorte de la visite virtuelle et, in fine, d’en saisir la dimension symbolique.
Anatomie de l’argumentaire promotionnel de la visite virtuelle
Ce premier niveau d’analyse est consacré à la description des éléments constitutifs du discours d’escorte sur trois plans : le plan formel, qui concerne les agencements spatiaux et graphiques des documents de notre corpus ; les images, considérant le pouvoir des images circulantes de produire une figuration et une implication des pratiques (Jeanneret, 2014 : 227) et les énoncés, en s’intéressant tout particulièrement aux éléments de langage, aux thématiques abordées et aux ressorts rhétoriques utilisés. Cette analyse permet de mettre en lumière trois procédés de mise en valeur du produit visite virtuelle alimentant l’argumentaire promotionnel.
La mise en spectacle d’une pratique culturelle outillée
Les entreprises proposent à la vente un ensemble de supports de visualisation (tables, tablettes, casques) et de services (prises de vues, conseils, modélisations 3D). La pratique de la visite virtuelle, telle que définie plus tôt, est indissociable de son support numérique de visualisation. L’écran, sous ses multiples formes, est donc omniprésent dans le discours d’escorte étudié. Cette importante mise en valeur souligne la dimension technique de cette pratique, et s’inscrit plus largement dans un phénomène de technicisation de la médiation culturelle.
Premièrement, sur le plan formel, l’étude de l’aménagement des stands révèle la présence de multiples outils ayant chacun une fonction. Une multitude d’écrans de toute taille présentent des spots publicitaires diffusés en boucle tandis que d’autres (ordinateur, télévision, tablette, casques) servent de supports de démonstration pour les visites virtuelles. Cette deuxième catégorie d’objets est particulièrement mise en valeur dans la manière de les exposer (présentoirs, mannequins, étagères) sur les stands mais également dans les plaquettes de présentation des produits, à l’image du livret Microsoft HoloLens 2 dans lequel un vernis sélectif est apposé sur les lunettes, opérant une mise en valeur tactile et visuelle de cet outil. La présence des outils donnant la possibilité aux visiteurs de tester le produit souligne la dimension expérientielle de la pratique de visite virtuelle qui est à la fois une pratique numérique et une pratique muséale, se référant à deux types de compétences.
Deuxièmement, sur le plan iconographique, l’ensemble des documents étudiés présente des images de visite virtuelle en situation. Alors que la visite virtuelle pourrait être montrée par une simple capture de page écran, le choix est ici fait de présenter le produit en contexte de consultation, grâce à l’utilisation de maquettes de l’interface en situation sur son support, soulignant l’importance de l’outil dans la pratique. En ce sens, nous observons de nombreuses images d’utilisation des outils in situ : des cadrages serrés sur des mains utilisant des tablettes, des individus de dos utilisant des ordinateurs et des montages photographiques présentant des personnes équipées de casques de visionnage dans une mise en abyme du contenu visionné.
Troisièmement, une grande partie du contenu des énoncés est dédiée à la mobilisation d’arguments technicistes. Comme l’ont décrit de N. Pianezza, L. Renaud et N. Navarro dans leur étude d’articles de presse portant sur les projets numériques patrimoniaux, la croyance au pouvoir de la technique pour améliorer la visite et l’enchantement produit par l’adjonction du numérique au patrimoine révèlent le profond déterminisme technique dans lequel s’ancrent ces discours (Pianezza, Renaud et Navarro, 2019). Le corpus fait apparaitre de nombreuses mentions à des techniques (« réalité augmentée », « réalité virtuelle », « réalité mixte », « photogrammétrie », « vidéo 360 degrés », « numérisation 3D ») convoquées comme arguments d’autorité pour promouvoir la visite virtuelle : « Notre technologie permet l’enrichissement de votre visite avec des textes, des vidéos, des photos, et bien d’autres possibilités rendant la visite interactive et unique. » (Immersiv3D).
Sur tous les plans étudiés, l’aspect technique des visites virtuelles est particulièrement important pour les acteurs en faisant la promotion. Il s’agit ici de promouvoir une pratique spécifique : la visualisation par un outil numérique, insistant de fait sur la dimension technique de cette pratique. Les outils ne sont pas seulement un écrin au contenu, mais font partie intégrante de l’expérience vendue, c’est d’autant plus vrai pour le cas des casques de visualisation. En ce sens, le casque, par la capacité qu’il a de faire vivre à son utilisateur·ice une expérience culturelle, acquiert une valeur symbolique importante.
La promesse culturelle
La mise en scène de la technique de visualisation évoquée précédemment souligne le cœur de l’argumentaire : la promesse culturelle. Nous entendons par la promesse « l’expression explicite d’une proposition sur la communication et ce qu’elle peut apporter au public »
(Jeanneret, 2014 : 66). Cette promesse se déploie au travers de trois thématiques : l’expérience de visite, la démocratisation culturelle et la place du visiteur. Ces thématiques sont par ailleurs récurrentes dans la promotion des projets numériques patrimoniaux de manière plus générale (Sandri, 2016 ; Navarro et Renaud, 2020), confirmant la place de la visite virtuelle dans la panoplie des produits disponibles sur le marché spécifique du numérique patrimonial.
L’étude des énoncés montre que l’expérience est qualifiée selon deux modalités : l’expérience récréative, avec la mobilisation d’un vocabulaire se rapportant à la dimension sensible (« comme si vous y étiez », « ludique », « captivant », « immersif ») et l’expérience pédagogique où la visite est décrite comme « informative » et « enrichissante ». En complément, l’iconographie représente des individus équipés montrés systématiquement souriants, ce qui souligne la dimension récréative de l’expérience. Enfin, sur le plan formel, l’aménagement des stands favorise l’effet d’immersion grâce à l’utilisation de lumières, de papiers peints et le recours systématique au test produit. Le deuxième élément constitutif de cette promesse est la thématique de la démocratisation culturelle. Promesse éculée dont les prémices remontent à la fin des années 1950, elle s’est affinée et enrichie avec le temps de notions connexes (accessibilité, inclusivité, émancipation) lui permettant de subsister et d’apparaître encore comme un idéal à atteindre. Dès les débuts de l’utilisation des techniques informatiques pour la valorisation et l’interprétation du patrimoine, l’accent est mis sur le supposé pouvoir du numérique, d’une part pour attirer les publics, qu’ils soient « nouveaux », « non- », « éloignés », « de tous les âges » ; d’autre part pour leur transmettre des connaissances de manière « adaptée », « individualisée » et « ludique ». Étonnamment, la thématique de l’accessibilité aux personnes en situation de handicap, pourtant prégnante dans les discussions en cours au sein des institutions culturelles et dans la recherche en muséologie, n’apparaît que de manière anecdotique dans notre corpus. Une seule des entreprises étudiées se positionne clairement sur l’accessibilité, Incahoots Production, dont la fondatrice est elle-même en situation de handicap. La mise aux normes des bâtiments « coûteuse et souvent très compliquée » est un argument de vente de leur produit, celui-ci permettrait par ailleurs aux institutions d’obtenir le label « Tourisme et Handicaps ».
Enfin, la promesse culturelle s’appuie sur l’invocation systématique du visiteur : il est fait appel à sa figure dans le but de justifier l’existence du produit. Si le tournant communicationnel des musées est marqué par le développement des services des publics dans les institutions, donnant une importance grandissante aux projets de médiation dès la fin du 20e siècle, les discours d’escorte étudiés ici réinterprètent le souci du public en mélangeant visiteur, consommateur et internaute, insistant sur l’importance de liberté et d’engagement de ce dernier. La visite virtuelle est présentée comme un moyen de contrôle offert au visiteur pour prendre possession de la visite : « [la visite virtuelle] permet au visiteur de devenir acteur de son parcours culturel. » (Microsoft). Cela renforce une dichotomie préexistante dans les discours sur les outils numériques de visite, entre visiteur passif et visiteur actif : « Le visiteur est maître de la découverte des lieux et la nouveauté du média le pousse naturellement à la curiosité » (Immersiv 3D). Ici, le terme « maître » sous-tend une vision de la visite muséale « traditionnelle » dans laquelle le visiteur serait en position de subir sa visite, l’outil numérique lui permettant de reprendre la main sur celle-ci.
La légitimation du produit et de l’entreprise
Pour finir, l’argumentaire promotionnel de la visite virtuelle passe par différents procédés visant à justifier non seulement l’existence des visites virtuelles mais aussi, à légitimer les entreprises qui les développent. Cela se matérialise dans le discours d’escorte par des stratégies de positionnement et de différenciation des entreprises faisant appel à diverses ressources argumentatives.
Dans un premier temps, les énoncés affichent les bénéfices que gagneraient les institutions à traiter avec les entreprises. Ceux-ci reposent sur trois arguments identifiés par les entreprises comme un levier : la collaboration, la simplicité et le respect. L’argument de collaboration se déploie à travers des offres « sur mesure », une approche compréhensive et l’emploi systématique du pronom vous dans les adresses au lecteur. L’argument de simplicité, quant à lui, est rassurant pour le potentiel client, il est gage de la simplicité de l’utilisation pour le visiteur qui pourra accéder au contenu « en un simple clic ». Enfin, la légitimation s’appuie également sur l’argument de respect. D’une part de la véracité scientifique liée à l’interprétation du patrimoine en question : « Une diffusion et un déroulé de visite sous le contrôle d’un médiateur […] Une solution de médiation au plus près du métier et des pratiques réalisées in situ. » (My tour live). D’autre part de l’image de celui-ci dans sa numérisation : « Des reconstitutions 3D de haut niveau scientifique » (AGP), « Un service de numérisation 3D permettant de reproduire fidèlement vos espaces » (Explor Visit).
Dans un deuxième temps, les entreprises mettent en place une stratégie de légitimation par une forme de labellisation via l’apposition quasi-systématique de logos sur les documents promotionnels. Un premier ensemble de logos se rapporte à des clients et apparaît dans des rubriques de type « ils nous font confiance » ou en bas de page des documents ; ce sont des institutions ou entreprises clientes dont on cherche à mettre en avant les plus prestigieuses. Un deuxième ensemble de logos se rapporte à des institutions publiques d’accompagnement d’entreprises (AFD, French Tech, BPI), à des programmes d’incubation (Creatis, Centquatre) ou à des prix obtenus. Ces deux ensembles ont pour but de mettre en valeur et de témoigner de l’expertise de l’entreprise sur le marché visé. Nous observons de plus que les entreprises utilisent une série d’arguments quantitatifs destinés à justifier leur réussite par le nombre : « Nous avons déjà réalisé plus de 10 visites virtuelles » (InCahoots Production), « + de 12 000 visiteurs, + 85 % de satisfaction, 700 m2 d’espace maximum, 20 HoloLens en simultané » (Realcast).
Dans un troisième temps, la légitimation des produits et des entreprises opère par l’emploi de formules : « la formule […] peut fonctionner comme indice de reconnaissance permettant de « stigmatiser » – positivement ou négativement – ses utilisateurs. » (Krieg-Planque, 2009 : 83). Nous nous arrêtons ici tout particulièrement sur le terme innovation, qui présente selon nous les quatre propriétés d’une formule selon Alice Krieg-Planque : elle dispose d’un caractère figé, d’un caractère discursif, elle est un référent social et présente une dimension polémique (Krieg-Planque, 2009). Surinvestie dans tous les domaines de la société, elle fait référence à des réalités différentes (innovation technique, innovation sociale, innovation économique, etc.). La quasi-totalité des documents écrits et oraux du corpus utilise cette formule pour qualifier : leur outil, « des produits innovants » (Immersiv 3D), leur service, « une forme de médiation innovante » (Realcast), et leur idée, « un concept innovant » (11e District). Utilisée comme un argument de communication, cette formule incarne une réalité mais traduit également une part de « fantasme » de la part de ceux qui l’utilisent (Aquilina, Mahéo, Pasquer-Jeanne, 2019).
Les intérêts sous-jacents au discours d’escorte de la visite virtuelle
L’analyse des composantes de l’argumentaire promotionnel montre comment, à grands renforts de stratégies discursives et promettant une expérience enrichie, immersive, ludique, les entreprises qui développent les visites virtuelles se voient investies d’une forme d’autorité symbolique sur ce que devrait être la médiation culturelle. Ce pouvoir, acquis par les entreprises par le biais du discours d’escorte, leur permet d’asseoir leur légitimité et de diffuser un imaginaire technophile et une vision entrepreneuriale à l’ensemble de la société, faisant ainsi passer des intérêts spécifiques pour universels. C’est le fonctionnement même de l’idéologie, décrit par P. Ricoeur (Ricoeur, 1983), qui est à l’œuvre dans les discours étudiés. Cette seconde partie de l’analyse vise à identifier la place de l’idéologie du progrès et du solutionnisme technologique (Morozov, 2013) dans les discours, servant les intérêts de développement des entreprises sur un marché du numérique patrimonial en pleine structuration.
Les motifs du progrès
Venus de la Silicon Valley et répétés depuis plusieurs décennies dans les sphères du numérique ainsi que par les gourous du développement personnel lié au monde des start-up, les slogans « make a difference » (faire la différence), « change the world » (changer le monde), « invent the futur » (inventer le futur) sont le témoin de l’imaginaire progressiste et productiviste lié aux industries du numérique (Galluzzo, 2023). Cet imaginaire est directement imprégné de la vision utopiste à l’origine de la culture numérique et de son évolution capitaliste reposant sur l’exploitation économique des activités liées aux technologies info-communicationnelles (Cardon, 2019). Si les entreprises de notre corpus ne sont pas de rang international comparable à Google, Amazon ou Meta, elles font partie d’un contexte numérique détenteur d’un immense pouvoir économique et symbolique dans lequel les grands noms influencent la construction de l’identité des plus petits, comme le montre la présence des trois thématiques, différence – changement – futur, omniprésentes dans notre corpus.
En premier lieu, l’ensemble des énoncés précédemment évoqués concourant à la légitimation de l’entreprise traduisent un objectif de distinction et expriment l’idée selon laquelle le produit va « faire la différence » notamment par l’expression « [la technologie] au service de [la culture] » accolée à des qualificatifs mélioratifs sur les apports des dispositifs numériques pour le patrimoine, sur-représentés dans le corpus, et qui signale le bénéfice du projet numérique pour l’institution. Deuxièmement, le motif du changement est récurrent, il s’incarne par l’expression de la redéfinition : « Saola redéfinit l’expérience visiteur par l’utilisation des possibles de la technologie » (Saola) ; et de la nouveauté : « La réalité mixte […] révolutionne notre rapport au numérique » (Holoforge). Troisièmement, le motif du futur est omniprésent, avec l’expression de la nouveauté, de l’innovation et de la révolution que nous venons d’évoquer, mais aussi de manière plus franche : « Shape the future of culture » (Metaseum), « La visite virtuelle interactive est le futur de l’image, elle est à portée de clic » (Immersiv 3D).
Par ailleurs, certains énoncés combinent les différents motifs, comme celui-ci : « HoloLens ouvre un nouveau monde digital pour les établissements culturels et contribue à relever leurs défis économiques et humains d’aujourd’hui et de demain. » (Microsoft). Cela situe le discours sur la visite virtuelle dans l’imaginaire du progrès fondé sur une société qui s’améliorerait constamment grâce aux techniques. Ces références implicites à l’idéologie du progrès technique sous-tendent une vision entrepreneuriale de la culture et incarnent une prétention des entreprises à s’imposer comme moteur dans le champ de la médiation culturelle. Dans les faits, cette prétention souligne plutôt les relations de partenariat, et non plus seulement de prestation, entre les institutions et les entreprises. Si nous pouvons relativiser le poids des entreprises qui, si elles influent sur le format et le type de médiation proposée, ne semble pas porter atteinte, pour l’instant, à l’expertise qu’ont les institutions sur les contenus délivrés (Cambone, 2019), nous estimons qu’il s’agit toutefois d’une manière pour elles de « gagner du terrain », dans un contexte de mutation toujours plus important du service public.
Pitch et solutionnisme technique
Cet imaginaire du progrès se déploie également par le biais du terme solution employé par toutes les entreprises de notre corpus pour désigner leur produit. Le solutionnisme technique, tel qu’il est pensé E. Morozov, fait référence à ce que J. Ellul avait déjà identifié comme un « système technicien » dans lequel la solution précède le problème (Ellul, 1988 ; Morozov, 2013). Le solutionnisme technique désigne, et dénonce, l’omniprésence et l’omnipotence des techniques qui encouragent par ailleurs l’aliénation à la marchandisation de tous les pans de la société.
L’idéologie du solutionnisme technique s’incarne particulièrement bien dans l’exercice du pitch auquel se soumettent régulièrement les start-up du numérique. Pitcher désigne une façon de présenter un projet de manière concise à des interlocuteurs, le plus souvent des investisseurs et des prospects, dans l’objectif de convaincre et de chercher l’adhésion par l’utilisation de codes précis (la concision, la clarté, l’emploi du storytelling). La mise en récit est un enjeu fondamental, il s’agit de raconter son identité et son histoire de manière à créer de l’empathie et du désir chez le potentiel client (Flécher, 2021 ; Galluzzo, 2023). Les pitchs étudiés empruntent sensiblement le même déroulé et tournent autour de la résolution d’un problème. Pour notre démonstration, nous nous appuierons sur le pitch de l’entreprise Explor Visit réalisé dans le cadre du concours de pitch du salon Sitem 2021.
D’abord, le problème est exposé. Il se fonde soit sur une anecdote personnelle, soit sur une vérité générale : « On est nés d’une idée très simple, un constat : un français sur deux déclare ne pas avoir visité de site culturel en France. » 3 Il s’agit d’apporter ensuite une solution technique simple et apparemment pertinente à ce problème : « Ce constat nous a permis de comprendre et essayer de trouver des solutions justement pour permettre à tout un chacun de visiter des sites culturels, la visite virtuelle ». Pour terminer, il convient de se démarquer sur le marché en mentionnant une vision particulière, des programmes d’incubation ou des récompenses gagnées et les perspectives d’évolution de l’entreprise : « Par la suite, on a eu un prix French Tech, nous sommes dans l’incubateur Créatis à Paris et aujourd’hui on va faire le lancement d’Explor Visit Live. » À grands renforts d’éléments de langage visant à souligner l’argumentaire (simplicité, facilité, déroulement des arguments comme une suite logique), les locuteurs mettent en récit leur projet selon un modèle bien défini et dans lequel la question du fond du projet semble n’avoir que peu de place. Appuyée sur l’idéologie du solutionnisme technique, la solution visite virtuelle apparaît donc comme un argument d’autorité dans le discours des entreprises à son sujet.
Des rapports de pouvoirs implicites
Pour terminer, nous souhaitons porter notre réflexion sur des enjeux peu visibles, car implicites, dans les discours étudiés, pourtant essentiels dans la compréhension du secteur du numérique patrimonial. Il s’agit d’intérêts qui ne relèvent plus simplement du niveau de la promotion des produits et des projets auprès de clients potentiels mais qui impliquent des enjeux socio-économiques mondialisés sur fond de monopole et standardisation.
Nous nous appuierons à titre d’exemple sur l’analyse comparative de deux plaquettes promotionnelles de l’entreprise Smarter Plan (figure 8) et de l’entreprise Kimmersiv (figure 9). La seconde image, « SANS Smarter-Plan : visite virtuelle standard », de la plaquette Smarter Plan, fait implicitement référence à l’entreprise Matterport, utilisée par de nombreuses start-up concurrentes qui produisent des visites virtuelles. Matterport est en effet leader sur le marché de la numérisation – tous secteurs confondus – elle propose la location de matériel de captation ainsi qu’une plateforme d’assemblage et de diffusion des images créées. Cet outil est décrit par les utilisateurs rencontrés au cours de notre enquête comme facile à prendre en main, mais limité et il fait l’objet de critiques de la part des entreprises qui développent leurs propres logiciels. Ces critiques portent principalement sur la standardisation des visites produites avec Matterport, les rendant par ailleurs très reconnaissables (notamment par les points bleus lors du dézoom de la page, comme le montre l’image de la figure 8). Si Smarter Plan se démarque de Matterport, Kimmersiv revendique au contraire l’utilisation de cet outil (figure 9), ce qui nous est par ailleurs confirmé lors de notre rencontre avec ses fondateurs sur leur stand au Sitem 2021.
Cet exemple démontre bien l’ambivalence autour de la standardisation des propositions de visite virtuelle, perçue comme néfaste par certains, mais prônée par d’autres. Ce double discours témoigne d’un paradoxe : cherchant la rentabilité, les entreprises standardisent et industrialisent leurs procédés de production à l’aide des outils à leur disposition mais, dans le même temps, souhaitent se démarquer des entreprises concurrentes et promettent à leurs clients une visite unique. Cela témoigne des rapports de pouvoir à l’intérieur même du marché mais éclaire aussi un enjeu économique et social peu mis en avant. Il s’agit du potentiel impact des monopoles dans le développement des projets numériques patrimoniaux. Concernant l’entreprise siliconnienne Matterport, associée à Amazon Web Service depuis 2021, il en va de son emprise sur le marché des « jumeaux digitaux immersifs » ; sur son site web, l’entreprise se présente comme « la norme pour la capture d’espaces 3D. » L’enjeu affiché est de devenir le standard en matière de substitut numérique non seulement pour le patrimoine, qui ne représente par ailleurs qu’une petite partie de son activité, mais pour l’ensemble des secteurs concernés (immobilier, ingénierie, architecture, etc.). Selon P. Bué, c’est une forme de propriétarisation qui est « la signature d’une prise de pouvoir de la conception logicielle sur la propriété symbolique et économique des projets. » (Bué, 2021). Si ces éléments ne sont pas explicitement formulés dans les documents de notre corpus, ils y apparaissent en filigrane, comme dans l’exemple évoqué ci-dessus, et dans les discussions informelles que nous avons pu avoir avec les exposant·es sur les stands, ils soulignent la complexité des enjeux micro et macro liés au secteur de production des visites virtuelles.
Conclusion
Poursuivant l’évolution amorcée par les tournants gestionnaire et commercial des musées, l’importance grandissante des outils informatisés de médiation a reconfiguré les rapports entre les professionnels des différents secteurs, dont on observe aujourd’hui un jeu de pouvoir autour du discours légitime sur la médiation culturelle (Jeanneret, 2019). Ces dernières années, la visite virtuelle s’est imposée comme outil prétendument indispensable dans la panoplie des outils de médiation des institutions culturelles. Au cours de nos enquêtes dans les salons professionnels du numérique et du patrimoine, nous avons perçu avec quelle force de conviction les acteurs du numérique défendent leurs produits. Les arguments et les procédés rhétoriques employés par les entreprises dans la promotion de la visite virtuelle font preuve de leur intérêt à se positionner comme un acteur indispensable dans le champ de la médiation. La promesse qu’ils construisent autour de la visite virtuelle combine les promesses historiquement liées à la médiation culturelle (accessibilité, démocratisation, pédagogie) et à l’imaginaire du numérique (rapidité, simplicité, ubiquité, solutionnisme technique). La prophétie ainsi énoncée est celle d’une nouvelle forme d’expérience culturelle où les performances technique occupent une place centrale.
Cette « spectaculaire prolifération des discours normatifs sur la nécessité d’une mutation des musées sous l’espèce de la prétendue « transformation digitale » » (Jeanneret 2019 : 116) mérite une attention particulière à deux niveaux : d’une part pour les « zones d’invisibilité » qu’ils créent, en particulier au sujet des enjeux écologiques, éthiques, sociaux et interculturels (Sandri, 2020 : 109), d’autre part pour la dimension idéologique à laquelle ils sont rattachés et qui tend à placer les entreprises du numérique en position de domination symbolique et économique dans le champ culturel.
Notes
[1] D’abord à l’initiative des professionnel·les du patrimoine dont les pratiques numériques ont évolué au gré de leurs expériences personnelles et professionnelles, les projets numériques patrimoniaux se sont institutionnalisés au travers des politiques culturelles numériques menées par le Ministère de la culture. Si son rôle est la légitimation et le soutien financier apporté à ce type de projet (Couillard, 2019), l’intégration du champ du numérique patrimonial aux actions menées par d’autres ministères – comme par exemple le Plan France 2030 du Ministère de l’économie lancé en 2021 – a renforcé et amplifié les enjeux politiques et économiques de ces projets.
[2] Il n’y a pas de consensus sur la façon de nommer ces objets médiatiques. Dans le monde professionnel comme dans les recherches sur le sujet, plusieurs termes coexistent (cybermusée, visite virtuelle, visite numérique, exposition en ligne, etc.). Dans son récent Guide pratique des visites en ligne, le ministère de la Culture encourage l’utilisation du terme visite en ligne. Pour notre part, si nous préférons l’expression substitut numérique d’exposition (Tardy, 2015), nous utiliserons dans cet article l’expression visite virtuelle afin de restituer le discours majoritaire issu de notre terrain d’étude et dans le but de rendre la lecture plus fluide.
[3] Le rapport 2018 de l’enquête « Pratiques culturelles » menée par le service statistique du Ministère de la culture (DEPS) rapporte en effet que 56% des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir visité un musée, une exposition ou un monument historique au cours des douze derniers mois. Source : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Etudes-et-statistiques/L-enquete-pratiques-culturelles/L-enquete-2018
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Auteure
Allison Guiraud
Doctorante au Centre Norbert Elias, UMR 8562, à Avignon Université. Sa recherche doctorale porte sur le fonctionnement socio-symbolique du secteur du numérique patrimonial à travers l’étude de ses acteurs (entreprises et institutions culturelles) et de leurs enjeux communicationnels, politiques et économiques.
allison.guiraud@univ-avignon.fr