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Les dispositifs informatisés de médiatisation muséale et patrimoniale : préfigurations d’un questionnement

24 Juin, 2024

Résumé

L’article traite de la manière dont les questionnements soulevés dans trois enquêtes, au moment de l’arrivée des dispositifs informatisés de médiatisation dans les musées à la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, préfigurent ceux actuels sur les relations entre ce type de dispositifs – ainsi que les industries qui les produisent – et les institutions muséales et patrimoniales. Après un rapide rappel du contexte, les trois enquêtes sont résumées et leurs résultats rappelés. Ces enquêtes portent respectivement sur les interactifs, cédéroms et sites de musée au Canada et en France ; sur les premiers usages des cédéroms de musée ; sur les audioguides informatisés et de leur usage, complétée d’une étude sur les applications mobiles de guidage pour musées ou sites patrimoniaux. Les principaux résultats font ensuite l’objet d’une analyse secondaire et d’une discussion qui ouvrent sur les questionnements actuels.

Mots clés

Médiatisation, usage, musées, sites patrimoniaux, industries médiatiques

In English

Title

Computerized mediatization devices for museum and heritage sites : prefigurations of a questioning

Resume

After a reminder of the context, the article presents three investigations on the arrival of computerized media devices in museums at the end of the last century and at the beginning of it: on interactive, CD-ROMs and museum sites in Canada and France; on the first uses of museum CDs; on computerized audio guides and their use, supplemented by a study on mobile guidance applications for museums or heritage sites. All the main results are the subject of a secondary analysis which opens with a discussion of how they prefigure the current questions on the relations of these devices, and the industries which produce them, to the museums and heritage sites.

Keywords

Mediatization, use, museums, heritage sites, media industries

En Español

Título

Los dispositivos computarizados de mediatización  museística y patrimonial: prefigurar una pregunta

Resumen

Después de un repaso del contexto, el artículo presenta tres investigaciones sobre la llegada de los dispositivos informáticos de mediatización a los museos a finales del siglo pasado y al principio del mismo: sobre los interactivos, los CD-ROM y los sitios de museo en Canadá y Francia; sobre los primeros usos de los CD-ROM de museo; sobre las audioguías informatizadas y su utilización, completada con un estudio sobre las aplicaciones móviles de guía para museos o sitios patrimoniales. El conjunto de los principales resultados es objeto de un análisis secundario que abre un debate sobre la forma en que prefiguran las actuales cuestionamientos sobre las relaciones de estos dispositivos y de las industrias que los producen con las instituciones museísticas y patrimoniales.

Palabras clave

Mediatización, uso, museos, sitios patrimoniales, industrias mediáticas

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Davallon Jean, , « Les dispositifs informatisés de médiatisation muséale et patrimoniale : préfigurations d’un questionnement », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°24/2, , p.17 à 41, consulté le mardi 2 juillet 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2024/supplement-a/01-les-dispositifs-informatises-de-mediatisation-museale-et-patrimoniale-prefigurations-d-un-questionnement/

Introduction

L’équipe rassemblée dans le Centre d’étude et de recherche sur les expositions et les musées (Cérem) à l’université Jean Monnet à Saint-Étienne, qui travaillait alors sur le « tournant communicationnel » des musées, a eu l’opportunité de participer à deux enquêtes portant sur l’arrivée des premiers dispositifs informatisés dans les musées, qui seront complétées une dizaine d’années plus tard par une troisième à l’occasion de l’informatisation des audioguides. Quelque vingt-cinq ans plus tard, le présent article est l’occasion de revenir sur ces enquêtes et de se pencher sur le destin des questionnements qu’elles ont mis au jour.

Pour lever un certain nombre d’ambiguïtés possibles, je précise que je souscris pleinement à la critique de Nicolas Navarro et Lise Renaud (2019) sur l’usage actuel du terme générique de « médiation numérique » qui nie la spécificité communicationnelle de chacun des différents dispositifs concernés, et qui appelle donc une analyse des « différents types de signes qui mettent en scène le patrimoine » (Renaud, 2020, p. 135), amenant à les aborder en tant qu’« outils numériques d’interprétation patrimoniale » et à mettre l’accent sur « l’analyse des formes de l’écriture numérique patrimoniale » (ibidem) ; néanmoins, ayant à prendre en compte le fait que les enquêtes portent sur la relation de ces outils à la dimension institutionnelle des musées et des sites patrimoniaux (les différents types de musées, les monuments, les sites archéologiques, les ensembles urbains, etc.), je considérerai ces outils en tant que « dispositifs informatisés de médiatisation muséale et patrimoniale » – une expression qui sera réduite dans la suite du texte à « dispositifs informatisés de médiatisation » pour faciliter la lecture. Dans le cas présent, le terme de « médiatisation » désigne principalement le fonctionnement communicationnel du dispositif médiatique spécifique à ces institutions, en ce qu’il opérationnalise la médiation ce dispositif (spécialement l’exposition), par l’intermédiaire des objets patrimoniaux qu’il contient, instaure entre le visiteur et le monde d’origine de ces objets. Mais il désigne aussi les modalités que prend ce fonctionnement du fait du processus d’industrialisation qui caractérise les dispositifs informatisés de médiatisation mobilisés.

En premier, il importe de rappeler brièvement le contexte dans lequel ces nouveaux dispositifs ont fait leur apparition – les débuts d’une mutation des institutions muséales et patrimoniales –, car il sert de toile de fond aux questionnements que soulèvent ces dispositifs lors de cette apparition. La présentation des enquêtes et de leurs résultats servira de support à une analyse secondaire faisant apparaître les enjeux de ces questionnements. Enfin, la discussion finale dressera l’état des questionnements actuels au regard de ces enjeux et de l’évolution des institutions muséales et patrimoniale selon la logique rappelée dans le contexte.

Contexte et origine des trois enquêtes

À l’époque des deux premières enquêtes, un certain nombre de transformations sociétales et politiques sont venues accélérer un changement des musées qui s’était amorcé pendant les décennies précédentes. C’est donc dans le contexte d’une montée en puissance de la communication dans les missions du musée avait vu le jour, avec une primauté accordée à la logique de médiatisation – c’est-à-dire aux fonctions de « présentation » et « d’animation » selon Gob et Drouguet (2006). Les institutions muséales sont en train alors de se « culturaliser », c’est-à-dire de devenir des organisations plus « culturelles » (au sens étendu du terme) que strictement patrimoniales sous la double injonction qui leur a été faite de rationaliser leur fonctionnement et de se démocratiser. La troisième enquête est intervenue à un moment où ces dispositifs informatisés de médiatisation étaient eux-mêmes devenus facteurs de transformation possible.

Le contexte sociétal et institutionnel au tournant du siècle

À l’époque, le contexte sociétal dans son ensemble apparaît marqué par deux transformations idéologiques d’importance – deux transformations dans le système de référence permettant de penser le fonctionnement des institutions publiques – qui vont avoir des conséquences majeures sur les institutions muséales et patrimoniales. La première est un alignement de l’action publique sur la « rationalité » gestionnaire : ce qui est public doit se conformer aux règles de fonctionnement des entreprises. Cet alignement fut d’abord perçu comme une simple rationalisation de l’action publique, mais s’avérera dans les années ultérieures comme l’empreinte naissante d’une idéologie devenue le gouvernail des politiques et des règles de l’administration ; à savoir, les politiques néolibérales sous la contrainte du développement du capitalisme financier et médiatique. Parallèlement, la seconde transformation, non sans lien d’ailleurs avec la première, a été le développement de ce que l’on appelle alors la « société de l’information » (Labelle, 2001). Mais auparavant, les institutions patrimoniales avaient été elles-mêmes le siège de deux autres transformations qui, comme les premières, furent soutenues et encouragées par les administrations qui assuraient leur tutelle et souvent (du moins en France) leur financement. Il s’agit d’une part de ce que Schiele (1992) a appelé « l’invention simultanée du visiteur et de l’exposition » ; autrement dit, du développement des études de visiteurs – dit aussi développement de « l’évaluation » –, et d’autre part du passage d’une « présentation » des objets (œuvres, spécimens, objets archéologiques ou ethnologiques, monuments, sites, etc.) à leur « mise en exposition ». Au moment des deux premières enquêtes, avec ces diverses transformations, les institutions muséales étaient ainsi marquées par trois phénomènes (Davallon, 1997).

Le premier était leur entrée dans la sphère marchande ; laquelle les obligeait à des compromis entre leur logique institutionnelle traditionnelle et une nouvelle logique commerciale (Benghozi & Bayart, 1993 ; Tobelem, 2005). Cette entrée s’est, par exemple, traduite par l’introduction du ratio coût-bénéfice, par un financement sur projet, par la nécessité d’augmenter les ressources propres ou par celle de gérer des flux. Elle s’est s’accompagnée d’un progressif déplacement du centre de gravité de la mission de ces institutions, depuis les fonctions de recherche, de conservation et de présentation des collections vers celle notamment d’exposition, et plus généralement d’une quête de nouveaux dispositifs à destination du public. Avec ce tournant commercial qui fut aussi un tournant culturel, les premières missions ne disparaissaient évidemment pas, mais le changement de référence allait progressivement se traduire par une affectation prioritaire de ressources aussi bien humaines que financières à la production de médias à destination des publics.

Le second phénomène ne fut autre que le renforcement de la médiatisation. Une des formes visibles de la « culturalisation » des musées a été le passage de la traditionnelle muséologie d’objet (la « présentation » évoquée ci-dessus, héritée des musées d’art ou d’histoire naturelle), à une muséologie de savoir lors du développement des musées de sciences, puis à une mise en exposition centrée sur le visiteur et son expérience de visite ; autrement dit, le passage à une muséologie de point de vue (Davallon, 1992) qui a eu tendance à rapprocher la visite d’une activité de loisir, avec toutes les contradictions dont un tel rapprochement était porteur (Montpetit, 1996 ; Drouguet, 2005 ; Chaumier, 2011). Parallèlement, ce développement de la mise en exposition s’est accompagné de celui de la médiation (entendue au sens professionnel du terme). Tout d’abord, de la médiation humaine, avec notamment la création de services des publics et l’émergence du métier de médiateur ; puis très rapidement, avec la quête de nouveaux dispositifs de médiation, tant comme adjuvant direct de l’exposition – tels que le journal d’exposition (à côté du catalogue) ou les audioguides – qu’en complément de celle-là, avec par exemple la création de librairies qui ont non seulement consacré la place prépondérante accordée à la reproduction photographique, que ce soit des œuvres dans les musées d’art ou des artefacts et des spécimens dans les musées scientifiques (musées de techniques, musées d’histoire naturelle ou musées de société), mais qui sont rapidement devenus des lieux de vente de produits dérivés. Ce renforcement de l’axe de la médiatisation, par rapport à celui de la relation des objets à leur monde d’origine (la « médiation », entendue au sens conceptuel, définissant le caractère symbolique de l’institution muséale), ouvrira la porte, sous l’effet conjoint de la rationalisation et de la standardisation, à la mise en exposition comme une « industrie médiatique » – i.e. une industrie dont le « cœur de métier » est de produire des objets culturels de qualité professionnelle (Jeanneret, 2014, p. 677-678.) – qui est d’abord centrée sur le visiteur (German, 2017, p. 24-28). Dès lors, les grands musées – à l’image des organisations produisant les grandes expositions (blockbuster exhibitions) – feront par exemple progressivement appel à des entreprises ou à des corps de métiers spécialisés intervenant en tant que prestataires (documentalistes, éventuellement chercheurs, concepteurs, spécialistes du marketing, scénographes, constructeurs, mais aussi professionnels de la promotion, du gardiennage, de la médiation, etc.).

Le troisième phénomène a été le recours à une évaluation des actions et des productions des institutions muséales à l’aune des publics. Si l’évaluation, telle qu’introduite par les chercheurs était à cette époque conçue comme un moyen d’aider le musée à remplir sa mission spécifique à destination du public, elle évoluera jusqu’à devenir un outil de conception de prestations ou de produits à destination de certains types de visiteurs, dans un passage du public aux publics. Ainsi, l’approche des pratiques, des comportements, des attentes et des usages des visiteurs (découverte, délectation, satisfaction, apprentissage, sociabilité notamment familiale, etc.) sera reconfigurée dans la création d’offres plus ou moins spécifiques, à destination de segments de « publics » plus ou moins différenciés (Le Marec, 1997, 2007).

Mais, pour nous en tenir à notre propos, ces trois phénomènes constituent l’arrière-plan institutionnel de l’injonction faite spécialement aux musées à intégrer les « nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Les dispositifs informatisés ont ainsi tout d’abord porté sur les collections, avec la production des bases de données informatisées pour la gestion des collections (dénommée à l’époque par le raccourci « d’informatisation des collections ») ou encore avec la reproduction des œuvres sous forme numérisée (dite alors « numérisation des collections »). Les bases de données ainsi produites ont notamment permis la création de vidéodisques destinés à les rendre consultables par le public (Després-Lonnet, 2000 ; 2009). Ce premier dispositif en direction du public (le vidéodisque) a ainsi permis la jonction du développement de la gestion et de la reproduction numérique avec le versant de la communication. Mais au moment de nos deux premières études, le vidéodisque était en passe de disparaître au profit de nouveaux dispositifs, qui avaient la forme de textes-médias informatisés (Jeanneret, 2008, p. 41, p. 139 ; Tardy, Jeanneret, 2007) et qui venaient prendre place au côté des activités traditionnelles de présentation et d’animation. Ces dispositifs étaient alors rassemblés sous la bannière de « l’édition multimédia » ou encore sous celle du « multimédia de musée », dont Geneviève Vidal (1998, p. 90-91) donne une éclairante définition : « Le multimédia de musée peut être considéré comme un média interactif intégrant simultanément des images fixes ou animées, des sons et des textes numérisés. Il s’agit concrètement de produits et services à contenu muséal. Actuellement [i.e. en 1998], les deux supports les plus répandus sont le cédérom et le site Web. » Cependant à ces deux médias informatisés à destination d’un public externe, il faut évidemment ajouter un dispositif informatisé interne à l’exposition, qui va de plus servir de référence : les « interactifs » (dits aussi « bornes interactives »), qui furent les premiers dispositifs à être présents dans les musées de sciences tels que la Cité des sciences et de l’industrie à Paris (Le Marec, 1993), avant que n’apparaissent, à titre encore expérimental au moment de notre première enquête, les tout premiers écrans tactiles (par exemple au musée McCord d’histoire canadienne à Montréal).

Origine des trois enquêtes

La première enquête, intitulée Les musées face à l’édition multimédia (Brochu, Davallon 1999), était une réponse à un appel d’offres conjoint de la Société des musées québécois et du ministère de la Culture et de la Communication en France sur l’élaboration d’un référentiel à destination des musées en matière « d’édition multimédia », c’est-à-dire les cédéroms, les bornes interactives et les sites internet naissants. Prenant place dans « l’Accord Canada France pour la muséologie », elle devait s’appuyer sur un examen des similitudes et des différences entre les deux pays. Elle a donc pris la forme d’une coopération avec des collègues québécois à un moment où le Québec se trouvait alors dans une période de fort développement (ou de rénovation) des musées (centres de sciences, musée de la Civilisation de Québec, musée canadien des Civilisations, musée d’Archéologie et d’Histoire de Montréal dit « musée de Pointe-à-Callière », musée McCord d’histoire canadienne, etc.). L’équipe était composée de chercheurs, de professionnels des musées et de prestataires qui ont travaillé en binôme chercheur-professionnel et qui ont tous eu le statut d’auteurs de l’ouvrage : Danièle Brochu, Jean Davallon, Claude Camirand, Hana Gottesdiener, Joëlle Le Marec, Andrée Lemieux, Marie-Sylvie Poli, Katy Tari.

La seconde enquête, effectuée pour la direction des Musées de France (DMF), a commencé un an après la première. Et, comme l’annonce l’intitulé même de l’ouvrage qui en rend compte – Premiers usages des cédéroms de musées : Pratiques et représentations d’un produit innovant (Davallon, Gottesdiener, Le Marec, 2000) –, elle portait sur le versant des usages d’un de ces nouveaux dispositifs de médiatisation ; donc sur celui d’un acteur absent de la première, à savoir les usagers des cédéroms lesquels, en France du moins, s’étaient fortement développés. La DMF estimait essentiel de savoir quels pouvaient être les usages de ce nouvel outil ; des usages qui, au vu des résultats de la première enquête, paraissaient plutôt en construction que véritablement établis. Il est apparu utile à l’équipe, qui comprenait Jean Davallon, Hana Gottesdiener et Joëlle Le Marec, David Cohen, Loïc Étiembre et Natacha Godrèche, de s’attacher à proposer des éléments de réflexion, appuyés sur la production de connaissances portant sur les pratiques des usagers, qui soient utiles aux concepteurs ou commanditaires de cédéroms muséaux.

Enfin, l’enquête sur « Typologie et usages des audioguides », que j’ai ajoutée aux deux autres, a été effectuée quelque dix ans plus tard (2009-2011) pour le département de la Politique des publics de la direction générale des Patrimoines (Gottesdiener, 2011). À cette période, l’audioguide était en pleine transformation du fait de la digitalisation de son contenu et il s’agissait d’explorer des pistes en vue d’études plus approfondies sur l’adaptation des audioguides à l’évolution des outils de médiation. Le moment n’était en effet plus celui, initial, de l’arrivée des dispositifs informatisés dans le monde des musées, mais plutôt le moment de leur extension rapide du fait des possibilités offertes par les médias informatisés et par les réseaux. La transformation des audioguides préfigurait en quelque sorte l’émergence de nouveaux types de dispositifs d’aide à la visite que l’on qualifie souvent aujourd’hui de « numériques », tels que les tables numériques. Dirigée par Hana Gottesdiener, l’équipe était constituée de Jean-Christophe Vilatte, Jean Davallon et Émilie Flon.

Point important, cette approche exploratoire sur la manière d’étudier les nouvelles formes et les nouveaux usages des audioguides a été prolongée par une recherche sur « Les applications mobiles de musées et de sites patrimoniaux en France : quelles propositions de médiation ? », publiée dans la Lettre de L’Ocim (Lesaffre, Watremez, Flon, 2014).

Rappel de l’état des connaissances au moment des enquêtes

Je mettrai l’accent sur la période des deux premières enquêtes. Les publications que nous avons pu consulter pouvaient être réparties selon quatre thématiques : (i) le développement des « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC) ; (ii) l’étude des usages de celles-ci ; (iii) l’interactivité comme caractéristique des dispositifs de médiatisation muséaux ; (iv) la réaction des institutions muséales (spécialement, des musées) face l’arrivée de ces nouveaux dispositifs.

Si la dernière thématique (iv) était en relation directe avec la première enquête, en revanche, les deux publications aisément consultables qui la composaient alors – Patrimoine et Multimédia : Le rôle du conservateur (1997) ; Musées (1998) – relevaient plus du corpus d’étude qu’à proprement parler de l’apport de connaissances élaborées. Par contre, au même moment (1998), paraissait le numéro 13 de Culture & Musées, intitulé « Publics, nouvelles technologies, musées », sous la direction de Roxane Bernier et de Bernadette Goldstein – on notera qu’une vingtaine d’années plus tard, dans l’introduction du numéro 35 de la même revue, Florence Andreacola (2020, p. 11) estime que les problématiques qui sont développées dans ce numéro 13 se révèlent pour partie encore d’actualité. Quant à l’ouvrage de Patrick Pognant et Claire Scholl (1996), il apportait incontestablement à la seconde étude des connaissances sur les cédéroms culturels, mais il s’attachait plus à l’évaluation de ces derniers qu’à la compréhension de la pratique de l’usager.

La thématique sur les usages (ii), était principalement composée d’approches sociologiques concernant les dispositifs informatisés grand public et ne portant pas spécifiquement sur les usages des dispositifs culturels ou muséaux (v.g. Vitalis, 1994 ; Jouët, 1997). Elle a donc servi, à ce titre, d’arrière-plan théorique pour les deux premières études. L’article de Jean-François Barbier-Bouvet (1987) sur l’usage du minitel à la BPI commençait à dater du fait de la disparition du minitel : il a toutefois servi à éclairer la démarche.

C’est donc sous la thématique de « l’interactivité » (iii) – terme alors largement utilisé – que la question des dispositifs informatisés de médiatisation dans les musées était en réalité abordée, comme le montrait tant le manuel Interactifs : une technique de l’intention (Direction des Musées de France, 1992) que, quelques années plus tard, la synthèse Interactifs, fonctions et usages dans les musées (Golsdstein et al., 1996). Nos références opérationnelles ont donc été principalement constituées, d’une part, de l’article de Joëlle Le Marec (1993), « L’interactivité, rencontre entre visiteurs et concepteurs », et d’autre part de l’enquête sur « Freins et motivations à la visite des musées d’art » d’Hana Gottesdiener (1992) ; cette dernière étude offrant un exemple d’investigation de la relation que des membres du public pouvaient construire aux œuvres dans une situation donnée (la visite de musée).

Enfin, la thématique (i) sur les « nouvelles technologies d’information et de communication » constituait l’arrière-plan obligé, principalement pour la première étude, en ce qu’elle pouvait s’appliquer au rapport des institutions muséales à ces nouveaux dispositifs informatisés de médiatisation. Or, les publications de recherche traitant de ce rapport étaient rares, pour ne pas dire inexistantes (les thèses de Corinne Welger-Barboza et d’Hélène Vidal étaient alors en voie d’achèvement et elles ne feront l’objet d’une publication qu’en, respectivement, 2002 et 2006). Par contre, c’est l’ouvrage de Patrice Flichy (1995) traitant de l’innovation technique qui a permis de formuler l’hypothèse que le flou terminologique entre le monde des musées et celui de la production des dispositifs, pouvait être en lui-même porteur de connaissances, à la condition de le considérer comme la marque d’une construction inachevée du « cadre sociotechnique ». Je vais y revenir un peu plus loin.

Il faut préciser que, dans notre esprit, ces enquêtes, comme nombre d’autres menées par des chercheurs soit sur les publics soit sur les dispositifs de médiatisation — mais aussi sur le musée lui-même en tant qu’organisation (Ballé, Poulot, 2004) — étaient avant tout destinées à produire des connaissances ; lesquelles pouvaient certes être utiles aux musées ou aux institutions de tutelle pour peu que ceux-ci ou celles-ci s’en saisissent. De leur côté, il est certain que les commanditaires attendaient que ces enquêtes leur soient présentées de manière à être utilisables, afin notamment de savoir comment implanter – « implémenter », si l’on peut dire par analogie – institutionnellement ces nouveaux dispositifs médiatiques. Ils estimaient en effet que ces derniers pouvaient contribuer à rendre le musée plus attractif – avec néanmoins tout le caractère équivoque d’un tel projet qui se voulait être un geste politique visant à « démocratiser » le musée (un peu sur le modèle de ce que Planchon avait engagé en renouvelant le théâtre dans les années cinquante et soixante), mais qui, compte tenu du contexte rappelé ci-dessus, s’est le plus souvent traduit dans les faits par une redéfinition de l’offre muséale, au minimum pensée dans un esprit de communication institutionnelle, mais plus probablement dans une logique de marché, comme l’a très tôt relevé Corinne Welger-Barboza (2002, v.g. p. 16 et 44). Les textes que nous avons produits portent forcément trace de cette ambiguïté entre recherche et expertise qui est caractéristique des recherches en muséologie (Le Marec, Schiele, Luckerhoff, 2019) ; mais qui, si l’on en croit Yves Jeanneret (2014, p. 695-705), l’est aussi de toutes les recherches sur les industries des médias informatisés, dans lesquelles le chercheur doit conserver une position critique (mais bienveillante), alors qu’il est mis dans une position d’expertise pour fournir des savoirs utiles à l’élaboration de solutions.

Une description de l’arrivée des dispositifs informatisés de médiatisation

Ces trois recherches font apparaître les questionnements sur la place et sur la fonction de ce que l’on appelait communément les « nouvelles technologies » – surtout celles qui appartenaient dans les faits aux « médias informatisés » car permettant de s’adresser à un public – dans la mission des institutions muséales. Des questionnements qui sont d’autant plus apparents aujourd’hui du fait de la distance temporelle. Alors que j’avais surtout en mémoire — mais probablement n’étais-je pas le seul — une sorte d’évolution continue de la performance des dispositifs en tant qu’outils, retrouver les interrogations de l’époque met en lumière à quel point ces premiers dispositifs ne sont ni identiques, ni même communicationnellement comparables à ceux d’aujourd’hui, la pression sur les institutions muséales et patrimoniales s’étant fortement accentuée. D’où la nécessité de rappeler rapidement les caractéristiques des trois enquêtes avant d’en dégager les apports possibles pour ensuite examiner sur quoi peut porter la continuité du questionnement.

Les objectifs et la démarche des trois enquêtes

Nous avons vu que les deux premières enquêtes offraient l’opportunité de pouvoir être menées quasiment en parallèle, offrant ainsi la possibilité de saisir les implications de l’introduction de ces nouveaux dispositifs dans le monde des musées à la fois du côté institutionnel et du côté des usagers.

La démarche de la première enquête consistait à mener des entretiens auprès d’un échantillon de musées (des chargés de projet « multimédia » notamment), de sociétés productrices (de producteurs, de concepteurs et d’auteurs) et d’organismes publics financeurs, afin – du moins initialement – d’élaborer un référentiel destiné aux musées confrontés à la nécessité d’introduire ce nouveau type de dispositif. Le corpus était composé de 21 musées, 21 prestataires et 8 organismes financeurs. Le guide d’entretien portait sur six thèmes : usagers potentiels, cahier des charges, répartition des tâches entre musées et prestataires, vision prospective, recommandations, spécificité de l’édition de musée. Or, dès l’analyse de la première série d’entretiens servant de pilote, il est apparu qu’un flou terminologique, qui prenait la forme de vocabulaires différents selon les professions mais aussi selon la taille et le type des organisations tant du côté des sociétés que du côté des musées, rendait impossible la construction d’un référentiel, tant la dénomination des objets différait selon les acteurs, traduisant de fait des divergences de représentations non seulement des objets, mais aussi de leur utilisation, des manières de procéder, des droits, des coûts, des gains attendus, des métiers, des compétences et du poids de chaque acteur dans les négociations entre professions et entre organisations… Nous appuyant sur les analyses de Patrice Flichy (1995), nous avons fait l’hypothèse que ce flou était l’indice d’une absence de construction des objets, des pratiques, et par conséquent du domaine. Ou, pour le dire dans les termes de l’auteur (Flichy, 1995, p. 219-224) : le « cadre de référence sociotechnique » caractérisant l’innovation n’était pas stabilisé, car ni le « cadre de fonctionnement » ni le « cadre d’usage » n’étant définis, leur « alliage » ne pouvait pas l’être. D’où l’hypothèse que cette absence de cadre de référence sociotechnique pouvait être à l’origine des incertitudes dans lesquelles se trouvaient plongés les musées et que, dans ces conditions, lever celles-ci ne pouvait que demander du temps. Il a donc été décidé de réorienter l’investigation afin de rendre compte des représentations mises en jeu et des questions qui se posaient, spécialement du côté des musées. Ne pouvant nous-mêmes anticiper ce qu’il en serait, nous avons accompagné les résultats d’une série de recommandations avancées, non par nous, mais par les acteurs eux-mêmes en vue d’ouvrir un espace d’échange entre eux.

La seconde enquête a été menée par entretiens semi-directifs auprès de trois populations ayant des usages différents de ces cédéroms. (i) Auprès de vingt-quatre « primo-utilisateurs », dans le but d’avoir une connaissance de la manière dont ils découvraient ce nouveau type de produit culturel ; l’investigation a porté sur leur première relation à quatre cédéroms prêtés pendant 8 à 15 jours avec un entretien en début et un en fin. (ii) Auprès de seize « utilisateurs assidus », pour appréhender les raisons de l’acquisition et de l’usage de ce type de cédérom. Chaque utilisateur assidu a fait l’objet d’une monographie retraçant la manière dont il avait construit l’usage qu’il en faisait, afin de saisir des usages en cours de constitution à un moment où la diffusion de ce type de support n’en était qu’à ses débuts. (iii) Enfin, une enquête auprès d’une trentaine de clients sur le lieu de vente. Elle visait au départ à repérer les motivations et les critères d’achat ainsi qu’à explorer les usages prévus, mais elle a été rapidement élargie à des « personnes ayant consulté un ou plusieurs cédéroms » sur un lieu de vente sans pour autant en acheter, ce qui a permis de mettre au jour les projets motivant la consultation ainsi que les discours sur l’évaluation de la qualité des cédéroms.

L’enquête sur les audioguides était composée de deux volets. Le premier sur l’analyse communicationnelle d’une trentaine d’audioguides portant sur des collections permanentes, afin d’examiner la manière dont ils fournissaient de l’information, dont ils construisaient une relation avec l’usager, mais aussi dont ils géraient l’attention de celui-ci et éventuellement dont ils lui apportaient un point de vue ; en bref, dont ils opéraient une médiation des œuvres. Cette analyse, assez classique qui reprenait assez largement la grille des stratégies de conception d’interfaces de Nicole Pignier & Benoît Drouillat (2004), portait principalement sur le type à la fois de stratégies de communication, de scénarisation, de discours et de contenus présents dans l’audioguide. Le second volet, venant en complément de cette approche du dispositif lui-même, était composé de cinq études de cas destinées à tester comment aborder (i) la complémentarité ou la redondance entre les médiations (terrain du musée des Beaux-Arts d’Angers et du musée Champollion de Figeac), (ii) l’impact sur la sociabilité familiale (terrain du musée des Arts et Métiers à Paris), (iii) les aspects pratiques du téléchargement et de la prise en main des audioguides (terrain du musée des Beaux-Arts de Lyon).

L’enquête sur les applications mobiles qui l’a complétée a dressé un état des lieux de l’existant et a dégagé les types d’usages proposés. Six propositions de médiation ont été repérées, prenant la forme de six « fonctions » plus ou moins combinées dans les 67 applications, qui, à l’exception de 8 portées uniquement par des développeurs, résultaient d’un partenariat entre institutions muséales et développeurs. Quatre de ces fonctions concernaient directement l’aide à la visite et ont été étudiées plus en détail : (i) la fonction « Vitrine » qui aidait à préparer la visite et à se rendre sur place ; (ii) la fonction « Audioguide », faite pour être utilisée sur place, mais qui pouvait aussi être conservée et utilisée hors du site ; (iii) la fonction « Médiation située » prévue pour être utilisée sur place car demandant à l’usager d’interagir en réfléchissant ou en manipulant ; (iv) la fonction « Visite virtuelle » qui simulait le fait d’être sur le site ou dans l’exposition.

Des résultats qui pointent les questions qui se posaient à l’époque

Présenter en détail des résultats, qui ont été déterminés par l’état des techniques, des institutions, des représentations et des circonstances et qui dépendaient de la nature de la demande, du cadre de la recherche et de l’état des connaissances, n’aurait guère d’intérêt : une fois la situation et la question disparues, ils ne peuvent que perdre leur pertinence. Je ne mentionnerai donc que ceux qui, concernant le rapport entre ces nouveaux dispositifs et les expositions ou plus généralement les institutions patrimoniales qui les produisaient, permettent d’amorcer une discussion sur ce qui peut servir à éclairer certains questionnements actuels.

Compte tenu des objectifs assignés à l’étude sur Les musées face à l’édition multimédia, au regard de l’état des questionnements à l’époque, il n’est pas étonnant que la majorité des informations recueillies aient porté sur la dimension institutionnelle ; c’est-à-dire que ces informations aient concerné la relation entre les musées et les sociétés productrices de dispositifs : à savoir, la nécessité, mais aussi la difficulté, d’un pilotage partagé et in fine la question de la place de ces nouveaux outils dans la mission du musée, ainsi que les conséquences de cette place sur ce dernier. D’entrée, je relèverai à nouveau du côté des institutions muséales, les différences entre les grandes et les moyennes (et surtout les petites), tant du point de vue des ressources que des rapports aux sociétés productrices ou de l’impact sur leur organisation ; mais aussi du côté des prestataires, les différences entre les sociétés déjà établies et les concepteurs, les auteurs ou les développeurs indépendants. Ces différences recoupaient pour partie un contraste entre le Canada où les musées étaient plutôt orientés vers la recherche d’outils pouvant directement leur servir (d’où, par contrecoup, une majorité de petits prestataires) et la France où les grands musées d’art (le Louvre, Orsay) et la Réunion des musées nationaux (RMN) s’étaient lancés dans l’aventure du cédérom, notamment pour valoriser de grandes collections, de grandes expositions ou des thématiques susceptibles de trouver un public ; situation qu’a d’ailleurs confirmée l’enquête sur les cédéroms. Deux stratégies, notablement différentes spécialement en matière d’investissement et de diffusion, étaient par conséquent présentes : d’un côté, une stratégie plutôt artisanale nécessitant un partenariat étroit entre producteurs et institution, ou encore une adaptation des premiers à la seconde sous la forme d’une prestation de service ; de l’autre côté, une stratégie plutôt industrielle visant la création d’un produit à vendre pouvant même éventuellement s’autonomiser par rapport au musée. La première stratégie impliquait un ajustement des divers intervenants qui s’avérait parfois délicat à la fois du point de vue de la mise en commun de compétences qui étaient de nature très diverse, de la collaboration, de la définition d’un partenariat portant sur la reconnaissance des auteurs et des prestataires, des droits relatifs à la propriété intellectuelle, ainsi que des montages de financements et des gains afférents. D’où les difficultés alors signalées concernant la mise en place du pilotage des projets qui supposait de penser une coordination et une gestion portant sur l’ensemble du projet. Mais, quelle que soit la stratégie, se posait de toute manière la question des effets et des réajustements affectant l’organisation du musée (spécialisation de certains membres, acquisition de compétences, mobilisation de ressources financières, etc.). D’où aussi les interrogations sur la place à accorder à chacun des différents dispositifs dans la réalisation des missions du musée. Même si les cédéroms et les « sites web » étaient alors régulièrement rapportés à l’exposition — encore que de manière plus allusive que définie —, apparaissait une certaine tendance (compréhensible compte tenu du flou des définitions) à oublier à la fois les spécificités et les limites de chacun des médias… La question de la complémentarité de ces derniers (sur place comme à distance) et celle de la place à accorder à ces nouveaux médias dans la politique de l’institution n’en étaient que plus cruciales. À ces questions, s’ajoutait le constat que les usagers et les usages étaient plus imaginés (voire fantasmés) que véritablement connus ou étudiés.

La seconde enquête sur les Premiers usages des cédéroms de musées en avait une importance d’autant plus déterminante. Celle-ci s’est d’ailleurs traduite par plusieurs publications qui en discutaient tel ou tel aspect (Davallon ; Goldstein ; Gottesdiener, 1997, Davallon, Gottesdiener, Le Marec 1999 ; Le Marec, Davallon, 2000 ; Le Marec, 2001). Le premier de ses acquis concernait l’importance de la distinction entre utilisation (compétence à manipuler) et usage (pratiques d’appropriation d’un objet technique qui se construisent nécessairement dans une interaction entre objet et usager). Par exemple, comme il s’agissait d’objets techniques, les primo-utilisateurs devaient lever les difficultés d’utilisation s’ils voulaient pouvoir ensuite entreprendre de construire un usage. Or il s’avérait que, de manière générale, la maîtrise de l’accès technique était longue, compliquée et difficile. Sans même évoquer la maîtrise de base de l’outil informatique qui restait parfois encore défaillante, il fallait ensuite au moins saisir le principe d’organisation des informations et la structure de navigation. Ce qui, à l’époque, était loin d’être évident. Ensuite, lorsque la navigation était à peu près maîtrisée, les utilisateurs s’en tenaient souvent aux fonctions les plus simples, telles que celles offertes par la loupe ou par les tracés régulateurs, ou encore l’attrait de la lumière à travers l’écran. C’est au contraire à cette construction de l’usage que les usagers assidus avaient consacré un temps relativement long, voire parfois très long. Ils avaient accepté d’effectuer cet apprentissage car, chez eux, l’usage prenait place dans un projet soit de formation, soit familial, soit quasi professionnel. Ils regrettaient toutefois le manque d’interactivité, la pauvreté du contenu au regard du prix, et l’impossibilité de « repiquer » des contenus comme dans les CD audio. Ces regrets faisaient écho à l’idée avancée par certains des professionnels dans la première étude selon laquelle l’avenir se situait probablement plus dans le « web » que dans les cédéroms. Enfin, la troisième population, clients ou personnes qui venaient simplement consulter sur le lieu de vente, était dans une logique d’essai, de test, qui prenait la forme soit de la recherche d’œuvres connues soit d’une construction de micro-scénarios de consultation généralement au mépris de la structure du cédérom, imposant à ce dernier le projet qui était à l’origine de leur consultation. Le fort décalage entre l’image qu’ils avaient des potentialités du cédérom et la pratique de son utilisation, générait chez la plupart une faible envie d’acheter (tout particulièrement pour eux-mêmes). De manière générale, outre le repérage des contraintes et des limites du dispositif, ce qui s’avérait donc déterminant dans la construction de l’usage, était ainsi le projet de l’usager. Un projet qui abordait les cédéroms à l’aune de quatre figures éditoriales majeures, relativement robustes : le guide touristique, le catalogue, l’encyclopédie et l’outil pédagogique. Quatre figures éditoriales qui s’accordaient plus ou moins avec les types de cédéroms et les possibilités offertes par ces derniers. Ce qui signifiait que l’usage était déterminé par un format emprunté à la tradition, mais pour partie étranger à la relation au dispositif.

À la différence des cédéroms, dont les usages restaient essentiellement à construire, le format éditorial et l’usage des audioguides comme des aides à la visite étaient connus et établis. De surcroît, leur structure communicationnelle, en comparaison de celle que ce soit d’un cédérom, d’un site internet, d’un interactif ou a fortiori d’une exposition, était relativement simple. Mais il n’empêche que le basculement de l’audioguide dans l’univers des médias informatisés chamboulait quelque peu ce format éditorial et imposait aux usagers d’ajuster leur pratique. L’enquête, qui portait à la fois sur la structure communicationnelle et sur les usages (Gottesdiener, Vilatte, 2012), avait donc intégré à son corpus quelques audioguides non officiels développés par des sociétés ou même par des usagers, à cause de leur caractère innovant ; ce qui ne manquait pas par ailleurs de soulever la question du respect des droits inhérents aux textes, aux images et aux sons utilisés et certainement plus encore, la question de la validation scientifique des contenus communiqués. La modification la plus remarquable produite par le basculement des audioguides dans l’univers des médias informatisés était l’introduction d’une polyphonie énonciative, plusieurs énonciateurs pouvant tenir des discours singuliers mais complémentaires. On a pu constater aussi l’émergence de structures communicationnelles qui allaient au-delà du seul registre informationnel habituel en proposant par exemple au visiteur un type de rapport à la visite. Néanmoins, le plus souvent, l’audioguide restait conçu à partir des contenus et non à partir de la relation du visiteur à l’exposition. Les études de cas ont d’ailleurs confirmé la nécessité d’une complémentarité des outils et des processus de médiation. À titre d’exemple, lors de la visite familiale, l’audioguide risquant de ravir le rôle de mentor des parents, il paraissait nécessaire de penser l’ensemble des dispositifs de communication ; de même, l’usage des audioguides téléchargeables, notamment sur mobiles, ouvrait la question de la médiatisation hors visite.

La publication de l’étude complémentaire sur « Les applications mobiles de musées ou sites patrimoniaux en France », intervenue quelque trois ans plus tard, a montré que le fait de pouvoir télécharger les applications permettait précisément d’élargir les usages possibles avant, pendant et après la visite. De ce point de vue, elles prenaient le relais des expériences d’un tel élargissement qui avaient été menées à partir des interactifs avec, par exemple, « Visite+ » à la Cité des sciences et de l’industrie (Topalian, Le Marec, 2008). Le téléchargement, en permettant de conserver et d’utiliser l’application sur son propre terminal, proposait une appropriation différente de la visite et du contenu exposé, et plus généralement modifiait la posture du visiteur vis-à-vis de sa pratique. Mais l’étude a aussi révélé les freins qui tenaient aux conditions pratiques (temps, poids des applications, dépendance vis-à-vis des opérateurs, etc.) pour que le téléchargement soit satisfaisant, voire parfois tout simplement possible. Elle révélait enfin, du point de vue technique, que peu d’applications exploitaient les techniques innovantes ou facilitaient les usages (comme la possibilité de photographier sans sortir de l’application), et qu’au contraire un grand nombre d’entre elles s’en tenaient à proposer l’usage basique de la fonction « Audioguide ».

Chacune des enquêtes fait donc apparaître en filigrane des questions techniques ou institutionnelles qui, pour beaucoup, sont encore d’actualité. Mais c’est le réexamen de l’ensemble constitué par ces trois enquêtes qui fait apparaître en quoi ces questions peuvent préfigurer de nouveaux questionnements.

Analyse secondaire des trois enquêtes en tant qu’ensemble

Si l’on applique le modèle du « cadre sociotechnique » proposé par Flichy (1995, p. 121-143) non plus seulement à la première enquête mais aux trois, l’ensemble qu’elles forment se présente alors comme trois modalités d’élaboration d’un « cadre de référence commun » entre des acteurs qui appartiennent à des mondes sociaux différents. L’analyse secondaire des trois enquêtes suggère deux enseignements d’ordre général : (i) la nécessité de construire un cadre sociotechnique (qui est en fait ici plutôt technosémiotique) partagé ; (ii) mais surtout, le constat que le développement des dispositifs devance les attentes et les usages, la logique des industries prestataires ayant ainsi la main.

La nécessité de construire un cadre sociotechnique partagé

Selon le modèle de Patrice Flichy (1995), pour qu’un « cadre de référence sociotechnique » soit stabilisé, il est nécessaire que « cadre de fonctionnement » et « cadre d’usage » soient devenus aussi indissociables que les deux faces d’une pièce de monnaie – et ce, pour les différents acteurs sociaux qui ont affaire à l’objet technique depuis sa production jusqu’à son utilisation. En d’autres termes, il apparaît que le « cadre de référence sociotechnique » est stabilisé lorsqu’il est socialisé parce que partagé par tous les acteurs ayant affaire à l’objet technique. Pour saisir toute l’importance de ce phénomène, pensons à la manière dont, dans le cas du smartphone aujourd’hui, la représentation du fonctionnement et celle de l’usage forment un tout partagé par tous les acteurs, alors que les pratiques de chacun d’entre eux sont par ailleurs totalement singulières. Appréhendées selon ce modèle, les trois enquêtes ouvrent une possible comparaison des modalités de construction du cadre sociotechnique propres à chacun des trois dispositifs : interactifs, cédéroms, sites internet. Je précise.

Nous avons vu que la première enquête faisait apparaître la difficulté pour des acteurs qui appartiennent à des mondes sociaux totalement hétérogènes de coopérer en l’absence de cadre sociotechnique partagé. Sans la « stabilisation » de celui-ci, les dispositifs informatisés de médiatisation en étaient encore assez largement au stade de ce que Flichy (1995, p. 226-228) appelle « l’objet valise », selon lequel le fonctionnement et l’usage de ces dispositifs sont plus de l’ordre des représentations imaginées que des savoirs techniques, pratiques et sociaux intégrés par les acteurs. D’où le leitmotiv, largement présent dans les recommandations des acteurs eux-mêmes, de la nécessité de construire un projet, de définir plus précisément les objectifs, etc. D’où aussi la diversité des représentations ainsi que les différences dans l’avancement de la stabilisation du cadre sociotechnique selon le type de dispositifs, selon les formes de coopération entre acteurs et selon les compétences des personnes.

Par comparaison, dans la seconde enquête, le simple fait que les cédéroms aient existé comme produits culturels déjà commercialisés montre qu’un cadre sociotechnique intégrant technique et format éditorial avait bien déjà été construit entre les professionnels de la technique, ceux de l’édition et au moins les financeurs ou tutelles des institutions muséales ainsi que parfois certains professionnels des institutions muséales. Elle fait aussi clairement apparaître que les cédéroms sont non seulement des « objets techniques » issus d’une innovation mais de véritables dispositifs médiatiques, donc indissociablement techniques et éditoriaux ; mais elle met aussi tout autant en lumière que ce cadre n’est pas en revanche partagé par les usagers, car il n’inclut pas les pratiques d’usages : il n’y a pas de représentation du dispositif médiatique de la part des usagers qui rendrait possible un usage, disons suffisamment fluide pour être fonctionnel. Preuve en est l’écart entre les usagers assidus (ou certains des usagers sur les lieux de vente comme les professionnels de la médiation), qui eux maîtrisent technique et format éditorial et les primo-utilisateurs qui ont des difficultés pour assurer le fonctionnement (parfois même, déjà le fonctionnement de la couche purement technique) ou encore le bricolage de figures d’usages (largement partagé) par mobilisation de formats éditoriaux déjà connus. Ce qui montre la complexité médiatique de ces objets que sont les dispositifs informatisés de médiatisation.

La troisième enquête indique a contrario à quel point, la technique, les interfaces éditoriales, les représentations et les pratiques se trouvent liées entre elles dès lors que le cadre sociotechnique (en l’occurrence, celui de « l’audioguide ») a été construit et que ce dispositif technique, en répondant à un format éditorial et à un usage, est devenu un « objet » stabilisé. Ainsi, configuration technique, format médiatique et usage constituant une unité (pensons à l’exemple du livre), il est devenu un « objet frontière » (Flichy, 1995, p. 228-231) ; en contrepartie, le fait qu’il soit la cristallisation de fortes contraintes tant technosémiotiques que sociales, entraînera que vouloir le faire évoluer impliquera plus ou moins d’en construire un nouveau. Cette stabilité apparaît sans ambiguïté dans le transfert de l’audioguide en application sur mobile, ce dispositif tendant à conserver son format éditorial et son usage ; d’où la difficulté pour le faire évoluer.

L’enseignement le plus important de cette comparaison est que, dans le cas des dispositifs informatisés de médiatisation, le partage du cadre de référence implique non deux mondes (celui des institutions muséales et celui de la conception-réalisation), mais trois, le monde des usagers de ces dispositifs venant s’adjoindre aux deux premiers. Or, chacun de ces trois mondes obéit à une logique qui lui est propre.

La technique devance les attentes et les usages

Il est certain que, dans la première étude, c’est la coupure entre le monde des dispositifs médiatiques informatisés et le monde des musées et du patrimoine qui apparaît la plus importante. À peu près au même moment, Welger-Barboza (2002) établit un constat similaire. Les évolutions ultérieures, telles que les publications récentes (v.g. Couillard, 2017 ; German, 2017 ; Jeanneret, 2019) en rendent compte, viennent confirmer ce qui s’y dessine : que le premier monde est régi par une logique d’innovation, d’évolution rapide et de relation à distance tandis que le second l’est par une logique de conservation, de transmission sur le temps long et de contact direct aux choses et aux gens. Voilà qui est tellement évident, fera-t-on peut-être remarquer, que le phénomène ne mérite même pas d’être relevé. Cependant l’ignorer serait oublier ses conséquences qui, elles, sont loin d’être triviales, surtout lorsque intervient le troisième monde : celui des usages qui va constituer un enjeu pour les deux premiers. Par conséquent, la question que pose l’examen de l’ensemble des trois études – et qui est sous-jacente à toute recherche portant sur les dispositifs informatisés de médiatisation – est de savoir ce qui se passe lorsque ces trois mondes se rencontrent.

Dans son analyse de la situation de conception des interactifs à la Cité des sciences et de l’industrie, Joëlle Le Marec (1993) nous indique la voie d’une réponse : elle montre comment les différents spécialistes – du contenu, de l’informatique et de l’édition – doivent négocier un « scénario interactif » partagé qui, d’un côté, anticipe le raisonnement des visiteurs et, de l’autre, peut servir de support à la recherche, de la part des usagers au cours de la visite, des intentions des concepteurs. Si nous élargissons cette analyse d’une situation, qui est interne à une institution, à des situations impliquant des organisations appartenant aux trois mondes, il est possible d’envisager la manière dont ce type de situations prend la forme d’une négociation qui va se trouver dépendante des logiques propres à chacun de ces mondes.

La négociation entre le monde des institutions muséales et celui de la conception-réalisation est certainement la plus connue, mais elle n’est pas pour autant la plus simple : nombre d’exemples de la première étude nous en apportent d’ailleurs la preuve. À première vue, c’est le monde des institutions muséales qui semble avoir la main puisque c’est lui qui est généralement demandeur de dispositifs ; il enclenche le processus de négociation par sa demande, faisant du monde de la conception-réalisation plus ou moins un prestataire. En ce cas, lorsque le cédérom ou le site (mais la chose reste vraie pour tout autre dispositif de médiatisation informatisé) porte sur le musée, ils doivent répondre, dans leurs contenus comme dans leurs formats éditoriaux, à l’usage qu’en fera – ou qu’entend en faire – le musée. Ce qui crée déjà une situation relativement complexe puisque l’usage final (par les visiteurs ou par les usagers à distance) se révèle être un volet d’un usage institutionnel. On sait certes que, lorsque l’usage final a été anticipé avec précision (au moyen d’une évaluation préalable, par exemple), il peut être traduit dans un cahier des charges qui le définit au regard de l’usage qu’entend en faire institution pour satisfaire à sa mission – à moins qu’à l’inverse, il ait été illustré d’une proposition d’exemples d’usages de dispositifs de la part d’organisations prestataires, qui ont été formalisés selon la représentation que ces dernières ont de ce qu’est, ou doit être, cet usage institutionnel (German, 2016 ; Navarro, Renaud, 2020). Ce qui ne fera de toute façon pas disparaître la nécessité d’opérer des ajustements entre institution et prestataires au cours de la conception-réalisation.

Cependant, dans la pratique, c’est-à-dire lorsqu’on prend en considération la situation constituée par les trois mondes sociaux, la complexité s’accroît à un niveau qui est sans commune mesure avec ce que je viens de rappeler à l’instant et qui va devenir un enjeu entre institutions et industries ; et ce, pour deux raisons. La première est qu’il est très difficile pour le musée de définir (et donc d’anticiper) quels seront les usages par le destinataire final de dispositifs que lui-même connaît peu ou pas ; or, cette difficulté se présente chaque fois qu’apparaît un nouveau dispositif. La seconde raison, qui est en partie cause de la première, est l’antériorité des développements techniques sur le fonctionnement de l’institution muséale. Des développements qui suivent une logique d’innovation continue et qui portent de surcroît sur bien d’autres objets techniques et bien d’autres dispositifs médiatiques que les seuls dispositifs de médiatisation muséale. Ce qui vient encore rendre d’autant plus difficile pour le musée de connaître, pour les prendre en compte, les usages finaux que les usagers pourront avoir. En effet, comme cela apparaît dans la seconde étude, la logique des usages dépend à la fois des compétences, des projets, des savoir-faire et des intérêts individuels des usagers. Et dans cette logique interviennent non seulement les usages des dispositifs informatisés de médiatisation proposés par les institutions muséales, mais aussi ceux des différents dispositifs médiatiques existant à ce moment-là dans la société. Or, la « culture numérique », au sens de Milad Doueihi, est inégalement maîtrisée par les individus.

Conséquence : c’est le monde, aujourd’hui essentiellement industrialisé, de la conception-réalisation qui a la main comme détenteur de la promesse d’une nouveauté enviable, les institutions muséales devant alors répondre aux injonctions à s’adapter à ses innovations. Aussi cette situation de décalage se retrouve-t-elle, peu ou prou, reconduite de manière continue (Jeanneret, 2019, p. 109-110 ; Pianezza, Navarro, Renaud, 2019).

Discussion : des questionnements toujours d’actualité

Le devenir des dispositifs de médiatisation dont nous avions étudié l’entrée est désormais connu. Il a récemment fait l’objet de nombreuses publications (dont j’ai déjà mentionné certaines) : recherches doctorales (v.g. Andreacola, 2015 ; Cambone, 2016 ; Sandri, 2016a ; German, 2017, Couillard, 2017) ; numéros thématiques de revues, tels que les livraisons 45 et 46 d’Études de communication (2015 ; 2016) sur « Regards sur l’innovation. Les médiations des patrimoines vers la culture numérique ? », le supplément aux Enjeux de l’information et de la communication (2019) sur « Les injonctions dans les institutions culturelles : ajustements et prescriptions », la livraison 35 de Cultures & Musées (2020) sur « Musées et mondes numériques » ; ou encore l’ouvrage Scénographies numériques du patrimoine (Deramond, de Bideran, Fraysse, 2020). Les travaux que ces diverses publications présentent apportent un éclairage nouveau sur les phénomènes dont il a été question ci-dessus. C’est le cas par exemple de l’analyse du rôle du « Plan d’action gouvernemental pour la société d’information (PAGSI), faisant de la culture un domaine privilégié de la diffusion des “techniques numériques” » de 1998, qui a aligné les politiques publiques sur la promotion des dispositifs médiatiques (Couillard, 2019, p. 17-18) ; ou encore celle des incitations adressées aux institutions muséales d’utiliser tout nouveau dispositif qui se présente (v.g. Pianezza, Navarro, Renaud, 2019 ; Couillard, 2019 ; Andreacola, 2014, 2015, 2020). Mais, au regard de notre propos, ils confirment surtout que les questionnements, loin d’avoir été levés par l’arrivée de nouveaux dispositifs, ont plutôt été reconduits, au moins selon deux thématiques : le rapport de ces dispositifs à l’exposition ; la relation qu’ils entretiennent avec les institutions muséales et patrimoniales.

Les dispositifs informatisés de médiatisation et l’exposition

Le premier des questionnements que nous avions rencontré concernait la relation que les dispositifs informatisés de médiatisation pouvaient entretenir avec l’exposition. Pour saisir l’enjeu de ce questionnement, il convient de remonter à l’arrivée de l’exposition en tant que dispositif de médiatisation.

L’exposition est aujourd’hui sans conteste le média intrinsèque des institutions muséales, mais lors de son émergence comme dispositif médiatique dans ces dernières, elle a été confrontée à une conception antérieure : la « présentation » de collections d’œuvres, d’artefact ou de spécimens (ou celle d’un monument) selon des critères taxinomiques ou chronologiques. Il est certain qu’aujourd’hui on considère « présentation » et « exposition » comme étant synonymes car, habitués à la mise en exposition, nous voyons dans la « présentation » une organisation d’éléments dans l’espace selon un savoir. Mais ces deux notions ont été différentes : la tradition voulait (et veut encore, bien qu’il s’agisse d’une simple convention) que l’origine du savoir ordonnant la « présentation » tienne aux objets eux-mêmes, à leurs caractéristiques ou à la période de leur apparition, alors que la « mise en exposition » opérationnalise une idée (un concept) qui est considérée comme prenant en charge les objets, indépendante de ces derniers même si elle en provient. Pendant longtemps, la première acception a régné en maître dans les musées : « présenter » revenait à rendre accessible au public la collection du musée (ou le monument). Puis de nouvelles institutions muséales sont apparues qui « mettaient en exposition » des objets ou des savoirs et qui supposaient une implication plus cognitive qu’esthétique de la part des visiteurs : musées de sciences, musées d’ethnologie, mais aussi sites archéologiques, ensembles urbains, etc. Avec le tournant culturel des institutions muséales, puis a fortiori avec l’entrée en lice de la production des expositions dans les industries médiatiques, la seconde acception a progressivement pris le dessus, suscitant néanmoins de nombreux questionnements à propos de la médiatisation dans les musées d’art, par exemple, qui avaient toujours effectué des présentations. Retenons ici le fait que l’exposition censée mettre en texte médiatique les objets (et ne plus seulement les rendre visibles) a engendré une double incertitude : une incertitude sur le choix de l’idée ainsi que la manière de construire l’exposition ; une incertitude sur l’accueil que les visiteurs lui réserveront. Cette double incertitude, si l’on suit l’analyse qu’en fait Ronan German (v.g. 2017, p. 234-237) en s’appuyant, entre autres, sur Schiele (1992), a amené le développement de l’évaluation comme base de l’exposition comme industrie médiatique.

C’est donc dans ce contexte marqué par cette double incertitude que nous avons enquêté en premier sur la situation créée par l’arrivée des trois dispositifs informatisés de médiatisation : interactifs, cédéroms et sites. Ces derniers ont suscité d’autres questionnements qui sont venus s’ajouter à cette double incertitude et la raviver ; nous avons vu par exemple combien il était difficile pour le musée d’anticiper la forme exacte que pourra prendre le dispositif puisque la production de celui-ci lui échappe et, malgré les promesses des prestataires d’une efficacité maximale, de prévoir la réception qu’en auront les utilisateurs.

Quoi qu’il en soit, dispositifs et exposition n’en sont pas moins des dispositifs médiatiques institutionnellement très différents. L’exposition a pu devenir le média des institutions muséales parce qu’elle prenait en charge des objets physiquement présents, notamment ceux des collections. Cette particularité lui a permis de participer au fonctionnement symbolique de ces institutions. En effet, même si le texte médiatique qu’elle produisait excédait la présentation, en s’appuyant sur l’étude des objets (les œuvres, les spécimens ou les artefacts), sur l’attribution à ceux-ci d’un statut patrimonial et sur leur conservation, elle a été en mesure de composer une « médiation » (au sens symbolique et non pas professionnel du terme) à partir des objets vers leur monde d’origine (y compris eux-mêmes dans ce monde), prolongeant ainsi les autres fonctions du musée en direction du public. Or, à la différence de l’exposition, les dispositifs informatisés de médiatisation ne « présentent » pas de « vraies choses » – pourrait-on dire avec Duncan Cameron (1992[1968]) – dans un espace pour en faire un texte, mais uniquement des reproductions, des « images » ou des discours. Par conséquent, comme les livres par exemple, ces dispositifs ne peuvent donc être au sein des institutions muséales que des « adjuvants » de l’exposition (Jeanneret, 2019, p. 100 ; Renaud, 2020, p. 136) : soit à l’intérieur de l’exposition ou en accompagnement de celle-ci ; soit en prolongement de l’exposition et du musée vers l’extérieur.

Du côté de l’intégration des dispositifs informatisés à l’exposition, l’exemple le plus remarquable avait été fourni, avant même nos enquêtes, par les musées (ou centres) de sciences : ces derniers avaient accueilli favorablement ces dispositifs car ils leur permettaient de rendre plus facilement compréhensibles certains processus scientifiques. S’ajoutant aux composants de l’exposition déjà utilisés, ils offraient une nouvelle façon d’exposer certains de ces « objets processuels », ces « vraies choses » que Duncan Cameron (1992[1968], p. 262sq) nomme des « kinétifacts ». D’où la fortune des « interactifs ». Mais, depuis ce moment, dans les autres types de musées ou de sites patrimoniaux, bien d’autres dispositifs sont venus participer à la médiatisation des objets exposés. C’est notamment le cas des audioguides informatisés sur site ou sur mobile dont il est question dans la troisième étude, mais aussi, le cas des tables numériques dans les musées d’art (par exemple au Louvre), celui des aides à la visite sur tablette ou encore des étiquettes portant des QR code permettant la consultation d’informations sur mobile ou tablette, etc. Ces dispositifs, ces « outils numériques d’interprétation patrimoniale » (Renaud, 2020) peuvent être utilisés soit en l’absence soit en présence d’une médiation humaine ; autrement dit, en remplacement ou au contraire comme partie de cette dernière. Le questionnement, qui demeure, porte alors sur leur ajustement à l’exposition et à l’exposé (v.g. Sandri, 2016b ; de Bideran, 2019 ; Renaud, 2020, Jeanneret, 2019, p. 115).

En ce qui concerne les dispositifs prolongeant l’exposition et l’institution muséale en direction de l’extérieur, les questionnements qu’ils suscitent engagent nécessairement l’exposition, mais, depuis qu’ils sont apparus, ils continuent à demander un examen spécifique, car une des promesses que les industries, spécialement médiatisantes, font aux institutions muséales est de lever la double incertitude inhérente à l’exposition comme dispositif médiatique.

Dispositifs, médiatisation, institutions muséales ou patrimoniales

Si au moment de l’enquête les dispositifs à destination de l’extérieur se réduisaient principalement aux cédéroms et secondairement aux sites internet, il en va tout autrement aujourd’hui (v.g. Navarro, Renaud, 2019, p. 7-16) et leur profusion ravive le questionnement sur l’usage que les institutions muséales et patrimoniales peuvent en faire, mais aussi des questionnements à propos de leur impact sur le fonctionnement et sur le statut symbolique de ces institutions (v.g. Andreacola, 2015 ; Sandri, 2016a ; Couillard, 2017). Pour illustrer le devenir de ces divers questionnements, je prendrai deux exemples particulièrement éclairants de mise en œuvre institutionnelle récente de dispositifs dans des musées.

Le premier exemple est celui de la présentation par la chargée de projets numériques (Baz, 2015) de la « stratégie numérique » du musée de la Civilisation à Québec. Les trois axes concernant la relation au public (les deux autres portant sur les gains attendus pour le fonctionnement de l’institution) sont les suivants : (i) « enrichir l’offre de contenu », un axe qui couvre des formes éditoriales aussi diverses que le site internet (dit « site Web ») les anthologies de reproductions d’œuvres (dites « collections en ligne »), les simulations de visite (dite « expositions virtuelles »), les ouvrages numérisés (i.e. « l’édition numérique ») ; (ii) « développer une expérience numérique en continuité avec celle In situ », avec les « applications mobiles », les dispositifs d’échange microdocumentaire (dits « médias sociaux »), les dispositifs internes connectés avec des dispositifs externes (i.e. « affichage et bornes dans le musée, déployant des actions sur le Web et les médias sociaux ») ; (iii) « favoriser la participation citoyenne au sein de projets liés aux expositions, à la médiation, aux expositions virtuelles, ou auprès de publics spécialisés » (idem, p. 14-16). Non seulement les types de dispositifs y apparaissent nombreux et variés, mais surtout, ils contribuent un peu plus à déplacer le centre gravité de l’institution vers le visiteur : vers son activité, vers son expérience et vers sa participation. Ce déplacement se traduit par une recomposition de l’offre et un développement de l’évaluation, laquelle s’appuie sur la collecte de traces de pratiques par les dispositifs. La mise en place des dispositifs informatisés en direction de l’extérieur semble donc avoir pour effet de renforcer le tournant communicationnel, culturel et marchand, en se présentant comme un moyen de lever la double incertitude liée respectivement aux produits offerts et aux réactions des visiteurs ou des internautes, à travers la création d’activités pour ces derniers.

Or, c’est précisément la mise en œuvre d’un tel projet, sous une forme systématique et de grande ampleur – en quelque sorte « totale » –, qu’entend opérer le programme DMA Friends, lancé en janvier 2013 par le musée d’art de Dallas, qui constitue de ce fait un véritable cas d’école (German, 2017, p. 157). L’analyse qu’en fait Ronan German dans sa thèse fait apparaître des questionnements qui viennent montrer en quoi ceux présents dans nos enquêtes, mais surtout dans l’analyse secondaire de ces dernières, « préfigurent » les questions que pose aujourd’hui le développement massif des dispositifs informatisés de médiatisation dans les institutions muséales et patrimoniales.

Précisions que l’analyse se situe à l’articulation de la sémiologie des médias et de la socio-économie des industries culturelles, mettant ainsi en œuvre le programme avancé par Yves Jeanneret (German, 2017, p. 95 ; v.g. Jeanneret 2014, p. 519-530). Cependant, pour opérer cette articulation, elle s’appuie assez fortement aussi sur la sociologie de la justification (notamment la construction des « mondes communs ») développée par Boltanski et ses coauteurs (Thévenot, Esquerre, Chiapello), bien que German (2017, p. 229-232) y déplore une absence de prise en compte des apports tant de la socio-économie des industries culturelles que de la sémiologie des médias qui amène ces auteurs à faire l’impasse sur ce qui caractérise, dirais-je, le « capitalisme médiatique » (Jeanneret, 2014, p. 586sq). Pour la démarche et le détail des analyses, je ne peux qu’inviter le lecteur à se reporter à la thèse (spécialement le chapitre 6) ; en effet, dans les limites de cette contribution, il ne m’est possible de retenir que les quelques points qui ont directement trait à mon propos – notamment les questions posées par la rencontre des logiques des trois « mondes » (entendus au sens mentionné plus haut et non au sens de Boltanski), spécialement entre celle des institutions muséales ou patrimoniales et celle des « industries médiatisantes » qui est venue remplacer celle des concepteurs-réalisateurs (German, 2017, p. 35). Je résume donc selon cet angle et de manière très succincte le programme DMA Friends, ainsi que l’analyse qu’en fait Germain, espérant néanmoins ne pas trop les caricaturer.

Le programme DMA Friends consiste essentiellement à enrôler des visiteurs – sur adhésion volontaire, mais selon de fortes incitations sous forme de récompenses – pour qu’ils écrivent leur expérience de visite (mentionner, décrire, apprécier, etc.) sur place et(ou) à distance. L’architexte extrêmement sophistiqué, en quoi consiste le dispositif, va ainsi opérer une collecte automatisée de traces d’usages qui va permettre : (i) de construire une représentation du visitorat du musée (sa « communauté »), mais aussi d’en dégager des figures exemplaires ; (ii) d’évaluer chaque activité proposée, l’ensemble de l’offre étant découpé en activités repérables (sous forme de « badges »). Dès lors, la politique du musée – dont le trait le plus visible est un retour à la gratuité – va être définie, réalisée, évaluée à partir de ces traces d’usages. On voit donc que le dispositif met à disposition en temps réel, les informations sur les visiteurs, les activités que traditionnellement les musées cherchaient à obtenir en ayant recours à l’évaluation préalable (en fait, le plus souvent, au marketing) ainsi qu’à l’évaluation sommative de chacune de ses activités (dont les expositions).

On remarquera tout d’abord que les différents dispositifs, que le musée de la Civilisation entend mettre en œuvre, sont soit font partie des activités soit directement intégrés à l’architexte : tout ce qui doit être organisé et opérationnalisé devient en quelque sorte partie du dispositif. Ce dernier, couvrant ainsi tout le continuum de la communication du musée, est supposé pouvoir lever la double incertitude (sur la production médiatique et sur la réaction des visiteurs) inhérente à la médiatisation habituelle des institutions muséales ou patrimoniales : expositions, mais aussi médiations diverses, publications, etc. Ensuite, le déplacement du centre de gravité vers le visiteur, dont il a été question ci-dessus, atteint ici son apogée selon une logique qui n’est autre que celle des industries médiatisantes. Le visiteur est en effet lui-même repensé comme composant d’une entité collective d’ordre supérieure : non un public mais une « communauté » muséale, exemplifiée à son tour par des figures idéaltypiques qui illustrent l’implication et la participation des « amis ». Implication et participation qui sont non seulement valorisées par des récompenses (signes d’ailleurs de l’engagement du musée), mais qui vont être aussi valorisées sur le plan institutionnel. En effet, la gratuité du musée et de l’adhésion au programme, en se traduisant par une amélioration de l’image du musée dans la population, est censée entraîner une hausse des dons et des subventions. Autrement dit, d’un côté, la textualisation des visiteurs et de leurs pratiques doit permettre de lever la double incertitude par l’ajustement du procès de production avec les perceptions, les comportements ou les motivations des visiteurs (German, 2017, p. 245 et 254). Et corollairement, de l’autre côté, cet ajustement va de facto aligner le fonctionnement du musée sur le modèle du « courtage informationnel » (Bouquillion, Miège, Moeglin, 2013, p. 154) puisqu’il place le musée en position d’intermédiaire entre une offre d’activités à la « communauté » du musée et une offre d’informations sur cette dernière, sur la politique du musée, ses résultats et son image, non certes à des sociétés commerciales comme le font les industries médiatisantes, mais à ceux qui le financent. C’est ce second « marché », si l’on peut dire, qui finance la gratuité du premier (German, 2017, p. 287-288).

Mais il y a plus encore, car en intégrant les industries médiatisantes pour opérer la collecte des traces (avec, par exemple, l’utilisation massive de matériel informatique, le recours aux fournisseurs d’accès, l’utilisation des réseaux dits « sociaux »), le programme installe l’institution muséale dans la sphère d’influence de ces industries. Ce qui ne manque pas d’ouvrir un questionnement sur la manière de préserver la spécificité institutionnelle du musée. Ainsi, écrit German (p. 682) « l’architexte DMA Friends est une initiative du DMA [Dallas Museum of Art] qui cherche à ne pas se faire dépasser par l’aval, d’une certaine manière, par les acteurs des industries médiatisantes », afin de « se prémunir contre certaines formes de prédation de la part des industries médiatisantes qui voient dans les collections du musée un capital symbolique à faire fructifier ». Une telle stratégie vient faire écho aux inquiétudes des professionnels des musées d’art exprimées au moment de nos enquêtes devant le développement d’outils de médiatisation qui pouvaient remettre en cause l’autonomie et la spécificité du musée. Mais le questionnement porte ici sur le fait qu’elle est porteuse d’un paradoxe, certes d’une autre manière que celui des professionnels pris entre l’attente de gains d’attractivité et les possibles effets d’une inflation documentaire pouvant faire écran à la relation des visiteurs aux œuvres, en ce que cette stratégie ne garantit pas que remplacer la médiation par un processus d’intermédiation préserve ce qu’elle est censée préserver. Elle fait dépendre la politique du musée de critères qui non seulement traverse alors celui-ci de part en part, mais qui, de plus, vont à l’encontre de sa logique symbolique, laquelle est fondée sur des critères patrimoniaux et scientifiques qui sont la base de la confiance du public et qui ne se réduit donc pas à la seule protection de la collection. Il est, par exemple révélateur que dans les présentations du programme faites par Robert Stein (directeur adjoint à l’origine de celui-ci), analysées Ronan German, il ne soit jamais question de la relation du visiteur à l’exposé. On me dira que ce n’est pas le sujet. Certes, mais c’est bien là le problème : le fait que ce qui est symbolique soit hors sujet, pour les concepteurs de l’architexte qui définissent la politique du musée, n’est-il pas un indicateur de la puissance configurante de la logique des industries médiatisantes ? Ce qui confirme le constat que fait Yves Jeanneret (2019, p. 113) selon lequel « les musées sont doublement inquiétés : par la remise en cause de l’identité historique du musée en tant qu’institution spécifique, au bénéfice d’une définition concurrente, comme acteur d’une circulation générales des contenus au sein des industries médiatiques ; par une dépendance accrue vis-à-vis de logiques hétéronomes, tenant à la prétention des industries médiatiques à remédier à la vie sociale et à faire autorité culturelle ».

Ce à quoi s’ajoute une situation, semble-il, inattendue : le questionnement, qui était formulé par les professionnels des musées lors de nos enquêtes, paraît plutôt être devenu le fait de chercheurs, appelés désormais à faire preuve de vigilance et d’une attention minutieuse aux situations paradoxales dont la rencontre entre la logique du musée et celle des industries médiatisantes est porteuse.

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Auteur

Jean Davallon

Professeur émérite en sciences de l’information et de la communication, Centre Norbert Élias (UMR 8562), Avignon Université. Travaille sur le rapport entre dimension symbolique et fonctionnement communicationnel des expositions, des musées et des modes de patrimonialisation.
davallonjean@gmail.com