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Roubaix en « Zone Interdite ». Un journal régional dans les rets de la « mal-traitance médiatique » d’une ville

11 Mar, 2024

Résumé

Considérant « l’emballement médiatique » qui a suivi la diffusion, sur une chaîne de télévision nationale, d’un reportage sur l’islam radical en France, l’article s’intéresse à la polémique qui a concerné la ville de Roubaix. L’analyse du discours de la presse régionale diffusée sur ce territoire a permis d’identifier un phénomène ici qualifié de « mal-traitance médiatique ». L’article explique comment le journal étudié, tout en en étant partie prenante, s’est trouvé aux prises avec la polémique, entre autres dans son soubassement politique. Sur la fin, au-delà de pointer le statut et le rôle de l’image dans son rapport à la « vérité » en matière journalistique, l’article reprend à son compte la question de la « responsabilité sociale des journalistes », en l’occurrence face au procès médiatique, à portée « altérisante », d’une ville.

Mots clés

Roubaix, polémique, médias, territoire, imaginaire territorial, islam radical.

In English

Title

Roubaix in “Zone Interdite”. A regional newspaper in the nets of the “media maltreatment” of a city

Abstract

Considering the “media uproar” that followed the broadcast, on a national television channel, of a report on radical Islam in France, the present article deals with the polemics that concerned the city of Roubaix. The analysis of the regional press discourse in this area allowed to identify a phenomenon considered here as “media maltreatment”. The article explains how the newspaper studied, while being stakeholder, found itself at grips with the polemics, inter alia, in its political underpinnings. In the latter part, beyond pointing out the status and role of the image in its relationship to the “truth” in journalism, the article takes on the question of the “journalists’ social responsibility”, in this case, in the face of media trial of a city.

Keywords

Roubaix, polemic, media, territory, territorial imaginary, radical Islam.

En Español

Título

Roubaix en « Zone Interdite ». Un periódico regional dentro de las redes del « mal-trato mediático » de una ciudad

Resumen

Considerando « el frenesí mediático » que siguió tras la difusión, en una cadena de televisión nacional, de un reportaje sobre el islam radical en Francia, el articulo se interesa a la polémica que tuvo como tema la ciudad de Roubaix. El análisis del discurso de la prensa regional difundido en el territorio permitió identificar un fenómeno aquí calificado de « mal-trato mediático ». El articulo explica como el periódico analizado, siendo a la vez un actor implicado, se vio involucrado en la polémica, entre otras dentro de su dimensión política. En la parte final, mas allá de señalar el estatus y el papel de la imagen dentro de su relación a la « verdad » en el ámbito periodístico, el articulo toma a su cuenta la pregunta de la « responsabilidad social de los periodistas », en este caso frente al juicio mediático, al alcance « alterisante », de una ciudad.

Palabras clave

Roubaix, polémica, medios de comunicación, territorio, imaginario territorial, Islam radical.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Raoul Bruno « Roubaix en « Zone Interdite ». Un journal régional dans les rets de la « mal-traitance médiatique » d’une ville », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°24/1, , p.59 à 75, consulté le mardi 2 juillet 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2024/dossier/04-roubaix-en-zone-interdite-un-journal-regional-dans-les-rets-de-la-mal-traitance-mediatique-dune-ville/

Introduction

Considérant l’objectif affiché du dossier de la revue, nous nous proposons d’explorer la manière dont les médias participent de l’entretien de représentations territoriales en étudiant un processus médiatique de stigmatisation d’un territoire 1. En l’occurrence, il s’agit d’approfondir l’exploration du rapport médias-territoire (Pailliart, 1993 ; Ballarini, 2012 ; Noyer, Raoul et Pailliart, 2013 ; Raoul, 2020 ; Bousquet et Amiel, 2021) à partir de « l’emballement médiatique » (Bastin, 2008) qui a suivi la diffusion par la chaîne M6, le dimanche 23 janvier 2022, dans le cadre de l’émission « Zone Interdite », d’un reportage intitulé « Face au danger de l’islam radical, les réponses de l’État » et réalisé à partir d’enquêtes faites dans trois villes différentes : Roubaix, Bobigny et Marseille. Nous allons le voir, une de ces trois villes, Roubaix, va particulièrement alimenter un débat médiatique ressortissant au domaine de la polémique (Charaudeau, 2017). Elle sera, en somme, mise à l’index, se trouvant associée, une nouvelle fois, à l’« islam radical » (Noyer, 2013) et à l’idée d’une intention « séparatiste » (Mohammed et Talpin, 2018) d’une partie de sa population, c’est-à-dire de mise en retrait sinon de défiance à l’égard des valeurs républicaines, tandis que les deux autres villes ne semblent pas avoir subi, quant à elles, une telle stigmatisation.

Relevant d’une « analyse communicationnelle des altérités territoriales » (Garcin-Marrou, 2018), cette exploration s’inscrit en écho au travail mené par Jacques Noyer qui, dans un texte paru en 2013, à partir d’une analyse d’un corpus télévisuel consacré à Roubaix, identifiait un récit associant « la ville à la déclinaison régulière des exactions qui s’y déroulent », au risque que se crée alors « un “effet de prisme” contribuant à structurer l’identité de l’espace urbain autour d’un trait dominant, non représentatif de l’image que peuvent en avoir, à l’interne, ceux qui le pratiquent » (Noyer, 2013, p. 170).  En ce qui nous concerne, nous avons fait le choix, dans le cadre délimité de cet article, de nous centrer essentiellement sur la manière dont la presse quotidienne régionale diffusée sur le territoire de Roubaix, tout en y contribuant, a rendu compte de la « polémique ». Nous verrons ainsi de quelle manière, par un effet d’intertextualité médiatique, cette presse s’est trouvée aux prises avec ce que nous proposons d’appeler un phénomène de « mal-traitance médiatique ». Par une déclinaison verbale, l’expression s’entend de deux manières corrélées. Il s’agit d’une part de l’entendre au sens de « maltraiter » : nous allons le voir, il est question d’« habitant·es blessé·es », qui se sont senti·es malmené·es à travers la présentation de leur ville ou de leur rue. Quant à l’autre sens, qui renvoie à l’idée de « mal traiter », journalistiquement parlant, un sujet, il se dégage du procès formulé à l’encontre du choix fait par les auteur·es du reportage de privilégier un angle de traitement et une méthode d’enquête qui conduisent à exacerber la vision stigmatisée de la ville. En considérant ce verbe « traiter » dans un double sens, à savoir médiatique, d’une part, familièrement insultant, d’autre part, il s’agira alors d’étudier comment un territoire en vient à faire l’objet d’une « représentation altérisante » (Dalibert, 2018a).

Sur un plan méthodologique, nous avons donc constitué un corpus de la presse régionale quotidienne, La Voix du Nord et Nord éclair 2, en collectant, via essentiellement la base de données Europresse, mais aussi en « prenant en main » nombre d’exemplaires ou en accédant à l’édition en ligne, l’ensemble des articles parus du jour même de la diffusion du reportage, le 23 janvier 2022, à juillet 2022. Ce sont au total une soixantaine d’articles (version pour support papier et version en ligne) qui ont été analysés dans un premier temps, leur taille allant de la brève ou de l’encadré de quelques lignes à des textes couvrant une page entière de l’édition papier (photos incluses), de manière très exceptionnelle une double page. Étant donné l’ampleur de la polémique, nous avons également collecté un corpus d’articles de la presse nationale parus sur le sujet pendant la même période que, toutefois, nous n’exploiterons pas ici, sinon ponctuellement, étant donné le choix évoqué précédemment. 

Nous avons procédé par une lecture systématique de l’ensemble des articles, avec la posture de l’analyste attentif au télescopage du sens que permet le travail sur corpus, c’est-à-dire, considérant que « lire le journal en analyste suppose […] une inscription temporelle qui n’est pas prévue par le texte » (Krieg, 2000, p. 78), en veillant à réinscrire le texte de chaque article dans la construction généalogique que permet l’analyse. Nous nous sommes ainsi attaché à être vigilant sur les intitulés et les contenus des articles relatifs au reportage et à ses conséquences, sur le cadrage retenu dans ceux-ci, les modalités de traitement, les termes employés, les propos rapportés, les signatures, les photos accompagnant les textes, etc., tout autant que sur la chaîne d’intertextualité temporelle que sous-tend une polémique. De la sorte, il s’est agi de procéder non par analyse de contenu mais par une analyse du discours des médias visant, à partir d’une attention à la « matérialité discursive », à dégager « la construction et la circulation sociales du sens » (Delforce et Noyer, 1999, p. 20 ; Krieg-Planque, 2007 ; Dalibert, 2018b) à la lueur de l’enchaînement et de l’articulation des articles. Ce faisant, nous nous sommes attaché non pas tant à « étudier les médias en faisant parler leur discours » (Marty, 2019, p. 81) qu’à faire parler le discours sur ce qu’il ne dit pas. En effet, par-delà « appréhender le discours comme intrication d’un texte et d’un lieu social » (Maingueneau, 2005, p. 66), la procédure inductive adoptée, fondée sur l’importance, toute particulière, accordée à l’intertextualité et à la perspective diachronique, donne aussi la possibilité de faire parler le matériau sur les silences du texte. Des silences que les entretiens réalisés avec deux des journalistes de la rédaction roubaisienne nous ont parfois permis de clarifier, quitte à reconsidérer ou à nuancer quelques résultats de l’analyse du discours du journal.

De fait, l’émission « fera événement » (Neveu et Quéré, 1996). Comme le relèvera le journal lui-même, et conformément, du reste, à l’énoncé de son cadrage, elle s’invitera dans la campagne présidentielle puis dans celle des législatives, la polémique se saisissant notamment à cette aune. Cet élément de contexte étant précisé, l’objectif que nous nous fixons ici est de comprendre, en faisant résonner des travaux antérieurs, comment un imaginaire territorial est, en définitive, venu surdéterminer le traitement médiatique d’une question sociale (Boyer et Lochard, 1998 ; Noyer, 2013 ; Garcin-Marrou, 2018 ; Raoul, 2020). Dans un premier temps, nous nous centrerons sur le volet du reportage consacré à Roubaix en expliquant notamment de quelle manière il participe d’un processus d’altérisation de la ville. Puis, dans une deuxième partie, nous dégagerons les principaux enseignements tirés de l’analyse de corpus en mettant ici l’accent sur les premiers jours de la polémique, période de sa plus forte intensité. Par-delà faire état de ses différentes phases, nous relèverons tant le rapport affectif au territoire qu’elle révèle que la tournure politique et vindicative qu’elle recèle. Dans une troisième partie, tout en poursuivant l’analyse, nous examinerons notamment le statut et le rôle de l’image dans son rapport à la « vérité » en matière journalistique puis nous questionnerons des silences identifiés dans le texte du journal régional. Une préoccupation qui nous conduira à la conclusion que, derrière une telle polémique, c’est une nouvelle fois la question de la « responsabilité sociale des journalistes » (Delforce, 1996 ; Rabatel et Koren, 2008) qui est posée, en l’occurrence face au procès médiatique de l’image d’une ville.

« La réalité de la menace islamiste en France » : Roubaix à l’index

Une accroche stigmatisante

L’émission s’ouvre par une séquence d’environ 2 minutes et 20 secondes cadrant les grandes lignes du reportage : une enquête d’un an « sur la réalité de la menace islamiste en France ». La voix off introduit le sujet en accompagnement d’images de personnes – au visage flouté – portant des tenues musulmanes (voile, abaya, qamis) ou de policiers et de juges en intervention dans une école coranique. Elle se fait prévenante : « Sur les quatre millions de musulmans que compte la France, une minorité pousse par tous les moyens la communauté à se replier sur elle-même. » Mais, très vite, sur fond d’une musique lugubre, par quelques brefs extraits d’entretiens, le ton est donné sur l’orientation globale du reportage, à l’instar d’émissions antérieures prêtant à une instrumentalisation du « référent islamique » (Deltombe, 2007, p. 77). La séquence reprend ainsi une image d’archives tirée du site « Islam&Info. L’info par le Musulman, pour le Musulman » montrant un homme d’une quarantaine d’années qui porte une assez longue barbe caractéristique de l’apparence masculine musulmane et qui professe : « Un jour il faudra penser communautaire, un jour il faudra penser même à avoir nos banques, notre monnaie locale, un jour il faudra penser grand ! » Certes, dans la foulée, le reportage contrebalance une telle prise de position par le commentaire tranché d’un recteur d’une mosquée : « Les islamistes, ils ont kidnappé leur religion, ils ont pris la communauté musulmane en otage. L’islamisme, c’est la maladie de l’islam. » La suite de cette séquence, où se devinent des images prises en caméra cachée, n’en est pas moins à teneur stigmatisante. Sachant que le sujet est relatif à la situation en France, on peut ici d’emblée relever qu’elle ne mentionne le nom que d’une seule ville : « À Roubaix, nous sommes tombés sur un scandale qui mêle politique et religion. » Le commentaire s’énonce alors sur fond d’images filmées depuis une voiture qui montrent, tout d’abord, des hommes vêtus de qamis marchant devant un mur en briques rouges caractéristique des enceintes des anciennes usines de la ville, puis la grille d’entrée d’un ancien établissement scolaire surplombée d’un écriteau de la mairie et devant laquelle passent des femmes voilées accompagnées d’enfants. Ce sont là autant d’indices visant à illustrer, en les contextualisant spatialement, les pratiques religieuses couvant le scandale en question, autant d’indices par lesquels la ville se trouve associée à l’islam radical. Un homme au volant d’une voiture affirme ensuite sur un ton percutant : « C’est une association qui est gérée avec des fonds publics, de l’argent public qui, sous prétexte de cours de soutien scolaire effectue en réalité des cours coraniques. » À l’issue de cette séquence, la présentatrice de l’émission, Ophélie Meunier, apparaît à l’écran. Très vite, elle indique les trois villes de l’enquête : « Nous irons notamment à Roubaix, à Marseille et à Bobigny en Seine-Saint-Denis. » Et, tout aussi vite, le contexte politique du moment est précisément souligné : « À trois mois de l’élection présidentielle, le sujet est au cœur du débat. Alors, quelle est la réponse de l’État ? » Elle précise qu’elle rencontrera le ministre de l’Intérieur « juste après ce documentaire ». 

Roubaix au prisme de « Zone Interdite » 

Sur fond d’une première vue d’ensemble sur une zone d’entreprises et de quelques maisons, le reportage s’ouvre abruptement par ces mots formulés en voix off : « Roubaix, 98 000 habitants, est la ville du multiculturalisme. Il y a douze églises, un temple protestant et sept mosquées. Environ 40 % des habitants sont musulmans. Ici, tout le monde cohabite. Mais un rapport du gouvernement daté de 2019 pointe un repli communautaire dans certains quartiers de Roubaix. » Après une série d’images présentant une rue de la ville, puis chacun des types d’édifices mentionnés, notamment des mosquées, puis des images de femmes vêtues de jilbabs marchant dans la rue, une autre image se distingue par son éloquence, elle suffit en elle-même à illustrer, sinon caractériser, un tel « repli communautaire » : la vue est prise de l’intérieur d’une voiture, en caméra cachée, elle montre, en très légère contreplongée, une petite dizaine d’hommes, certains vêtus de qamis, en train de prier sur le trottoir d’une rue assez étroite en faisant dos au mur d’une usine désaffectée et sur lequel se distinguent, dans le cadre d’anciennes fenêtres murées, quelques graffs colorés. La musique, toujours aussi lugubre, vient rajouter une atmosphère d’accablement à cette image de paysage urbain sinistre, à ce décor d’altérisation (Rigouste, 2004 ; Hancock, 2008 ; Garcin-Marrou, 2015). Le commentaire se poursuit en appui de ces images, avant de présenter celui qui va être un des guides des auteur·es du reportage dans la ville : « Amine Elbahi est né à Roubaix. Ce juriste en droit public de 25 ans s’inquiète d’un communautarisme qui basculerait doucement vers l’intégrisme. En l’espace de cinq ans, il a vu certaines rues de sa ville se transformer : “Là on va au niveau de la rue de Lannoy à Roubaix. C’est l’une des plus grandes rues… puisqu’elle amène vers le centre-ville”. » S’ensuit de sa part un commentaire à l’intonation adjectivale concernant différentes boutiques : « boucheries hallal », « boulangerie-pâtisserie orientale », « hammam oriental », « librairies islamiques ». Le jeune homme s’érige alors en procureur : « C’est aussi d’une certaine façon un appel à s’exclure de la communauté nationale […]. Ce communautarisme, il fait mal à la société française parce que ça nourrit, d’une certaine façon, l’islamisme radical. » L’intonation appuyée du verbe est soutenue par autant d’images qui visent à caractériser le lieu. Ce sont là autant de procédés par lesquels la rue en question est figurée en territoire inquiétant, sinon menaçant (Rigouste, 2004 ; Deltombe, 2007 ; Garcin-Marrou, 2015). Les images suivantes, prises en caméra cachée (l’indication en est faite à l’écran), montrent une vue d’ensemble de l’intérieur d’une boutique vendant différents types d’objets avant de s’arrêter en gros plan sur quelques poupées sans visage : « Des jouets d’un genre très particulier, qui, dès le plus jeune âge, tendent à façonner l’esprit des enfants » dit la voix off. Ici aussi, le reportage érige en étrangeté ces poupées exposées dans la boutique, comme si le procédé de la caméra cachée en tant que tel avait permis de lever le voile sur leur signification religieuse. 

Un peu plus tard, le reportage revient vers A. Elbahi qui, une de ses sœurs ayant rejoint l’État islamique en 2014, témoigne de son combat contre l’islam radical : « Il a mis au jour un scandale qui mêle argent et islamisme. Après un an d’enquête, il révèle que la mairie finance une association qui ferait du prosélytisme religieux auprès de jeunes enfants », une association hébergée dans des locaux appartenant à la ville. Par la suite, les propos recueillis en caméra cachée auprès d’une responsable de l’association puis auprès d’un groupe de femmes, toutes vêtues du voile, accréditent la thèse du scandale. Les images qui suivent (des femmes voilées dans les rues de la ville, puis une photo du président de l’association, le visage flouté) sont soutenues, ici aussi, par une musique d’une intrigante tonalité métallique. Le procédé narratif, dont participe la méthode d’enquête par caméra cachée, produit à nouveau, à l’instar de « scènes de télévision en banlieues », une « vision à dominante dramatisante » (Boyer, Lochard, 1998, p. 112).

En prolongement de cette séquence, la caméra montre tout d’abord, filmés d’une voiture roulant à faible allure, nombre d’hommes, plusieurs en tenue islamique, avançant dans une rue bordée par la façade décrépite d’une ancienne usine en briques rouges. Tenant le volant, on devine un personnage, tandis que défilent alors à l’écran des images tournées dans un quartier ancien de Roubaix qui conduisent à une mosquée récente construite au cœur même de la cour de cette ancienne usine : « Bruno Renoul est journaliste à la Voix du Nord. Il a enquêté plus d’un an sur l’association AAIR : “Alors, ici, c’est la mosquée Abou Bakr, qui est une mosquée de tendance salafiste à Roubaix […] . Il nous explique qu’en 2013, le directeur décide de quitter l’école coranique de la mosquée pour en créer une nouvelle, qui fera du soutien scolaire, et en plus, sera laïque. » Le journaliste précise alors que cette activité de soutien scolaire officiellement déclarée et bénéficiant de subventions publiques dissimulait un enseignement coranique. Peu après, interviewé dans son bureau, il reconnaît que, au terme de sa propre enquête, il a parlé de « politique de l’autruche » de la part du maire. Tout en se montrant prudent devant l’idée de « clientélisme », il déclare : « Je pense que le maire de Roubaix a très très peur de se mettre à dos une certaine partie de l’opinion musulmane. Il doit penser qu’il y a un électorat musulman à Roubaix. Et donc, il préfère le plus souvent se taire pour pas prendre de risque. » Quand bien même sa présence dans le reportage dure moins de deux minutes, le journaliste n’en est pas moins ainsi positionné comme autre protagoniste à charge concernant le scandale figurant au cœur de la séquence consacrée à Roubaix. 

Celle-ci se termine en redonnant la parole à A. Elbahi qui, non seulement dénonce alors, face caméra, « le silence de la mairie sur cette affaire », mais pointe aussi la responsabilité institutionnelle et politique de manière plus générale par absence de prise en compte sérieuse de signalements effectués. Le « juriste », selon la désignation retenue au début du reportage, lance alors un « message d’alerte » devant un tel « déni ». Le reportage se fait ainsi caisse de résonance médiatique pour la cause que défend le jeune homme, mais aussi, en définitive, sans qu’il n’en soit cependant fait mention, pour une personne à l’ambition politique, nous allons le voir, déjà affirmée. 

Cette séquence ne dure qu’une vingtaine de minutes sur un reportage d’un peu plus d’une heure et demie. Elle n’en a pas moins fait ressortir une image disqualifiante de la ville, engendrant un « emballement médiatique » tout autant qu’une instrumentalisation politique.

La polémique au prisme du cadrage de la presse quotidienne régionale

Du procès (juridique) d’une « affaire »…

Dans son édition du 23 janvier, c’est-à-dire le jour même de la diffusion de l’émission, programmée en soirée, le journal titre : « L’affaire de l’AAIR dans Zone Interdite, ce soir sur M6. » En rappelant que, en 2015, l’émission de M6 avait déjà consacré une enquête à Roubaix « pour illustrer “le nouveau visage des ghettos” », un « reportage [qui] avait rapidement basculé sur le thème de l’islam », la brève laisse entendre l’existence d’un passif en relevant que le nom de Roubaix est médiatiquement associé à « ghettos » et à « islam ».

Dès le lendemain de la diffusion, le 24 janvier, le journal reprend dans son édition papier un article signé de Bruno Renoul et publié la veille au soir sur son site : « À une semaine du procès AAIR, Zone interdite enfonce le clou. » Dans un premier volet, remettant tout d’abord en perspective l’affaire dont il s’agit, l’article donne l’impression que le journal décrypte avant tout le reportage, extraits de témoignages et propos du maire à l’appui, comme accréditant sa propre enquête sur l’association. Sous un intitulé rappelant quelques images précises, « De vives réactions sur les poupées sans visage », le deuxième volet propose quant à lui une vision plus étendue du reportage. Chacun des deux volets est accompagné d’une photo tirée d’un arrêt sur images du film : la première représente un extrait d’un carnet de correspondance (avec mention « apprendre la sourate de al fatiha »), la seconde une poupée sans visage sur laquelle se superpose une mention écrite : « Les yeux, la bouche et le nez ne sont pas dessinés. » L’article s’en tient ici à un registre descriptif, ne laissant place à aucune touche critique à l’encontre du reportage.

Pour autant, ailleurs dans le journal, dans un texte publié en rubrique « Point de vue », le même journaliste part d’un constat : le reportage, « en partie dédié à Roubaix, déchaîne les passions ». Il pointe d’abord les réactions venant notamment des « habituels contempteurs de la ville, souvent de droite dure ou d’extrême droite ». Il vise donc ici de manière très critique ceux qui vont, en somme, souffler sur les braises rallumées par M6. Il s’agit ensuite de s’intéresser à l’autre extrême qui, « dénonçant la mauvaise image donnée de Roubaix » ou la « “stigmatisation” des musulmans », continue à fermer les yeux sur le problème. Au détour d’une phrase, le journaliste accrédite quant à lui la thèse du reportage en relevant que « le film pointe du doigt la montée d’un islam radical, pas les musulmans dans leur ensemble ». Déplorant enfin le fait que l’« on a entendu peu de voix équilibrées sur ce sujet, tabou à Roubaix », il entend alors se positionner avec un souci d’équilibre : « Or oui, Roubaix c’est aussi ça » et il s’agit de « s’en inquiéter » ; « Mais non, Roubaix ça n’est pas que ça : c’est aussi un islam paisible, une riche vie associative et culturelle […] ». Cela dit, à aucun moment, il ne manifeste un point de vue distancié, critique, vis-à-vis du reportage 3, pas plus qu’il ne fait mention de sa propre contribution.

Le lendemain, le mardi 25, La Voix du Nord titre en haut de « Une » « Roubaix. Zone interdite : le maire dénonce “l’amalgame” », tandis que Nord éclair en fait son titre principal de « une ». Le chapeau qui suit ici le titre ouvre sur un autre aspect des réactions d’indignation suscitées par « l’image “caricaturale” » donnée de la ville. En pages intérieures, l’article principal sur le sujet, signé d’un autre journaliste de la rédaction locale, rappelle d’emblée que le reportage « a pris d’entrée la ville de Roubaix en exemple ». Puis il rend compte d’un communiqué que le maire, Guillaume Delbar, a publié la veille sur sa page Facebook et par lequel, tout en reconnaissant qu’il a pu « avoir été trompé » ou a pu « [se] tromper », il dénonce « l’amalgame entre musulman, islam, islamisme et terroriste [qui] est repris par des populistes qui font naître des sentiments de haine dans un pays inquiet ». Après avoir pointé le contexte de la campagne présidentielle, le propos de l’édile, tel que le rapporte le journal, se fait cinglant : « Et dans un moment où l’invective est plus entendue que la nuance, le “Roubaix bashing” continue de plus belle, au détriment d’abord de ses habitants et de ceux qui agissent, sur le terrain. » Se disant triste, « et en même temps rassuré » par les réactions des Roubaisiens, le maire poursuit : « comme moi, ils aiment cette ville et sont lassés que son image soit prise en otage. » En évoquant la réaction du maire, le journal en vient donc à mettre centralement en avant la question de l’image de la ville mais sans qu’elle ne fasse jusqu’alors l’objet de remarques et d’une analyse de sa part. Ce faisant, en rapportant la parole de l’élu sur le « Roubaix bashing », il se fait le relais de la dénonciation de la maltraitance médiatique dont la ville fait une nouvelle fois l’objet.

… à l’affaire d’un procès médiatique

Après la réaction du premier édile, place à celle des habitant·es. Le mercredi 26 janvier, le journal titre dans une de ses pages « Région » : « Après “Zone interdite” : “Ça fait mal de voir notre ville pointée du doigt” », tandis qu’une double page consacrée à Roubaix s’intitule : « Des habitants blessés par l’image désastreuse laissée par Zone interdite. » Si les titres laissent entendre l’idée d’une blessure, les chapeaux, à la tonalité à la fois incisive et empathique, évoquent quant à eux la « colère », l’« indignation » et la « tristesse » des habitant·es. Le cadrage est ainsi d’un tout autre registre que celui de la veille et de l’avant-veille. Et c’est donc par l’entrée « habitants » que les lignes du journal se font le relais appuyé d’une posture critique vis-à-vis du reportage. L’heure est dorénavant à une approche par l’affect, le traitement médiatique met au cœur du sujet la dimension sensible du territoire.

Témoignages à l’appui, les articles du jour, signés de trois journalistes de la rédaction roubaisienne 4, font entendre la voix de ceux et celles qui, vivant au cœur des quartiers roubaisiens, ont l’expérience de la ville. Par-delà cette autre image de Roubaix ainsi mise en avant, certains témoignages reconnaissent toutefois l’existence de pratiques intégristes, tout en déplorant des « visées politiques et électorales ». Un article est plus spécifiquement consacré à la réaction de commerçants de la « rue de Lannoy », « vent debout contre le documentaire de “Zone interdite” ». Signé de Mathieu Lorriaux, il y est particulièrement question des réactions suscitées par le recours à la « caméra cachée » (le terme y est bien visible comme intertitre). C’est donc plus de deux jours après la diffusion du reportage, alors même que la polémique bat son plein, que sont pointées, par le biais de paroles rapportées, les « méthodes » adoptées pour la réalisation du reportage. Cela dit, le journal ne se positionne aucunement lui-même à ce sujet. D’ailleurs, à côté de cet article, dans la même page, figure à nouveau le texte de B. Renoul « Roubaix aussi ça mais pas que ça » déplorant le « peu de voix équilibrées sur ce sujet ». Pas plus lors de cette republication, il n’y est question d’un quelconque point de vue critique à l’encontre du reportage de M6. 

Dans un « Point de vue » signé de M. Lorriaux et publié le même jour, après avoir rappelé que, en 2013, le New York Times décrivait Roubaix « comme un modèle de multiculturalisme », le texte met en évidence une discordance entre l’article de ce journal étasunien et le reportage de M6. Il se veut poser un questionnement avec une posture de neutralité, donc sans trancher sur cette discordance. Il n’empêche, il fait état d’un « documentaire à charge présent[ant] une ville gangrenée par le communautarisme et le prosélytisme d’un islam radical ». Entre déploration d’une absence de « voix équilibrées » et reportage « à charge », les lignes du journal peuvent ainsi progressivement donner l’impression de divergences d’appréciation de ce dernier au sein même de la rédaction roubaisienne.

Derrière le « fixeur », l’ambition médiatique d’une jeune figure politique

Ce même mercredi 26, le site du journal consacre un article à Amine Elbahi, « le poil à gratter de Roubaix mis en lumière par Zone Interdite ». Le chapeau rend compte de la percée médiatique du personnage en même temps qu’il informe sur la menace qui le vise : « Retour sur le parcours de ce “bon client” des caméras, touche à tout, militant politique et associatif, marqué par le départ de sa sœur en Syrie. Et aujourd’hui menacé de mort pour ses engagements. » Le portrait, brossé par B. Renoul, est plutôt avenant : « Il n’a que 25 ans mais s’exprime avec l’aplomb d’un homme politique aguerri […]. Son rôle de “fixeur” d’une émission décriée, depuis, pour son manque de nuances, lui a valu des inimitiés à Roubaix, mais l’a propulsé sur tous les plateaux télé. […]. “Je ne regrette pas d’être passé dans Zone interdite même si je trouve que ça manquait de mesure et de nuance de la part de M6, nous confie-t-il. Ce que j’ai pointé du doigt, c’est une minorité. La quasi-totalité des musulmans de ce pays aiment la France”. » Cette confidence relatée, et après avoir donné quelques brèves indications sur sa famille, le journaliste rappelle son engagement politique (la « droite républicaine ») ainsi que sa trajectoire militante au niveau local (tout d’abord soutien puis ensuite opposant à Guillaume Delbar, jusqu’à soutenir, contre ce dernier, « le candidat d’union de la gauche » aux municipales de 2020) et au niveau national (momentanément, « référent jeunes dans le Nord » pour un candidat de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017). 

Au terme de l’article, illustré de quelques photos, il en ressort le portrait d’un jeune homme qui, de différentes manières, par-delà une implication locale et militante affirmée, sait faire montre d’un sens affiné de la visibilité médiatique tout autant qu’il est animé d’une ambition politique que ne manque pas de relever le journaliste en conclusion : « Élu, souhaite-t-il d’ailleurs l’être un jour ? Il y songe, forcément. En janvier, il a présenté ses vœux aux habitants de Roubaix et Wattrelos, deux villes qui constituent la 8e circonscription du Nord. À cinq mois des législatives, ça n’est pas innocent. Mais pour l’heure, il n’a pas encore franchi le Rubicon. “Je garde en tête que je n’ai que 25 ans. Je consulte, je prends mon temps. Et je n’oublie pas qu’on peut agir sans être élu”. » « Prendre son temps » ? À peine trois semaines plus tard, il sera officiellement investi candidat LR pour cette circonscription après être intervenu, le dimanche 13 février, dans un grand meeting parisien de la candidate de ce parti pour l’élection présidentielle, Valérie Pécresse. 

De cet article, nous retiendrons trois autres enseignements : s’il rappelle que l’émission a été décriée, le lecteur ou la lectrice ne saura toujours pas quelle est la position du journal, comme instance énonciative, à ce sujet, qui n’a porté aucun jugement critique sur le reportage ; on y découvre qu’A. Elbahi a, quant à lui, émis des réserves à l’encontre de l’émission dans le cadre d’un échange qu’il a eu avec B. Renoul (« nous confie-t-il ») ; on apprend ensuite que, très jeune, il a eu un engagement politique auprès de celui qui deviendra maire mais dont il s’éloignera très vite, un engagement qu’il poursuivra en s’investissant auprès d’autres responsables politiques. Ce que le reportage de M6 n’a pas mentionné. Un saisissant silence que, au demeurant, le journaliste de La Voix du Nord ne pointe pas en retour, pas plus que son journal. Ainsi A. Elbahi n’est-il pas « un simple citoyen, […] issu d’un quartier populaire », comme il se présente sur certains plateaux de télévision, il n’est pas seulement « juriste », il a déjà derrière lui une implication politique de quelques années et une certaine expérience des médias. « Bon client » des chaînes d’information en continu, il fait partie de ces locuteurs qu’affectionnent de tels médias, accédant « à une visibilité publique en regard de paramètres (conformité au savoir-parler médiatique, télégénie) dotés d’une autonomie relative par rapport aux critères normatifs (représentativité politique ou sociale) qui organisent le débat public dans les sociétés dites “démocratiques” » (Boyer et Lochard, 1998, p. 27). Après seulement quelques semaines de présence médiatique assez intensive à la suite de la diffusion du reportage, il ressort ainsi, concernant le personnage, l’impression d’une propulsion politique certes soudaine, mais non dépourvue d’une assise antérieure savamment réfléchie en termes de communication politique.

Que ce soit dans les semaines précédant l’élection présidentielle puis, dans la foulée, celles précédant les élections législatives, du fait de sa candidature à la députation, son nom se retrouvera assez régulièrement dans les lignes du journal. Et quasi inévitablement, par association, le reportage reste, pourtant plus de quatre mois après sa diffusion, une référence centrale du débat des législatives sur la circonscription concernée, y compris au moment de commenter les résultats du premier tour.

Par-delà les mots de la polémique, les maux des menaces… et de la politique

Le 27 janvier, dans son édition en ligne, le journal fait état de la tournure à nouveau édifiante des conséquences du reportage : « Après “Zone Interdite”, le maire dénonce les menaces dont il fait l’objet. » L’article, qui sera repris dans l’édition papier du lendemain, est accompagné d’une photo de l’élu, visage avec masque, dans une posture d’homme visiblement affecté, abattu. Ne donnant aucun repère de date ni de lieu concernant cette dernière, la légende est à l’avenant : « Le maire Guillaume Delbar décrit un déferlement de haine depuis dimanche. » L’article est signé de Marc Grosclaude, de la rédaction de Roubaix, lequel se montre en empathie avec le maire en faisant part de l’émoi que suscitent les menaces qu’il a reçues. Le journaliste rapporte ainsi le contenu du témoignage que lui a adressé l’édile avec toute la cruauté, « glaçante », des propos dont il rend compte. Par-delà le trait insultant des extraits des messages, leur trivialité, restituée de manière brute, renforce ainsi la tonalité saisissante du texte : « « S’il arrive quelque chose à Amine Elbahi qui un courage inouïe face à ta lâcheté qui caractérise le porc que tu es, tu le paiera cher, tu en sera le responsable.(sic) » . Guillaume Delbar parle de “plus d’une dizaine” de messages de ce type chaque jour. » En rapportant ce témoignage, attestant d’un affranchissement « des règles ordinaires de la civilité » (Mercier, 2015, p. 150), le journal apparaît aussi comme le lieu d’un réquisitoire du maire contre celui qui n’est autre qu’un de ses anciens soutiens (A. Elbahi), quand le premier indique que lui-même et son épouse ont été menacé·es de mort par « un individu dangereux […] via la page Facebook du lanceur d’alerte qui tourne actuellement en boucle dans les médias depuis dimanche soir ». Ici, ce n’est donc plus la question de l’image de la ville qui ressort, mais celle d’un conflit cinglant, à teneur vindicative, entre deux adversaires politiques. Au terme de l’article, le maire apparaît en définitive dans la position de celui qui alerte à son tour en dénonçant ceux qui ouvrent « la voie à un déferlement qu’on ne maîtrise plus ». Sans être nommé, A. Elbahi est ici très directement visé. 

Le lendemain, dans l’édition en ligne, la polémique ressort à nouveau dans sa dimension nationale dès l’annonce du titre de l’article : « Pour Éric Zemmour, “Roubaix, c’est l’Afghanistan à deux heures de Paris” » (La Voix du Nord.fr, 28 janvier 2022). L’article rapporte l’échange houleux entre le candidat d’extrême droite lors d’un débat avec un de ses concurrents pour la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, sur le plateau d’une chaîne nationale, C8, la veille au soir. La formule que reprend le titre avait déjà connu une audience nationale dès le début de la semaine, le lundi 24 en tout début d’après-midi, Le Figaro titrant alors une tribune d’É. Zemmour par cet énoncé-choc que le candidat avait tweeté deux heures plus tôt. Signe que, sitôt après la diffusion, un processus de récupération et d’instrumentalisation politique était engagé, conformément du reste à la logique de l’« amorçage » médiatique (Derville, 2017).

L’image d’une ville à l’épreuve de la « vérité » de l’image

De l’image d’un « scandale » au procès de l’image

Dans l’édition en ligne du 28 janvier, et dans celle papier du lendemain, le journal annonce : « Après l’émotion, les réponses de la réalisatrice de “Zone interdite”. » Le titre et le chapeau laissent entendre un entretien qui entend prendre de la distance par rapport au registre « émotionnel ». Il est mené par B. Renoul qui, quelques semaines plus tôt, se faisait donc guide de cette même réalisatrice autour d’une mosquée dans la ville.

Au début de l’entretien, le journaliste faisant observer qu’« [à] Roubaix, beaucoup de voix se sont élevées pour dénoncer une stigmatisation de la ville », elle adopte une posture de déni à ce sujet tout autant que concernant l’idée d’« amalgame », insistant sur le fait d’avoir parlé « de courants minoritaires de l’islam ». Elle reconnaît y avoir été bien accueillie. Et se défend également en rappelant en avoir parlé comme « ville multiculturelle dans laquelle les religions cohabitent ». Elle insiste avoir mis l’accent sur « certaines rues », « où on observe un repli communautaire » dit-elle. Du reste, en revendiquant un angle de traitement, « les atteintes à la laïcité et le séparatisme », elle conteste avoir fait « le portrait de Roubaix », qui aurait relevé d’un autre angle précise-t-elle.

Par-delà la volonté de se défendre, elle se fait accusatrice. En pointant que l’essentiel des critiques a concerné « les poupées de la rue de Lannoy », « et que personne ne parle du cœur du film qui est l’affaire AAIR », elle tend à euphémiser la portée des images du reportage. Pourtant, ce sont bien des gros plans sur ces poupées, tout comme sur une page d’un cahier de correspondance ou, sur un autre registre, des vues sur des hommes en prière dans une rue de la ville qu’offre le reportage, des images, parmi d’autres, que, du reste, reproduira le journal lui-même. Certes, le surlendemain de la diffusion, en traitant des réactions à Roubaix, il donnera une vue autrement plus large de la boutique proposant ces jouets (comme, d’ailleurs, l’avait fait le reportage avant de faire le gros plan sur les poupées) pour resituer les objets « poupées » parmi d’autres, faisant ainsi œuvre de dédramatisation. Il en ressort que cette focalisation de la caméra sur ces poupées tient avant tout d’une représentation des auteur·es du reportage, le recours à la caméra cachée confortant l’effet de dénonciation. En d’autres termes, pourquoi euphémiser l’écho de ces images volées alors même que l’intention semble bien avoir été qu’elles aient un tel écho ? Autant d’images qui participeront de l’« emballement médiatique » qui court depuis le début de la semaine et sur lequel, au demeurant, l’entretien publié fait totalement l’impasse. Ce alors que, quasi dans le même temps, B. Renoul lui-même ne manque pas de souligner la « mécanique » d’un tel emballement dans l’entretien qu’il a accordé à l’hebdomadaire Marianne. À l’appui de l’analyse de Gilles Bastin, nous rappellerons ici que cette notion d’« emballement médiatique » telle qu’elle a cours dans le jargon journalistique a toutes les caractéristiques du mot-écran, son usage participant, explique le chercheur, d’une « forme de déresponsabilisation des journalistes » en tant qu’il signifie « un phénomène quasi naturel contre lequel il semble vain de lutter » (Bastin, 2008, p. 102). 

Quand le journaliste l’interroge sur le procès en « sensationnalisme » formulé à l’encontre du film, la réalisatrice répond tout d’abord qu’elle peut comprendre les critiques concernant la forme adoptée, avant de faire observer : « Mais les caméras cachées sont parfois nécessaires pour montrer la vérité. Je dis souvent qu’elles sont à la télévision ce que les crayons sont à la presse écrite. Parfois on est obligé de les utiliser si on veut montrer ce qui se passe vraiment. » L’image, ici volée, attesterait donc de « la vérité », tout comme la plume du reporter de presse écrite. Résonne ici d’emblée cette observation critique de Patrick Charaudeau : « Dans les médias, le moyen le plus efficace de désignation est l’image qui, dans l’imaginaire social participe de cette illusion de vérisme, faisant prendre ce qui représente l’objet (le “representamen”) pour l’objet lui-même » (Charaudeau, 2005, p. 71-72). En appui de cette réflexion, nous ferons observer que, en l’espèce, c’est bien le propos de la réalisatrice qui, en voix off, donne sa signification à l’image des poupées, ou le propos d’un interviewé qui interprète les signes des façades des boutiques d’une rue. En d’autres termes, c’est le « statut argumentatif des images » qu’il convient d’interroger. À ce sujet, Édouard Bouté et Clément Mabi (2020, p. 48) ont bien rappelé, en référence à Roland Barthes, combien le texte associé aux images « sert alors essentiellement à “fixer la chaîne flottante des signifiés” afin de rompre avec le caractère polysémique des images ». Est en effet ici engagée, selon la formule de Barthes, la fonction d’« ancrage » et la « valeur répressive » du message linguistique : « le texte dirige le lecteur entre les signifiés de l’image », sachant que « l’ancrage peut être idéologique » (Barthes, 1964, p. 44). Dans une parenthèse de son article, le sémiologue fait d’ailleurs cette remarque, fort à propos ici : « Dieu muet ne permet pas de choisir entre les signes » (ibid.). Or, en l’occurrence, selon la logique du reportage, Dieu ne serait pas muet, et pas n’importe quel Dieu : les poupées sans visage ne sont pas tant envisagées comme objets-jouets pour enfants que comme signe d’une rhétorique spécifique, d’une idéologie, celle de l’islam radical. Un procédé interprétatif qui, du reste, participe du processus d’altérisation évoqué précédemment.

Devant cette conception immanentiste de la vérité de l’image dont témoigne l’entretien et qui semble fonder une pratique professionnelle, nous ferons remarquer, comme le souligne Bernard Delforce, que « nos perceptions de ce qui nous entoure et le sens que nous donnons aux choses, qu’on soit journaliste ou simple lecteur, sont orientés, selon les sujets traités, par des conceptions implicites » des phénomènes, en d’autres termes que « le sens préalable est dans le regard du témoin, mais, dès lors que ce sens se matérialise, il est naturellement attaché aux choses » (Delforce, 1996, p. 23-24). 

Début mars, après avoir été trois semaines sans évoquer le sujet, le journal publie un autre entretien, à nouveau conduit par B. Renoul, cette fois avec un sociologue, Farhad Khosrokhavar. Le sujet fait l’objet d’un appel de « une » et couvre une double page intérieure sous le titre : « Roubaix et Maubeuge. Le salafisme en régression, selon une étude régionale » (9 mars 2022). Dès le début de l’entretien, le chercheur s’inscrit en nette critique du reportage de M6, expliquant n’avoir pas senti à Roubaix, en ce qui le concerne, « cette emprise étouffante qui se dégage des commentaires suscités par cette émission ». Comparant les deux villes, il observe que « la religiosité salafiste (tenues typées, comme les barbes, le qamis ou le niqab) […] est très présente à Roubaix ». Mais relevant que la pauvreté seule n’explique pas l’essor du salafisme, il en vient au constat que « la non-mixité ethnique, plus la pauvreté et la stigmatisation, ça crée un mélange explosif ». On l’aura compris, pour le sociologue, il faut questionner le regard stigmatisant porté sur les quartiers associés à l’islam. Or, sur la première des deux pages de l’entretien, le texte est accompagné d’une photo couvrant un bon quart de la page (qui est partiellement reprise dans l’appel de « une » de La Voix du Nord), celle vue dans le reportage et qui montre des hommes (aux visages floutés), certains vêtus de qamis, priant dans une rue. D’une certaine manière, en publiant cet entretien, le journal fait montre d’un souci d’approfondissement permettant une prise de recul critique à l’encontre du point de vue sensationnaliste et, ce faisant, une mise à distance d’une vision polémique. Pourtant, en reproduisant une photo qui, extraite du reportage, a pour seule intention, selon les explications recueillies au sein de la rédaction, d’« illustrer » le sujet de l’entretien, à savoir « le salafisme », il continue à accréditer le regard sensationnaliste du film, faisant ainsi le jeu d’un imaginaire d’altérisation associé à la ville.

Par-delà les silences du journal, une question de rapport au « vrai » 

Au regard d’une telle polémique dont la presse locale s’est non seulement fait l’écho, mais dont elle a aussi été, à son niveau, partie prenante, on peut rester quelque peu interdit devant la teneur de la brève rédigée par B. Renoul, en rubrique « Clic-Clac » (à tonalité bien souvent malicieuse), dans l’édition du 15 février : « il est un peu gênant de voir des médias nationaux raconter l’histoire du “lanceur d’alerte Amine Elbahi” en présentant le Roubaisien comme un “juriste et militant associatif”, et en occultant la dimension politique de son parcours. » Interdit en relevant que le journaliste qui, de longue date, a fait état de cet engagement politique, et encore dans des éditions récentes du journal, ne pointe toujours pas le silence du reportage de M6 à ce sujet 5. Un silence du reportage qui, au demeurant, est bien plus problématique en termes d’éthique et de responsabilité journalistique que simplement « gênant ». 

En tout début d’été 2022, dans un article à l’intitulé formulé sur le registre de la neutralité – « L’Arcom ne retient aucun grief contre l’émission de Zone Interdite sur Roubaix et l’islam radical » (21 juin 2022) –, c’est sur un ton empreint de satisfaction que le journaliste rapporte une décision de l’instance de régulation de l’audiovisuel : « C’est une décision qui intervient bien tardivement, mais qui conforte M6 et Zone Interdite, accusés de tous les maux après son émission […] diffusée le 23 janvier. Manquements à l’éthique journalistique, atteinte à l’image de Roubaix, généralisation à l’égard des musulmans, les critiques avaient été très nombreuses contre la chaîne, alors que l’émission avait suscité des débats politiques virulents en pleine campagne présidentielle. » Avant de préciser les raisons de cette disculpation, l’article remet en perspective les points essentiels du reportage, puis rappelle : « L’image donnée de Roubaix par cette émission avait été jugée catastrophique par beaucoup d’habitants. » Ainsi, ici, la problématique de l’image donnée de la ville tient du regard d’habitant·es, nullement du film, ses auteur·es étant dédouané·es. Comme si, dans l’intervalle, l’« emballement médiatique », pourtant déploré par le journaliste lui-même, n’avait pas fait son office de chambre d’écho des images et du discours du reportage. Et comme si certains de ses propres confrères du journal n’avaient eux-mêmes, dans des « Points de vue », évoqué un « documentaire à charge » (Mathieu Lorriaux, Nord éclair, 26 janvier 2022) ou fait observer : « Et ce qui est reproché à M6 n’est évidemment pas d’avoir dénoncé le prosélytisme d’une association subventionnée ou les dangers de l’islam radical, mais d’être venu à Roubaix pour servir un angle sans recul à quelques mois de la présidentielle, porté par une bande-annonce angoissante, faisant ainsi entendre ailleurs en France cette petite musique : regardez ce qu’il se passe à Roubaix » (Charles-Olivier Bourgeot, Nord éclair, 30 janvier 2022). Une prise de position conforme, du reste, à « la posture de “défenseurs du territoire” » que revendiquent les localiers de ce quotidien (Kaciaf et Talpin, 2016, p. 127). Un autre encore, Marc Grosclaude, dans un « Point de vue » tout en rimes, intitulé « Roubaix en vers et contre tout… » (Nord éclair, 1er février 2022), donne quant à lui l’impression de chercher une posture d’équilibriste, l’esthétique poétique aidant : tout en se défendant d’adopter une position politique, mais sans nier non plus le problème soulevé par le reportage, il se fait défenseur de l’image de la ville (et de ses habitant·es), en ne manquant pas d’épingler au passage la pratique de la caméra cachée. 

De son côté, deux semaines plus tard, B. Renoul, dans un « Point de vue » également, rapporte la réaction d’É. Zemmour mis, sur le plateau de l’émission « C à Vous » sur France 5, face à des paroles et des images proposant un regard autre sur Roubaix que celles présentées par Zone Interdite. En faisant valoir les propos d’habitant·es de la rue de Lannoy, le journaliste roubaisien se montre particulièrement virulent à l’encontre du discours du candidat d’extrême droite concernant Roubaix et entend rétablir le « vrai » : « Évidemment, le regard de France 5 comme celui de “Zone interdite” ne montrent qu’une partie de la réalité. Ils sont néanmoins tous les deux vrais » (Nord éclair, 18 février 2022). Ainsi entend-il mettre à égalité en somme, en termes de vérité, les regards des deux reportages. Son regard distancié sur celui de M6 n’est donc toujours pas à l’ordre du jour. Du reste, au-delà de l’impression que peut donner l’analyse du corpus de l’existence d’une divergence de vues au sein de la rédaction roubaisienne, nous nous demandons dans quelle mesure il lui était possible d’endosser une telle posture critique dans son propre journal, dans une période où la polémique reste sensible, sinon au risque de se délégitimer.

À ce sujet, lors de l’entretien qu’il nous a accordé, après avoir souligné le caractère sain et logique de débats et de désaccords au sein d’une rédaction, il explique cependant que, étant donné que ses confrères avaient tenu un propos critique à l’encontre du film, il n’y avait dès lors aucune raison qu’il le fasse lui-même, précisant ainsi au passage, sans remettre en cause le fond du reportage – « le récit » –, ne pas être en désaccord avec eux à propos de sa forme et de ses méthodes. Et d’ajouter qu’il n’aurait eu « aucun souci à l’écrire » (sachant, nous a-t-il expliqué, qu’il l’a fait sur Facebook), concédant toutefois qu’il parlerait « moins d’une impossibilité que d’une gêne ». Il n’empêche, il reconnaît également que le fait d’avoir parlé d’un reportage auquel il a participé sans que son journal ne fasse mention de cette participation, « honnêtement, ça pose question », que « c’est vrai que ça aurait été un peu plus transparent, avec le recul » d’avoir fait état des raisons et des conditions de cette contribution. 

Conclusion

Au terme de cette exploration d’une polémique telle qu’en a rendu compte un journal régional, nous retiendrons que, par-delà les mots de celle-ci, ses phases, les images montrées, les personnes impliquées, etc., c’est aussi et surtout la problématique du rapport des médias à la question de la « vérité » de l’information qui est une nouvelle fois posée. Or, comme le rappelle Patrick Charaudeau : « Dans le discours d’information, cependant, il ne s’agit pas de la vérité en soi, mais de celle qui est liée à la façon de rapporter les faits : il ne s’agit pas tant des conditions d’émergence de la vérité que des conditions de véracité. Il s’agit pour l’instance médiatique d’authentifier les faits, de les décrire de façon vraisemblable, d’en suggérer les causes et de justifier les explications qu’elle fournit. Authentifier relève d’une activité qui consiste à faire croire en cette coïncidence, sans écran ni faux semblant, entre ce qui est dit et les faits décrits. » (Charaudeau, 2005, p. 71). En d’autres termes, on se trouve face à une tension – ancienne en ce qui concerne l’approche historique, comme le rappelle Roger Chartier en référence à Michel Foucault – « entre la vérité comme propriété du discours et la vérité comme connaissance » (Chartier, 2021, p. 17). Une tension qui met aux prises l’art de la rhétorique, d’une part, et la nécessité, d’autre part, de produire des explications permettant de comprendre des réalités extérieures à l’énoncé du discours qui en rend compte et par lequel elles sont donc connaissables et rendues intelligibles. Devant l’écueil des « séductions trompeuses du discours » (ibid., p. 23), l’auteur en vient à rappeler la spécificité du « régime de connaissance » de l’histoire, à savoir « dénoncer les vérités alternatives, détruire les certitudes absurdes, établir ce qui fut » (ibid., p. 47), ce qui appelle de l’historien « devoir critique » et « obligation civique ».

Un tel rappel trouve un écho très singulier devant la prétention des médias à produire journalistiquement un énoncé de vérité, à dire le vrai. Une prétention qui repose sur un présupposé mis en évidence par Bernard Delforce, à savoir que « la réalité sociale est une “donnée” » que les formes langagières que mobilisent les journalistes pour la restituer « peuvent ne pas altérer » (Delforce, 1996, p. 17). À l’encontre d’une telle représentation « positiviste » des fondements d’une profession, on peut relever, poursuit l’auteur, que le journaliste est « un acteur social à part entière, et non un simple témoin-médiateur hors du jeu social » (ibid., p. 18) et observer que son « activité professionnelle concrète », qui se caractérise par la production d’« une forme d’écriture sociale qui se distingue des autres par des caractéristiques formelles spécifiques », « est aussi une activité sociale symbolique » (ibid., p. 19) quand il s’agit de considérer les productions qui en résultent : « des mots qui traduisent moins la réalité qu’ils n’expriment des visions concurrentes des phénomènes, des formats, des genres, des angles de traitement privilégiés, des rubriquages, etc. ». Ce sont là autant de modalités de « construction » de l’information qui pèsent également, « en amont, sur le recueil et la production de l’information » (ibid., p. 20). En d’autres termes, par les choix discursifs (et iconiques) qu’elles appellent, l’on est donc face à des « pratiques journalistiques » qui engagent une « responsabilité sociale » (Rabatel et Koren, 2008 ; Bastin, 2008), dont il est possible de mesurer la portée, ici, au regard d’un « emballement médiatique » par lequel des médias, dans un contexte politique d’élections nationales tendues, ont participé d’un phénomène de « mal-traitance » d’une rue, d’un quartier et d’une ville par un choix de mots et d’images à visée « altérisante ».

Notes

[1] Je tiens à remercier sincèrement les évaluateur·trices des deux premières versions de cet article. Leurs retours, éclairants, m’ont conduit à renforcer la problématisation en consolidant les appuis bibliographiques et théoriques et en affinant l’analyse du matériau. Je tiens également à remercier la délégation régionale de l’INA à Tourcoing (Nord) qui m’a permis d’accéder, sur place et avec ses équipements, au reportage évoqué dans cet article.

[2] Les deux titres relevant du même groupe de presse (Groupe Rossel La Voix), les rédactions sont mutualisées. Dès lors, et indépendamment des « unes », spécifiques pour chacun des deux quotidiens, on y retrouve chaque jour les mêmes articles, à quelques nuances près. Aussi, dans la suite de notre texte, nous écrirons couramment « le journal » pour évoquer de manière indifférenciée l’un et l’autre de ces deux quotidiens.

[3] Quelques jours plus tard, dans un entretien à l’hebdomadaire Marianne (Marianne.net, 3 février 2022), il précisera que, pour sa part, il « ne l’[a] pas trouvé spécialement caricatural » (https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/le-journaliste-de-roubaix-present-dans-zone-interdite-raconte-les-intimidations-en-islamophobie, consulté le 26 octobre 2022). À la même date, c’est une tonalité plus critique dont fait état Arrêt sur Images, un site d’information qui l’a également interviewé : « À l’arrivée, il [B. Renoul] avoue “ne pas s’être totalement retrouvé dans le style” du reportage, notamment à cause de l’utilisation des caméras cachées, qui “donnent une impression d’angoisse”, et du floutage des clients qui fait que “tous les musulmans ont le même visage” » (« M6 et l’islam radical : opération com’ pour Darmanin », Arrêts sur Images, 3 février 2022. https://www.arretsurimages.net/articles/m6-et-lislam-radical-operation-com-pour-darmanin, consulté le 7 mai 2023).

[4] B. Renoul nous a expliqué que, en ce qui le concerne, rédacteur en chef adjoint, il était à ce moment-là « aux commandes » au sein de la rédaction roubaisienne et qu’il ne pouvait donc lui-même être sur le terrain.

[5] Lors de l’entretien qu’il nous a accordé, après nous avoir répondu que, dans cette brève, lorsqu’il parle des médias nationaux, il « inclu[t] M6 dans le lot », il n’en concède pas moins que la chaîne n’a pas été citée en particulier.

Références bibliographiques

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Auteur

Bruno Raoul

Bruno Raoul est professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lille (Laboratoire Gériico). Ses recherches portent sur la communication dans son rapport au(x) territoire(s). Il s’intéresse notamment au rapport médias/territoires, à l’espace public local et à la problématique des imaginaires territoriaux.
bruno.raoul@univ-lille.fr