Une interview participative ? (Re)définir le rôle et les pratiques journalistiques dans « 20h22, la suite sur Twitch »
Résumé
Lors de l’élection présidentielle française de 2022, France Télévisions propose pour la première fois une séquence sur la plateforme de streaming Twitch au cours de laquelle les journalistes Samuel Étienne et Alix Bouilhaguet interviewent les candidat.es à partir des questions postées par les internautes dans le chat. Présentée comme une innovation permettant de rendre les candidat.es directement accessibles aux questions du public, cette expérience exporte un genre télévisuel classique au sein d’une plateforme dont les contenus sont commentés en direct. Cela conduit à interroger le rôle et le positionnement des journalistes à l’égard des publics et des invité.es politiques. L’analyse porte sur le dispositif, les discours d’accompagnement et les pratiques des différents protagonistes, et plus particulièrement sur la sélection des questions, élément central de cette interview participative.
Mots clés
Twitch, interview politique, participation, public, journalisme.
In English
Title
A participatory interview? defining at new the conception and performances of journalists during “20h22, la suite sur twitch”
Abstract
During the 2022 French presidential election, France Télévisions has offered for the first time a sequence on the Twitch streaming platform. The journalists Samuel Etienne and Alix Bouilhaguet interview the candidates based on questions posted by internet users in the chat. Presented as an innovation that makes candidates directly accessible to questions from the public, this experiment exports a classic television genre to a platform where content is commented on live. It raises questions about the role and positioning of journalists in relation to audiences and political guests. The analysis focuses on the set-up, the accompanying discourse, and the practices of the various protagonists, and more particularly on the selection of questions, the central element of this participatory interview.
Keywords
Twitch, political interview, public, participation, journalism.
En Español
Título
¿Una entrevista participativa? (re)definir el papel y las prácticas del periodismo durante “20h22, la suite sur twitch”
Resumen
Durante las elecciones presidenciales francesas de 2022, France Télévisions propone por primera vez una secuencia en la plataforma de streaming Twitch. Los periodistas Samuel Étienne y Alix Bouilhaguet entrevistan a los candidatos a partir de preguntas formuladas por los internautas en el chat. Presentado como una innovación que pone a los candidatos directamente al alcance de las preguntas del público, este experimento exporta un género televisivo clásico a una plataforma en la cual los contenidos se comentan en directo. Eso plantea cuestiones sobre el papel y el posicionamiento de los periodistas en relación con la audiencia y los invitados políticos. El análisis se centra en el montaje, el discurso que lo acompaña y las prácticas de los distintos protagonistas, y en particular en la selección de las preguntas, elemento central de esta entrevista participativa.
Palabras clave
Twitch, entrevista política, participación, público, periodismo.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Borrell Alexandre, Wojcik Stéphanie, Berthet Élodie, « Une interview participative ? (Re)définir le rôle et les pratiques journalistiques dans « 20h22, la suite sur Twitch » », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°24/3, 2024, p.29 à 47, consulté le jeudi 21 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2024/dossier/02-une-interview-participative-redefinir-le-role-et-les-pratiques-journalistiques-dans-20h22-la-suite-sur-twitch/
Introduction
Si Facebook et Twitter ont longtemps constitué des réseaux socio-numériques privilégiés par les chaînes de télévision pour instaurer une interactivité minimale avec leurs publics (Olivesi et Hubé, 2016 ; Leveneur, 2019), plus récemment, d’autres plateformes ont été investies par des médias en quête de formats innovants, fondés sur des interactions inédites avec des publics habitués à s’exprimer en ligne en dehors des contraintes éditoriales qui s’imposent habituellement à l’auditeur ou au téléspectateur désireux de faire entendre sa voix. Ainsi, la plateforme Twitch, initialement dédiée à la diffusion de vidéos en continu (streaming) de parties de jeux vidéo commentées en direct, héberge désormais une diversité de vidéastes (streamers) qui élaborent des contenus variés. Ceux-ci participent en même temps aux échanges avec leur publics (viewers) sur le chat, à la différence de ce que l’on observe sur d’autres plateformes de diffusion de vidéos comme YouTube, où les commentaires sont possibles après la mise en ligne de la vidéo.
La plateforme Twitch rassemble dans la catégorie “Just chatting” une multitude de chaînes qui abordent des sujets aussi divers que les séries télévisées ou les relations sentimentales. Quelques-unes s’intéressent à la politique. Au nom d’un même objectif de vulgarisation, auprès d’un public considéré comme plutôt jeune, certaines privilégient le décodage de l’actualité – Jean Massiet fait figure de pionnier, depuis 2015, avec « Acropolis » puis « Backseat », émission hebdomadaire –, d’autres l’interview – avec une approche pédagogique quand Samuel Étienne invite l’ancien Président de la République François Hollande ou le Premier ministre en fonction, Jean Castex, en 2021, dans une perspective plus militante pour le journaliste David Dufresne et ses invités dans “Au poste” (Bouté et Mabi, 2023). Le commentaire en direct d’un événement politique (questions au gouvernement, manifestations, etc.) ou, plus occasionnel, d’un même événement, peut susciter des streams de nature très variée, comme le montre Simon Gadras dans ce dossier pour le débat d’entre deux tours de 2022 (Gadras, 2024).
Symétriquement, certains médias s’essaient également à Twitch, où ils proposent des contenus originaux à un rythme irrégulier, indexé sur les événements spéciaux promus par le média. En 2022, c’est le cas de France 2, qui accorde traditionnellement une place importante à la campagne présidentielle et invite tou.tes les candidat.es dans son programme d’information phare, le journal télévisé de 20 heures. La version de 2022, baptisée « 20h22 », est conforme aux standards habituels du genre : la présentatrice du 20 heures (Anne-Sophie Lapix), épaulée par deux membres de la rédaction, pose en direct des questions à un.e candidat.e installé.e face à eux en plateau. Pour la première fois, la chaîne propose une séquence complémentaire (« 20h22, la suite sur Twitch »), diffusée sur la chaîne Twitch de France Télévisions quelques minutes après la fin du JT ; les journalistes Samuel Étienne et Alix Bouilhaguet posent alors à ce.tte même invité.e des questions postées dans le chat par le public qui regarde et commente en direct l’interview.
Une telle pratique s’inscrit dans un contexte plus large, où la possibilité d’interroger un candidat n’est plus l’apanage des professionnels de l’information. Au fil du temps, les chaînes ont développé de nombreux dispositifs et modalités destinés à faciliter l’expression des publics ainsi que leurs interactions avec les producteurs de contenus (Ségur, 2022). En France, des « citoyens ordinaires », « dont la présence n’est pas fondée sur une qualité institutionnelle […] mais sur leur simple qualité de personne susceptible d’être concernée ou intéressée par le sujet » (Lefébure, 2005, p. 225), s’expriment dans des émissions de débat dès les années 1960 ; le procédé gagne en importance et en légitimité dans les émissions politiques télévisées à partir de la présidentielle de 1995, avant de connaître un reflux en 2012 et 2017 (Lefébure, 2017). L’usage généralisé des réseaux socio-numériques revivifie alors cette tendance, en particulier en période électorale, lorsque les chaînes encouragent les téléspectateurs à commenter en direct le contenu de leur programme, favorisant dès lors la pratique du « double écran » (Chadwick, O’Loughlin et Vaccari, 2017). Ainsi l’émission politique mensuelle de France 2 (significativement rebaptisée « Vous avez la parole » en 2019, puis « Elysée 2022 » en septembre 2021) convie-t-elle à la fois des citoyen.ne.s ordinaires – présent.e.s en plateau ou par écran interposé – à poser leurs questions à l’invité.e, et des internautes à réagir en direct sur Twitter en utilisant le hashtag de l’émission. Cependant, lorsque la chaîne décide de faire défiler à l’écran certains tweets, ces derniers sont sans effet sur le programme, dans la mesure où ils ne suscitent aucun commentaire en plateau (Perry et Villeneuve, 2016 ; Atifi, 2017).
« 20h22, la suite sur Twitch », animé par une journaliste politique, A. Bouilhaguet, et un journaliste-présentateur qui est aussi streamer, S. Étienne, interroge sur la possibilité de réinventer l’interview politique par l’hybridation des caractéristiques de l’interview télévisuelle classique et celles d’une plateforme interactive. De fait, la place a priori prépondérante du public, dont les questions sont visibles dans l’interface numérique de Twitch et sont censées alimenter les échanges, conduit également à interroger le rôle du journaliste vis-à-vis de l’invité.e et des viewers. Présentant longuement le dispositif, S. Étienne promeut régulièrement le caractère “révolutionnaire” du stream qu’il propose.
Une grande partie de la littérature sur le journalisme s’est focalisée sur les différentes conceptions que les journalistes ont de leur rôle (Pfetsch, 2014 ; Hanitzsch, 2019). En 1993 déjà, Rémy Rieffel (1993) appelait à étudier à la fois « la façon dont les journalistes [de télévision] se perçoivent » (p. 377), leurs attentes, leurs motivations, la « perception de rôle » (p. 379) et ses conséquences « sur les normes et les pratiques professionnelles » (p. 380), approche particulièrement mise en œuvre par Arnaud Mercier (1996) à l’échelle du journal télévisé. Plus récemment, Claudia Mellado (2015, 2020) a proposé de déterminer la manière dont ces rôles (journalistic cultures) se matérialisent concrètement dans des pratiques (journalistic performances) qu’il est possible de catégoriser à partir de l’analyse de contenus médiatiques. Elle dégage trois critères qui identifient six modèles journalistiques non exclusifs (Mellado 2015). Un degré élevé d’implication des journalistes (ton, interprétation des informations, prises de partie) identifie un journalisme d’intervention (intervention). Les relations avec le pouvoir distinguent le watchdog journalism, journalisme engagé qui critique ou qui demande des comptes, des porte-paroles loyaux (loyal-facilitator), qui ne remettent pas en cause la parole du pouvoir politique ou économique et promeuvent ses actions. Enfin, ce qu’on propose au public, reflet de la conception qu’on en a, conduit à différencier un journalisme civique (civic), qui tente de promouvoir les attentes et la parole des citoyens et de les informer sur leurs droits, un journalisme de service (service), qui envisage les impacts de l’information sur la vie quotidienne et propose aide et conseils aux consommateurs, et un journalisme de distraction (infotainment) qui vise à détendre, émouvoir ou divertir ses spectateurs. Ces dimensions semblent opératoires pour considérer l’exercice de l’interview politique, au cours de laquelle l’intervieweur peut aussi bien demander des comptes à l’interviewé que lui donner la parole sans contradiction, voire mettre en valeur ses actions ou dresser de lui un portrait flatteur – cette posture étant a priori déterminée par la ligne éditoriale ou l’orientation politique du média considéré.
Une récente comparaison internationale de la production journalistique en ligne, dans la presse écrite, la radio et la télévision, laisse penser que les pratiques du watchdog journalism et de porte-parole loyal sont généralement moins pratiquées dans les médias d’information en ligne, au profit du journalisme de service ou de distraction (Mellado et al., 2023) ; le constat est similaire pour le cas français, où le journalisme civique se distingue en étant moins mobilisé qu’à la télévision (idem). Qu’en est-il dans le cas spécifique de l’interview ? Comment les journalistes se positionnent-ils face à un flux continu de commentaires, qui relève notamment les défauts des intervieweurs et des interviewés (Borrell et al., 2024) ? Observe-t-on un questionnement plus vigoureux ou contradictoire, comme ont pu le déterminer par ailleurs des recherches réalisant un bilan longitudinal des questions adressées aux présidents américains lors des conférences de presse (Clayman et al., 2006) ?
Jean Mouchon (1995, p. 194-196) distinguait trois modèles d’émissions pour les interviews du président de la République, selon « le choix du mode de représentation du public » : le modèle « impositif », dans lequel le journaliste est le porte-parole du public, absent, le modèle « de l’agora », dans lequel le public est présent, sélectionné pour sa représentativité sociologique, et le modèle « interactif », « entièrement centré sur l’échange », entre un public plus nombreux et le président. L’analyse détaillée des émissions politiques faisant intervenir des « citoyen.ne.s ordinaires » montre une répartition des rôles dans le questionnement de l’invité.e politique : dès 1995, les profanes interpellent les acteurs politiques sur des enjeux économiques et sociaux, tandis que les journalistes privilégient les questions relatives à la compétition et aux stratégies électorales (Neveu, 1997), conformément à ce qui peut être également observé pour les journaux télévisés où, en période électorale, les « jeux » constituent le cadrage dominant de la majorité des sujets (Piar, 2017). Sur Twitch, les questions retenues témoignent-elles des préoccupations davantage civiques (contenu des programmes, politiques publiques, etc.) que journalistiques (compétition électorale) ? Sur quels critères est fondé le choix des questionnements soumis à l’invité.e ?
Au cours de la campagne présidentielle de 2022, « 20h22, la suite sur Twitch » est la seule interview conduite par des journalistes qui mobilise les possibilités d’interpellation offertes par le chat. Aussi notre enquête porte-t-elle sur les quatre éditions existantes, réalisées avec des candidat.es issu.es de quatre partis, en janvier et février 2022 [tableau 1]. Elle s’appuie sur la version sauvegardée de ces quatre streams et sur les commentaires, téléchargés avec le logiciel Twitch downloader et sauvegardés sous forme de flux (fichiers html) et de stock sous forme de tableur excel recensant le contenu de chaque commentaire et des métadonnées sur le commentaire (heure de diffusion) et son auteur (nom de profil, bio, badges, etc.).
candidat.e (parti) |
Anne Hidalgo (Parti socialiste) |
Éric Zemmour (Reconquête) |
Marine Le Pen (Rassemblement national) |
Valérie Pécresse (Les Républicains) |
date | 25/01/2022 | 01/02/2022 | 07/02/2022 | 15/02/2022 |
durée du stream | 89 mn 30 | 103 mn 30 | 157 mn 15 | 131 mn 14 |
durée de l’interview | 75 mn | 25 mn | 71 mn | 55 mn 30 |
nombre moyen de commentaires par minute | 78,3 | 102,3 | 56,9 | 40,8 |
Tableau 1. Informations générales sur « 20h22, la suite sur Twitch ».
Nous analysons à la fois la culture journalistique promue par les animateurs du stream (journalism culture) et les pratiques à l’œuvre (journalistic performances). Pour ce faire, nous examinons d’abord le dispositif formel – en portant attention à ses effets présumés sur les publics, dans une perspective sémio-pragmatique (Odin, 2011) –, et les discours pédagogiques des animateurs sur le programme, en particulier pour ce qui relève de la répartition des rôles et du choix des questions. Puis nous examinerons la façon dont ce programme est conduit par ses animateurs, en nous focalisant sur les questions – élément central de la nouveauté distinctive qui fonde cette séquence – leurs auteurs, leur nombre, les interruptions de l’interviewé par l’intervieweur et les choix thématiques retenus. Ce faisant, en étant attentifs à la fois aux interventions des journalistes et à leurs rapports aux politiques et au public, nous adaptons aux particularités de ces streams les critères constitutifs des journalismes qu’ils soient civiques, d’intervention et du watchdog journalism.
Renouveler l’interview télévisée
Un dispositif hybride distinctif
S’inscrivant dans la continuité de l’interview dans le JT, « 20h22, la suite sur Twitch » repose néanmoins sur une rupture technique. Alors que les viewers prévenus en amont ont la possibilité de se connecter directement sur la chaîne Twitch de France Télévisions, les téléspectateurs qui en découvrent l’existence quand elle est annoncée sur France 2 doivent, a minima, changer d’application ou d’onglet sur leur navigateur, voire changer d’écran pour un appareil connecté à Internet.
Les bandes annonces télévisuelles qui informent de l’interview à venir dans le JT de 20h n’annoncent pas son prolongement sur Twitch. En revanche, des posts sur les pages Facebook et Twitter de France Télévision et France 2 contiennent un lien qui permet d’accéder d’un seul clic au stream [Fig. 1 et 2]. Les deux univers, la télévision d’un côté, la plateforme et les réseaux socio-numériques de l’autre, sont pensés par l’annonceur de manière strictement distincte, comme s’ils drainaient a priori des publics eux-mêmes distincts, ce qui semble contradictoire avec la promotion par la chaîne des pratiques de double écran.
D’un point de vue formel, « la suite sur Twitch » se distingue nettement de l’interview télévisée qui l’a précédée. Certes, la scénographie et la mise en images obéissent aux mêmes canons : dans les deux cas, l’invité.e est assis.e à une table face à des journalistes, et les plans alternent entre l’un.e et les autres ou les réunissent dans un plan large ou dans un écran partagé en deux [Fig. 3 et 4]. Mais le contraste est bien marqué entre le très vaste plateau de France 2, la variété des plans (cadrages, focale, mouvements de caméra), la qualité de l’éclairage et des incrustations, et « 20h22, la suite sur Twitch », réalisé dans une pièce exigüe, avec une variété plus faible de plans et d’incrustations et un éclairage en apparence peu professionnel.
Plus généralement, « 20h22 » propose au téléspectateur un univers diégétique clos et cohérent, là où l’extradiégétique se manifeste régulièrement dans « la suite sur Twitch », qu’il s’agisse des éléments dans le champ qui rappellent que cette pièce a d’autres usages (collection d’une revue installée au bord de la fenêtre, éclairage apparent, porte à l’arrière-plan derrière l’invité.e) ou aux va-et-vient du personnel de France Télévisions sur la coursive et dans l’ascenseur visibles derrière les deux présentateurs. En outre, alors que l’invité.e est assis.e en plateau pendant toute la séquence sur France 2, le stream commence avant son arrivée et se clôt après son départ – la caméra le ou la montre en train de quitter la pièce une fois l’interview terminée. Là où France 2 mobilise de nombreux procédés de spectacularisation, « la suite sur Twitch » est réalisée sur sa chaîne avec une économie de moyens, dans la même veine que les courtes séquences au cours desquelles les invité.e.s réagissent à l’émission politique de BFMTV à laquelle ils.elles viennent de participer, et à l’inverse de certains programmes de Twitch, animés par des streamers professionnalisé.e.s, qui investissent pour proposer des plateaux imitant ceux de la télévision (Billem, 2023). L’internaute familier de Twitch retrouve un dispositif similaire aux streams tournés au domicile des streamers, là où la pauvreté visuelle de « 20h22, la suite sur Twitch » peut surprendre le téléspectateur habitué à des contenus et techniques audiovisuels nettement plus élaborés. Il est probable cependant que l’effet de surprise se dissipe rapidement. En effet, le face-à-face entre journalistes et invité.e politique, les premiers posant en direct des questions au second.e, relève du dispositif traditionnel de l’interview politique tel qu’il se matérialise au quotidien à la télévision, à la radio quand elle est filmée, et dans des programmes conçus et diffusés uniquement en ligne, singulièrement en période électorale.Pourtant, S. Étienne consacre beaucoup de temps à expliquer le fonctionnement de cette séquence et à mettre en exergue ses particularités présumées, à destination des viewers, au début de chaque stream, à destination de l’invité.e, au moment où il.elle les rejoint, puis, après son départ, pour alimenter le bilan du programme [1].Une interview augmentée
Dans aucun des streams qu’il anime S. Étienne n’utilise le mot « interview » ; il parle d’« exercice » ou d’« expérience », termes plus génériques et plus vagues, qui donnent la possibilité à la fois de souligner la nouveauté et de se distinguer de l’interview télévisée, voire de se prémunir des critiques en cas d’échec.
Étienne : « Vous étiez l’invitée du 20h de France 2, et pour la première fois, ce 20h a proposé à son invitée politique de poursuivre l’expérience, d’aller plus loin, d’aller sur la chaîne Twitch de France Télévisions pour une autre expérience. Et vous avez accepté. » (stream Hidalgo)
Déliée des contraintes temporelles propres au média télévisuel, « la suite sur Twitch » se caractérise par la durée variable de l’émission, qui est laissée au libre choix de l’invité.e, en amont et au cours du stream [tableau 1] :
Étienne : « Nous sommes ensemble depuis une heure. Alors, le temps de Twitch est un temps long, les streamers peuvent streamer 3, 4, 5, 6, 7, 10h, parce que c’est la magie de cette plateforme, on échange jusqu’à plus soif.
Hidalgo : On va se donner peut-être un quart d’heure ?
Étienne : En fait c’est vous, c’est à vous parce que je moi je ne fixerai pas de limites – on dit un quart d’heure de plus ?
Hidalgo : Absolument. » (stream Hidalgo)
Aussi, le présentateur ne manque pas de comparer l’entretien qui s’achève aux interviews télévisées dont la brièveté n’est guère propice au développement d’une pensée articulée :
Étienne : « C’était court pour un stream mais c’était long pour un rendez-vous télé. » (stream Le Pen)
Étienne, regrettant qu’É. Zemmour ne soit resté que 25 mn : « ce que personnellement je trouve dommage parce que les politiques reprochent souvent justement aux journalistes et aux médias de ne pas leur donner assez de temps pour pouvoir s’exprimer, développer leur pensée ». (stream Pécresse)
À rebours, les temporalités de l’interview sur Twitch bénéficient au candidat, à la candidate, qui a tout loisir d’apporter des réponses construites à chacune des questions qui lui est posée :
Étienne : « Je crois que… j’emploie le mot révolution qui peut-être semble un peu fort, mais l’un des intérêts de Twitch c’est de prendre le temps. […] Et on va prendre le temps, on va vous écouter. On ne va pas vous interrompre tout le temps.» (stream Pécresse)
Dès lors, la possibilité de développer une argumentation, plutôt que d’émettre des slogans ou des formules toutes faites, caractéristiques d’une langue de bois politique rituellement déplorée, constitue un enjeu civique. Alors que la politique télévisée serait coupable – par sa propension à la mise en exergue de petites phrases et par sa focalisation sur le « jeu », c’est-à-dire « la compétition entre personnalités pour la conquête du pouvoir » (Piar, 2017, p. 74) – d’avoir creusé un écart toujours plus grand entre citoyens et responsables politiques, Twitch permettrait de restaurer un lien entre acteurs institutionnels et citoyens sensibles aux logiques longuement explicitées.
Pour ses promoteurs, l’originalité du « 20h22 la suite sur Twitch » réside dans l’accessibilité directe des internautes à l’invité.e : leurs questions ne sont ni filtrées, ni reformulées et défilent telles quelles dans le chat de l’interface numérique. S. Étienne y insiste longuement, au début de chaque stream, par exemple avant de commencer à poser des questions à A. Hidalgo :
Étienne : « pour moi la grande force de Twitch c’est l’interactivité. C’est-à-dire que les questions qui seront posées ce soir à Anne Hidalgo, candidate PS à la présidentielle, ce sont vos questions, voilà. Ça, pour moi, c’est la révolution de Twitch et c’est pour ça que c’est intéressant aussi de parler de politique sur Twitch.» (stream Hidalgo)
Feignant d’ignorer que les émissions politiques télévisées peuvent également revêtir une dimension interactive lorsque les publics échangent, selon des modalités prédéfinies, avec les acteurs politiques, S. Étienne considère que l’interactivité technique permise par Twitch équivaut à l’interaction directe avec ces derniers et s’inscrit explicitement dans le modèle interactif identifié par Jean Mouchon (1995). De ce point de vue, l’interface numérique paraît neutre, sans épaisseur, son seul avantage étant de s’effacer pour donner la possibilité justement d’un accès direct à des acteurs politiques dont on attend en outre qu’ils se défassent des routines d’une communication politique étriquée, en étant à la hauteur de la pertinence des questions qui leur seront adressées.
En soulignant à plusieurs reprises avec emphase que Twitch favorise une « révolution », S. Étienne considère que ce dispositif sociotechnique est en soi porteur d’un idéal démocratique et qu’il appartient aux parties prenantes de s’en saisir pleinement. Nous noterons cependant à la suite de Jacques Le Bohec (2007) que les différentes conceptions de la démocratie mobilisées par les professionnels de l’information divergent et sont parfois contradictoires.
En même temps qu’il rappelle cette absolue nécessité de répondre clairement et de manière argumentée aux questions émises par les viewers et dont il se fait le porte-voix, S. Étienne consacre un temps non négligeable à produire du discours sur le dispositif lui-même. Alors que les acteurs politiques sont depuis longtemps acculturés aux formats télévisuels les plus divers (Leroux et Riutort, 2013), leur récente tentative d’appropriation de Twitch paraît nécessiter un accordage permanent de la part d’un journaliste-streamer qui en maîtrise les registres d’intervention et la tonalité.
Un échange fortement médié par un unique gate-keeper
Nous ne savons pas à qui revient l’initiative de créer une « suite sur Twitch » à l’interview dans le 20 heures de France 2, ni qui a choisi ces animateurs. Ces derniers n’abordent jamais ce point, malgré le temps qu’ils accordent à expliquer le dispositif lui-même.
Qu’il en ait été ou non à l’initiative, S. Étienne a un statut hybride lui aussi. Journaliste expérimenté, il a présenté des journaux sur RFI puis i-Télé avant de rejoindre le groupe France Télévisions en 2009, où il a présenté le « 12-13 » de France 3, de 2010 à 2016, puis la matinale de FranceInfo depuis 2017. Son visage est d’autant plus connu du grand public qu’il anime sur France 3 un jeu populaire, « Questions pour un champion », depuis 2016. Enfin, sur sa chaîne Twitch créée en décembre 2020, il streame une revue de presse quotidienne (« La Matinée Est Tienne »), des discussions sur des sujets d’actualité (« La Parole Est Tienne ») et des interviews d’invités par les viewers (« La Rencontre Est Tienne »). En mars 2021, ses interviews de François Hollande et de Jean Castex, ont constitué des pics d’audience pour sa chaîne – jusqu’à 84 000 viewers simultanément [2] –, et ont accru de 25 % le nombre de ses “followers” (les viewers qui la suivent, comme on suit une page Facebook ou un compte Youtube) : de cela, il tire une légitimité supplémentaire.
chaîne | francetv | samueletienne |
Nombre de followers au 25/01/2022 | 43 687 | 463 118 |
du 01/09/21 au 31/08/22 : | ||
Nombre de streams (durée totale) |
13 (23 heures) |
250 (819 heures) |
Nombre moyen de viewers | 3 357 | 5 489 |
Pic d’audience (nombre de viewers, date) |
17 397 (01/02/2022) |
38 340 (03/06/2022) |
Tableau 2. Audience des chaînes Twitch de France Télévision et S. Étienne (sept. 2021- août 2022) (source : Twitchtracker).
candidat.e | A. Hidalgo | É. Zemmour | M. Le Pen | V. Pécresse |
date | 25/01/2022 | 01/02/2022 | 07/02/2022 | 15/02/2022 |
Nombre maximal de viewers simultané | 3 628 | 9 459 | 6 988 | 3 657 |
Nombre moyen de vieweurs | 4 211 | 17 397 | 11 024 | 4 991 |
Tableau 3. Audience des quatre streams étudiés (source : Twitchtracker).
Début 2022, la chaîne Twitch de France Télévisions est dix fois moins suivie que celle de S. Étienne. Elle est beaucoup moins active : entre septembre 2021 et août 2022, le groupe public ne propose en moyenne qu’un stream de moins de deux heures par mois, quand le journaliste anime seul 19 fois plus de streams, de trois heures en moyenne [tableau 2]. Pour autant, l’audience moyenne de ces quatre streams [tableau 3], faible en valeurs absolues, dépasse, parfois nettement, l’audience moyenne de la chaîne, au point que ceux-ci constituent quatre de ses cinq meilleures audiences de l’année 2021-2022. Le public habituel de S. Étienne semble le suivre, si nous considèrons que l’audience de la première édition sur francetv, le 25 janvier, est quasiment identique en volume à celle regardant sa chaîne quelques minutes auparavant, moment où il y animait un “Before”. Enfin, ces quatre streams font progresser le nombre de followers de la chaîne francetv de 26 %. Ainsi, le streamer aguerri semble faire bénéficier la chaîne du « capital communautaire » (Cocq, 2018) qu’il a acquis au fil des heures passées à échanger en ligne avec des viewers.
A. Bouilhaguet, de son côté, a été journaliste au service politique de France 2 de 2001 à 2010, correspondante à Washington pour Le Parisien avant de prendre des responsabilités éditoriales sur France 2 ; en 2017, elle officie en tant qu’éditorialiste politique et intervieweuse (« L’interview de 7h50 ») sur la chaîne France Info, dans la matinale animée par S. Étienne. Ce dernier souligne l’expertise de sa partenaire, « journaliste spécialiste politique depuis 20 ans» qui est là « pour écouter attentivement la réponse pour voir si effectivement l’invité répond. (…) – Et puis pour relancer, bien sûr, pour recadrer, pour rebondir sur un fait d’actualité ». (stream Le Pen)
L’animateur valorise A. Bouilhaguet, à la fois en soulignant qu’elle est dotée d’une expertise qu’il n’a pas – ses pratiques de la revue de presse et de l’animation en font plutôt un journaliste généraliste – et qu’elle occupe plusieurs fonctions alors qu’il se contente de choisir et poser les questions – ce qui atténue le rôle central qu’il occupe. Sa partenaire a pour mission de s’assurer que l’invité.e répond aux questions, d’effectuer si nécessaire un droit de suite et de confronter ses propos à ses précédentes déclarations, ainsi que de les rapporter à la campagne en cours et, plus généralement, à l’actualité. S. Étienne considère qu’elle se doit d’être à la fois « dans l’écoute, la relance, la recontextualisation » (stream Zemmour). Ces fonctions conjuguées s’apparentent au « rôle civique » du journaliste (Mellado, 2015), au service des citoyens, et dans certains cas au watchdog journalism, qui doit la conduire à confronter les déclarations de l’invité à ses pratiques effectives, qu’il exerce ou non un poste à responsabilité. Il est notable que la journaliste se qualifie d’« arbitre », terme employé par Christophe Deleu pour désigner les journalistes qui, distribuant la parole aux auditeurs dans « Radio Com c’est vous » chaque matin sur France Inter dans les années 1990, reprenaient les questions des auditeurs et les reformulaient parfois (Deleu, 2004, p. 76-80).
Lors du stream sur la chaîne de S. Étienne, organisé en préambule de la première édition de « la suite sur Twitch », le 25 janvier 2022, s’adressant au public, il ajoute qu’il va « aussi expliquer à Alix Bouilhaguet […] un peu l’univers de Twitch parce que je crois Alix… – Je ne connais pas du tout […]. Je n’ai pas le vocabulaire ni les codes. » Nous présumons que celle-ci a été renseignée au préalable, mais ce procédé rhétorique offre la possibilité à S. Étienne d’expliquer au public la façon dont le stream va se dérouler ; en soulignant le rôle de novice de sa partenaire, il valorise en outre sa propre expertise de Twitch. Acceptant la condition de quasi candide, A. Bouilhaguet se met en outre en situation d’égalité avec le ou la candidat.e – peu d’entre eux ont déjà participé à un stream – d’autant qu’elle n’a pas non plus accès au contenu du chat. La situation contribue à poser S. Étienne en seul maître du jeu et signale une distribution des rôles asymétrique.
Promouvant le premier stream étudié ici, S. Étienne explique sur son compte Twitter que « sur Twitch, c’est vous qui posez les questions » [Fig. 2]. Lorsqu’elle annonce cette séquence à la fin du JT, A.-S. Lapix indique elle aussi à son invité.e que « les internautes vont pouvoir [lui] poser directement leurs questions. » Effet de la brièveté du message, qui conduit à une simplification ? L’un et l’autre laissent entendre que les internautes vont pouvoir interpeller directement l’invité.e du stream. Alors qu’il essaie de convaincre un É. Zemmour rétif de continuer de se prêter à l’exercice, le journaliste qualifie ce dernier d’« échange citoyen direct ». En réalité, les internautes ne posent pas « directement » leurs questions aux candidat.es.
Assurément, toutes les interventions dans le chat sont visibles de tous les viewers. Mais, en plateau, seul S. Étienne en a connaissance. Il assume parfaitement ce choix : ce serait une « fausse bonne idée » (stream Zemmour) que l’invité.e y ait accès car, selon lui, il.elle serait tenté.e de sélectionner les questions les plus à son goût. En cela, le présentateur se pose en garant de l’intégrité du dispositif, au bénéfice et au nom des viewers. À un viewer relevant qu’A. Bouilhaguet n’a pas non plus accès audit chat, il répond qu’il est trop « difficile de suivre le chat et d’écouter en même temps ». De fait, le rythme de publication est intense : en moyenne, selon le stream, de 41 à 102 messages sont diffusés chaque minute [tableau 1]. Dans les faits, il semble que S. Étienne lui-même ne regarde pas défiler l’intégralité des messages mais qu’il se repose sur une aide extérieure et invisible qui contribue probablement à présélectionner certaines questions. Le fait n’est expliqué qu’à une seule reprise, lorsque l’animateur déclare : « Caro, je compte sur toi pour me relayer les questions – notamment celles qui vont revenir le plus souvent – les plus pertinentes » (stream Hidalgo). En tout cas, l’animateur a visiblement sous les yeux une interface ne correspondant pas au seul flot du chat [Fig. 5].
En somme, les questions sont doublement filtrées, par une modération invisible et par la sélection de S. Étienne, avant de parvenir à l’invité.e. En ce sens, S. Étienne s’octroie à lui seul le rôle de gate-keeper, qui consiste à choisir les informations et sujets abordés dans un journal, un média (White, 1950). À l’échelle des quatre streams étudiés, cette fonction repose entre les mains d’un seul individu, qui détermine quelles questions et quels thèmes méritent de passer du chat en ligne à l’échange oral avec le ou la candidate. Pour autant, toutes les questions sont visibles de tous les viewers, qui ne manquent pas de commenter le choix des questions retenues et de développer des stratégies pour que les leurs le soient (Borrell et al., 2024).
Des questions sous contrôle
La reprise effective de questions posées dans le chat
Dans les quatre streams, S. Étienne assume son rôle de médiateur et affirme ne pas reformuler les questions :
« Alors, y’a des intermédiaires ici, mais vous avez vu que toutes les questions que nous avons posées étaient celles du chat. Voilà, on les a même pas reformulées. » (stream Hidalgo)
De fait, toutes les questions proviennent bien du chat et sont, pour la plupart, lues sur le mode du discours rapporté direct, introduites par le pseudo du viewer, et modifiées marginalement (suppression de la formule de salutation ou d’une des deux questions). Au total, seules quatre questions sur 49 sont formulées au discours rapporté indirect. Dans trois autres cas, la question posée ne provient pas d’un viewer identifié – « je pourrais citer plein de pseudos », « beaucoup ont demandé » – ou est le fruit d’un oubli – « pardon j’ai perdu le pseudo ». Il est probable que ces maladresses soient dues à la nouveauté de l’exercice car elles ne se reproduisent pas après le premier des quatre streams. Cependant, rares sont les questions auxquelles S. Étienne n’ajoute pas d’incise ou d’élément de contextualisation. Ses interventions appliquent un cadrage destiné à élargir ou à préciser le sujet :
« “un avis sur les affaires à venir et en cours concernant le traitement de nos aînés en EPAHD ?” Vous avez suivi l’actualité comme nous bien sûr, le scandale dit “orpea” notamment. “Qu’aurait-elle fait en tant que Présidente ?” Que feriez-vous demain sur la question des EPHAD et des maisons de retraite ? » (stream Le Pen)
Ici, au-delà du fait divers et de l’événement, il interroge la candidate sur son programme. Dans d’autres cas, le recadrage passe par une reformulation qui reprend les termes en cours dans l’univers politique institutionnel :
« “quelle présidente sera-t-elle ? Décrets, 49.3 ou tout le pouvoir aux députés et aux sénateurs ?” La question est intéressante, c’est quel style de présidente sur le plan institutionnel serez-vous ? Au-dessus des partis, arbitre, très intervenante ? » (stream Le Pen)
Il arrive que S. Étienne livre son point de vue sur la pertinence de la question – il adopte alors une posture interventionniste (Mellado, 2015), outrepassant le rôle d’arbitre (Deleu, 2004) – afin de modifier le cadrage initial de la question :
« “Un récent rapport a montré que peu de jeunes s’intéressaient à la politique (plus de 60 %) et beaucoup ne s’identifient à aucun parti. Comment faire pour ré-attirer les jeunes vers la politique ?” Je ne suis pas sûr d’ailleurs que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique. C’est peut-être qu’ils ne se retrouvent pas dans l’offre politique. Quel est votre regard sur les jeunes et la politique ? » (stream Le Pen)
En reprenant rigoureusement des questions posées par les viewers, l’animateur assure la crédibilité du dispositif. S. Étienne et A. Bouilhaguet ne s’effacent cependant pas derrière le chat mais l’utilisent comme point d’appui pour renforcer à la fois leur légitimité et celle du dispositif, tout en conservant une posture de journalistes professionnels qui orientent et cadrent l’échange en intervenant très régulièrement tout au long des entretiens. Dans les faits, « 20h22, la suite sur Twitch » relève très majoritairement d’un journalisme civique et tend parfois à l’interventionnisme, voire au watchdog journalism (Mellado, 2015) – en s’assurant alors que l’invité.e répond aux questions. Le programme se situe à mi-chemin entre l’idéal du « forum-agora », lieu de participation et d’expression des citoyens, et celui du « contre-pouvoir », dans lequel le journaliste tient le candidat pour responsable (Le Bohec, 2007).
Questions, relances et commentaires
Les journalistes ne se contentent pas de sélectionner des questions et de veiller au bon déroulé des échanges. Ils s’expriment en moyenne deux fois par minute et consacrent la grande majorité de leurs interventions à recadrer, reformuler ou développer les questions tirées du chat [« recadrages » dans le tableau 4] puis à relancer l’interviewé.e ou à commenter la réponse [« commentaires »]. De fait, ils cadrent fortement l’échange avec l’invité.e, qu’ils contraignent à apporter une réponse « satisfaisante » à la question, c’est-à-dire conforme à leurs attentes de journalistes ou à leur représentation de l’intérêt des viewers.
(total / moyenne par minute) | A. Hidalgo | É. Zemmour | M. Le Pen | V. Pécresse |
durée de l’interview | 75 mn | 25 mn | 71 mn | 55 mn 30 |
nombre de questions tirées du chat | 16 / 0,2 | 8 / 0,3 | 14 / 0,2 | 11 / 0,2 |
nombre de recadrages | 67 / 0,9 | 37 / 1,5 | 66 / 0,9 | 54 / 1 |
nombre de commentaires | 8 / 0,1 | 13 / 0,5 | 80 / 1,1 | 59 / 1,1 |
nombre total d’interventions | 91 /1,2 | 58 / 2,3 | 160 / 2,3 | 124 / 2,2 |
Tableau 4. Recensement des questions et relances (total / moyenne par minute).
D’une manière générale, la longueur des prises de parole distingue les streams du rythme plus haché de l’interview politique à la télévision ou à la radio : analysant 64 interviews politiques matinales réalisées hors campagne, en 2018, Baloge et al. (2021) ont compté que les tours de parole durent en moyenne 10 secondes à la télévision (sept secondes à la radio), soit environ trois prises de parole des interviewers par minute, bien au-dessus de la moyenne relevée dans les streams (1,2 à 2,3).
Si le vouvoiement des candidat.es est de rigueur, le tutoiement est de mise entre animateurs et avec les viewers. Plus généralement, les animateurs veillent à proposer à l’invité.e un cadre plus décontracté, à la fois conforme aux pratiques sur Twitch et susceptible d’amener des réponses plus sincères. L’entretien avec É. Zemmour constitue un contre-exemple. Le candidat se soumet au dispositif sans y adhérer et critique le choix des questions retenues. S. Étienne prend alors la liberté de critiquer ouvertement les procédés rhétoriques mis en œuvre par le candidat pour répondre :
Étienne : « La Seine-Saint-Denis n’est pas la France, Monsieur Eric Zemmour. Non, on ne peut pas prendre un petit exemple sur un petit territoire. Ce que vous faites n’est pas intellectuellement honnête.»
En critiquant la sincérité et la pertinence de la réponse du candidat, S. Étienne endosse une posture plus offensive qu’à l’accoutumé, qui relève plus du watchdog journalism. Cela suscite la réprobation de certains viewers, qu’ils soient ou non acquis à la cause du candidat, car il déroge au ton habituel de ses streams et des autres éditions de « la suite sur Twitch ».
Une sélection ciblée des questions
La fonction de gate-keeping se manifeste enfin par la sélection des sujets abordés, et donc ici des questions du chat effectivement retenues par les animateurs. Les critères de sélection annoncés sont la redondance et la pertinence, dont l’appréciation est cependant subjective et rendue difficile par le flot dense et continu de messages.
Étienne : « je m’engage en revanche à ne prendre 1) que des questions dans le chat et 2) à prendre les questions qui émergent un petit peu, voilà. C’est pas le choix de S. Étienne dans les questions, c’est vraiment les questions qui reviennent le plus souvent.» (stream Le Pen)
En réalité, cette sélection n’est pas indexée sur le degré de participation au chat, où certains déploient pourtant des stratégies de répétition massives (l’un d’eux pose 125 fois une question sur les droits des personnes handicapées, lors des streams d’A. Hidalgo, d’É. Zemmour et de V. Pécresse, sans succès). Parmi les 43 viewers dont les questions ont été sélectionnées, nous constatons que 58 % interviennent moins de 10 fois dans le chat (la moyenne pour tous les participants est de 5,1 messages), 35 % entre 10 et 29 fois, 7 % plus de 30 fois, parmi lesquels un seul (67 interventions) fait partie des 77 super-participants que nous avons identifiés (Borrell et al., 2024). Les viewers dont les questions sont sélectionnées sont donc loin d’être les plus prolixes dans le chat.
Nous relevons en outre un biais de sélection, inexpliqué à ce stade, mais qui ne peut relever du hasard : un viewer est l’auteur de deux des questions posées à V. Pécresse et d’une de celles adressées à M. Le Pen, un second participant voit l’une de ses questions retenue pour chacun de ces deux streams. Pour autant leur profil ne signale pas de particularités : ils ont créé leurs comptes respectivement en 2018 et 2015 ; le premier poste 19 commentaires dans le stream avec M. Le Pen et 22 dans celui de V. Pécresse, le second neuf et huit, ce qui les positionne dans les 12 % de commentateurs les plus actifs (Borrell et al., 2024).
À l’exception d’Éric Zemmour, pour qui les questions se focalisent sur des sujets polémiques (ses propos sur Pétain, sa définition des « Français », l’islam et l’immigration, le « grand remplacement » et même, de manière plus triviale, son opinion sur les mangas), S. Étienne pose très majoritairement des questions sur des thématiques ou sur des enjeux renvoyant à l’actualité, aux préoccupations du public ou au programme des invités [tableau 5], tenant ainsi la promesse de se focaliser sur les enjeux plutôt que sur le jeu électoral :
Étienne : « Vous avez vu, c’est des questions sur le fond. On n’est pas sur la politique politicienne. C’est ça que je trouve intéressant. […] Les journalistes aiment bien vous posez des questions sur la politique politicienne, les bisbilles.» (stream Le Pen)
A. Hidalgo | É. Zemmour | M. Le Pen | V. Pécresse | Total | |
Questions tirées du chat | 16 | 8 | 14 | 11 | 49 |
dont « jeux » | 5 (31 %) | 6 (75 %) | 3 (21 %) | 2 (8 %) | 16 (33 %) |
dont « enjeux » | 11 (69 %) | 2 (25 %) | 11 (79 %) | 9 (82 %) | 33 (67 %) |
Tableau 5. Provenance et objet des questions.
Les questions sur le jeu politique, comptant pour environ un quart des questions posées aux trois femmes, relèvent de trois registres : la mise en situation (qu’auriez-vous fait ? que feriez-vous à la place de… ?), la position par rapport à un concurrent de la même famille politique (C.Taubira pour A. Hidalgo, É. Zemmour pour M. Le Pen), la vie privée (goûts musicaux, littéraires, etc.).
L’intérêt prépondérant des viewers pour les enjeux est conforme aux questions habituellement posées par les citoyens ordinaires dans les émissions politiques à la télévision. En 1995 (Neveu, 1997, p. 36-37, 54) comme en 2007 (Lefébure, 2017, § 45), les questions posées par des publics profanes se focalisaient sur les enjeux économiques et sociaux, en contraste avec celles des journalistes centrées sur les jeux.
Au vu du nombre total de commentaires (31 909) et de commentateurs (4 687), prétendre sélectionner des questions en raison de leur récurrence ou de leur pertinence devrait conduire à retenir une grande variété de sujets, voire des thèmes de niche habituellement absents des médias. Il n’en est rien. Les interrogations reposent sur les préoccupations principalement attribuées aux jeunes générations, en coïncidence avec le public présumé de Twitch, principalement constitué de jeunes (« A la louche, 85 % de ceux qui nous regardent ont entre 18 et 35 ans » selon S. Étienne). 22 % des questions portent spécifiquement sur la jeunesse. Sans doute la vocation civique promue par les animateurs rejoint-elle ici le souci d’entretenir le « capital communautaire » (Cocq, 2018) que S. Étienne a accumulé sur sa propre chaîne et qui l’a en partie suivi sur la chaîne de France Télévisions.
Pour le reste, nous retrouvons des thématiques similaires dans chaque stream, avec peu de variantes qui ne soient explicables par le positionnement politique du candidat. Les sujets de société, au sens large, sont les principaux enjeux abordés (29 %) au travers de questions récurrentes – légalisation du cannabis et fin de vie pour A. Hidalgo et V. Pécresse –, ou en rapport avec le programme du candidat ou de l’actualité : gestion des EPHAD, handicap, droit des femmes pour M. Le Pen, aide financière pour les jeunes pour A. Hidalgo, gestion des « quartiers » par des mesures sociales spécifiques pour V. Pécresse, fraude fiscale (par opposition à la fraude sociale) pour É. Zemmour. D’autres thématiques sont abordées dans plusieurs entretiens : reconnaissance du vote blanc (M. Le Pen et A. Hidalgo), guerre en Ukraine (M. Le Pen et A. Hidalgo), emploi (V. Pécresse, M. Le Pen et A. Hidalgo), écologie (avec une focale sur l’énergie) pour les quatre candidat.es. En somme, sont retenues des questions qui permettent, au fil des streams, de comparer les candidat.es en lice.
Deux candidates bénéficient en outre de questions sur des thématiques centrales dans leur famille politique (l’emploi pour V. Pécresse, les questions sociales pour A. Hidalgo), ce qui peut leur faire bénéficier d’un effet d’amorçage (Gerstlé, 1996), là où M. Le Pen n’est pas interrogée sur l’immigration.
Les choix thématiques – quand bien même ils consistent à reprendre au mot près des questions de viewers, laissent apparaître des choix éditoriaux implicites, orientés vers le public majoritaire et qui avantageraient parfois certaines candidat.e.s. En outre, l’objectif semble de se détacher des thèmes habituellement abordés dans les interviews télévisées, afin de proposer une émission façonnée par et pour le public, et de valoriser ainsi la particularité du stream.
Conclusion
Innovation sociotechnique mêlant les caractéristiques d’une interview politique télévisuelle et l’interactivité propre à la plateforme de streaming Twitch, « 20h22 la suite sur Twitch » prétend reprendre le caractère civique du journalisme en mettant en exergue sa capacité à renouer un lien distendu entre les acteurs politiques et les citoyens, invités à les interpeller directement sur une variété de sujets afin de mettre à l’épreuve leur prétention à gouverner le pays. Paradoxalement, c’est en donnant largement la parole aux publics protégés par le pseudonymat que le journalisme peut pleinement « performer » une telle fonction civique, en donnant la possibilité aux internautes de recevoir une information au plus près de leurs préoccupations, nourrissant l’image d’un électeur opérant des choix rationnels dans le processus électoral de désignation d’un.e candidat.e. Cependant, les deux animateurs ne sont pas de simples médiateurs et c’est en pratiquant leur métier de journaliste – par la sélection des questions, leur explicitation, les relances auprès des invités et le commentaire de leurs réponses – et donc en endossant des rôles professionnels établis mêlant « rôle civique » et watchdog journalism – qu’ils parviennent à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés, si on s’en tient aux réactions de la majorité des invité.es et des viewers, étudiées par ailleurs (Borrell et al., 2024). Assurément, l’interactivité technique n’équivaut pas à l’interaction sociale (Proulx et Sénécal, 1995). Surmonter ce hiatus implique d’expliciter longuement le fonctionnement du dispositif mais de passer sous silence les principes de sélection des questions et de considérer comme allant de soi toutes leurs interventions qui relèvent de la réaction ou du commentaire. En cela, si « 20h22, la suite sur Twitch » diffère formellement assez nettement d’une interview traditionnelle, elle est aussi fondée sur la reconduite de pratiques professionnelles largement éprouvées dans les interviews politiques et les programmes qui donnent la parole aux citoyens ordinaires.
Plus globalement, le complément interactif sur Twitch à l’interview classique organisée dans le cadre du 20h de France 2 constitue une nouvelle tentative de répondre à “l’’impératif participatif” qui affecte la vie politique, et singulièrement les campagnes électorales. Mais, alors que les émissions politiques s’y emploient tous les cinq ans, France 2 propose cette fois un programme complémentaire dont nous considérons, au terme de cette enquête, qu’il touche un public peu nombreux mais qu’il atteint un degré de transparence supplémentaire – tout le monde peut voir toutes les questions, les questions retenues ont effectivement été posées – sans être pleinement transparent (quant aux critères de choix des questions retenues). Reste à savoir s’il touche effectivement un public qui se tient d’habitude éloigné de ces programmes et interviews politiques.
Notes
[1] Avant la première interview, S. Étienne et A. Bouilhaguet animent un stream de 41 mn sur la chaîne de S. Étienne (« Les coulisses du 20h22 Avec Anne Hidalgo (Le before) – 25/01/2022 – Samuel Etienne VOD », 26/01/2022, https://www.youtube.com/watch?v=pJEV26LXgE8), destiné à présenter le programme et ses objectifs avant l’interview elle-même. Les trois fois suivantes, un seul stream couvre toute la séquence, sur la chaîne de France Télévisions. Les animateurs ouvrent le stream entre 19h45 et 19h50, coupent le son pendant l’interview en plateau sur France 2, à partir de 20h22, puis reprennent l’antenne jusqu’à l’arrivée du/de la candidat.e, l’interrogent, et enfin débriefent l’entretien pendant quelques minutes après son départ.
[2] Ces données et celles des tableaux 2 et 3 proviennent du site Twitchtracker (pages https://twitchtracker.com/francetv/statistics et https://twitchtracker.com/samueletienne/statistics).
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Auteurs
Alexandre Borrell
Alexandre Borrell est maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Est Créteil et chercheur au CEDITEC (F-94010, Créteil, France). Il étudie la communication des candidat.es, la médiatisation des campagnes électorales et leur réception.
alexandre.borrell@u-pec.fr
Stéphanie Wojcik
Stéphanie Wojcik est maîtresse de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris Est Créteil, chercheure au CEDITEC (F-94010, Créteil, France) et chercheuse associée, Centre Internet et Société, CIS UPR 2000 CNRS. Elle travaille sur les formes de la politisation et participation en ligne ainsi que sur les dynamiques de la conflictualité numérique.
stephanie.wojcik@u-pec.fr
Élodie Berthet
Élodie Berthet est doctorante en sciences de l’information et de la communication au Carism (Université Panthéon-Assas) et chercheure associée au CEDITEC (F-94010, Créteil, France). Elle étudie la communication électorale des candidats sur les réseaux socionumériques ainsi que la négativité.
elodie.berthet@u-pec.fr