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Violences de genre et discours post-féministes sur Twitter. Le cas de l’affaire Orelsan

29 Jan, 2021

Résumé

En février 2018, une pétition demandant l’annulation des prix obtenus par le chanteur Orelsan en raison du contenu sexiste de ses précédents textes a été lancée sur la plateforme Change.org. Cette pétition a suscité des réactions d’indignation sur Twitter, sous la forme de messages acerbes et dépréciateurs adressés à l’initiatrice de la pétition que cet article vise à analyser sous l’angle du genre. Une étude de cas fondée sur une approche critique et sémio-pragmatique a été réalisée afin de mieux comprendre les stratégies discursives entreprises par les usagers de Twitter dans le but de disqualifier l’objet de la pétition et son initiatrice. La récurrence de qualificatifs insultants et de poncifs dévalorisants, caractéristiques d’une violence de genre traditionnelle, pourrait témoigner d’un processus d’appropriation d’une rhétorique post-féministe par des internautes ordinaires qui contribuent à la diffusion de cette idéologie dans l’espace public numérique. Les procédés argumentatifs identifiés dans le corpus pourraient également être associés aux discours et au répertoire d’actions de certaines idéologies radicales.

Mots clés

Twitter, espace public numérique, violence de genre, sexisme, post-féminisme, discours.

In English

Title

Gendered violence and post-feminist discourses on Twitter: The case of Orelsan

Abstract

in February 2018, a petition campaign against the awards bestowed to the French singer Orelsan was launched on the platform Change.org. The petition’s aim was to shed light on the past violent and misogynist songs of Orelsan. This petition triggered a noticeable stream of abusive tweets and disparaging comments targeting its originator. Drawing on a corpus of adverse comments posted on Twitter, we analyze through a gender lens the discursive tactics undertaken by web users in order to undermine the petition and its originator. A case study based on a critical and semio-pragmatic approach was conducted. The number of insulting comments and gendered stereotypes identified in the corpus could be interpreted as the sign of an appropriation process of post-feminist discourses by ordinary web users who contribute to the dissemination of this rhetoric on the cyber public space. We also draw a connection between the gendered adverse comments of our corpus and the discursive strategies of radical political ideologies.

Keywords

Twitter, cyber public space, gendered violence, sexism, post-feminism, discourse.

En Español

Título

Violencia de género y discursos post-feministas en Twitter. El caso Orelsan

Resumen

En febrero de 2018, une petición para la cancelación de los premios ganados por el artista Orelsan fue lanzada en la plataforma Change.org. El objetivo de la petición fue poner de manifesto el sexismo y la violencia de género contenidos en las precedentes canciones del artista. Esta petición desencadenó una ola de indignación en Twitter, en forma de mensajes despreciadores contra la autora de la petición. El presente artículo trata de analizar estos mensajes a través del prisma del género. Un estudio de caso enraizado en una perspectiva crítica y semio-pragmática fue realizada para analizar las estrategias discursivas que los usuarios de Twitter utilizan para desacreditar la petición y su autora. Los calificativos insultantes y los estereotipos de género pueden ser analizados como une prueba de un proceso de apropiación de une retórica post-feminista que los usuarios de Twitter contribuyen à diseminar en el espacio público digital. Los argumentos contenidos en los mensajes de nuestro corpus pueden ser relacionados con los discursos de ideologías políticas radicales.

Palabras clave

Twitter, espacio público digital, violencia de género, sexismo, discurso, post-feminismo.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Dupré Delphine, Gramaccia Gino, « Violences de genre et discours post-féministes sur Twitter. Le cas de l’affaire Orelsan », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°21/1, , p.91 à 112, consulté le mercredi 24 avril 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2020/varia/06-violences-de-genre-et-discours-post-feministes-sur-twitter-le-cas-de-laffaire-orelsan/

Introduction

Cet article s’inscrit dans le prolongement d’un ensemble de travaux francophones et anglophones, principalement en sciences de la communication, sur la violence interpersonnelle et groupale en ligne (notamment Coe et al., 2014 ; Rowe, 2015 ; Gimenez et Voirol, 2017). Il vise à analyser un corpus de messages courts adressés à Céline Steinlaender (que nous nommerons Céline S. dans la suite de cet article) par plusieurs internautes à la suite de la pétition lancée par cette dernière le 14 février 2018[1] sur la plateforme Change.org. Cette pétition, adressée à la Ministre de la Culture Françoise Nyssen, visait à dénoncer les précédents textes, jugés sexistes et misogynes, du rappeur Orelsan et demandait, en conséquence, l’annulation des prix obtenus par l’artiste lors des Victoires de la musique qui se sont déroulées en février 2018.

Ces dix dernières années, le rappeur Orelsan a été assigné en justice par des associations féministes à plusieurs reprises. Dans un article publié en 2014, Anne-Charlotte Husson précise qu’en 2009, le rappeur a été poursuivi pour les motifs « d’injure publique » et de « provocation à la discrimination et à la violence envers les femmes ». Certaines de ses chansons, notamment « sale pute » et « St Valentin » ont suscité un vif débat en raison de leur contenu jugé misogyne. A titre d’illustration, la chanson intitulée « St Valentin » contient les paroles suivantes, en référence à l’actrice Marie Trintignant, décédée sous les coups de son conjoint Bertrand Cantat : « ferme ta gueule ou tu vas te faire Marie-trintigner ».

Lancée en février 2018, dans un contexte médiatique et politique français marqué par le mouvement MeToo, la pétition demandant l’annulation des prix décernés à Orelsan a recueilli 85 346 signatures. Toutefois, l’existence de cette pétition a suscité chez un certain nombre d’internautes des réactions d’indignation violentes, notamment sous la forme de tweets offensants adressés à l’initiatrice, qui pourraient être associées à des phénomènes qualifiés « d’intimidation collective » (Badouard, 2017) ou de « lynchage collectif » (Jost, 2018).

Nous avons constitué un corpus en collectant des tweets dépréciateurs envoyés à l’auteure de la pétition. Il se compose ainsi de 332 tweets obtenus via des captures d’écrans effectuées sur le compte Twitter de Céline S. du 11 au 16 février 2018, au paroxysme de la polémique relative à la pétition. La présente analyse s’inspire d’un ensemble de travaux publiés récemment dans la littérature scientifique et qui vise à étudier, à partir d’une approche genrée, les réactions des internautes face à des articles publiés sur des sites de presse en ligne ou sur des réseaux socionumériques comme Twitter (Bertini, 2012, 2016 ; Guionnet, 2017 ; Olivesi, 2017 ; Michaud, 2019). Dans la continuité de ces travaux, l’article vise à documenter les procédés discursifs (Charaudeau, 1983) mobilisés par les internautes afin de délégitimer tant la pétition que son auteure et à marginaliser sa parole dans l’espace public numérique. Nous analyserons également la manière dont les dimensions techno-discursives de la plateforme Twitter potentialisent les phénomènes associés à des formes de cyber violence de genre.

Partant d’une perspective genrée, nous considérons que la bicatégorisation et la hiérarchie entre les sexes (Kunert, 2017) repose sur un « système de signification » (Julliard, 2014) élaboré, en partie, par les différentes prises de parole des internautes. Nous appréhendons ainsi le web comme un espace de la « lutte pour le sens » (Dupré et Carayol, 2020), dans la mesure où les commentaires des internautes participent à la « fabrique du genre » (Bertini, 2012) en façonnant et en véhiculant des représentations et des normes relatives aux identités et aux rapports sociaux de sexe. Dans cet article, Twitter se présente comme un espace « structuré en domination » (Bertini, Ibid.), une arène numérique où sont exprimés des discours qui relèvent de plusieurs répertoires idéologiques liés aux rapports de genre, notamment l’idéologie post-féministe. Cette idéologie « discrédite l’ensemble du mouvement féministe au profit d’un individualisme narcissique » et dépeint le mouvement comme « dépassé, ringard, contrôlé par quelques « vieilles » grincheuses » (Dupuis-Déri, 2015, p.131-133).

Cette contribution s’appuie sur une approche critique des pratiques du web (Gimenez et Voirol, 2017) associée à une sémio-pragmatique du genre (Julliard, Ibid.). Selon cette perspective, qui appréhende le « langage comme action », les stratégies discursives des internautes ont une dimension performative : elles contribuent à « prescrire » et à reproduire des rapports de genre inégalitaires (Bertini, Ibid.).

Nous réaliserons, dans un premier temps, une revue des travaux scientifiques francophones et anglophones sur les cyber violences en ligne. Nous soulignerons leurs dimensions techno-discursives et genrées. Un tour d’horizon des travaux sur les discours post-féministes, et notamment leur actualisation dans les environnements numériques, sera également entrepris. Enfin, nous présenterons la constitution de notre corpus ainsi que les résultats de notre analyse. Nous interprèterons nos résultats et répondrons à notre question de recherche dans une partie conclusive.

Les manifestations de violence en ligne.

cyber violence tendaient à appréhender les instigateurs comme des individus potentiellement « narcissiques, psychopathes et sadiques ». Les recherches récentes se distancient d’une approche psychologisante et étudient ce phénomène en tenant compte de ses dimensions symboliques, discursives et sociotechniques. Parmi les recherches actuelles sur les cyber violences, plusieurs travaux s’intéressent à la manière dont le design, ainsi que les fonctionnalités techniques du web et des principaux réseaux socio-numériques façonnent les prises de parole et suscitent des polémiques, des formes de mépris, voire d’agression.

L’influence des spécificités techniques du web

Dans un article publié en 2020, Romain Badouard précise que « la manière dont nous nous exprimons sur les réseaux sociaux dépend des spécificités des outils qui sont mis à notre disposition et qui formatent nos prises de parole » (p.29). Dans cette perspective, un certain nombre de travaux, publiés principalement dans la littérature anglophone sur les discours incivils (uncivil discourse) suggère que la possibilité, pour les internautes, de publier des commentaires, tout en demeurant anonymes, peut favoriser des discussions impolies, des insultes et des menaces ainsi qu’une escalade de propos violents. Ces prises de parole, qualifiées « d’inciviles », contribuent à dégrader la qualité des débats citoyens en ligne (Coe et al., 2014 ; Rowe, 2015).

Dans la littérature anglophone, la cyber violence a également suscité un regain d’intérêt pour les recherches sur les phénomènes d’influence. Des expérimentations (Spears et al., 2002) ont montré que l’anonymat tendait à renforcer les effets de groupe, c’est-à-dire la loyauté envers les normes du collectif, la contagion émotionnelle , la recherche de points de divergence avec les groupes rivaux pour renforcer l’identité collective, etc. Partant de ces résultats, Russell Spears et ses collègues avancent que le flaming (qui consiste à publier des messages délibérément provocants pour perturber une discussion en ligne) ne devrait pas être appréhendé comme une « attitude antisociale individuelle », mais comme une violence de groupe potentialisée par les caractéristiques d’Internet.

Dans la littérature francophone en sciences de l’information et de la communication, cette thématique a fait l’objet d’un certain nombre de travaux d’orientation sémio-discursive et qualitative. Virginie Julliard (2016) a analysé le déroulement de la polémique relative à la « théorie du genre » sur Twitter. Selon elle, les propriétés « techno-sémiotiques » de ce réseau social tendent à exacerber les controverses. L’imposition, par les règles de la plateforme, d’un format de message court (140 caractères au moment de l’étude) induit « de nouvelles formes d’écriture (messages brefs auxquels peuvent être joints une image et/ou un lien vers des contenus externes) » (2016, p.140). Le hashtag (par exemple #theoriedugenre) faciliterait la mise en visibilité et le ralliement de « ceux et celles qui partagent le même référentiel tacite, le même point de vue » (2016, p.146). Dans la même veine, pour Maxime Cervulle et Fred Pailler, Twitter constituerait un « lieu de convergence » permettant d’agréger « des forces habituellement disséminées dans le champ social » (2014, p.5). Le format court des messages inciterait également les internautes à privilégier les stéréotypes pour exprimer leur point de vue.

Les images utilisées pour illustrer des arguments se révèlent être souvent des caricatures ou des montages, engendrant des prises de parole acerbes. Virginie Julliard note également le nombre important d’attaques ad hominem qui, selon elle, « ouvrent la voie à l’insulte ». François Jost souligne également la fréquence de ces attaques et des phénomènes de bashing qui désignent « une entreprise de dégradation de l’autre qui repose à la fois sur un jugement sans appel et sur un acharnement dans l’espace public » (2018, p.121).

Ces pratiques aboutissent, selon Virginie Julliard, à une polarisation du débat entre des « positions irréconciliables » et une exacerbation de la violence des prises de parole. Selon Marie-Joseph Bertini, au sein de ces espaces de débat en ligne « le but de toute interaction verbale argumentée {n’est} pas le moins du monde de faire émerger une vérité objective, mais simplement de faire pièce aux arguments de l’adversaire afin de prendre et de conserver l’avantage sur lui » (2016, p.36). L’auteure précise que les procédés mobilisés afin de « dominer » l’adversaire sont « la généralisation, l’outrance, l’affirmation péremptoire, l’exagération, la déformation, l’argument d’autorité, la suspicion et l’injure » (Bertini, Ibid.).

Les cyber violences et la marginalisation des femmes

L’expression uncivil discourse pourrait être traduite tant par « incivilité » que par « incivisme ». Telle qu’elle est définie dans la littérature anglophone (Coe et al., 2014 ; Rowe, 2015), la notion renvoie à deux phénomènes. Si « l’incivilité » fait référence aux propos impolis, discourtois, aux insultes et aux menaces diffusés en ligne, « l’incivisme » désigne un ensemble de comportements concourant à perturber le bon déroulement du débat démocratique dans l’espace public numérique (sites de presse en ligne, blogs, réseaux socionumériques, etc.). Cette notion d’incivilité inclut les représentations stéréotypées, les insultes et menaces spécifiques visant à dénigrer et à marginaliser certains internautes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur origine ethnique, etc.

Dans cette perspective, un ensemble de travaux analyse les dimensions genrées de la cyber violence en ligne. Le web a offert de nouvelles opportunités d’expression dont les femmes se sont saisies pour intégrer l’espace public (Le Caroff, 2015), mais ces dernières demeurent particulièrement affectées par les propos incivils. Elles sont ainsi la cible d’un continuum attitudes méprisantes, s’étendant de l’humour stéréotypé (Bertini, 2016) aux insultes, menaces et aux processus de harcèlement collectif (Marwick et Caplan, 2018).

Dans ses recherches, Emma Jane (2016, 2018) met en lumière la violence et la brutalité de certains propos misogynes exprimés sur le web. Elle remarque que, si de nombreuses femmes sont la cible d’insultes, ce n’est pas en tant qu’individus, mais en raison de leur appartenance supposée à des catégories abstraites et stéréotypées (la « garce », la femme fatale, etc.) renvoyant à un ensemble de poncifs négatifs. Bien que « virtuelles », les cyber attaques ciblant les femmes ont été associées à des violences sexuelles (comme le revenge porn), des violences physiques (certaines violences numériques dégénèrent et « débordent » dans la vie réelle) et à des violences économiques, dans la mesure où le cyber harcèlement peut conduire des femmes à cesser de s’exprimer en ligne, ce qui les prive d’une source substantielle de revenus (Jane, Ibid.).

Ces recherches récentes témoignent de la persistance d’une « violence de genre » (Bertini, 2016) traditionnelle qui sévit sur le web. Elles s’inscrivent en outre dans la continuité des analyses réalisées par la philosophe Nancy Fraser (2011) sur les mécanismes qui président à l’exclusion des femmes de l’espace public. Elles démontrent que des phénomènes d’exclusion et de remise en question de la légitimité de la parole des femmes sont également à l’œuvre dans les environnements numériques.

Les discours post-féministes en ligne

A côté des enquêtes récentes qui ont documenté les violences de genre en ligne, plusieurs travaux analysent, depuis une dizaine d’années, le recours aux ressources d’Internet par des groupements militants dont l’idéologie a été qualifiée d’antiféministe. Dans la littérature scientifique, l’antiféminisme désigne, un « contre-mouvement de pensée et d’action qui s’oppose au féminisme » (Bard, 2019, p.9). En effet, pour ces mouvements qualifiés de réactionnaires, les avancées récentes en termes d’égalité sont « perçues comme menaçantes pour un ordre social dont l’équilibre est fondé sur la hiérarchie sexuelle et la domination masculine. » (Descarries, 2005, p.142-143). Cette idéologie s’incarne dans une « nébuleuse » (Devreux et Lamoureux, 2012) de groupes et de courants militants qui recourent notamment aux sites internet et aux blogs pour structurer leur mouvement, mobiliser des sympathisants et véhiculer leurs discours.

En raison de l’évolution des mentalités dans les sociétés occidentales, ces groupes ont été contraints de reconfigurer leurs discours afin d’éviter de susciter la réprobation à l’égard de leurs idées. Dans cette perspective, les groupes « masculinistes » cherchent à inspirer l’empathie et la compassion en présentant des hommes « en souffrance » car « victimes » du féminisme et des politiques visant l’égalité entre les sexes (Dupuis-Déri, 2018).

Sur des sites et des blogs alimentés par des militants, les « masculinistes » récupèrent et détournent la grammaire discursive des mouvements féministes pour dénoncer la « discrimination structurelle » que subiraient les hommes dans une société « dominée » par les femmes. D’après Stéphanie Kunert (2017), ces groupes revendiquent un « ethos de contre-public subalterne » et véhiculent un discours de plainte pour justifier le retour à un ordre social inégalitaire fondé sur une distinction et une hiérarchie claire entre les hommes et les femmes.

Des travaux publiés principalement dans la littérature anglophone suggèrent que des manifestations d’antiféminisme moins euphémisées, exprimées de manière brutale sous la forme d’insultes misogynes et de propos sexuels outranciers, ont cours sur des forums de discussion confidentiels, comme Reddit ou 4chan, caractérisés par l’anonymat des internautes et la grande permissivité des propos qui y sont tenus (Massanari, 2017 ; Marwick et Caplan, 2018).

Dans la présente recherche, nous focaliserons notre analyse sur les discours qualifiés de « post-féministes » (Dupuis-Déri, 2015) véhiculés sur le web par des internautes ordinaires (Guionnet, 2017), c’est-à-dire, qui ne revendiquent pas ouvertement d’appartenance à un mouvement militant lié à la nébuleuse de l’antiféminisme.

L’idéologie post-féministe a été étudiée principalement dans la littérature anglophone par Angela McRobbie (2009). Les discours post-féministes, véhiculés tant par les médias grand-public (télévision, films, musique, presse féminine, etc.) que par les mouvances politiques antiféministes (Aronson, 2015 ; Dupuis-Déri, 2015), s’inscrivent dans le cadre du backlash (Faludi, 2006) des années 80. Ils visent à décrédibiliser les féministes et leurs revendications au travers de plusieurs procédés.

Le point commun de ces discours réside dans l’affirmation selon laquelle l’égalité entre les sexes et l’émancipation des femmes seraient désormais acquises. Par conséquent, la participation aux luttes féministes actuelles deviendrait alors « ringarde », voire contreproductive, et pourrait même engendrer des conséquences délétères pour la réputation des jeunes femmes qui y prendraient part. Ces discours reconnaissent les avancées conquises par le mouvement féministe dans les années 70-80 pour mieux disqualifier les revendications actuelles.

Ces déclatations opèrent, en outre, une dépolitisation des mouvements féministes via des procédés de psychologisation de la domination masculine. Ainsi, les inégalités et les discriminations liées au genre sont appréhendées à travers un prisme individuel ; ces dernières résulteraient non pas de mécanismes d’oppression socioculturels et économiques, mais « de comportements plus ou moins adaptés et performants » de la part des femmes (Lamoureux, 2019, p.75).  Enfin, ces discours tendent à façonner une image dévalorisante et stéréotypée des féministes. Ainsi, ces dernières seraient revêches, aigries, acariâtres et détesteraient les hommes.

Quelques travaux récents complètent ces recherches en suggérant que cette rhétorique post-féministe serait également présente sur le web. Paulette Benton-Greig et ses collaborateurs (2017) ont analysé un corpus composé de commentaires d’internautes réagissant à une campagne de sensibilisation, lancée sur Internet, portant sur le sexisme contenu dans un ensemble de publicités. Ces auteures ont mis en exergue les différentes formes de mépris et de déni, exprimées au travers des commentaires des internautes en réaction à cette campagne de sensibilisation, visant à disqualifier tant les militantes féministes que leurs actions.

Présentation de l’étude

La présente recherche vise à documenter la grammaire argumentaire et les procédés discursifs (Bertini, 2016 ; Kunert, 2017 ; Baider, 2019) mobilisés par les internautes de notre corpus pour décrédibiliser la pétition et son initiatrice. Conformément aux travaux scientifiques précités, nous postulons que ces procédés de dévalorisation reposeront, dans une large mesure, sur des insultes et des propos offensants misogynes, qui peuvent être appréhendés comme les vecteurs d’un ordre symbolique genré asymétrique (Bertini, Ibid.). Il s’agit de notre première hypothèse. Nous supposons, deuxièmement, que les internautes auront recours à un ensemble d’arguments qui peuvent être associés aux discours post-féministes. En référence aux travaux qui ont analysé les propriétés émotionnelles et « expressives » des réseaux socionumériques (Allard et al., 2017 ; Julliard, 2018), nous estimons que les dimensions sociotechniques de Twitter pourront reconfigurer et potentialiser les phénomènes communicationnels associés aux cyber violences de genre.

Nous avons réalisé une étude de cas (Yin, 2018) à partir d’un corpus de 332 tweets collectés via des captures d’écrans effectuées sur le compte Twitter de Céline S. entre le 11 et le 16 février 2018. Nous avons collecté uniquement les tweets qui constituaient des réponses aux messages postés par Céline S. sur son compte Twitter, en lien avec sa pétition. Il ne s’agit donc pas d’un corpus exhaustif au sens quantitatif du terme. De plus, certains tweets injurieux ont pu être supprimés par les modérateurs de la plateforme. S’il répond aux objectifs de notre recherche qualitative, notre corpus présente ainsi des limites dont nous tenons compte tout au long de ce travail.

A l’instar de Gimenez et Voirol (2017), nous appréhendons le web comme un « espace d’élaboration idéologique » où se constituent différentes conceptions des rapports sociaux de genre perceptibles au travers des prises de parole des internautes. Nous fondons notre analyse sur une approche communicationnelle et appréhendons les tweets dépréciateurs de notre corpus non pas comme les symptômes des troubles psychologiques potentiels de leurs auteurs, mais comme les « manifestations locales des discours sur le genre qui circulent de manière plus globale dans la société » (Lindlof et Taylor, 2017, p.229).

Partant d’une approche poststructuraliste de la communication, Dennis Mumby et Karen Aschcraft (2006) postulent que les identités et rapports sociaux de genre sont façonnés par un faisceau de discours qui tendent à être invisibilisés et « naturalisés ». C’est lors de « crises » que la construction de ces discours est mise au jour et peut être observée par l’analyste. La temporalité brève de la polémique relative à la pétition sur Orelsan permet de saisir avec acuité et d’étudier un ensemble de comportements qui n’auraient peut-être pas émergé dans d’autres circonstances.

Les stratégies discursives et arguments développés dans les prises de parole des internautes, appréhendés comme constitutifs d’un « dispositif de prescription du genre » (Bertini, 2016), représentent le cœur de l’analyse. En nous inspirant des méthodes élaborées par Marie-Joseph Bertini (2012, 2016) et par Héloïse Michaud (2019) dans le cadre de l’étude des commentaires publiés sur le Tumblr « women against feminism », nous avons réalisé une analyse thématique de contenus (Bardin, 2013). Nous avons tenu compte des ressources typographiques, des émoticônes et des images, c’est-à-dire d’un ensemble d’éléments constitutifs du dispositif techno-discursif de Twitter, qui induisent une écriture particulière, favorisent des réactions émotionnelles et suscitent potentiellement des relations de connivence entre les internautes (Allard et al., 2017 ; Moïse et Romain, 2011).

Notre analyse procède d’une démarche déductive : l’état de l’art a permis d’identifier un ensemble de thématiques au sein desquelles nous avons classé les arguments développés par les internautes de notre corpus. Le contenu de chaque thématique a fait l’objet d’une analyse qualitative visant à mieux comprendre les stratégies discursives mobilisées ainsi que leur articulation. Les résultats sont présentés et interprétés dans la partie suivante. Les internautes s’adonnent à des formes d’intimidation fondées sur des qualificatifs insultants et des menaces. Ils recourent également à des stratégies plus subtiles de distorsion, de diabolisation, de banalisation et de psychologisation qui pourraient être associées à un répertoire argumentaire post-féministe.

Analyse des stratégies discursives mobilisées par les internautes

Des procédés d’intimidation exacerbés par les ressources de Twitter

Qualificatifs insultants, menaces et simulacre de débat

L’analyse qualitative du corpus fait émerger, tout d’abord, un processus d’intimidation. En effet, les internautes recourent amplement à des qualificatifs insultants pour dénigrer l’initiatrice de la pétition. Le terme « insulte » désigne, dans le cadre des tweets analysés, des propos offensants exprimés sous la forme de messages courts qui sonnent comme des condamnations sans appel. D’après Judith Butler (2006), l’insulte inflige à la victime une blessure contre laquelle elle ne peut opposer aucun argument. Elle agirait comme un « verdict » (Eribon, 2016) qui ne présuppose aucune réplique et fige la cible dans une identité dévalorisante et honteuse. Selon Kristi Cole (2015), en insufflant un sentiment de honte, les insultes exprimées sur le web auraient un effet disciplinant qui inciterait les femmes à s’autocensurer.

Les insultes identifiées se révèlent de deux ordres : elles visent tout d’abord à remettre en cause les capacités intellectuelles de l’auteure de la pétition (Lebugle Mojdehi, 2018), comme l’illustrent les invectives telles que « débile », « stupide », « autiste », « folle » ou « conne » qui mettent en doute tant la lucidité de Céline S. que ses facultés de raisonnement. Deuxièmement, notre corpus se compose d’une proportion importante d’insultes relevant de la sexualité (Ibid.) telles que « pute » ou « salope ». Ces insultes genrées, qui relèvent du « stigmate de la putain », visent à dénigrer Céline S. en pointant ses pratiques sexuelles présumées immorales et répréhensibles. De manière archétypale et rétrograde, les insultes proférées par les internautes s’inscrivent dans la lignée d’une « violence de genre » traditionnelle (Bertini, 2016) qui réduit les femmes à leur sexualité d’une part et à leur incompétence présumée d’autre part, minant ainsi leur légitimité à s’exprimer dans l’espace public numérique.

Les menaces représentent une stratégie discursive récurrente. Comme pour les insultes, il est possible d’identifier une gradation. Ces menaces concernent d’éventuelles atteintes au compte Twitter de l’auteure de la pétition : « ton Twitter va souffrir ! », « ton Twitter va prendre cher ! » et s’intensifient jusqu’aux menaces d’agression physique : « je te souhaite un accident », « tu mérites la lapidation ! », « Je sais où tu habites et j’ai donné ton adresse à mes étudiants. Je pense que ça te fera plaisir lorsque tu les verras. Ils souhaitent ardemment te rencontrer… ».

Enfin, des menaces de mort (Blais, 2012) sont exprimées au travers du néologisme « Marie-Trintigner » qui fait référence au féminicide de Marie Trintignant et aux paroles de la chanson « Saint Valentin » qui a valu un procès à Orelsan. Ainsi, plusieurs internautes s’expriment en ces termes : « arrête de faire chier Orelsan où je vais te MarieTrintigner ! » A l’instar des qualificatifs insultants analysés précédemment, ces tweets s’inscrivent dans une stratégie d’intimidation ; ils visent à infliger une blessure et à dissuader l’auteure de mener à terme son projet de pétition.

Ainsi, les tweets insultants et les menaces relèvent d’une logique de simulation de débat public. Pour autant, la simulation n’est évidemment pas ce procédé de discours revendiqué comme tel par les auteurs des tweets. Ces derniers font comme si l’écho numérique de la violence verbale répondait aux critères d’acceptabilité éthique ou juridique du débat public, comme si la liberté d’expression pouvait s’exercer dans un environnement public sans limites politiques, juridiques et éthiques.

Tzvetan Todorov (2012, p.175) avance, à juste titre, que « poser des bornes à la liberté d’expression ne signifie pas solliciter l’instauration de la censure. Il s’agit plutôt de faire appel à la responsabilité de ceux qui ont le pouvoir de diffuser informations et opinions ». Les auteurs des tweets s’approprient le pouvoir d’insulter dans un environnement numérique dont ils ignorent précisément tout ce qui pourrait le constituer comme un espace public ouvert au débat. Il s’agit de faire comme si l’insulte, par son seul pouvoir performatif, clôturait, sous prétexte d’évidence, toute possibilité de débat.

Euphémisation, mimétisme et « jeu » collectif : des phénomènes favorisés par le dispositif techno-discursif

Les propriétés techno-discursives de Twitter semblent avoir un impact sur la manière dont les insultes et menaces sont exprimées, ainsi que sur les relations qu’elles font naître entre les internautes. Tout d’abord, les messages courts insultants et offensants tendent à être publiés par « salves », comme en témoigne la capture d’écran suivante qui rend compte d’un « empilement » de tweets dépréciateurs en réponse à un message publié sur le compte de Céline S. :

Figure 1. « Salve » de tweets insultants. Messages collectés le 13 février 2018 [2]

En nous inspirant de l’analyse réalisée par Christine Servais (2017) sur les discussions qui se déroulent sur le compte Facebook de Fdesouche, nous supposons que la mise en visibilité des tweets insultants contribue à un phénomène de mimétisme. Ces propos offensants, exposés publiquement, semblent légitimer et rendre acceptables les prises de parole inciviles. Dès lors, plusieurs internautes peuvent se sentir autorisés à prendre part au lynchage, voire à surenchérir.

Notre corpus relève également l’existence d’autres stratégies discursives et communicationnelles. Comme en témoigne le Tweet suivant, des internautes agrémentent leurs messages courts virulents d’émoticônes « rieurs » :

Figure 2. Message offensant agrémenté d’émoticônes « rieurs ». Tweet collecté le 13 février 2018

L’ajout d’émoticônes « positifs » renvoie à une stratégie intentionnelle visant à modifier la « tonalité » d’un message répréhensible et à échapper ainsi à la modération automatique des plateformes (Cole, 2015). Ce procédé peut également être interprété comme une manière d’inciter les autres internautes à décoder le message sur le registre de la dérision et à participer au « jeu » du lynchage, à l’image de cet autre Tweet de notre corpus :

Figure 3. Message offensant accompagné d’un clin d’œil. Tweet collecté le 14 février 2018

Des internautes se « prennent au jeu », comme en témoigne l’échange de tweets suivant entre deux internautes qui préparent les représailles à mettre en œuvre à l’encontre de Céline S. L’un des internautes propose, d’une part, de créer une autre pétition contre celle de Céline S., d’autre part de l’intimider en attaquant son compte Twitter. Cette discussion se déroule sur le ton de la moquerie, comme le suggèrent les caractères typographiques qui accompagnent le texte. Dans le discours des deux internautes, « faire souffrir le Twitter » (de l’auteure de la pétition) apparaît comme une activité récréative :

Figure 4. Échange de tweets visant à préparer les représailles à l’encontre de Céline S. et sa pétition. Tweets collectés le 12 février 2018.

Les phénomènes observés dans notre corpus peuvent être interprétés à l’aune de certains travaux réalisés dans le contexte des États-Unis sur les cyber attaques commises par des membres de l’Alt-Right. Des chercheurs, à l’instar de Niko Heikkilä (2017) suggèrent qu’un certain nombre d’internautes ayant participé à des processus de cyber harcèlement ou à des campagnes de dénigrement n’étaient pas nécessairement politisés. Ils étaient au contraire attirés par la « culture du Lol », propre à certains cercles de l’Alt-Right, et qui désigne la propension à bâtir un collectif soudé autour de pratiques consistant à tourner en dérision, sur Internet, une victime émissaire.

Dans cette veine, les échanges de tweets qui composent notre corpus suggèrent que le recours au registre de l’humour, favorisé par les propriétés expressives de Twitter, conduit des internautes à décoder la situation de communication comme relevant principalement du « jeu » et non de l’intimidation collective. Interpréter l’échange sous l’angle du « jeu » peut engendrer un double effet de désinhibition et de déculpabilisation. Enfin, le registre de l’humour suscite des mécanismes relationnels. Exposés aux yeux de tous, ces affects contribuent à mobiliser d’autres internautes galvanisés par l’humour et tentés de prendre part au « jeu ».

S’ils sont décodés par certains internautes sur le registre de l’humour, de la moquerie « légère » ou du « jeu » collectif, les phénomènes observés recèlent une violence notable à l’égard de Céline S. et de sa pétition. Les formes de dérision, les insultes et les menaces constituent l’expression d’une violence qui se donne en spectacle et vise à réaffirmer un ordre symbolique genré (Bertini, 2016) qui prive les femmes de l’opportunité de participer à l’espace public. Ces manifestations de violence permettent, en outre, de dissuader d’autres internautes de susciter des débats sur des thématiques en lien avec des problématiques genrées.

Si les propriétés techno-discursives de Twitter peuvent potentialiser et « instrumenter » des tactiques d’intimidation collective, elles peuvent également représenter des leviers pour se défendre. Céline S. tente de mettre en place des formes de résistance face au lynchage auquel elle se trouve confrontée. Elle « retweete » notamment des insultes et des menaces particulièrement virulentes afin de mettre au jour les attaques sexistes dont elle est la cible. Les messages, qui auraient dû rester relativement confinés à la section dédiée aux « réponses », se trouvent alors placés au premier plan. Cette visibilité soudaine a vraisemblablement conduit des internautes à supprimer leur message initial. Si cette tactique peut avoir un effet dissuasif, son efficacité s’avère limitée. En effet, certains internautes, dont les tweets offensants ont été mis en visibilité, en profitent pour surenchérir, comme le montre l’échange suivant :

Figure 5. La stratégie consistant à « mettre en visibilité » les attaques subies ne se révèle pas totalement efficace. Tweets collectés le 14 février 2018

Des stratégies discursives insidieuses caractéristiques d’un argumentaire post-féministe

A côté des insultes et des menaces rédigées sous la forme de messages courts qui sonnent comme des sentences, notre corpus se compose d’un ensemble de commentaires dépréciateurs plus élaborés qui nous semblent particulièrement éclairants pour mieux comprendre les idéologies, en lien avec les identités et les rapports sociaux de genre, façonnées et véhiculées dans l’espace public numérique. Les arguments contenus dans ces commentaires ont été analysés et regroupés dans plusieurs thèmes, associés à des stratégies discursives, présentées ci-dessous.

Distorsion du réel et diabolisation de l’initiatrice de la pétition

De nombreux commentaires relevant d’un champ lexical qui pourrait être associé aux régimes totalitaires participent à un processus de distorsion (Descarries, 2005) et d’inversion de la perspective (Blais, 2012 ; Kunert, 2017). Ainsi, plusieurs internautes utilisent l’expression « féminazi » pour disqualifier Céline S. Néologisme inventé aux États-Unis par l’animateur de radio conservateur Rush Limbaugh (Dupuis-Déri, 2018), l’expression « féminazi »[3] fait partie du répertoire idéologique post-féministe, et vise à discréditer les féministes et leur combat en les assimilant à des formes de militantisme extrême (Olivesi, 2017).

Ce terme stigmatisant s’inscrit, plus globalement, dans l’ensemble des critiques et des croyances, véhiculées dans les médias grand-public, qui délégitiment, dans le contexte des sociétés occidentales, les mouvements de gauche, postcoloniaux, queer, etc. en les dépeignant comme des mouvements radicaux et potentiellement violents (Koulouris, 2018). Cette accusation « d’extrémisme » est perceptible dans les commentaires des internautes qui privilégient une interprétation de la pétition en termes d’antagonismes et de « guerre des sexes » (Descarries, 2005). Ces internautes reprochent à Céline S. de « s’insurger contre tout », de « s’acharner contre Orelsan » et de mener une « guerre contre les hommes ». Céline S. apparaît dans ces commentaires comme une personne « haineuse » qui « se réjouit du mal causé aux autres êtres humains. » On lui reproche le fait que son « mépris » et sa « haine » « décrédibilisent les vraies féministes. »

La « radicalité » reprochée à Céline S. se traduit également par un ensemble de Tweets qui présente la pétition comme une « tentative de censure ». Ainsi, Céline S. se voit qualifiée de « dictateur de la bonne conscience ». On lui reproche également d’être « la première à prôner la liberté d’expression mais aussi à tabasser à coups de pelle et à casser les rappeurs. » Enfin, un internaute interpelle Céline S. en ces termes : « Tout le monde doit être de votre avis sous peine d’être à l’échafaud ? Ce n’est pas un peu nazi ? » Le registre du totalitarisme (féminazi, censure, dictature, Corée du nord, régime de Vichy, etc.) et la référence à d’éventuelles formes de violence physique (tabasser à coups de pelle, faire monter sur l’échafaud, etc.) figent Céline S. dans un rôle de « bourreau » et ont pour effet de présenter la violence des réactions des internautes comme de la « légitime défense ».

La représentation caricaturale et diabolisée de l’auteure de la pétition s’accompagne d’un procédé de minimisation de la portée de sa démarche militante.

Banalisation de la violence misogyne et relativisation de la pertinence de la démarche militante

Notre corpus se compose d’un ensemble de commentaires qui relativise la pertinence du débat suscité par la pétition en présentant la polémique sur les textes d’Orelsan comme relevant du passé. Plusieurs internautes incitent Céline S. à « tourner la page » et à « passer à autre chose. » L’analyse fait également émerger un ensemble d’attaques ad hominem qui délégitime l’initiative de Céline S. en la dépeignant comme « vieille », « dépassée » et « bloquée dans le passé ». Les internautes présentent également les textes d’Orelsan comme des « erreurs de jeunesse » et invitent l’initiatrice de la pétition à faire preuve d’indulgence : « C’est tellement bas de faire référence à des titres d’il y a 10 ans (…) Quel rappeur n’a pas essayé de « faire le buzz » de cette sorte ? » Les internautes relativisent également la pertinence du débat suscité par Céline S. en invoquant des principes éthiques généraux, qui paraissent extérieurs au contexte de la pétition, comme le pardon qui doit être accordé tant à ses propres erreurs qu’à celles d’autrui : « Faut passer à autre chose, il n’a tué personne…Que celui qui n’a jamais dit de connerie lui jette la première pierre ! »

Par ailleurs, de nombreux d’internautes estiment que l’objet de la pétition — la violence misogyne exprimée au travers des anciens textes du rappeur — ne représente, selon leurs termes, « pas une vraie cause ». Ainsi, un internaute déclare « honte aux personnes qui cherchent à créer des problèmes où ils n’existent pas ! » Il est également reproché à Céline S. de « pleurer pour rien » et de « brasser du vent ».

La réaction genrée soulevée dans la pétition s’en trouve ainsi banalisée. En témoignent les nombreux tweets qui présentent la pétition comme étant « superficielle » en comparaison avec, par exemple, l’urgence des « inégalités salariales » et des viols non reconnus par la justice. Cette « adhésion de façade » à ce qui est qualifié de « vraies causes », permet (Guionnet, 2017) de dénigrer des revendications jugées « insignifiantes » et de renforcer les croyances selon lesquelles les féministes auraient tendance à « en faire trop » (Aronson, 2015) et à n’entreprendre que des « combats futiles » (Michaud, 2019).

Le discours des internautes traduit une opposition à une vision constructiviste du genre (Olivesi, 2017) selon laquelle les rapports de genre seraient façonnés, en partie, par les représentations et les normes de genre véhiculées dans les productions médiatiques (Coulomb-Gully, 2011). L’argumentaire développé dans ces tweets occulte également les processus psychosociaux, identifiés depuis un certain nombre d’années dans la littérature scientifique, en raison desquels des formes apparemment anodines de sexisme font le lit de phénomènes d’oppression plus graves comme le harcèlement sexuel et la violence conjugale (Hirigoyen, 2005).

Les internautes procèdent à une banalisation des violences de genre pointées dans la pétition en mettant l’accent sur le fait que « certains artistes font pire ». Ainsi, un internaute interpelle Céline S. avec la question suivante : « Vous voulez que l’on parle des textes de Georges Brassens ou cela vous fait peur d’engager le débat ? » D’autres internautes estiment que, si ni Roman Polanski ni Woody Allen ne sont sanctionnés pour les accusations qui les touchent, alors il n’y a aucune raison qu’Orelsan fasse l’objet d’un traitement plus sévère.

Dans la même veine, plusieurs internautes reprochent à Céline S. sa méconnaissance des codes du rap. Un internaute estime ainsi que « c’est complétement débile, tous les rappeurs disent des phrases comme celles-là. C’est le RAP. C’est juste que vous n’aimez pas… » Un internaute considère que les textes d’Orelsan représentent « une forme artistique comme une autre » et méritent, par conséquent, du respect et de la tolérance. Ces commentaires traduisent une conception apolitique et « universaliste » de l’art qui ne serait pas genré (Sellier, 2009). Les tweets précités peuvent également être interprétés comme une forme de mauvaise foi (Bertini, 2016) qui opposerait « l’intérêt collectif », symbolisé ici par la « liberté » d’écouter la musique de son choix, à la « censure » exercée de manière indue par les féministes.

Cette conception apolitique de « l’art » permet à plusieurs internautes de défendre l’idée selon laquelle les anciens textes d’Orelsan (« Saint Valentin » et « sale pute ») ne devraient pas être pris au premier degré, car leur auteur ne ferait « que mettre en scène des personnages ». Partant de ce postulat, plusieurs internautes blâment Céline S. pour son « étroitesse d’esprit » et son manque de recul critique : « Il faut vraiment être débile pour ne pas voir qu’il y a une autre lecture possible…comment peut-on être aussi fragile d’esprit ? » Ici encore, ces commentaires peuvent être analysés au regard des critiques post-féministes selon lesquelles les féministes seraient incapables de comprendre l’humour et le second degré, ce qui expliquerait leur attitude « rabat-joie » et leur colère stérile (McRobbie, 2009).

Ces tweets, qui s’inscrivent dans une stratégie de banalisation, opèrent un « retournement du réel » (Devreux et Lamoureux, 2012). En effet, ils construisent une « conception de la réalité » au sein de laquelle Orelsan est présenté comme un « artiste qui se donne du mal pour sa communauté » et qui incarne des personnages afin de « condamner fermement les violences faites aux femmes ».  A l’opposé, Céline S. apparaît comme une provocatrice « remplie d’animosité » et une « persécutrice » contre laquelle les internautes appellent à « se défendre ».

Psychologisation des motivations de l’auteure de la pétition

Notre corpus fait émerger une dernière stratégie discursive que nous qualifions « d’individualisation ». En effet, à la tentative de « politisation » du problème des violences de genre dans le rap entreprise par Céline S. au travers de sa pétition, les internautes opposent une stratégie de « psychologisation » de la démarche militante.

Plusieurs internautes estiment que Céline S. a lancé sa pétition afin de vivre un « instant de gloire ». Cette dernière ne chercherait pas à mettre en lumière des enjeux sociaux liés aux représentations dévalorisantes des identités et rapports de genre dans certains domaines de la culture populaire, mais uniquement à « faire sa maligne » et à obtenir « un peu de reconnaissance ». Elle est décrite comme « une petite femme paumée qui cherche à se rendre intéressante ». Les internautes assimilent également sa pétition à un « bad buzz » et lui ordonnent de cesser de se « faire de la pub ».

Dans une veine similaire, plusieurs internautes mobilisent une rhétorique post-féministe pour dépeindre Céline S. comme une femme « aigrie », « frustrée (sexuellement) », « mal baisée », « obsolète » et « jalouse » du succès d’Orelsan. Ce portrait caricatural de femme seule, acariâtre et revancharde contribue à occulter la dimension politique de la démarche de Céline S. Ces représentations dévalorisantes renforcent le poncif selon lequel « la militance féministe est une revanche sur des évènements personnels malheureux » (Descarries, 2005, p.143).

Des stratégies discursives favorisées par la force des images

Les stratégies discursives que nous venons de détailler, et qui relèvent du répertoire idéologique du post-féminisme, sont étayées par le recours aux images. Dans la lignée des travaux qui ont documenté les relations d’influence mutuelle entre les images et l’écrit (Barthes, 1964), des éléments visuels sont mobilisés par les internautes afin d’illustrer leurs émotions. A titre d’exemple, un internaute, visiblement affligé par la réaction de Céline S. à l’égard des chansons d’Orelsan, utilise une image issue d’un dessin animé pour exprimer sa consternation :

Figure 6. Le recours à l’image pour illustrer une émotion. Tweet collecté le 13 février 2018.

Comme l’a souligné Virginie Julliard dans le cadre de son analyse de la polémique sur la « théorie du genre » sur Twitter, le recours aux images tend à se substituer à une argumentation développée. En effet, la puissance évocatrice des caricatures, des dessins et des photos s’avère particulièrement percutante. Dans notre exemple, l’image a une fonction « d’ancrage » (Barthes, Ibid.), elle précise le sens véhiculé par le tweet en exacerbant l’émotion exprimée par son auteur. Ce procédé de communication suscite des effets collectifs. Il peut s’avérer fédérateur et rassembler les internautes qui s’identifient aux émotions ainsi mises en évidence.

Par ailleurs, comme l’atteste l’exemple suivant, des internautes recourent aux images pour exprimer leur soutien à certains répertoires idéologiques et à certains arguments auxquels ils adhèrent :

Figure 7. Les images peuvent être utilisées pour afficher son soutien. Tweets collectés le 13 février 2018

Cette photo d’un homme ayant les pouces levés, en signe d’approbation, peut être vécue comme « motivante » et susciter des phénomènes d’émulation. La façon d’afficher son soutien contribue, également, à légitimer certaines positions idéologiques. Ainsi celles et ceux qui partagent la croyance selon laquelle il y aurait de « vrais combats féministes » qui se distingueraient des luttes « futiles » peuvent se sentir davantage « légitimes » et autorisés à exprimer leur opinion. Enfin, ce procédé qui repose sur des ressorts émotionnels encourage la surenchère.

Conclusion

L’analyse du cas des prises de parole sur Twitter, en réaction à la pétition lancée par Céline S., a permis d’identifier un ensemble de procédés visant à discréditer tant les réactions présentes dans la pétition que la démarche militante de son auteure. Dans la continuité des travaux francophones et anglophones récents sur les violences de genre en ligne, l’analyse illustre la tendance à recourir à des qualificatifs insultants et à un continuum de propos menaçants afin de marginaliser les femmes dans l’espace public numérique. La proportion importante, dans notre corpus, d’insultes ad hominem liées au « stigmate de la putain », qui disqualifient la dimension politique de la pétition en figeant son initiatrice dans une identité dévalorisante, réduite à une sexualité honteuse, induit un rapprochement avec les travaux scientifiques sur le harcèlement de rue (Lieber, 2008 ; Lebugle Mojdehi, 2018).

Toutefois, à la différence des insultes sexistes qui surviennent en milieu urbain, les expressions « sale pute », « grosse pute », récurrentes dans le corpus, tiennent leur pouvoir de blessure de l’effet de réplique. Dans la lignée des travaux qui ont documenté les phénomènes « d’écho » et de contagion émotionnelle à l’œuvre lors des échanges sur les réseaux socionumériques, nous avons souligné la manière dont les spécificités techno-discursives de Twitter (culture du Lol, mise en visibilité de l’audience, recours aux ressources typographiques « expressives » et aux images, etc.) favorisent des formes multiples de connivence, voire de complicité dans la profération des insultes, des invectives et des menaces.

Si les internautes recourent amplement à un procédé d’intimidation fondé sur des qualificatifs insultants et menaçants, l’analyse qualitative des tweets fait également émerger des stratégies plus pernicieuses de distorsion, de diabolisation, de banalisation et de psychologisation que nous avons associées à une rhétorique post-féministe (Dupuis-Déri, 2015). La récurrence de stigmates et de poncifs dépréciateurs qui semblent relever de l’évidence ou d’un « sens commun » partagé, peut être appréhendée comme le signe d’un processus d’appropriation (Jacquemart et Albenga, 2015) des discours post-féministes par des internautes ordinaires (Guionnet, 2017) qui contribuent, sans recul critique, à leur diffusion dans l’espace public numérique. Cette hypothèse mériterait d’être testée sur des corpus plus amples.

La manière dont les stratégies discursives précitées conduisent à un « retournement du réel » (Devreux et Lamoureux, 2012) et à une « inversion de la culpabilité » (Blais, 2012), représente l’un des enseignements notables de cette étude de cas. Les prises de parole des internautes figent Céline S. dans un rôle de « dictateur » et de « bourreau ». Si sa démarche militante est comparée au nazisme (« féminazi »), Orelsan est présenté comme une « victime » persécutée injustement. Il est intéressant d’analyser les effets pragmatiques de ces procédés. Dans le cadre de son analyse des discours discriminatoires ciblant les homosexuels et les migrants, Fabienne Baider (2019) précise que pour légitimer la violence verbale et physique, il faut « présenter l’autre comme une menace » et un « danger ». Dans cette perspective, façonner une figure-repoussoir de « femme diabolique » (Descarries, 2005) permet aux auteurs des tweets de notre corpus de présenter la brutalité de leurs propos comme de la « légitime défense » et de la justifier.

Notre étude s’inscrit dans la continuité des travaux qui analysent les discours de haine en ligne (Badouard, 2017 ; Gimenez et Voirol, 2017 ; Smyrnaios et Marty, 2017) et met en lumière la complexité de ces phénomènes. En effet, il apparaît vain d’inciter les internautes de notre corpus à faire preuve de davantage de civilité et de respect dans leurs prises de parole, dans la mesure où c’est justement au nom d’un ensemble de principes éthiques dévoyés (pardonner les erreurs du passé, faire preuve d’ouverture d’esprit face à l’art, respecter la liberté d’expression de chacun, etc.) que ces internautes justifient leur propre violence verbale.

Les mécanismes consistant à construire, dans les discours, une vision du monde caractérisée par une inversion des figures de « bourreau » et de « victime » afin d’ériger la violence verbale et symbolique de certains groupes en « légitime défense », ont été identifiés dans le cadre de l’étude des idéologies de l’alt-right aux États-Unis (Heikkilä, 2017) et de l’extrême droite en Europe (Baider, 2019). Un certain nombre de travaux anglophones récents suggèrent l’existence de liens entre les manifestations de cyber misogynie, le répertoire d’actions et les discours d’une nébuleuse de militants qui se revendiquent du spectre de l’alt-right (Massanari, 2017 ; Koulouris, 2018). Dans la littérature francophone, des travaux ont démontré que les polémiques liées au « genre » permettaient d’agréger et de fédérer des formations politiques éparses, qui sont associées à des idéologies radicales, mobilisées autour de la défense de la « différence des sexes » (Julliard, 2018).

Enfin, nous avons identifié dans cette étude plusieurs mécanismes collectifs qui favorisent des tactiques d’intimidation de groupe et promeuvent l’expression de certains répertoires idéologiques. Ces résultats nécessitent néanmoins d’être analysés à l’aune des limites du cadre méthodologique qualitatif et de la taille modeste du corpus. Ces observations, qui ne pourraient être assimilées à des résultats généralisables, méritent d’être rappelées : la mise en visibilité des messages offensants, en réponse aux tweets publiés par Céline S. peut avoir un effet déculpabilisant et légitimer les prises de parole inciviles. De plus, la culture du Lol et l’effet galvanisant de l’humour s’avèrent fédérateurs et favorisent la surenchère de commentaires dépréciateurs. Enfin, le recours à la puissance des images pour exprimer son émotion et afficher son soutien à des répertoires idéologiques particuliers contribue à une escalade du lynchage.

Ces observations, qui se révèlent cohérentes avec des travaux en SIC évoqués dans la revue de la littérature, permettent d’affiner la compréhension des mécanismes groupaux associés aux cyber violences de genre. L’analyse des ressorts interactionnels et relationnels de tels phénomènes mériterait d’être approfondie dans des recherches futures. Nous pourrions par exemple nous interroger sur les liens entre les différents comptes Twitter impliqués dans le lynchage. L’audience potentiellement large de certains internautes peut fonctionner comme une « caisse de résonance » et « mettre en mouvement » de nombreux soutiens qui participeraient alors au lynchage. Notre design méthodologique qualitatif ne nous permet pas de répondre à cette question. En outre, il serait intéressant d’étudier les mécanismes d’influence mutuelle entre les comptes de certains internautes et des sites ou forums dédiés à une mouvance politique spécifique. De telles analyses pourraient être menées à l’avenir en utilisant des outils et des méthodes quantitatives d’analyse du web qui ont été détaillées dans certains travaux (Smyrnaios et Ratinaud, 2013). Il s’agit de perspectives de recherche prometteuses pour mieux saisir les phénomènes communicationnels associés à la cyber misogynie et aux discours post-féministes en ligne.

Notes

[1] https://www.liberation.fr/checknews/2018/02/18/qui-est-celine-steinlaender-celle-qui-a-lance-la-petition-contre-orelsan_1653199

[2] Tous les Tweets évoqués dans cet article ont été anonymés. Ils ont été collectés directement sur le compte Twitter de Céline S. (au moment de la collecte, son pseudonyme est « MinaAntico ») : https://twitter.com/minaantico?lang=fr

[3] Comme le souligne Francis Dupuis-Deri (2018), l’expression « féminazi » constitue un double oxymore, dans la mesure où les nazis étaient loin d’être féministes d’une part et, d’autre part, le féminisme en tant que mouvement n’a jamais débouché sur le génocide perpétré par le régime nazi.

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Auteurs

Delphine Dupré

.: Delphine Dupré est docteure en Sciences de l’Information et de la Communication et ATER à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Elle est chercheuse associée à l’axe Genre du Lerass et au laboratoire MICA (EA 4426) de l’université Bordeaux Montaigne. Ses intérêts de recherche portent sur le genre, les usages du numérique et la communication des organisations.
delphine.dupre@u-bordeaux-montaigne.fr

Gino Gramaccia

.: Gino Gramaccia est Professeur émérite à l’Université de Bordeaux. Il est également Co-directeur éditorial de la Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication et Président d’honneur de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication. Ses recherches portent sur l’accompagnement
communicationnel et social pour l’insertion professionnelle.
ginogramaccia@orange.fr