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De la maîtrise des TIC dans l’enseignement

30 Déc, 2013

Résumé

La maîtrise des TIC nécessite de comprendre que chaque objet logiciel, matériel, méta-medium se fonde sur un design, à savoir un dessin ou une configuration spécifique de l’expérience d’information et de communication des textes mais aussi un dessein ou un objectif et une finalité.
Amener l’élève à une compréhension des TIC pour faire émerger des usages maîtrisés, c’est-à-dire critiques, c’est l’amener à penser les TIC en pleine complémentarité avec les supports traditionnels et pas à la place de ces derniers, chacun pouvant apporter sa spécificité quant à l’information et à la communication des textes.
L’analyse d’un projet pédagogique de création de livre versions numérique et papier démontre finalement l’intérêt de penser les usages des TIC à l’école eux aussi en termes de design.

Mots clés

Design ; école numérique ; TIC ; usages ; support numérique

In English

Abstract

In order to master ICT, one must understand each piece of software, equipment, meta-medium is based on a design, i.e. a drawing or a specific configuration in terms of experience with regards to information and the communication of texts, but also on an intention or an objective, and an end.
Helping students to understand ICT in order to bring about controlled use, i.e. critical use, is to help them to think ICT as being complementary to traditional material and not in the place of the latter: each material may bring its own specificity when it comes to information and the communication of texts.
The analysis of a pedagogical project for the creation of digital and paper books eventually demonstrates the importance of considering the uses of ICT at school, also in terms of design.

Keywords

Design, digital school, ICT, use, digital material

En Español

Resumen

El dominio de los TIC necesita entender que cada objeto del programa, cada objeto material, meta-medio se funda en un diseño, a saber un dibujo o una configuración específica a la experiencia de in-formación y de comunicación de los textos, pero también un propósito o un objetivo y una finalidad.
Llevar al alumno a una comprensión de los TIC para que surjan usos dominados, es decir críticos, es llevarle a pensar que los TIC, en plena complementaridad con los soportes tradicionales y no en lugar de éstos últimos, pudiendo cada uno dar su especifidad en cuanto a la in-formación y a la comunicación de los textos.
El análisis de un proyecto pedagógico de creación de libros versiones digital y papel demuestra al final el interés de pensar los usos de los TIC en la escuela, ellos también en términos de diseño.

Palabras clave

Diseño ; escuela digital ; TIC ; usos ; soporte digital

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Pignier Nicole, « De la maîtrise des TIC dans l’enseignement », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°14/3B, , p.7 à 19, consulté le jeudi 21 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2013/supplement-b/01-de-la-maitrise-des-tic-dans-lenseignement/

Introduction

Depuis le premier véritable plan en France « Informatique pour tous » mis en place par le gouvernement en 1985 afin d’étendre les usages de l’informatique dans les écoles jusqu’aux volontés actuelles  d’une « e-éducation », les travaux scientifiques relatifs à l’informatique à l’école puis à  l’ « école numérique » et à l’ « e-enseignement » se fonderaient, selon Pierre Moeglin, sur les mêmes orientations axiologiques. D’un côté, explique ce dernier, il y a ceux qui adoptent un regard critique sur l’école en préconisant les usages des technologies informatiques, numériques pour renouveler le système éducatif et améliorer les pédagogies, de l’autre, il y a et ceux qui retournent les arguments des premiers dans l’objectif de critiquer « les outils et les médias » (Moeglin, 2010 : 45). Les discours que tiennent les partisans de l’informatique pédagogique dès les années 1980 et que l’ouvrage de Jacqueline et Christian Pillot intitulé L’ordinateur à l’école maternelle (Pillot, 1984) résume clairement se fondent sur cinq thèses principales :
– La marche irréversible du progrès technologique que l’école ne peut ignorer ;
– Le décalage entre des enseignants qui ont des représentations dépassées des enfants et par conséquent une incapacité de l’école à comprendre les attentes et les besoins des élèves qui chez eux, sont habitués aux écrans, aux jeux électroniques stimulants ;
– Les capacités des ordinateurs à favoriser l’attention, le goût de l’effort, la rigueur, l’intelligence ;
– La nécessité d’apprendre aux enfants, dès la maternelle, à se servir d’ordinateurs pour parvenir à une certaine maîtrise ;
– La capacité de l’informatique, alors même qu’Internet n’est pas arrivé dans les foyers ni dans les institutions, à ouvrir les classes quand les enfants sont amenés à expliquer, de classe en classe, le fonctionnement des ordinateurs.

Aujourd’hui, chacune de ces thèses se retrouve dans nombre de travaux scientifiques sur l’usage des technologies numériques d’information-communication (TIC) à l’école et des technologies d’information-communication pour l’Enseignement – TICE-. Les auteurs de L’école au défi du numérique ouvrent d’ailleurs leur livre ainsi : « Les acteurs de l’éducation les plus avancés ont, pour leur part, considéré très rapidement que les technologies de réseau avaient vocation à transformer l’accès aux connaissances » (Granier et Labrégère 2012 : 11). Le ton est donné répondant positivement à la question de la capacité des TICE à donner à l’école « les voies et les moyens d’une légitimité refondée (Granier et Labrégère 2012 : 57) ». Les travaux de Serge Tisseron, très médiatisés, reprennent également l’ensemble de ces thèses avec l’accent mis sur le plaisir d’apprendre à l’école et à la maison par les TIC, avec les TIC. Selon le psychiatre, (Tisseron, 2012) les technologies numériques fondées sur l’interactivité permettent à l’enfant de renouer avec les relations enfant/maman, cette « dyade » fondée sur le plaisir de l’échange : « Plaisirs d’échanger, de se regarder, de se sourire, d’interagir de la voix et du geste et de voir ses propositions relayées, amplifiées et transformées par l’autre ». En outre, « un écran ne juge pas et ne condamne pas », ce qui renforce « la confiance en soi des utilisateurs ».

Inversement, d’autres scientifiques s’appliquent à critiquer les technologies et médias numériques en tout ou partie.  Ainsi, Michel Desmurget, chercheur en neurosciences cognitives a-t-il intitulé un de ses articles « Médias modernes et passivité attentionnelle » (Desmurget, 2011) dans lequel il précise que les ordinateurs ainsi que la télévision favorisent la diffusion rapide d’informations et  habituent le cerveau à être stimulé de l’extérieur.  Dès lors, selon le neurophysiologiste, l’individu perd sa capacité à fixer son attention de façon autonome.  Début 2013, Michel Desmurget, Laurent Bègue, professeur de psychologie sociale, Bruno Harlé, pédopsychiatre, Sophie Jehel, chercheur en Sciences de l’information et de la communication ont d’ailleurs réagi vivement à la suite de la publication du rapport de l’Académie des sciences le 17 janvier 2013 intitulé « L’enfant et les écrans », dénonçant les non-dits sur « les études scientifiques et institutionnelles comme celles du Programme For International Student Assessment (PISA), qui lient causalement la « consommation numérique », interactive ou non, des enfants et adolescents avec l’existence de troubles de l’attention et de difficultés scolaires ».

Ces prises de position en faveur ou en défaveur des supports numériques dans le cadre de l’enseignement et plus globalement de l’éducation renforcent les techno-discours, à savoir les « ensembles langagiers » qui, à des niveaux culturels et idéologiques très divers, viennent activer la puissance de la technique, en célébrant ses vertus et presque son culte  (Robert, 2009 : 131). Cependant, d’après nous, une troisième voie s’est réellement constituée en France notamment à partir de travaux critiques sur les TICE et leurs usages tels ceux du chercheur en sciences de l’éducation André Tricot, sur les usages  des TIC à l’école tels ceux du philosophe Bernard Stiegler ou sur les deux à la fois telles les contributions du chercheur en sciences de l’information et de la communication Jean-François Cerisier.

L’ouvrage collectif de Philippe Mérieu, Bernard Stiegler, Denis Kambouchner (2010) désigne l’intérêt pédagogique qu’il y a à amener l’élève vers une compréhension des origines des supports numériques et des supports traditionnels. Cela pour  appréhender leur place  dans l’évolution des disciplines et plus globalement de l’écriture. Explicitement, au-delà des objectifs pédagogiques, c’est une finalité c’est-à-dire une perception du mieux-être individuel et collectif que les auteurs  attribuent à l’école ; il s’agit de « dé-prolétariser le savoir », selon les mots de Bernard Stiegler. Cela, en proposant aux élèves une « culture lettrée » (Meirieu, 2012 : 62), qui prend en compte l’histoire des supports, qui ne dévalorise pas les supports traditionnels par rapport aux supports numériques. Acquérir une intelligence médiatique, c’est comprendre d’où viennent les supports, quel est leur effet sur l’évolution des savoirs, construire leurs usages de façon réfléchie et avec la distance nécessaire par rapport aux effets de mode impulsés par le marketing. Toutefois, ces contributions ne définissent pas précisément les objets d’analyse possibles ; s’agit-il d’amener les élèves à interroger la finalité des technologies, des objets logiciels et matériels, des sites, des applications et réseaux sociaux ? Elles ne proposent pas non plus d’analyses précises de mises en situation pédagogique.

Les travaux de Jean-François Cerisier montrent également l’importance de dépasser un positionnement idéologique pour questionner l’intérêt des usages des TICE/TIC dans le cadre de l’éducation aux médias comme dans le cadre de l’éducation par les médias. Pour le chercheur, il s’agit d’amener les enfants à une réflexion sur les objectifs des usages des TIC dans le cadre de l’enseignement, usages qui seront différents de ceux libres et personnels hors des situations pédagogiques :
« L’École doit s’emparer des technologies au service d’objectifs qui lui sont propres. Ils appartiennent à deux catégories bien connues : éducation aux médias et éducation avec les médias. En ce sens, la présence des technologies numériques à l’École peut s’expliquer par un principe d’utilité et il est possible d’évaluer leur efficacité à l’aune des objectifs visés » (Cerisier, 2012). Cependant, l’approche privilégie la question de l’utilité à celle de la finalité.

L’article que nous proposons ici, inscrit dans une approche critique des TIC à l’école, questionne non seulement les objectifs mais aussi la finalité des TIC, de leurs usages dans l’enseignement à partir de la complexité des strates interreliées des technologies aux usages. Notre méthodologie se fonde sur  une analyse sémiotique  du terme de maîtrise des TIC que nous envisageons comme concept scientifique. Que signifie « maîtriser » les supports numériques d’information et de communication ? Pour donner des pistes de réponses, dans un premier temps, nous rappellerons les discussions que suscite le terme de « digital natives » eu égard à la maîtrise des TIC dès le plus jeune âge. Dans un second temps, nous proposerons une conception précise de la maîtrise des TIC fondée sur une compréhension de leur design. Comment l’élève peut-il appréhender la complexité que recouvre l’expression « technologies de l’information et de la communication ? Dans une troisième partie, un retour concret sur une expérience pédagogique de création d’un livre numérique que nous avons suivie mettra en évidence les enjeux de sens que pose l’usage d’un simple logiciel de création de livre numérique.

Le terme de « digital natives » a-t-il du sens ?

De la presse généraliste et spécialisée aux publications scientifiques, la dénomination « digital natives » (que l’on peut traduire par « natifs numériques ») initiée par le designer de serious game Marc Prenzky (2001) apparaît de manière récurrente. Elle défend la thèse que les enfants, dès le plus jeune âge utilisent avec naturel les supports numériques étant tombés dedans quand ils étaient petits comme le célèbre héros Obélix dans la potion magique. Cette thèse est largement reprise encore aujourd’hui même si certains chercheurs la contestent. Les auteurs de L’école au défi du numérique assertent : « Pour les jeunes, la caractéristique majeure est que le numérique, par les usages soutenus qu’ils en font et l’investissement affectif et temporel qu’ils lui consacrent, fait pleinement partie de leur quotidien (Granier et Labrégère, 2012 : 103) ». De la même manière dans la revue Le Débat, le journaliste Pierre Assouline défend l’idée que les usages des TIC sont « naturels » chez les enfants (Assouline, 2011 : 78-79).

Or, cette hypothèse part du principe que les jeunes représentent une catégorie sociale bien déterminée, ce que conteste à juste titre Jean-François Cerisier (2012). En outre, elle défend l’idée que les usages sont développés de façon massive chez les jeunes sans exception, ce qui reste très caricatural et excessif car on exclut les familles qui, pour diverses raisons délibérées ou non, restent très faiblement utilisatrices des supports numériques. Un numéro de la revue Question de communication a été justement consacré aux non-usagers des TIC (déc. 2010). Les enquêtes menées en France principalement mais aussi en Grèce et dans d’autres pays européens reconnaissent la présence des non-usagers des TIC -Internet y compris- et surtout mettent en lumière la complexité de motifs et de sens des non-usages. En effet, selon Sally Wyatt, « plusieurs catégories de non-usage sont à différencier. […] Une différence existe entre « comportement d’évitement passif et résistance active » (Wyatt, 2010 : 24). Parmi les différentes catégories de non-usagers que relève l’auteur (les « résistants », les « abandonnistes », les « exclus » et les « expulsés »), on retiendra le sens qui motive les deux premières : selon Sally Waytt, « les résistants et les « abandonnistes » sont plus importants par le défi qu’ils lancent à l’impératif technologique […], voire à l’impératif numérique et à l’idée qu’il existerait une seule logique […] numérique pour tous les individus, les organisations et les pays. [ … Ils] témoignent aussi du fait que, dans certains cas, l’exclusion numérique ne signifie pas toujours exclusion sociale (Wyatt, 2010 : 25).

Par ailleurs, tous les usagers des TIC ne le sont pas de la même façon ni avec le même degré d’efficacité en termes de construction du savoir et ce, à n’importe quel âge de la vie. La diversité des styles d’usages et des compétences mobilisées chez les générations montantes a été démontrée dans un article du British Journal of Educational Technology (Sue Bennett, Karl Maton and Lisa Kervin, 2008 : 775-786)   : « Cependant que la technologie a pénétré nos vies, les usages que les jeunes en font et leurs habitudes ne sont pas uniformes […]. Nous vivons dans un monde intensément technologique mais qui est concevable plus comme le résultat d’une évolution  que d’une révolution. Les jeunes font peut-être des choses différemment mais il n’y a aucune raison de les considérer différents de nous » (traduction par nos soins).

Cette étude invite à prendre en compte la diversité des postures actuelles et des compétences qui fondent les usages des TIC par les jeunes générations.  A partir de ce constat, un enjeu pédagogique émerge ; les élèves et les étudiants usagers des TIC, quelle que soit leur dextérité à  faire fonctionner les machines, logiciels et applications doivent acquérir, via leurs enseignants, de réelles compétences pour faire des « outils numériques » des moyens constructifs d’apprentissage, parmi les autres moyens. La maîtrise fonctionnelle ne suffit pas pour générer une maîtrise en termes de construction de savoirs.

C’est d’ailleurs un enjeu que précise clairement Catherine Becchetti-Bizot, de l’inspection  générale :
« La généralisation des supports numériques, mais surtout la consultation sur la toile, impliquent que les élèves soient formés à des compétences spécifiques sans lesquelles le risque serait grand d’une nouvelle forme d’  « illetrisme » se définissant non plus comme l’incapacité à lire et à écrire, mais comme l’ignorance des règles et des codes qui permettent d’avoir un usage autonome et responsable des outils. On sait désormais que ce que l’on appelle la « fracture numérique » est, en réalité, une « fracture culturelle » ou « intellectuelle » : là où l’écart se creuse entre des élèves dits défavorisés et les autres, c’est au niveau de l’intelligence [des usages] de l’outil et non des conditions matérielles d’accès à cet outil ». (Becchetti-Bizot, 2012 : 46).

Jean-François Cerisier fait le même constat :
« Dans tous les cas, il lui faudra [à l’élève] non seulement disposer des équipements mais aussi des compétences requises pour les mettre en œuvre ».
Les usages des TIC, côté enseignants, ne sont pas non plus seulement une question de génération. C’est ce que montre d’ailleurs l’enquête PROFETIC (Professeurs et Technologies de l’information-communication) menée par le Ministère de l’Education Nationale (juin 2012) : si les jeunes enseignants sont plutôt davantage favorables à l’usage des TIC, les plus innovateurs en termes d’usages pédagogiques se trouvent chez … les plus de 50 ans !

Les usages pédagogiques des TIC nécessitent donc une maîtrise et un apprentissage spécifiques fondés certes sur des objectifs en termes d’appropriation de savoirs mais au-delà sur une finalité qui consiste à amener les élèves, les étudiants à adopter un regard critique, tant du point de vue technique qu’intellectuel, sur les supports et contenus dont ils font usage. Une maîtrise des TIC favorable à la construction de savoirs nécessite de se dégager de « l’utilitarisme immédiat » comme le dit Philippe Mérieu (2012), tant en éducation aux médias qu’en éducation par les médias pour ne plus « court-circuiter la construction du savoir » (Stiegler ; 2012).

Quelle compréhension des TIC ?

L’acronyme TIC recouvre tout à la fois et sans discernement aucun :
– les technologies numériques qui comprennent les langages informatiques bâtis à partir des algorithmes et du langage binaire issus de la pensée mathématique, les réseaux informatiques, les circuits intégrés issus de l’électronique ;
– les objets matériels comme le tableau blanc interactif, la tablette, …, logiciels ou didacticiels ;
– les « méta-mediums » à savoir des agrégats d’une part de transposition de mediums traditionnels plus ou moins hybridés comme le livre, la radio, la vidéo, la photographie, le courrier et d’autre part de mediums natifs des technologies numériques comme le podcast, le wiki. Les méta-mediums sont les portails, les plateformes d’apprentissage en ligne, les espaces numériques de travail, les sites web, les blogs, les applications, les réseaux sociaux.

Nous l’avons montré par ailleurs (Pignier, 2013), ces strates sont en interrelation permanente les unes avec les autres. On le sait, si les technologies offrent des potentiels, les usages qui en sont faits leur permettent de se réinventer et d’évoluer sans cesse, offrant alors des nouveaux usages. Ainsi les multiplications de sites web, de plateformes de partage vidéo par exemple ont participé au passage des connexions réseaux en « bas débit » à des connexions en «  haut débit » puis au « très haut débit ». Pour autant, les technologies préfigurent des expériences d’information et de communication spécifiques tandis que le design des objets matériels, logiciels et des méta-mediums vient configurer les expériences énonciatives, informationnelles, communicationnelles.

Les technologies numériques préfigurent c’est-à-dire rendent possibles des expériences d’information et de communication singulières. Cela, dans la mesure où elles reposent sur une logique mathématique de calcul et de codage, étirable à souhait, ne connaissant ni début ni fin ; elles permettent de coder un système capable de générer de lui-même des objets autonomes indépendamment des actions de l’usager ; c’est la propriété de générativité ; elles permettent la réversibilité immédiate ; elles simulent toute image, toute musique, tout texte verbal en les traduisant en codes mathématiques, la simulation recrée les choses par de l’information calculée ; elles permettent, via les télé-communications, la réticularité ou mise en réseaux des objets matériels et logiciels, des méta-mediums, des informations, des usagers.

Mais pour s’informer, in-former des textes et les communiquer, il est nécessaire de passer par  des objets matériels, logiciels voire méta-mediums qui s’appuient sur les technologies numériques. Maîtriser les TIC c’est-à-dire les comprendre, cela revient d’une part à discerner les différentes strates qu’elles recouvrent pour questionner l’histoire des technologies mais aussi plus modestement et plus précisément le design des objets logiciels ainsi que des méta-mediums dont on fait usage. Comment le design des objets à disposition des élèves pour écrire un livre par exemple vient-il configurer l’expérience d’information ? Comment le design d’une application (méta-medium) sur Les Fables de La Fontaine pour tablette tactile vient-il configurer une nouvelle expérience de lecture de ce texte ré-informé et communiqué autrement que sur support papier ? Nous entendons par « design » l’association de deux entités. D’une part un ou des  dessein (s) à savoir des objectifs tels que pouvoir communiquer, s’informer et informer mais aussi des finalités à savoir des conceptions du mieux-être individuels et collectifs sur lesquels se fonde le projet de design. D’autre part, à ce(s) dessein(s) est (sont) associé(s) un ou des dessin(s) à savoir une conception de l’interface  avec des fonctionnalités, des modes d’organisation spatiale, des modèles perceptifs, des modes d’interaction gestuelle spécifiques.

En ce qui concerne le design en tant que dessein, un des exemples les plus flagrants est celui des logiciels libres. S’ils offrent chacun un dessin d’interface et un objectif plus ou moins spécifiques, ils reposent cependant sur une même finalité. Ainsi que l’explique Bernard Stiegler, on n’attire pas toujours suffisamment l’attention des élèves sur le fait que « les informaticiens « libres » qui se disent parfois des « hackers », sont des techniciens et des ingénieurs qui ont lutté contre leur « prolétarisation », selon le mot du philosophe, qui ne veulent plus être des prolétaires développant des systèmes sans comprendre comment ils fonctionnent, sans en connaître l’histoire, etc., et qui mettent toutes les sources en ligne pour que chacun puisse y avoir accès » (Stiegler, 2012 : 55). Autrement dit, le processus du faire soi-même avec les autres au cœur de l’écriture logicielle libre se fonde sur une conception du mieux-être individuel et collectif qui déconstruit les clivages entre les concepteurs et les usagers des logiciels, qui annule la valeur auctoriale mais invite chacun à comprendre le processus d’écriture. C’est une configuration participative et évolutive de la technologie, l’usager prenant aussi possiblement les rôles de concepteur ou de développeur.

A l’inverse, le dessein des écritures logicielles pour des systèmes propriétaires se fonde sur une coupure entre l’équipe de conception-développement et l’usager, celui-ci n’étant pas considéré comme compétent pour s’impliquer dans le processus d’écriture. On est dans une conception du type : « nous nous occupons de tout, ne vous posez plus de questions ». La libération de l’usager par rapport à la compréhension des systèmes numériques l’éloigne ainsi progressivement d’une maîtrise fondée sur l’intelligibilité de ces derniers.

L’enseignement critique des TIC nécessite de discerner les différentes strates des technologies à l’usage, de comprendre que derrière chaque objet logiciel, matériel, méta-medium, il y a des acteurs avec des volontés diverses en terme de design.  Il importe, pour ce faire, de questionner le processus sémantique d’hyperbolisation démesurée de la technologie qui s’exprime par la substantivation « le numérique » :
« Le mot-valise du numérique dit Alexandre Moatti en vient ainsi à être utilisé ad nauseam pour figurer l’immatériel, au détriment de l’immense base matérielle et logicielle sous-jacente comme l’indique J.-L. Charbonnier (2009), on a de la sorte « retiré de l’intelligibilité aux processus qu’on voulait désigner. »
Le fait de désigner « le numérique » comme l’actant et l’acteur principal conduit les gens à une posture d’impuissance face à ce qui est désigné inéluctable. En outre, les termes d’ « e-éducation », d’ « e-enseignement », d’ « école numérique » mettent l’école, l’éducation, sous l’unique pouvoir des technologies électroniques et numériques. Ces dernières deviennent l’actant-sujet « principal facteur d’organisation et de sens de la société », ce que dénonce Dominique Wolton avec virulence (2009 : 41) :
« Ce que je critique ici c’est l’idéologie technique, une parmi d’autres, qui consiste à attribuer un pouvoir normatif, excessif, aux techniques de communication, pour devenir le principal facteur d’organisation et de sens de la société. »

Ces choix sémantiques concentrent l’école dans un ensemble technologique duquel les techniques traditionnelles se trouvent exclues. Au même titre que les termes de « culture numérique », de « société numérique », on occulte l’avant au profit de l’après et on amène les acteurs à un rôle technique d’utilisateurs. Nous proposons bien différemment d’amener l’élève à une compréhension des TIC pour faire émerger des usages critiques, pensés dans une complémentarité avec des supports traditionnels, avec l’aptitude à ne pas faire table rase de l’héritage culturel. Cela, afin de comprendre le façonnement des pratiques et des savoirs en diachronie tant qu’en synchronie.

Designer les usages. Retour sur un projet pédagogique de création de livre numérique

Le projet pédagogique 2012-2013 de création d’un livre  en version numérique et en version papier que nous avons suivi sur un an en Haute-Vienne (87) a réuni deux établissements scolaires d’une petite ville ; Saint-Junien. Il s’agit du collège Paul Langevin et de l’école Maternelle Cachin. Le projet s’intitule « Quand la main d’élève devient main d’artiste. Petits et grands, partageons nos chimères ».

En quoi a consisté cette coopération ?

Les élèves de collège, une 5ème de section SEGPA, ont réalisé de novembre à février, en arts plastiques et avec l’aide de l’artiste Pierre Debien duquel ils avaient découvert les œuvres en septembre, plusieurs  sculptures animalières imaginaires en carton et papier- journal collé , maquettes de 30 à 40 cm préalables à des sculptures plus grandes en bois, grillage, tissu collé et résine de 2 mètres qui elles seront finalisées fin 2014. Sur ces chimères s’est fondé le processus de création narrative. Parallèlement, ces collégiens ont appris à se servir d’un logiciel libre de création de livre, Didapages, pour pouvoir, dans une phase ultérieure de productions d’écrits, encadrer les enfants de maternelle Grande Section et leur apprendre à se servir du logiciel.

Une fois les chimères réalisées (Mars), les collégiens les ont présentées à tous les enfants de maternelle qui en ont retenu trois.

A partir de là, (Mars-Avril), dans un décloisonnement entre les classes de maternelle, les enseignants ont consacré des séances hebdomadaires à l’invention de l’histoire dans l’interaction orale entre les enfants et les maîtresses avec dictée à l’adulte. Les enfants de petite section ont par la suite réalisé les illustrations avec différentes matériaux (peintures, encres, sels, …) sous le tutorat des élèves de moyenne et grande sections. Parallèlement, avec l’encadrement des élèves de Segpa, les élèves de grande section de maternelle ont tapé le texte, intégré les photographies des illustrations. Les collégiens ont choisi le son et l’ont intégré dans la version numérique du livre. Une version papier a été reliée pour passer de main en main et donner lieu à une expérience de lecture différente. Les collégiens comme les enfants de maternelle souhaitaient vivement en effet appréhender leur réalisation finalisée dans un texte-objet papier donnant alors corps à leur travail.

Les objectifs éducatifs et pédagogiques

Bien entendu, ce projet de livre numérique se fonde sur des objectifs éducatifs et pédagogiques précis, dépassant largement la maîtrise technique des supports numériques. Ainsi, pour les enseignants, principalement Sophie Lavergne, Professeur des Ecoles, directrice de l’école maternelle et les enseignantes de son équipe, Jean-Claude Muracciole, Professeur des Ecoles spécialisé, professeur de la classe de 5ème SEGPA, Vanessa Lebars Professeur Agrégée en Arts plastiques, il s’agissait selon leurs mots, de permettre, à des élèves d’âges différents de travailler ensemble au service d’un même projet. Concernant les collégiens,  il s’agissait de :
– faire preuve de soin et de persévérance pour mener un projet ambitieux jusqu’à son aboutissement ;
– redonner confiance à des élèves reconnus en grande difficulté scolaire en leur offrant la possibilité d’être tuteurs de plus jeunes élèves et de montrer leurs compétences.

Quant aux objectifs pédagogiques et éducatifs concernant les enfants de maternelle, ils consistaient :
– en PS/MS /GS à favoriser le langage oral et l’expression plastique ;
– en GS à entrer dans l’écrit à travers la production d’un texte et le passage à l’écriture via deux aspects complémentaires, la cursive manuelle et la scripte avec l’utilisation d’un outil numérique.

Plus globalement, les enseignants ont fondé ce projet sur des objectifs artistiques et culturels. Pour tous les niveaux mis à contribution, (maternelle, Segpa et collège), l’équipe pédagogique a expliqué en ces termes son but :
– enrichir la culture artistique des élèves par :
– la visite d’expositions : « Dessine-moi demain » et « Quand le gant de peau devient gant de soi » ;
– la participation à une exposition : « Nos enfants sont des artistes ».
– permettre aux enfants et collégiens de s’initier à la compréhension d’une œuvre et aux particularités de l’art contemporain ;
– réinvestir les œuvres rencontrées afin de développer des idées de création :
– pour les nouvelles sculptures animalières (techniques, couleurs, particularités…) ;
– pour réaliser les illustrations du conte (peinture, encre, collage…) ;
– explorer des pratiques diversifiées (dessin, peinture, encre, collage-assemblage, modelage, TICE…) pour donner forme à une « créature imaginaire » d’abord sous forme de dessin, puis de maquette et enfin en grandeur réelle ;
– confronter, à chaque étape, ses créations au regard de l’artiste par la mise en place de plusieurs rencontres avec lui.

La finalité

Nous pouvons réellement dans ce projet pédagogique parler d’un design d’usage du logiciel Ditapages dans la mesure où, au-delà des objectifs éducatifs, pédagogiques, émerge une finalité ou dessein spécifique : amener l’élève à  penser les usages des TIC en pleine complémentarité avec les supports et techniques traditionnels et pas à la place de ces derniers. Une finalité de l’usage sans doute bien différente de celle que se donnent les élèves dans leurs usages des TIC au quotidien, en dehors-de l’école.

En effet, l’usage du logiciel n’a été qu’une étape du processus, en amont de laquelle les élèves ont fait l’expérience des supports, techniques traditionnels de dessin, de sculpture, ainsi que d’imagination de l’histoire dans l’interaction orale.

De cette finalité a émergé peu à peu le dessin de l’usage, c’est-à-dire la manière dont les acteurs du projet ont choisi, à partir de l’expérience d’information proposée par Ditapages, de mettre en forme le texte imaginé à l’oral avec dictée à l’adulte et ensuite de le communiquer.

En l’occurrence, le logiciel propose de reprendre le modèle du livre, avec l’espace de la page. Cette reprise métaphorique réduit cependant le livre à un modèle perceptif, à un mode d’organisation qui est un support formel (Pignier, 2008) sans pouvoir en conserver la fonction de support matériel, sauf par un écho lointain avec le mouvement des pages qui se tournent. Sur ce point-là, les collégiens comme les élèves de maternelle ont souhaité  faire au moins une version papier de façon à incorporer le texte dans un support matériel qui offre une appréhension tactilo-kinesthésique, appréhension du volume, du poids, des textures.

Concernant le contenu, le logiciel permet d’enrichir les modalités traditionnelles du livre-papier que sont le texte verbal et l’image visuelle avec du son. Les élèves ont donné deux fonctions à la modalité sonore ; une musique d’ambiance pour chaque page suivie des voix des élèves qui racontent l’histoire avec un effet de diction théâtrale. Le lecteur peut activer le son s’il le souhaite. Ainsi, entre la version papier et la version numérique, le livre change de statut ; il se donne comme livre-spectacle dans l’espace formelle et matérielle de l’écran et comme livre-objet dans le support matériel papier.

Ces choix de complémentarité entre les supports numérique et papier ont un effet au niveau de la communication du texte ; d’un côté, un lien sur le blog de l’école et le site de la mairie de laquelle dépend l’école donne accès au livre numérique, permettant ainsi une diffusion illimitée via les recommandations ou transferts du lien, de l’autre, la version papier imprimée et reliée par un professionnel dans un format paysage A4 avec couverture de qualité reste en classe, passant de main en main, des élèves aux familles qui viennent contempler le texte-objet officiel dans la mesure où il ressemble à un livre-objet d’éditeur. En outre, les élèves Segpa et maternelle ont réalisé une autre version papier, avec le système de tutorat, en cours d’arts plastiques, en continuité avec le travail d’illustration, avec des techniques et supports traditionnels. Le livre prend alors le sens d’un texte-objet « fait maison ». Lui aussi passe de main en main au sein de l’école et concrétise le résultat d’un travail de création entièrement que les élèves ont entièrement effectué. Les deux exemplaires restent à disposition dans la bibliothèque de l’école, témoignage immédiat d’un projet pédagogique abouti. Enfin, l’équipe pédagogique a choisi de réaliser une version plus petite que la version reliée chez un imprimeur, en A5, dont chaque élève emporte un exemplaire chez lui, pour le passer de main en main dans son cercle familial. C’est aussi parce que ce projet fonde les usages des supports numériques en complémentarité avec les supports traditionnels sur un design réfléchi, à savoir un dessein et un dessein spécifiques au vu des élèves concernés, qu’il est retenu par la Fondation de France et qu’il a reçu en juin 2013 le prix Citoyenneté du Rectorat de l’Académie de Limoges.

Conclusion

La finalité des usages des TIC dans l’enseignement, au-delà des objectifs reste une question qui, loin d’être moralisante, veut donner toute sa place à une initiative humaniste et créative de la part des designers, des « producteurs de contenus », des enseignants, des élèves.

Il y a urgence pour cela, à introduire un regard diachronique, historique dans les analyses des usages des supports numériques et traditionnels d’information et de communication des textes afin de comprendre les spécificités offertes par chacun sans quoi nous risquons bien de faire comme les barbares dont parle Walter Benjamin dans Expérience et pauvreté : « Car à quoi sa pauvreté en expérience amène-t-elle le barbare ? Elle l’amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien, sans tourner la tête de droite ni de gauche. Parmi les grands créateurs, il y a toujours eu de ces esprits impitoyables, qui commençaient par faire table rase » (Benjamin, 1933). Ainsi, certains auteurs prétendent que la prise d’initiative, le  niveau de difficulté adapté à chaque enfant, le mode expérimental par essais-erreurs ; l’échange, la coopération sont propres à la « culture numérique » sans regarder derrière eux, ignorant les invariants de Freinet posés dès 1964 (cité par Chabrun, 2009), laissant penser que des technologies ont des vertus pédagogiques en soi. En effet, la prise d’initiative de l’enfant fonde  les invariants suivants : « Invariant n° 4 Nul – l’enfant pas plus que l’adulte – n’aime être commandé d’autorité. (On doit le consulter et recueillir ses avis) » ;
Invariant n° 7 : Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n’est pas avantageux ; Invariant n° 8 : Nul n’aime tourner à vide, agir en robot, c’est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas. Le  niveau de difficulté adapté à chaque enfant fonde l’invariant n° 10 bis :
«  Tout individu veut réussir. L’échec est inhibiteur, destructeur de l’allant et de l’enthousiasme ». Le mode expérimental par essais-erreurs  fonde l’invariant n° 11 : « La voie normale de l’acquisition n’est nullement l’observation, l’explication et la démonstration, processus essentiel de l’Ecole, mais le tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle ».

L’échange, la coopération fondent l’invariant n° 21 : « L’enfant n’aime pas le travail de troupeau auquel l’individu doit se plier comme un robot. Il aime le travail individuel ou le travail d’équipe au sein d’une communauté coopérative ».

Philippe Meirieu n’invite-t-il pas les usagers à renouer, en tant que sujet culturel, capable d’esprit critique :
« L’acquisition d’une « culture lettrée » exigeante qui dégage le sujet de l’utilitarisme immédiat et déplace son intérêt vers les enjeux plutôt que sur les bénéfices à court terme permet à toute personne d’accéder à une posture lucide, critique et interactive par rapport à l’ensemble des situations dans lesquelles elle est susceptible de se trouver. C’est cette posture qui fait trop souvent défaut aux usagers des TIC (2012 : 62). »

Pour que l’élève construise une posture critique, il lui faut acquérir une maîtrise des TIC en termes de compréhension non seulement des multiples logiques qui fondent le design de chacune mais aussi des apports et limites de chaque support matériel, logiciel mobilisé pour les expériences d’information et de communication. Une maîtrise des TIC favorable à la construction des savoirs nécessite non pas la substitution des supports traditionnels par les supports numériques mais un design d’usages  qui prend en compte l’héritage culturel, le lien intergénérationnel et envisage les supports numériques en complémentarité avec les supports traditionnels.

En somme, en se fondant sur le concept de maîtrise tel que nous le définissons, à savoir une appréhension critique des supports pour l’écriture d’un design d’usages favorable à la construction du savoir, l’enseignement des TIC amène l’élève à discerner les différentes strates des technologies à l’usage, à comprendre que derrière chaque objet logiciel, matériel, méta-medium, usage, il y a des acteurs avec des volontés diverses en terme de design et que le choix de substituer les supports numériques aux supports traditionnels dans l’apprentissage revient à ignorer les apports de ceux-ci et les limites de ceux-là.

Références bibliographiques

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Auteur

Nicole Pignier

.: Nicole PIGNIER est maître de conférences HDR à l’Université de Limoges. Docteur en Lettres, qualifiée aux fonctions de professeur en sciences de l’information- communication, elle mène ses recherches au Centre de Recherches Sémiotiques sur les finalités du design numérique et de ses usages. Elle co-dirige avec Benoît Drouillat la revue Interfaces Numériques publiée chez Hermès-Lavoisier.