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Présentation du supplément : Approches critiques des TIC éducatives. Pourquoi un questionnement des TIC Éducatives ?

30 Déc, 2013

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Pignier Nicole, « Présentation du supplément : Approches critiques des TIC éducatives. Pourquoi un questionnement des TIC Éducatives ? », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°14/3B, , p.5 à 6, consulté le samedi 9 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2013/supplement-b/00-presentation-du-supplement-approches-critiques-des-tic-educatives-pourquoi-un-questionnement-des-tic-educatives/

Introduction

Ce supplément de la revue Les enjeux de l’information et de la communication, intitulé « Approches critiques des TIC éducatives », paraît à un moment clé de l’actualité scientifique, économique, institutionnelle et médiatico-sociale et soulève des problématiques à venir liées à l’éducation. En effet, tandis que les médias ne cessent de nous répéter que la France est « à la traîne » en termes d’équipements informatiques dans les écoles par rapport aux autres pays européens et par rapport aux Etats-Unis, Le magazine LEtudiant.fr vient de publier le 11 décembre 2013 un article d’une journaliste, Alice Gillet, sur le déploiement grandissant d’écoles sans équipements informatiques au sein de la Silicon Valley et ailleurs aux Etats-Unis mais aussi en France. Parmi les parents d’élèves de la Waldorf School of the Peninsula qui pratique l’éducation sans écrans, de nombreux salariés d’entreprises comme eBay, Google, Apple, HP, …

« La Waldorf School of the Peninsula n’est pas un cas isolé, explique Alice Gillet. Mise au point au début du XXesiècle par l’anthropologue autrichien Rudolf Steiner, la pédagogie Waldorf a inspiré un mouvement global d’écoles indépendantes. Depuis l’ouverture du premier établissement Waldorf en 1919 à Stuttgart, on compte désormais plus de 1.000 écoles dans le monde ».

Fondée sur la communauté, la collaboration et la créativité, la pédagogie Waldorf donne la priorité aux activités physiques et manuelles pour fonder les expériences scientifiques, artistiques sur un rapport concret aux éléments naturels avant de passer par des représentations médiatiques.

Ce contraste dans la prise de position eu égard à la place des technologies numériques éducatives n’est que l’expression d’un manque réel, au niveau institutionnel et parfois au niveau scientifique de réflexions approfondies, détachées des techno-discours, sur les problématiques liées à la complexité des strates des technologies à l’usage et au sens des usages. De quoi parle-t-on en effet quand on nomme les TIC éducatives ? Des technologies ? Des objets matériels et logiciels conçus à partir de ces technologies ?  Des dispositifs et des supports de communication éditoriale formant des agrégats de mediums comme les sites web, les applications, les réseaux sociaux, les plateformes d’enseignement, les blogs ?

Par ailleurs, l’évolution des programmes de recherche européens et internationaux donne une place grandissante aux thématiques liées aux enjeux sociétaux dont l’éducation et invite à la recherche pluridisciplinaire dans laquelle les sciences humaines et sociales ont un rôle réel à jouer, non plus pour seconder les sciences « dures » mais pour apporter une capacité de questionnement critique par rapport aux évolutions technologiques, industrielles, … et à leurs places dans les différents domaines de la société y compris dans les systèmes éducatifs.

Enfin, en France, la préparation en cours des nouveaux programmes scolaires pour l’école primaire accorde une place réelle tant à l’enseignement critique des médias numériques qu’à l’enseignement par les médias traditionnels et numériques mais la question du positionnement du système éducatif français par rapport aux industries éducatives est éludée. Or, ainsi que Pierre Moeglin l’explique dans Les industries éducatives, si depuis toujours l’école est un marché pour les fabricants d’objets éducatifs, pour les éditeurs, depuis la fin du XXème siècle les concepteurs, développeurs et fabricants d’outils numériques éducatifs multiplient les offres bien plus rapidement.  Il en résulte que la sélection quantitative et qualitative des outils devient très complexe pour les établissements scolaires et aucune politique générale ne questionne le fondement éthique sur lequel les choix d’équipement, le rythme de leur renouvellement doivent être faits.

Sur quelle conception de l’enfant, de l’enseignant et de l’école fonde-t-on les décisions en matière d’équipement informatique et numérique ? Sur quelle conception du mieux-être individuel et collectif choisit-t-on les équipements et leur renouvellement ? Les choix pour l’école doivent-ils se faire sur le mythe du progrès pour que l’école suive les modes technologiques ? Ou doivent-ils se fonder sur une réflexion mesurée, maîtrisée du sens des usages de telles ou telles technologies, de tels ou tels supports matériels, logiciels intégrés à des projets pédagogiques qui donnent aux technologies numériques une place parmi les techniques et supports traditionnels en dépassant largement la question de la mode et en tenant compte du temps long de la pédagogie ?
Ce dossier, en complémentarité avec des initiatives prises ici et là tel le séminaire sur l’écologie de l’attention organisé par Bernard Stiegler et Igor Galligo au Centre Pompidou se fonde sur une réelle volonté de ne pas mettre la recherche au service de l’acceptabilité des TIC mais bien plutôt de préciser un questionnement critique possible, pour l’aide à la décision au niveau institutionnel,  des enjeux des pratiques liées aux TIC éducatives.

Pour ce faire, des chercheurs en sciences de l’information et de l’information et sciences du langage traiteront certaines problématiques essentielles avec dans un premier volet de façon globale, dans un deuxième volet de façon ciblée ; les différences axiologiques et éthiques qui fondent les technologies, les supports numériques et leurs usages, les liens de plus en plus complexes entre l’école et les industries médiatiques numériques que les grands courants de recherche sur l’éducation et les TICE n’ont pas souvent pris en compte dans leur approche critique, la mise en question de la thèse du plaisir d’apprendre via les supports numériques dans la population étudiante ; les limites des jeux sérieux dans l’interaction entre jouer et apprendre, les effets de sens liés à la transformation numérique des images.

Auteur

Nicole Pignier

.: Nicole PIGNIER est maître de conférences HDR à l’Université de Limoges. Docteur en Lettres, qualifiée aux fonctions de professeur en sciences de l’information- communication, elle mène ses recherches au Centre de Recherches Sémiotiques sur les finalités du design numérique et de ses usages. Elle co-dirige avec Benoît Drouillat la revue Interfaces Numériques publiée chez Hermès-Lavoisier.