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L’application « tagesschau ». La concurrence entre la presse électronique et la télévision publique allemande : limites juridiques et décisions politiques

23 Déc, 2013

Résumé

Le litige entre les éditeurs de presse et le Groupement de coopération des établissements de programme du service public de la République fédérale d‘Allemagne (ARD) concernant « l’appli tagesschau » a démontré que les dispositions législatives allemandes relatives à l’activité en ligne de l’audiovisuel public n’ont pas résolu les problèmes concurrentiels de la presse électronique sur internet. Ils sont le résultat des hésitations des Länder face au droit européen, motivées par le droit constitutionnel. Les Länder sont appelés à prendre une décision claire et cohérente pour ou contre un service public d’information indépendant sur internet et pourraient profiter des expériences du voisin français. Beaucoup d’arguments parlent en faveur de la thèse selon laquelle une intervention de rééquilibrage du service public de l’audiovisuel sur internet ne serait pas nécessaire pour le maintien de l’expression pluraliste des opinions.

Mots clés

Communication audiovisuelle, service public, internet, presse électronique, droit allemand

In English

Abstract

The dispute between press publishers and the Consortium of public broadcasters in Germany (ARD) concerning the “ tagesschau – app” demonstrated that the German legal measures relative to the on-line activity of the public broadcasters did not solve the competitive problems of the electronic press on the Internet. They are the result of the hesitations of States (Länder) in front of European law, motivated by the constitutional law. The Länder are called to make a clear and coherent decision for or against an independent public service of information on the Internet and could take advantage of the experiences of their Franch neighbours. Many arguments speak in favour of the thesis according to which an intervention of public-service broadcasters on the Internet would not be necessary to maintain the pluralistic expression of opinions.

Keywords

Audiovisual communication, public service, internet, electronic press, German law

En Español

Resumen

La desavenencía entre los editores de prensa y la Asociacíon de las estaciones públicas de radiodifusión de la República Federal de Alemania (ARD) sobre la „app tagesschau “ ha mostrado, que las regulaciones legales de Alemania acerca de la actividad en línea de la radiodifusión de derecho pública no han podido soltar los problemas de competición de la prensa electrónica en Internet. Los problemas mencionados son el resultado de unas vacilaciones de los Länder delante de un derecho europeo que están motivadas por el derecho constitucional. Los Länder están llamados a adoptar una decisión clara y coherente a favor o contra de un servicio público de información independiente en Internet. A este respecto, el servicio mencionado podría sacar provecho de las experiencias del vecino francés. Dice mucho en favor que una intervención de compensación de la radiodifusión pública no está necesario por el mantenimiento de la formación de opinión pública pluralista en Internet.

Palabras clave

Radiodifusión-televisión, servicio público, Internet, prensa electrónica, derecho almán

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Oehme Hannes, « L’application « tagesschau ». La concurrence entre la presse électronique et la télévision publique allemande : limites juridiques et décisions politiques« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°14/2, , p.201 à 214, consulté le jeudi 7 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2013/dossier/14-lapplication-tagesschau-la-concurrence-entre-la-presse-electronique-et-la-television-publique-allemande-limites-juridiques-et-decisions-politiques/

Introduction

« Télé pour vieux », « C’est pour les retraités », ces phrases pourraient provenir de jeunes allemands répondant à la question « Que pensez-vous de l’ARD ? ». En effet, la moyenne d’âge des téléspectateurs de l’ARD se situe autour de 60 ans (www.statista.de, 2011). Alors qu’une des missions de l’ARD est notamment d’attirer et d’intégrer les téléspectateurs de toutes les tranches d’âge, les jeunes ne s’intéressent guère à ses programmes, ni à ceux de ses établissements affiliés. Les responsables des établissements de service public sont conscients de cette problématique et ont réagi : L’ARD a notamment renforcé son activité sur internet. L’invention la plus novatrice résultant de ces efforts est probablement l’application « tagesschau » (1). Désormais, les usagers peuvent profiter des programmes du journal télévisé allemand réputé, accompagnés d’informations textuelles supplémentaires, d’articles indépendants et de photos, sur leur smartphone ou tablette. Les services d’information en ligne de l’ARD – financés par la redevance à l’audiovisuel (Rundfunkbeitrag) – sont parmi les plus fréquentés par les allemands (www.meedia.de, 2011).
Ainsi, le service public de télévision est entré en concurrence avec les services d’information privés présents sur l’internet. Dans la conception classique de la télévision, le service public est garant du pluralisme et de la qualité de ce médium. En revanche, l’internet est caractérisé par une multitude de sources d’information, d’opérateurs et de tendances. Les fournisseurs de ces informations, souvent des éditeurs de presse, se trouvent dans une situation pénible : Non seulement les ventes de journaux imprimés et des abonnements sont en baisse et les concepts de commercialisation de contenu en ligne sans recours à la publicité n’ont que peu de succès, mais la branche se voit également confrontée à une télévision publique qui propose gratuitement des informations de haute qualité en ligne. L’engagement numérique de l’ARD est-il couvert par sa mission de service public ?
Cette contribution vise à démontrer les enjeux juridiques et les conflits entre le service public de la télévision et la presse électronique. La première partie portera sur le différend juridique entre l’ARD et un groupe de onze d’éditeurs, tranché par le Tribunal régional (2) de Cologne (LG). L’affaire met en évidence les lignes de bataille entre la presse privée et la télévision publique et le manque de cohérence et les défauts du cadre juridique actuel. La deuxième partie jettera un regard plus vaste sur le contexte juridique et médio-politique de l’activité de la télévision publique allemande en ligne et sur la situation en France, pour dégager les principes directeurs d’une adaptation du droit de l’audiovisuel en vue des nouveaux enjeux technologiques.

L’arrêt du tribunal de Cologne : résultante insatisfaisante d’un cadre juridique insuffisant

Face à des conflits de nature économique ou personnelle des parties, le juge a vocation de décider de manière impartiale en appliquant le droit en vigueur pour mettre un terme au litige porté devant lui. Mais l’arrêt du LG de Cologne du 27 septembre 2012 (http://openjur.de/u/536575.html) ne pourra pas satisfaire à cette dernière vocation, car il a été rendu en appliquant un dispositif légal pas à la hauteur des enjeux actuels.

Les normes juridiques : inadaptées aux problèmes de la convergence

Un groupement de onze éditeurs allemands a assigné l’ARD et le NDR – établissement responsable pour l’offre « tageschau.de » et l’application – devant le tribunal de Cologne en faisant valoir : L’application serait illicite en vertu du paragraphe 11d alinéa 2 numéro 3 du traité inter-Etats relatif à l’audiovisuel (Henle, 2008, p. 29) car elle est trop semblable à de la presse et majoritairement sans rapport avec les émissions de télévision et de radio. Cette disposition constituerait une règle de comportement au sens du paragraphe 4 n° 11 du code de la concurrence. L’ARD, en mettant à disposition des usagers l’application « tagesschau », agirait de manière déloyale. En conséquence,  les éditeurs auraient le droit de faire interdire l’application (paragraphe 8 code de la concurrence).
Il faut d’abord s’interroger sur l’applicabilité du code de la concurrence au litige. Le code est fruit de deux motivations : premièrement, le maintien d’un commerce loyal et honnête, dans le souci de la protection des concurrents et des consommateurs, deuxièmement la régulation d’une concurrence non-faussée sur un marché (paragraphe 1). Il règlemente les comportements des acteurs sur un marché précis et vise à sanctionner tout comportement susceptible de nuire de manière déloyale aux concurrents. La logique du marché suggère qu’il existe un libre échange de biens (matériaux ou idéaux). Ainsi, l’information en ligne peut être considérée comme un bien immatériel, susceptible d’être vendu et acheté. Les consommateurs de ce bien sont, d’une part, des entreprises qui veulent profiter de l’attractivité des programmes pour faire de la publicité, et d’autre part, les téléspectateurs. Hors, peut-on qualifier le paragraphe 11 d comme une règle de comportement sur un marché ? Il s’agit d’une règle de l’ordre du droit public, visant à concrétiser l’étendue d’une mission constitutionnelle de service public qui consiste en la mise à disposition de services de communication audiovisuelle. L’audiovisuel public n’est pas une entreprise commerciale (BVerfGE 31, 314 ; p. 323-330). Il a pour mission de garantir la distribution d’un service de base pluraliste et de qualité, service qui, a priori, ne peut pas être fourni par les opérateurs privés, soumis aux contraintes du marché de la publicité (Pfeifer, 2012, p. 522). Mais si les prestations de service public constituent un bien sui generis, y a-t-il lieu de parler d’un marché commun de l’information en ligne ? Par ailleurs, il faut souligner que l’application n’est pas refinancée par des recettes de publicité, mais par la redevance. S’il existe une concurrence entre presse et audiovisuel public, celle-ci est une concurrence d’attention. Le législateur avait l’intention de soustraire le service public de la communication audiovisuelle à la logique de libre concurrence, de lui interdire l’accès à un autre marché, celui de la presse électronique et non de règlementer son comportement sur celui-ci (Hain, Brings, 2012, p. 1497–1498). Le tribunal n’a pas retenu cet argument, en raisonnant que le contenu des règles relatives aux services d’offres en ligne ne pourrait s’expliquer que par la volonté du législateur de concilier l’élargissement de la mission du service public avec la liberté de la presse (arrêt, n° : 102 ; Fiedler, 2012, p. 796). Il évoque également que les dispositions concernées auraient été prises en vertu du droit communautaire des subventions, qui favorise la libre concurrence et vise à la protéger (voir infra). Il s’ensuivrait que le paragraphe 11d a pour objectif de réglementer le comportement du service public sur le marché de la presse électronique. Le code de la concurrence serait donc applicable.
La deuxième interrogation porte sur le terme juridique « semblable à de la presse ». Le paragraphe 2 alinéa 2 numéro 19 donne une définition légale de cette notion : « Une offre semblable à de la presse est non seulement une édition électronique d’un support imprimé, mais toute offre conçue de manière journalistique et rédactionnelle qui, selon son apparence et son contenu, correspond à des journaux et quotidiens. ». Le critère du contenu ne pouvant pas fournir d’éléments d’appréciation, eu égard à la multitude de contenus possibles, le seul critère opérable est celui de l’apparence (Peters, 2010, p. 125, numéro 306). La presse est normalement définie par deux caractéristiques : le rôle dominant du texte (combiné avec des images) et le fait d’être imprimée. Evidemment, ce n’est pas dans ce sens qu’il faut comprendre la notion utilisée dans la loi. Désormais, la différence entre presse électronique, télévision, télé-médias etc. est une question de forme et non plus de support. C’est la dominance textuelle qui ferait de la presse électronique un média particulier. Plus les offres du service public de la communication audiovisuelle contiennent des textes, plus elles sont semblables à de la presse. Certains auteurs, ainsi que le Tribunal, considèrent que seul un journal dans sa conception classique peut être objet de comparaison pour l’appréciation de l’offre du secteur public (Hain, Brings, 2012, p. 1499 ; Peters, 2010, p. 125, numéro 304). Mais suffit-il donc d’ajouter un lien ou une vidéo pour qualifier l’offre de « non-semblable » ? S’établit alors une vaste « zone grise » d’offres difficilement qualifiables en termes de presse ou d’audiovisuel.
La troisième critique concerne la compétence du juge judiciaire pour apprécier les questions de nature très spécialisée et soumises au contrôle d’instances publiques de régulation indépendantes. Le 12ème traité inter-Etats relatif à la communication audiovisuelle a mis en place un dispositif pluri-niveaux d’appréciation des prestations en ligne des établissements publics, le « Test à trois étapes » (Drei-Stufen-Test), inspiré du Public-Value-Test de la BBC. Les établissements sont obligés de développer une conception de services en ligne qui doit, par la suite, être soumise au conseil de l’audiovisuel de chaque établissement, une assemblée constituée, selon l’établissement, d’environ 24 à 77 membres, représentants de différents groupes d’importance sociale (églises, syndicats, députés, associations, partis politiques etc.). Le conseil doit apprécier la conception, notamment si elle remplit un besoin culturel, social et démocratique, si elle contribue à la diversité de l’information et si l’effort financier est proportionnel (Henle, 2008, p. 32–33). Après sa délibération, l’autorité de tutelle doit à son tour accepter la conception. Cette procédure – critiquée pour sa complexité et l’incapacité des conseils de l’audiovisuel face à leur mission (Ladeur, 2009, p. 913 ; Henle, 2008, p. 35) – exprime le souci du législateur de laisser une large autonomie aux établissements publics dans la mise en œuvre de leur mission spécifique, tout en remplissant les conditions du droit européen concernant la concession expresse d’une mission d’intérêt générale (Huber, 2010, p. 202–203  ; voir infra). Seul le juge administratif serait compétent pour révoquer l’acceptation en question, sous réserve, évidemment, des prérogatives d’appréciation des établissements publics de l’audiovisuel, autonomes dans leurs décisions de programmes (Hain, Brings, 2012, p. 1498). Hors, le tribunal de Cologne a suivi la demande des éditeurs. Il ne s’est pas vu restreint par lesdites prérogatives d’autonomie des établissements publics, estimant que sa marge d’appréciation en l’espèce ne serait nullement limitée par l’acte administratif créateur de droit, qu’est l’acceptation par l’autorité de tutelle. Mais si l’arrêt semble être l’affirmation finale de la logique du marché dans le domaine de l’audiovisuel, au détriment d’un service public protégé de la libre concurrence, cette affirmation reste toutefois très ponctuelle.

Un arrêt qui ne met pas fin à l’affaire

La décision du tribunal ne pourra pas mettre un terme au conflit entre les établissements publics et les sociétés d’édition pour deux raisons : la première est de nature procédurale. Il faut préciser que le litige, objet de la procédure, ne porte pas sur l’application « tagesschau » dans son ensemble, mais sur son apparence au 15 juin 2011. Le tribunal ne pouvait pas interdire de manière générale la publication de l’application, car l’ensemble de l’offre faisait objet d’une autorisation du conseil de l’audiovisuel (arrêt, n° : 100-101). Evidemment, la page du 15 juin 2011 ne sera plus republiée du fait qu’elle est dépourvue d’intérêt (Pfeifer, 2012, p. 521). L’ARD en déduit que la portée de la décision serait restreinte, tandis que les éditeurs réclament une victoire importante.
La deuxième raison est liée au droit appliqué : La distinction entre presse et audiovisuel perd sa pertinence sur internet. La concurrence entre le service public et la presse électronique ne relève pas du fait que celui commence à publier des journaux électroniques mais que les services en ligne des deux acteurs s’approchent de manière à ce qu’une distinction devienne impossible (Badura, 2009, p. 244 ; Schmidtmann, 2013, p. 541). La combinaison de vidéos, textes et images, de liens à d’autres ressources, de tchats et espaces de commentaires, possible grâce à la convergence des médias sur internet, ne peut pas être résolue avec les dispositifs du droit de la presse ou de l’audiovisuel, ces deux sphères n’étant plus distinctes sur internet (Eberle, 2008, p. 329). La « liberté de la presse électronique privée » comme terme de bataille (Fiedler, 2012, p. 798) n’a guère de force définitoire, sachant que le but des éditeurs n’est pas d’établir une zone réservée à une presse « classique » en ligne, mais de profiter pleinement des nouveaux moyens de communication de l’internet (Eberle, 2008, p. 332). Le législateur s’est contenté de recourir à une terminologie ancienne (presse, audiovisuel) qui n’est guère opérable (Pfeifer, 2012, p. 522), ne prenant pas en compte les particularités du web. Le cadre juridique n’est pas adapté aux problèmes actuels, constat que le Tribunal exprime également dans son arrêt (arrêt n° 102, « Nonobstant la mise œuvre possiblement insatisfaisante [par le législateur]… »). La bataille va continuer, l’ARD s’étant pourvue en appel.
Il faut donc s’interroger sur les fondements juridiques de ce secteur public pour pouvoir apprécier si son activité en ligne est légitime ou non et quelles sont les mesures à prendre pour adapter les règles en vigueur à la réalité économique.

Le rôle du service public sur internet : un contexte juridique appelant à une décision politique du législateur

Le rôle du secteur public en ligne ne peut pas être défini en termes d’économie ou d’opportunité sans prendre en compte sa légitimation juridique. Ses fondements juridiques constitutionnels, longtemps crus inébranlables, sont aujourd’hui remis en question par le droit européen. Mais l’élan que pourrait apporter cette remise en question, pourrait être à l’origine d’une nouvelle saisine de responsabilité par le législateur qui doit, enfin, prendre une décision claire pour ou contre un service public en ligne et pourrait, à cette fin, s’inspirer ou écarter des exemples pratiqués à l’étranger, par exemple en France. Cependant, le juriste, ayant posé les limites juridiques, ne peut mettre qu’un point d’interrogation derrière des alternatives envisageables pour l’avenir du service public en ligne.

Le cadre constitutionnel et européen de l’activité du service public : des données juridiques contradictoires et ambiguës

La création du service public audiovisuel et son autonomie sont justifiées par son apport, supposé indispensable, à la formation de l’opinion publique et donc à la démocratie elle-même. Cette doctrine a été consacrée et fermement défendue par la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe. L’étendue de l’activité de ce service public, difficilement déterminable à partir de la jurisprudence constitutionnelle, est cependant sujet à débat et suscite des conflits dans la doctrine juridique. Le droit européen ajoute un aspect d’ordre économique à ce débat qui semble être en complète contradiction avec le modèle de l’audiovisuel public défendu jusqu’à présent. Mais ces considérations économiques, loin d’imposer la suppression d’un service public audiovisuel en ligne, appellent plutôt à une plus grande clarté dans la forme qu’à un démantèlement matériel du service public.

La jurisprudence de la Cour de Karlsruhe, défenseuse d’un service public puissant

Le droit de la communication audiovisuelle allemand est fortement marqué par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale. Parfois considérée comme atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, cette jurisprudence exprime la grande importance que la Cour attribue à la communication audiovisuelle pour le fonctionnement de la démocratie, « média et facteur dans la formation des opinions » (BVerfGE 12, 205 ; p. 260). Ainsi, le secteur public de la communication à une « mission fonctionnelle » dans le monde dualiste privé/public, qui est la garantie de l’expression pluraliste la plus complète et large possible des courants d’opinions et tendances de la société (BVerfGE 119, 181 ; p. 214). La liberté de la communication audiovisuelle n’est pas une liberté d’entreprendre, mais une liberté au service de l’objectif constitutionnel de l’expression pluraliste (dienende Freiheit) (BVerfGE 57, 295 ; p. 319-320). Les Länder, détenteurs de la compétence législative sectorielle en matière d’audiovisuel, doivent mettre en œuvre un dispositif adapté à l’objectif du pluralisme. Il est notamment interdit à l’Etat (notion qui décrit à la fois la Fédération et les Länder) de nuire à la liberté de programmation des établissements publics en leur imposant des obligations susceptibles d’influencer le contenu des programmes (BVerfGE 121, 30 ; p. 52-53). Ce principe de « distance à l’Etat » (Staatsferne) lui interdit d’exercer lui-même une activité de communication audiovisuelle (à l’instar du régime de presse). Les établissements publics sont détenteurs du droit fondamental de la communication audiovisuelle de l’article 5 alinéa 1 phrase 2 Loi fondamentale qui leur assure une large autonomie (Gounalakis, 2003, p. 395). Une règlementation complète de la fonction de l’audiovisuel serait inconstitutionnelle, car elle irait à l’encontre de la liberté de programme des établissements (BVerfGE 90, 60 ; p. 95).
Cette autonomie est accompagnée d’une garantie constitutionnelle d’existence et de mutabilité. Les établissements ont notamment le droit de recourir à des nouveaux moyens de distributions. La Cour souligne expressément que la garantie de mutabilité s’étend non seulement aux contenus de programmes, mais aussi aux nouvelles technologies de transmission en matière d’audiovisuel. Les limites de cette garantie relèvent de la fonction spécifique de l’audiovisuel public (BVerfGE 83, 238 ; p. 299-300). Cette configuration dynamique de la mission du service public, non seulement permet une « certaine » activité du service public en ligne, mais pourrait même avoir pour vocation de l’imposer si le fonctionnement du régime audiovisuel était en cause (Hoffmann-Riem, 2000, p. 244). Les impacts de l’activité de l’audiovisuel public sur la situation des privés et la concurrence ne sont pas pris en compte (Lenski, 2012, p. 474).
Carl-Eugen Eberle, professeur et directeur de l’institut de médias à Mainz, soutient quela Cour aurait expressément étendu la mission spécifique de l’audiovisuel à l’internet dans sa décision du 11 septembre 2007 (BVerfGE 119, 181; (Eberle, 2008, p. 330)). Mais dans quelle mesure et à quel niveau ? L’arrêt reste muet (Castendyk, 2008, p. 471 ; Klickermann, 2008, p. 795). Nul ne s’oppose à ce que l’ARD redistribue ses programmes sur internet et y rajoute des suppléments par rapport à ceux-ci. Mais au-delà de cette certitude quasiment unanime, on reste dans le champ de l’hypothèse (Peters, 2010, p. 34, numéro 51 ; Lenski, 2012, p. 477). L’hypothèse deVerena Wiedemann, secrétaire générale de l’ARD, constatant une extension complète de la mission du service public à l’internet (Wiedemann, 2007, p. 801), ne trouve, cependant, pas d’appui suffisamment explicite dans le texte de l’arrêt.
Etant donné ces incertitudes jurisprudentielles, il convient de mettre à jour les principaux courants doctrinaux concernant les limites de la fonction spécifique de l’audiovisuel public sur internet.

La restriction de l’activité du secteur public dans les télé-médias : l’hypothèse de l’inconstitutionnalité et sa mise en question

Selon Georgios Gounalakis, professeur à l’Université de Marburg, l’interdiction légale d’une nouvelle forme de distribution ou d’utilisation pour l’audiovisuel public serait une restriction inconstitutionnelle de la liberté de l’audiovisuel. Il ne serait pas nécessaire d’attendre la déclaration d’inconstitutionnalité de Karlsruhe, car l’article 5 alinéa 1 phrase 2 de la Loi fondamentale garantit à l’audiovisuel public une autonomie lui permettant de définir seul les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission (Gounalakis, 2003, p. 397). Seule une délibération objectivement nocive à la mission ou fondée sur des considérations sans rapport n’est pas justifiée par l’autonomie des établissements. (Gounalakis, 2003, p. 398). Il récuse donc un principe de légalité formelle « hautement vague » et la légitimité d’une décision démocratique majoritaire, ne pouvant pas « garantir le pluralisme des opinions » (Gounalakis, 2003, p. 397, 401). Les activités sur internet trouveraient leur légitimation dans la Loi fondamentale, sans qu’une attribution légale expresse soit nécessaire (Michel, 1998, p. 357).
La garantie de mutabilité, quant à elle, s’étend également à l’internet, nouveau moyen de communication audiovisuelle. Mais c’est la mission du secteur public elle-même qui détermine l’étendue de la garantie de mutabilité (Fiedler, 2012, p. 798 ; Müller-Terpitz, 2008, p. 339). En d’autres termes : L’existence d’une mission ne peut pas être soutenue en arguant qu’elle existe. La garantie de mutabilité est conséquence et non pas fondement de la mission spécifique du secteur public.
Kai Thum, docteur de droit, relativise le modèle autonomiste. L’autonomie des programmes ne serait garantie que dans le cadre constitutionnel et légal de l’activité. La description de la fonction est une prérogative du parlement. Le niveau de détail doit être restreint en ce qui concerne l’activité fondamentale du secteur public. En revanche, le législateur profite d’une marge considérable de choix quant aux activités périphériques. Ces activités doivent avoir un rapport avec l’activité centrale des établissements. La constitution ne donne pas une définition complète de la mission de l’audiovisuel public, renvoyant ainsi la responsabilité au législateur démocratique. Une justification de la redevance à l’audiovisuel se trouve dans une définition claire de la fonction à laquelle celle-ci est affectée (Thum, 2006, p. 527–528). Ayant imposé la redevance à tout foyer sans prendre en compte l’existence d’un appareil de télévision ou de radio, le législateur doit légitimer l’activité de son service public en vertu du principe constitutionnel de la réserve de la loi (Bullinger, 1998, p. 12–14). Ce courant progressif n’est cependant pas entendu par le législateur qui a délégué la compétence de décision aux établissements publics et à la Cour constitutionnelle et s’est donc dessaisi de la question.
L’hypothèque du droit constitutionnel est forte en matière du droit de l’audiovisuel. Son accent est posé sur l’autonomie du secteur public. Celui-ci s’exprime par le manque quasi total de dispositions légales sur le contenu des programmes, l’étendue de la mission et des obligations de qualité (Lenski, 2012, p. 473–475), résultat de l’hésitation du pouvoir politique face à une jurisprudence constitutionnelle rigoureuse. Cet accent a été mis en cause par le droit européen.

Le droit européen appelle à une décision

La radiodiffusion-télévision publique allemande est la plus chère du monde (Thum, 2007, p. 522). Sa mission étant peu restreinte, les tendances d’expansion et de persistance face à la concurrence privée ne sont pas modérées. Ces tendances se heurtent à la logique économique du marché, défendue par les principes fondateurs de l’Union européenne.
L’article 107 alinéa 1 (précédemment art. 87 alinéa 1 TCE) du traité relatif au fonctionnement de l’Union européenne dispose « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions« . La Commission européenne a conclu que la redevance à l’audiovisuel est une aide au sens de l’article 107. Seule une mission d’intérêt économique général spécifique expressément attribuée et suffisamment définie peut justifier cet avantage. Le gouvernement allemand – représentant de la RFA, malgré la compétence législative des Länder – récusait les critiques de la commission, arguant que la redevance à l’audiovisuel ne représente pas une aide financière au sens des traités, notamment parce qu’elle remplirait les conditions du protocole d’Amsterdam du 2 octobre 1997 qui mettrait l’audiovisuel public à l’abri des règles en matière d’aides financières. (Peters, 2010, p. 21-22, numéros 12-13). Depuis 2001, la Commission a engagé une procédure de contrôle contre l’Allemagne qui, le 24 avril 2007, a pris fin après la résolution du « compromis des aides financières ».  Les Länder, sous la pression de la Commission et pour éviter la saisine de la Cour de Justice de l’U.E., se sont engagés à définir plus amplement la mission du service public audiovisuel (Un résumé du conflit donne : Peters, 2010, p. 21–30). L’harmonisation des exigences communautaires considérant l’audiovisuel comme un bien économique, et du droit constitutionnel évoquant l’autonomie du secteur public, semble être quasiment impossible (Wiedemann, 2007, p. 805), le compromis trouvé est peu satisfaisant, comme il a été démontré plus haut (appli « tagesschau »).
Le droit européen exige une affirmation formelle de la mission d’intérêt économique général sans vouloir nuire à la compétence des Etats membres de déterminer le caractère spécifique de cette mission et ainsi de concilier les intérêts privés du marché avec les objectifs culturels et sociaux poursuivis (Grzeszick, 2008, p. 614 ; Eberle, 2008, p. 330). Elle appelle donc à une décision, le législateur allemand ne pouvant plus se cacher derrière des principes constitutionnels pour dénier sa responsabilité. Il faut mettre en évidence les principaux arguments politiques, économiques et sociaux pour ensuite trouver une réponse aux problèmes évoqués dans la première partie de cette contribution.

La mission du service public : Une décision politique à prendre

Après tout, l’existence du service public est la multiplication d’une ambition politique avec une doctrine juridique. Mais si la doctrine juridique impose le cadre, la politique est appelée à le remplir. On a vu que le législateur n’a pas accompli cette mission de manière suffisante (voir partie I). Il est désormais demandé de remédier à ce manquement en prenant en compte les données juridiques évoquées.

La mission de service public dans l’ère du web : Une presse de l’Etat en ligne ?

La situation économique de la presse électronique privée est précaire : Le service public, doté de fonds importants et d’une expertise longue dans le domaine du journalisme et du divertissement, en mettant à disposition des services de communication en ligne gratuits, retire des ressources publicitaires du secteur privé. Les usagers satisfaits des informations présentés par l’ARD, ne vont plus cliquer sur les offres d’éditeurs privés, ce qui diminue l’attractivité de la presse électronique privé comme espace publicitaire (Müller-Terpitz, 2008, p. 336). La concurrence gratuite (ou plutôt financé par la redevance à l’audiovisuel) de l’ARD met en danger le développement d’une presse libre et indépendante en ligne (Fiedler, 2012, p. 798). Ainsi, ce serait le secteur public qui créerait lui-même les conditions justifiant son existence.
Les arguments principaux des privés sont : L’activité des établissements publics de la communication audiovisuelle sur internet est superflue, eu égard à la multitude d’opérateurs créant une offre suffisante pour assurer une information pluraliste et de qualité (Henle, 2008, p. 32–33). Par ailleurs, la redevance créerait une inégalité et perturberait la libre concurrence. L’engagement du secteur public porterait atteinte à la liberté d’une presse électronique en développement.
Les défenseurs de l’activité de l’ARD y opposent le raisonnement suivant: Le service public, garant et détenteur de la mission spécifique pour la réalisation de la liberté de communication doit, pour poursuivre sa mission, pouvoir recourir au moyen de l’internet (« troisième pilier du service public ») pour atteindre le public, qui, au fur et à mesure, se détournera de la télévision classique. D’ailleurs, la pluralité d’acteurs sur internet ne saurait être confondue avec un pluralisme des contenus, la libre concurrence n’étant pas un gage de diversité d’opinions et de tendances (Peters, 2010, p. 19, numéros 8-9). Le service public pourrait agir comme agent objectif de l’information abondante sur internet, une « île » de qualité et de crédibilité (Holznagel, 2002, p. 2355 ; Eberle, 2008, p. 331). Le paradoxe est évident : L’audiovisuel classique était marqué par le manque de diversité, justifiant ainsi un service public puissant et pluraliste. L’internet est l’exact contraire. Ce rôle de « phare » nécessiterait une réforme fondamentale de la justification du service public. Quant aux contraintes économiques inhérentes à la ressource publicitaire, telles que la tendance de conformisme et le manque d’objectivité, certains auteurs croient pouvoir transmettre cette problématique à l’internet (Eberle, 2008, p. 330-331). Pourtant, il parait contradictoire de considérer le marché de la presse privé comme pluraliste et de reprocher aux mêmes acteurs leur incapacité à en faire de même en ligne (Ory (2010), p. 24).
Le service public de l’audiovisuel est un régime d’exception, justifié par les spécificités de l’audiovisuel (Müller-Terpitz, 2008, p. 339). Sa « raison d’être » est la garantie du pluralisme (Degenhart, 1998, p. 340–341  ; Müller-Terpitz, 2008, p. 341).  La question qu’il faut se poser, est donc : La situation sur internet, est-elle comparable à celle de l’audiovisuel classique? Si ce n’est le cas, la radiodiffusion-télévision publique devrait réduire son activité dans le secteur. Toute argumentation autour de cette question sort évidemment du juridique et rentre dans les sciences de la communication, de la sociologie et de l’informatique (Etude comparative concernant le pluralisme de l’information en ligne et à la télévision : Rebillard, Fackler, Marty, 2012, p. 141–172). Il appartient au législateur, doté d’une marge d’appréciation souveraine (Grzeszick, 2008, p. 614 ; Castendyk, Böttcher, 2008, p. 15) de prendre une décision claire en faveur ou au détriment d’un service public d’information en ligne indépendant du programme classique, une décision nette et sans ambiguïté (Fiedler, 2012, p. 798). Il ne peut pas se contenter de transposer le cadre juridique de l’audiovisuel à l’internet, ni de laisser l’initiative aux établissements publics intéressés, mais doit analyser le marché en question (Ladeur, 2009, p. 911).
Les critères juridiques encadrant cette décision sont donnés par la Cour constitutionnelle : L’importance des services d’information sur internet pour la formation de l’opinion publique, leur potentiel de danger pour le pluralisme des opinions et un échec du marché face aux impératifs économiques, rendant nécessaire une intervention proportionnelle de l’Etat par l’intermédiaire de son service public de la communication audiovisuelle (Badura, 2009, p. 247 ; Oswald, 2012, p. 141). Le législateur doit aussi prendre en compte les effets négatifs de l’engagement du secteur public sur la structure des médias en général (Ory, 2010, pp. 24–25 ; Bullinger, 1998, p. 15–16). Et il doit instaurer un système de contrôle efficace pouvant assurer l’application des règles imposées (Degenhart, 1997, p. 160).
Cependant beaucoup d’arguments parlent en faveur de la thèse selon laquelle le secteur public ne trouve de justification de son activité numérique que si elle a un rapport clair et stricte avec son activité classique (Starck, 2013, p. 104), règle qui existait déjà avant le 12ème traité inter-Etats (Fiedler, 2012, p. 796). De cette manière, le rayonnement du journalisme audiovisuel de qualité du service public serait assuré à l’âge du numérique. Une offre indépendante des programmes n’est pas nécessaire pour maintenir cette qualité (Starck, 2013, p. 104). La France, parait-il, va pourtant dans cette direction.

La règlementation française : un exemple à suivre ?

Malgré le processus croissant de constitutionnalisation du droit français, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de communication audiovisuelle accentue la liberté de choix du législateur. Le législateur français, n’étant pas encombré (ou modéré) par une doctrine constitutionnelle trop contraignante, a donné une définition matérielle plus détaillée de la mission du service public de la communication audiovisuelle. L’article 22 du cahier des charges de France Télévisions dispose :
« France Télévisions conçoit et met à disposition des services de médias audiovisuels à la demande notamment afin d’assurer l’exposition de contenus de complément ou des contenus spécifiques conformes aux missions de service public confiées à France Télévisions. Ces services s’efforcent de garantir une exposition et un accès à l’ensemble des genres de programmes : fiction, séries, animation, documentaires, spectacle vivant, magazines, information, sport, programmes religieux, divertissement, programmes culturels, etc.
France Télévisions propose en particulier une offre de télévision de rattrapage […]».
Au lieu de choisir une réglementation procédurale et formelle – comme le « test en trois étapes » et le caractère « semblable à de la presse » – la France définit l’objet matériel de la mission du service public en ligne. Cette approche a l’avantage d’une plus grande transparence et met en avant la responsabilité culturelle de la télévision publique. Mais elle souffre d’un défaut : La disposition n’est pas sans ambiguïté, notamment en ce qui concerne les « contenus spécifiques conformes aux missions de service public ». Le renvoi à ces missions n’apporte guère de clarté. Il pourrait s’agir d’un renvoi à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. Mais si tel est le cas, la disposition parait complètement transposer cette mission au web sans la moindre restriction. Est-ce le résultat voulu ? En découle-t-il une exigence de liaison de l’offre en ligne aux programmes télévisés ? Le rapport Copé relatif à la nouvelle télévision publique semble aller dans ce sens, mais reste flou en ce qui concerne les conséquences concrètes (Commission pour la nouvelle télévision publique, 25.06.2008, p. 24).
Le lancement du site « francetvinfo » a suscité des craintes de la presse électronique française, malgré les assurances données par France Télévisions de ne pas faire du site un « enjeu publicitaire » et de proposer des liens extérieurs à la presse électronique privée (Feitz, Les Echos). L’avenir montrera les impacts qu’aura ce site public sur le marché de l’information en ligne.

Conclusion

Pour ouvrir un site de presse électronique, il n’est pas nécessaire de faire une demande d’autorisation. La presse électronique est soumise à un régime de régulation très souple. Ce n’est pas le cas pour l’audiovisuel classique, un régime de régulation étroite, justifié par les particularités de ce média : la force suggestive des images, l’authenticité, l’attractivité de masse et le coût de production élevé. Ces raisons justifient aussi le service public qui équilibre le manque de qualité, d’objectivité et de pluralisme du secteur audiovisuel privé. Il est un moyen de régulation complémentaire, lié au régime de régulation en question. Mais si tel est le cas, logiquement, son activité devrait être restreinte dans le web, espace de diversité par excellence qui ne présente pas les particularités susmentionnées. Pourquoi le législateur n’a-t-il pas trouvé opportun de transposer cette logique au service public ? Cette schizophrénie est économiquement injustifiée.
L’application « tagesschau » a, certes, le mérite de contribuer à la diversité des offres en ligne (Eberle 2008, p. 332–333), mais cet argument ne suffit pas pour justifier sa mise à disposition financée par la redevance (Castendyk, 2008, p. 473). La politique doit reprendre la responsabilité pour l’audiovisuel qu’elle a largement déléguée aux établissements publics et à la Cour constitutionnelle, et créer un cadre juridique cohérent de l’activité du service public en ligne. L’argument selon lequel une restriction matérielle de celle-ci serait inconstitutionnelle ne saurait être soutenu devant les contraintes du droit européen, qui prévaut le droit national.

L’enjeu de la convergence des médias est depuis des dizaines d’années un souci principal dans le développement du droit de la communication. Toujours en retard par rapport à l’évolution technique, la politique trouve des limites : Tout comme des conseils de l’audiovisuel des établissements publics allemands, les parlementaires des Länder ne sont pas des professionnels de la communication. La situation ressemble à celle de 1923, lorsque le gouvernement français décidât d’étendre le monopole juridique de la télégraphie à la radiophonie, sans fournir un statut juridique l’encadrant et sans prendre acte des particularités de ce – à l’époque – nouveau moyen de communication de masse.

Notes

(1) La « tagesschau » est le journal télévisé de l’ARD, programmé entre 20 heures et 20 heures 15. « tagesschau.de » est une offre en ligne, associant le journal télévisé à des articles et des informations complémentaires. L’appli n’est qu’une adaptation technique de « tageschau.de » aux appareils portables.

(2) Traduction conforme à la liste des dénominations des juridictions allemandes : RFDA 1985, p. 76.

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Bundesverfassungsgericht, arrêt du 12 mars 2008, BVerfGE 121, 30

Auteur

Hannes Oehme

.: Hannes Oehme est doctorant contractuel à l’Université Toulouse I Capitole, sous la direction des professeurs Johannes Masing (Université Freiburg, Allemagne), Juge à la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, et Serge Regourd (Université Toulouse I), directeur de l’Institut du droit de l’espace, des territoires, de la culture et de la communication (IDETCOM), ainsi que boursier du Collège doctoral franco-allemand.