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Acteurs des Tice et contexte de l’enseignement supérieur : Tice et tendances pédagogiques au long d’innovations annoncées

13 Fév, 2009

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Fichez Elisabeth, «Acteurs des Tice et contexte de l’enseignement supérieur : Tice et tendances pédagogiques au long d’innovations annoncées», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°09/2, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2008/supplement-a/04-acteurs-des-tice-et-contexte-de-lenseignement-superieur-tice-et-tendances-pedagogiques-au-long-dinnovations-annoncees

Introduction

Dans la continuité de ce qui a été  présenté par P. Grevet, nous allons nous intéresser aux aspects plus proprement socio-pédagogiques en assumant le risque que comporte une tentative de lecture évaluative surplombante à partir de l’exploitation de différentes études couvrant plus de 20 ans de la longue marche des processus complexes de l’innovation en éducation. Nous avons déjà choisi de privilégier un tel angle d’approche en étudiant la pertinence des notions de réussite et d’échec dans l’analyse des campus numériques proposée pour le numéro d’Etudes de communication qui a été consacré aux travaux de l’ERTe (Fichez, 2007) ; l’ouvrage dirigé avec Geneviève Jacquinot-Delaunay (à paraître en octobre 2008) a également été l’occasion de tenter de saisir ce qui se jouait au final dans les évolutions sur le terrain.
Plus précisément, nous allons nous attacher à faire émerger quelques tendances ou questions de fondqui se dégagent « à travers des passages progressifs, chaque fois à travers des allers et retours, des disjonctions, des contradictions, des obstacles voire des conflits et la nécessité impérieuse de trouver des solutions pour agir« , comme le dit G. Jacquinot-Delaunay dans la conclusion de l’ouvrage (2008, p. 264).

Nous en avons retenu quatre – un peu arbitrairement et sans chercher à faire le tour de la question – que nous allons développer et illustrer par des exemples.

Les démarches innovantes au croisement des initiatives des acteurs

Beaucoup de chercheurs ont réfléchi sur le plan théorique aux modes de relation entre acteurs publics et privés et aux dynamiques de l’action collective. Rappelons ce qu’affirment, sur un plan général, Pierre Muller et Yves Surel, deux spécialistes de l’analyse des politiques publiques : « La construction des politiques publiques n’est pas un processus abstrait. Elle est au contraire indissociable de l’action des individus ou des groupes concernés, de leur capacité à produire des discours concurrents, de leurs modes de mobilisation » (1998, p. 79). Il ne s’agit pas pour nous ici de reprendre des études existantes très détaillées sur la structuration des politiques publiques au fil des projets. Notre propos est surtout de faire ressortir l’idée-force que, si l’on quitte l’angle de l’observation ponctuelle des actions, on repère la constante d’interactions entre les initiatives respectives prises par les acteurs de différents niveaux dans le temps long des projets. Parmi les terrains qui nous en offrent des exemples, celui du RUCA/PCSM/Uel/C@mpuSciences (1) constitue quasiment un cas d’espèce.
Si la création du RUCA en 1987 résulte bien d’une décision ministérielle, deux catégories de membres pouvaient cependant alors être distingués : ceux qui sont nés avec le RUCA  et ceux qui, avant 1987, avaient déjà expérimenté des activités pédagogiques basées sur l’usage de logiciels, ce qui fait dire à Françoise Thibault dans le chapitre d’ouvrage où elle retrace l’histoire de ce réseau : « Même si la création du RUCA a été vécue par les acteurs eux-mêmes comme le résultat d’une décision du Ministère de l’Education nationale qui associait dans un réseau universitaire cinq centres […], la diversité de [ceux-ci] montre l’importance des politiques d’établissement et de l’engagement de ceux qui ont donné différents visages à la décision ministérielle, transformant assez radicalement le projet initial » (2003, p. 200). Par la suite, la politique de production de ressources multimédias qui avait été discutée et décidée en 1995 par l’assemblée générale du RUCA va susciter un intérêt particulier de la part des responsables ministériels, qui, utilisant l’argument de leur soutien financier très important à cette politique, vont imposer en 1997 le passage d’une production restée jusque là relativement artisanale à une production utilisant des standards industriels. On constate donc de nouveau cette dynamique d’interaction entre les catégories d’acteurs, laquelle se manifestera encore lors de nouvelles bifurcations : lancement de la politique ministérielle des campus numériques à partir de l’année 2000, puis, plus récemment encore, création en décembre 2007 de l’Université numérique thématique « Unisciel », en relais de « C@mpuSciences », dont la chef de projet n’est autre encore à la date d’aujourd’hui que l’enseignante-chercheure lilloise qui avait repris la direction du RUCA en 1997.
L’étude menée dans l’ERTe sur différents campus ministériels offre des exemples tout à fait convergents d’interaction et de « rebond », à l’occasion de tel ou tel programme ou appel à projets lancé par les responsables politiques, d’acteurs-innovateurs engagés dans des démarches pédagogiques novatrices : CampusCultura, Forse, Canège , l’UMVF existaient tous sous une autre appellation avant d’être reconnus comme campus numériques ou labellisés ; ils ont tous eu des genèses très différentes, mais aucun ne correspond à une génération spontanée, comme nous avons eu l’occasion de le montrer (Fichez, 2007).

Deux points nous paraissent importants à souligner concernant cette dimension interactionnelle :

– comme cela a pu être théoriquement étayé par des analyses sociologiques (celles de l’acteur-réseau de Madeleine Akrich,  Michel Callon, Bruno Latour, 2006, ou celle du marginal sécant de Michel Crozier, Erhard Friedberg, 1977), on soulignera l’importance dans ces interactions d’acteurs-clefs, souvent en position de chefs de projets des dispositifs concernés et qui le restent peu ou prou à travers les métamorphoses que connaissent lesdits projets. Cette permanence explique sans doute en partie la capitalisation des acquis des expériences qui s’enchaînent et la préoccupation de remédier à certaines de leurs déficiences ou limites. Ainsi, la question de la  granularité et de l’indexation a-t-elle pu être posée à l’occasion de la constitution de C@mpusciences parce que les ressources apparaissaient comme trop monolithiques (Cf. Yolande Combès, 2008, p. 97). Par ailleurs, la pilote d’Unisciel, Monique Vindevoghel, a exposé, lors du séminaire organisé les 16 et 17 juin 2008 à  Lille 1 sur les Universités numériques thématiques (http://www.unr-npdc.org/UNTJuin2008/), comment l’appel à projets 2007  avait porté sur le recensement, l’indexation et la valorisation des ressources dans la continuité des projets précédents en y ajoutant la production d’éléments multimédias interactifs ;

– l’autre point est qu’il ne faut pas pour autant surévaluer l’idée de cohérence et de progression d’un projet à l’autre dans ce qui serait une interaction harmonieuse entre les acteurs. Les études empiriques montrent que, tout particulièrement en France, une certaine instabilité est de mise si bien que les changements au sein des directions ministérielles entraînent des virages ou des abandons dans les politiques en cours avant que les projets aient eu le temps nécessaire d’arriver à maturité et de produire les résultats escomptés, déstabilisant les différentes catégories d’acteurs engagés ensemble, comme en témoignent la réflexion de Françoise Thibault  à propos de l’interruption en 2002, une année avant le terme prévu, du programme des campus numériques: « Si le changement de cap rallie une partie de la communauté des informaticiens des services techniques de l’enseignement supérieur, il crée de fortes tensions à l’intérieur du bureau en charge des TIC », et les propos d’un chargé de mission qu’elle rapporte : « C’est plusieurs années de travail en l’air. Pourtant on était bien parti et maintenant on va décevoir tous ceux qu’on a embarqués dans cette aventure » (2007, p. 39).

Par ailleurs, comme le disait aussi Patrice Grevet ci-dessus, les pionniers vieillissent, ce qui entraîne des difficultés locales de succession après ou à la veille de leur départ.

Les cheminements d’expérience dans le temps

Nous situant maintenant plus directement au niveau des dispositifs pédagogiques proprement dits, nous évoquerons une seconde tendance dont nous avons pris conscience tout particulièrement lors des ateliers de l’Université Vivaldi (2). Il était en effet assez frappant de constater que nombre d’expériences présentées correspondaient à des  trajets assez similaires en partant d’un existant classique jusqu’à des modes d’intervention diversifiés non imaginés au départ, un des facteurs en ce sens étant l’évolution des techniques et de leur coût. Parmi ces expériences, nous retiendrons pour son exemplarité celle de l’évolution sur 8 ans d’un cours magistral classique avec au départ usage du système de visioconférence réduit à l’enregistrement du cours présentiel et à sa diffusion dans les unités de réception de cette université multipolaire jusqu’à  un dispositif de formation ouverte et à distance qualifié de « cyberenseignement » par l’enseignant. Les points forts qui ressortent de ce qui correspond en fait à une démarche de recherche-action sont : une structuration progressive du rapport distance/présence, les temps directement en présence se réduisant au profit de temps de travail autonome de l’étudiant en amont et en aval du moment d’interaction lui-même ; un changement de comportement dans l’approche pédagogique par ouverture à autre chose que le disciplinaire à travers la proposition aux étudiants de ressources documentaires sur le Web qui leur permettent d’être davantage en posture de découverte ; l’usage progressif d’outils interactifs complémentaires de la visioconférence (courriel, forums avec réponses en direct ou en différé) ; une accessibilité du cours sur des supports et dans des lieux multiples au fur et à mesure que les opportunités techniques évoluent et que la question du coût n’a plus du tout la même importance qu’au début (l’amphi dédié de visioconférence, le barco portatif permettant de délocaliser le cours, le cours diffusé en synchrone sur Internet, le cours enregistré sur serveur pour le consulter en asynchronie et pouvoir en importer tout ou partie). Certes,  cet exemple peut déjà paraître sophistiqué et ne pas rejoindre l’expérience plus basique de bon nombre d’enseignants. Mais, précisément, il recoupait celle d’une collègue de la même université intervenant dans le même atelier, partie très simplement de la mise en ligne de ressources concernant le cours classiquement fait en présentiel pour aller, en 8 ans également, vers un dispositif d’autoformation structuré très différemment de celui de départ du point de vue des séquences et de leur organisation en modules sur l’année : le point commun, en effet, est celui d’un cheminement qui ne procède pas par rupture brutale mais qui, au contraire, part du familier dans lequel est introduit un changement ponctuel qui ne bouleverse pas l’existant pour aboutir en fait à une transformation de l’ingénierie de formation.

Marcel Lebrun, Professeur à l’Université de Louvain-la-Neuve, connu par les ouvrages que lui a inspirés sa grande et longue expérience du développement de l’usage des technologies de l’éducation dans sa propre université, insiste sur le bien-fondé de telles démarches  progressives : « Afin de favoriser l’entrée des enseignants dans des dispositifs innovateurs, il fallait leur proposer un outil simple (« i-campus ») qui leur permettait de faire des expériences. Même si cette façon de faire risquait de reproduire uniquement les anciennes pratiques, ce passage par l’expérimentation nous paraît inévitable […]. L’assimilation (utiliser l’outil nouveau pour faire comme avant) précède bien souvent l’accomodation (imaginer de nouvelles niches, de nouveaux usages). Cette démarche d’assimilation-accomodation  fait ressembler le processus d’innovation à un processus d’apprentissage » (2005, p. 31-32). Mais, il ne faut pas oublier les conditions contextuelles nécessaires pour que l’on n’en reste pas au bloquage des généralisations pédagogiques évoqué aussi ci-dessus par Patrice Grevet : Louvain-la-Neuve a mis en place depuis les années 1990  un véritable dispositif institutionnel (voté, financé et évalué) d’apprentissage de l’innovation, celle-ci étant précisément conçue comme un apprentissage passant par différentes étapes, tout comme l’ULCO cherche aussi à accompagner les pratiques des acteurs enseignants (cf. Alain Payeur et Roxana Ologeanu, Distances et Savoirs, 2007).

Transfert de « contrôle »

Au titre de la troisième tendance, nous évoquerons l’idée d’un certain « lâcher-prise » de la maîtrise enseignante, corrélé à une certaine « prise en main » du contrôle étudiant dans le processus enseigner/apprendre.
Nous nous situons très clairement ainsi dans la question de l’évolution des modèles pédagogiques. Chacun sait combien, surtout dans l’enseignement supérieur, le modèle dominant est fondé sur la parole magistrale, en partie pour des raisons liées aux conditions du production du savoir scientifique  (en tant que chercheur, l’enseignant produit – partiellement, ajouterons-nous, et à des degrés divers selon le niveau d’enseignement – le savoir qu’il diffuse auprès des étudiants). Or, ce que viennent mettre en question et déconstruire progressivement les dispositifs fondés sur les TICE, c’est précisément cette prééminence de la parole enseignante, contribuant ainsi, à travers la mise en avant de la notion-clef d’autonomisation de l’étudiant, à promouvoir dans un mouvement symétrique une plus grande place pour l’activité et la parole de l’étudiant.
Marie-José Barbot et Geneviève Jacquinot-Delaunay ont consacré un chapitre entier à une réflexion d’ensemble sur ce processus à partir du cas du RUCA/PCSM/Uel/ C@mpuSciences, en détaillant les diverses composantes de ce mouvement de transfert (2008, p. 143-179) : comment, au-delà du cours magistral, les terrains révèlent  « une grande diversification des pratiques d’enseignement, des types de relations éducatives entre enseignants et étudiants non stabilisées et une hybridation des modalités allant de l’enseignement collectif en présentiel synchrone à l’enseignement à distance asynchrone » (p. 159) ; au-delà de l’amphi, comment se mettent en place des lieux alternatifs tels que les centres de ressources ou les centres d’autoformation « où chaque apprenant peut  trouver les ressources dont il a besoin, sans avoir recours constamment à un enseignant, mais sans pour autant être perdu » (p. 164) ; comment, au-delà de l’enseignement, se fait jour l’idée d’un accompagnement des apprentissages qui passe par une modification de la relation enseignants/étudiants « les enseignants-accompagnateurs prenant conscience qu’ils peuvent aller plus loin dans les responsabilités confiées aux étudiants […], leur donner la possibilité d’agir et de s’impliquer » (p. 168).
D. Peraya, un autre spécialiste de sciences de l’éducation, met en avant de son côté, dans son intervention de clôture à l’Université Vivaldi (http://www.univ-valenciennes.fr/coursenligne/vivaldi08/P_0404_n1_Peraya_Daniel.pdf), la notion de « métier » à propos de ce double processus symétrique en parlant de l’évolution conjointe des métiers d’enseignant et d’apprenant et en insistant sur le fait que l’analyse en terme de « métier » doit mettre en relation les points de vue sur l’un et l’autre.

Mais des difficultés et des résistances se manifestent bien évidemment aussi concernant cette tendance parce que la prégnance du modèle classique est forte, tant du côté des enseignants  qui ne font pas aussi simplement confiance aux ressources et aux étudiants que du côté de ces derniers qui ont, dans l’ensemble, du mal à prendre en charge leurs apprentissages sans l’assistance d’un enseignant (Barbot et Jacquinot-Delaunay, p. 165). Par ailleurs, il faut bien reconnaître aussi que les enseignants et les chercheurs ont encore de la peine à focaliser leur attention sur les comportements étudiants et leur contribution propre au changement. C’est ainsi que les auteurs du rapport sur le projet Temis (Technologies éducatives pour le management de l’information et des savoirs) développé à l’Université de Technologie de Troyes affirment en substance : on a l’impression que Temis aurait à gagner à s’appuyer plus sur l’énergie que mettent les étudiants à développer leurs propres ressources et que cette potentialité, si elle est reconnue par l’équipe du CIP (i.e. le Centre d’innovation pédagogique),  ne l’est pas par les enseignants ou la direction qui ont tous tendance à se plaindre de « baisse de niveau » et de « manque de motivation », sans voir que les étudiants ne demandent pour certains qu’à contribuer à leur façon au développement du projet. Les étudiants représenteraient donc un levier d’appui non négligeable malgré les représentations négatives des enseignants et de la direction  (Hugues Choplin, Jacques Audran, Eddie Soulier, Rapport en préparation).

Le devenir du monopole institutionnel en matière d’offre d’outils pour apprendre

Il s’agit moins cette fois de parler d’une tendance que de soumettre des interrogations nées de pratiques récentes expérimentées au sein de l’équipe de chercheurs lillois impliqués comme nous-même dans le projet PCDAI (Pratiques collectives distribuées d’apprentissage sur Internet) et aussi d’observations au cours de notre enquête à l’OU UK (Open University United Kingdom). Elles ont un caractère sans doute encore prospectif parce que, dans nos lieux de travail, les préoccupations liées à l’usage pédagogique des technologies, quand elles existent, sont plus centrées sur l’usage des outils et plates-formes institutionnels que sur les problématiques du « Personal learning » avec les outils du Web 2.0. Mais, ces interrogations ont l’intérêt d’être dans le droit fil de la dernière tendance et en accentuent le poids. Pierre-André Caron et Renata Varga, dans une toute récente communication au colloque JOCAIR 2008, se sont interrogés sur « la définition d’un espace institutionnel au sein d’un assemblage d’espaces privés appartenant à l’espace commun», ajoutant que la conception d’une interface définissant cet espace et la politique (au sens de la « régulation ») qu’il sous-entend, constitue l’apport actuel de leurs travaux. Sur le plan technologique, il s’agit en effet pour eux d’intégrer des outils de type Web 2.0 dans l’espace privé des blogs étudiants puis dans l’espace institutionnel qui relie entre eux les divers blogs privés, leurs réflexions « se tournant vers l’implémentation de portails de type iGoogle permettant une plus grande perméabilité des environnements étudiants au travers des assemblages précaires de fonctionnalités Web ». Ils soulignent par ailleurs que leur démarche vise à renforcer l’autonomie des acteurs, qu’ils soient étudiants ou enseignants. Par ailleurs, lors de notre enquête à l’OU UK, nous avions été frappés, Patrice Grevet et moi-même, par  la réactivité de nos interlocuteurs aux évolutions du Web en termes à la fois pédagogiques et managériaux, car il s’agissait tout autant de concevoir des usages pédagogiques (partager du contenu généré par les usagers eux-mêmes, réutiliser ou remixer des ressources, former des communautés en ligne, etc.) que de rechercher la personnalisation des services par automatisation des procédures (à la manière de ce que font des sites commerciaux tels qu’Amazon.com pour les profils de leurs clients) :  « The most important innovation in my area of the university in the past two years is a customer relationships management system » nous a déclaré Will Swann, Directeur des services étudiants à l’OU, dans un entretien le 17 septembre 2007. Bien d’autres éléments concourent également  dans la politique de l’OU UK à la concrétisation de cette sensibilité, comme la création du service « Open Learn » permettant le libre accès dans le monde entier aux ressources de l’OU aux conditions de la licence « Creative Commons » et en encourageant, grâce au « Labspace« , l’intervention sur les matériaux. Mais nous retiendrons surtout de deux conférences prononcées par Paul Clark, encore à l’époque Pro-Vice-Chancelier (apprentissage et enseignement) de l’OU UK (3), les interrogations qu’il lance concernant  les rapports que vont entretenir l’expérience d’apprentissage aléatoire du Web 2.0 et l’expérience d’enseignement structuré des institutions : «  Universities will have to work in a world in which progressively more educational materials and services are freely available on the Web. The added value of higher education institutions, in particular the teaching activities of academic staff ( faculty), will be challenged  by the resources available on the Web […] Universities will have to be responsive and flexible to maintain their position in such a rapidly changing market” (conférence de Shangaï).

Conclusion

Nous ferons part en conclusion du sentiment ambivalent qui nous anime à l’issue de cette réflexion et qu’il est nécessaire, selon nous, de garder tel quel : un sentiment d’urgence né de cette prise de conscience que les métiers respectifs d’enseignant et d’apprenant, comme le disait Daniel Peraya, vont plus que jamais être mis à l’épreuve du changement dans un contexte rapidement évolutif et la montée des générations nées avec le net ; un sentiment de grande lenteur, « d’infiltration progressive » ou de « succession de brèches  dans le bloc structurel universitaire » comme le dit Geneviève Jacquinot-Delaunay dans le chapitre consacré à l’intégration des TICE dans l’institution universitaire et à qui nous laissons le dernier mot :  « A l’image des plantes saxifrages, [toutes ces mini-actions pour l’utilisation du PCSM/Uel/C@mpuSciences, et plus largement des TICE dans l’université], minent lentement le terrain et favorisent la prise de conscience, par tous les acteurs, des véritables conditions nécessaires à la diffusion et au maintien d’une innovation » (2008, p. 253).

Notes

(1) Cette suite de sigles correspond aux différentes dénominations prises par un projet de départ, le Réseau universitaire des centres d’autoformation, qui s’est transformé au fil des années et des politiques publiques en Premier cycle sur mesure/Université en ligne puis en campus numérique (C@mpuSciences). Le dernier avatar en est l’Université thématique numérique « Unisciel« . Le lecteur se reportera à la fiche figurant en annexe pour se faire une idée de ce que ces projets ont recouvert.

(2) Organisées depuis 2004 à l’initiative de la Sous-Direction des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement (SDTICE) du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, les Universités Vivaldi font partie du programme de formation aux TIC des personnels de l’enseignement supérieur.L’une d’elles a été organisée à  Lille 3 du 2 au 4 avril 2008 sur le thème de « l’accompagnement pédagogique via le numérique ». Nous faisons tout particulièrement référence dans la suite à deux présentations accessibles en ligne (comme toutes les autres communications) : celle de Denis Theunynck, médecin hospitalier, Université du Littoral et de la Côte d’Opale http://www.univ-valenciennes.fr/coursenligne/vivaldi08/T1_S1_Theunynck_Denis.pdf)et celle de Laurence Charpentier, cours dans le dispositif « Passeport » de préparation au diplôme d’accès aux études universitaires http://www.univvalenciennes.fr/coursenligne/vivaldi08/T1_S1_Charpentier_Laurence/index.html)

(3) Respectivement : The Times they are a-Changing Learning and Teaching at the UK Open University”, the UNESCO Chair’s International Workshop, Changhai, Chine, 15 novembre 2006, http://www.cdce.cn/newsfile/yanxiuban/work-1.htm et “VLE, Open Source, Open Content, Web 2.0 : Recent experience of the OU UK in eLearning, Eden Conference,  Naples, Italie, 12 juin 2007. http://www.eden-online.org/eden.php?menuId=81&contentId=623

Références bibliographiques

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Caron, Pierre-André ; Varga, Renata, (2008), « Comment concilier en enseignement la perméabilité des applications Web 2.0 et l’identification d’un espace institutionnel ? », Communication présentée à JOCAIR’ 2008, Amiens : 27-29 août 2008.

Combès, Yolande (2008), « Produire et diffuser des ressources », (p.113-143), in Jacquinot-Delaunay, Geneviève ;  Fichez, Elisabeth (dir.), L’université et les TIC : Chronique d’une innovation annoncée, Bruxelles, De Boeck Université.

Crozier, Michel ; Friedberg, Ehrard (1977), L’acteur et le système : les contraintes de l’action collective, Paris : Seuil (collection « Sociologie politique »).

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Fichez, Elisabeth ;  Bal, Alexandra (dir.) (2007), « L’intégration du numérique dans les formations du supérieur », Etudes de communication, numéro spécial.

Jacquinot-Delaunay, Geneviève (2008), « L’intégration des TICE dans l’institution universitaire : de l’infiltration à l’innovation ? », (p.259-275), in Jacquinot-Delaunay, Geneviève ;  Fichez, Elisabeth (dir.), L’université et les TIC : Chronique d’une innovation annoncée, Bruxelles, De Boeck Université.

Jacquinot-Delaunay, Geneviève ;  Fichez, Elisabeth (dir.) (2008), L’université et les TIC : Chronique d’une innovation annoncée, Bruxelles : De Boeck Université.

Lebrun, Marcel (2005),  eLearning pour enseigner et apprendre. Allier pédagogie et technologie, Louvain la Neuve : Bruylant-Academia.

Muller, Pierre ; Surel, Yves (2002), L’analyse des politiques publiques, Paris : Clefs Politique, Montchrestien.

Thibault, Françoise (2003), « Coalitions sociales et innovation pédagogique : le cas du Réseau universitaire des centres d’autoformation », (p. 193-218), in Albero, Brigitte (dir.), Autoformation et enseignement supérieur, Paris : Hermès Lavoisier.

Thibault, Françoise (2007), « Campus numérique : archéologie d’une initiative ministérielle », Etudes de Communication, numéro spécial, p. 17-49.

Payeur, Alain ; Ologeanu, Roxana (2007), « Recherche sur l’offre territorialisée et médiée par les réseaux universitaires », Distances et Savoirs, vol. 5, n°1, p. 119-131.

Annexe

Ces données sont extraites des annexes 1, 2 et 4 de l’ouvrage Jacquinot-Delaunay, Fichez (dir.) (2008)

Le RUCA a été créé en février 1987 par la Direction des enseignements supérieurs (DESUP) du ministère de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports : il regroupe alors 5 établissements dispensant des enseignements de physique, chimie et mathématiques, soit « cinq centres d’autoformation pilotes » avec pour objectif de promouvoir de nouvelles pratiques de formation. Au fil du temps, les actions ne se limiteront pas à la formation continue mais intéresseront aussi bien la formation initiale, délimitant cependant deux tendances qui perdureront : l’une liée à la FC, plus radicale, en faveur d’une rupture avec les pratiques académiques universitaires, l’autre proposant d’intégrer l’autoformation dans les pratiques classiques notamment pour réduire l’échec des premiers cycles scientifiques universitaires.

Premier Cycle Sur Mesure est une notion développée en 1994 dans un opuscule émanant de la Direction générale de l’enseignement supérieur (MESR/ DGES) et largement diffusé dans tous les établissements de l’enseignement supérieur pour intégrer la formation à distance dans un continuum des diverses modalités de formation et donner aux étudiants la possibilité de construire un parcours personnalisé – d’où le terme de « sur mesure ». Des pionniers du RUCA, dont certains avaient déjà contribué aux productions et démonstrations d’une mallette largement diffusée dans les établissements, avaient conçu, avec l’aide d’un financement ministériel, des projets, et celui qui l’emporta en 1997, à la rencontre entre cette notion d’enseignement sur mesure et de leurs pratiques innovantes, fut un programme de création de ressources pédagogiques médiatisées pour les premiers cycles scientifiques, soutenu et financé par le ministère, qui prit le nom de PCSM. Peu à peu,le PCSM finit pas désigner l’ensemble des modules, et l’Université en ligne, leur mise à disposition grâce au développement d’Internet.

C@mpuSciences : Campus numérique scientifique en formation ouverte et à distance de niveau premier cycle universitaire
s’appuie sur des ressources existantes (dont celles du PCSM/Uel) et se veut un consortium axé sur les services (tutorat, travail de groupe…) intégrés dans la plate-forme propre à chaque partenaire afin de privilégier la synergie entre les enseignements présentiels et à distance

Unisciel  : UNIversité des SCIences En Ligne pour les Sciences fondamentales (mathématiques, informatique, physique, chimie, sciences de la vie, sciences de la terre et de l’univers). Les UNT (2004) sont définies comme « des organismes « sans murs », fédérant des Campus universitaires installés dans plusieurs universités ou grandes écoles, sur des compétences complémentaires. Pour l’essentiel, elles fédèrent les grands groupes disciplinaires et leur production est tournée vers l’étudiant ».

Auteur

Elisabeth Fichez

.: Élisabeth Fichez est Professeure émérite en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lille 3 où elle a enseigné de 1984 à 2005 dans l’IUP et les DESS des métiers de la communication. Elle est engagée depuis une dizaine d’années dans des recherches concernant la numérisation de l’enseignement supérieur français, ainsi que plus récemment, étranger. A travers diverses opérations, ses thématiques d’étude portent sur l’innovation pédagogique et les changements organisationnels, les pratiques collaboratives d’apprentissage avec Internet, la co-élaboration des dispositifs de formation et l’évolution corrélative de la notion d’usage.