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La trivialité comme évidence et comme problème – A propos de la querelle des impostures

17 Jan, 2000

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Jeanneret Yves, « La trivialité comme évidence et comme problème – A propos de la querelle des impostures« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°01/1, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2000/varia/05-la-trivialite-comme-evidence-et-comme-probleme-a-propos-de-la-querelle-des-impostures

Introduction

Au printemps 1996, un professeur de physique de l’université de New York, Alan Sokal, faisait paraître coup sur coup deux articles signés de son nom, ès qualités. Le premier, inclus dans un numéro spécial de la revue Social Text, présentait une interprétation philosophique et sociale de la physique contemporaine (Sokal 1996a). Le second article, publié parallèlement, désignait le premier comme un faux, truffé d’erreurs en physique et en mathématiques (Sokal 1996b). A en croire le physicien, ce canular démontrait de façon expérimentale la nullité d’un courant intellectuel, le relativisme. Ainsi commence l' »affaire Sokal », une série interminable de réécritures et d’interprétations en chaîne d’un même événement fondateur. Lancée par Internet, reprise par les médias américains et européens, puis par l’éditeur Odile Jacob (Sokal et Bricmont 1997), l’affaire allait devenir une véritable querelle, menant à des réinterprétations aussi différentes que radicales.

Réalité d’une querelle, possibilité d’un questionnement

De la facétie éditoriale américaine au procès français d’une époque intellectuelle, c’est ce phénomène exceptionnel de réinterprétation constante du même événement, au fil de contextes sociaux, médiatiques et nationaux différents, qui constitue l’intérêt de cette querelle des impostures. Mettant en question et en mouvement l’influence des idées, le jugement des textes et l’évaluation des auteurs, cette querelle fait de la circulation des savoirs à la fois un objet de discours et un espace de démonstration. En outre, elle opère dans un espace inédit, dans une économie des disciplines déstabilisée, selon une logique originale de confrontation des discours. Ainsi la querelle suscite-t-elle un collage et parfois un conflit de problématiques, de stratégies et de rhétoriques habituellement disjointes, mais relevant toutes de ce que je nommerai les disciplines de la métatextualité. La question : « Que valent les textes ? », dès qu’elle est posée dans un espace non normé a priori par une discipline, appelle avec elle la question : « Comment parler des textes ? » Ainsi, les valeurs de la vérification scientifique, celles de la critique littéraire et celles du jugement politique se trouvent-elles d’emblée convoquées ensemble. Situation étrange, mais fort intéressante pour ceux qui s’intéressent à la circulation sociale des diverses formes de savoirs.

L’objet du présent article n’est pas d’analyser ce processus (Jeanneret 1998a), mais de montrer qu’il y a bien un point de vue communicationnel (1) sur ce type de querelle, dont la valeur heuristique est particulière. On peut dire que la prise en compte des faits de communication dans la définition de cette querelle constitue une rupture épistémologique : terme qu’on peut remplacer, si l’on craint le sens dogmatique qui lui a été attribué à tort (Nouvel 1998), par celui de moment problématique. Prendre sérieusement et méthodiquement en compte les processus de communication par lesquels la querelle s’est développée – et surtout accepter de faire une réelle analyse de ces processus dans leurs formes concrètes – modifie radicalement la définition même des enjeux d’une telle querelle et permet d’accéder à un réel problème. Et ceci, paradoxalement mais logiquement, compte tenu de l’absence générale de ce moment problématique dans la plupart des analyses qui ont été produites de l’événement.

La thèse défendue ici est que ce type de querelle – qui prétend apporter une solution simple et définitive aux faits de circulation des idées – ne peut être réellement comprise sans une analyse attentive des formes et enjeux de la communication, propres à mettre en évidence des médiations complexes et décisives. On peut le montrer en confrontant à ses propres limites l’interprétation dominante de la querelle : une interprétation qu’on peut nommer « immédiate », en vertu de son indifférence aux médiations éditoriales, sociales et médiatiques par lesquelles le fond du sujet s’est constitué.

Communication omniprésente, communication ignorée

Pour la lecture immédiate de la querelle, l’événement fondateur a le statut d’évidence non interrogée. Sokal a raison ou il a tort. S’il a raison, c’est que le combat qu’il mène pour la rationalité et contre l’obscurantisme est juste ; s’il a tort, c’est qu’il manifeste la propension invétérée des physiciens à professer le scientisme. Sokal connaît la physique ; il accuse des philosophes d’en mal user. A-t-il raison ? Défend-il ainsi, par la police des concepts, les conditions de la rationalité ? Expose-t-il publiquement, au contraire, par cette attitude, son incompréhension de la philosophie ?

C’est bien ainsi que s’engage le pseudo-débat, notamment dans la phase européenne de la querelle. De cette saisie en bloc de l’événement fondateur, il ne saurait sortir aucune élaboration collective de la difficulté des questions épistémologiques et culturelles soulevées par la querelle. La confrontation exploite le premier article incriminé, tiré de tout contexte social (la gauche universitaire américaine) et éditorial (le processus de la double publication) et dégagé de son incongruité épistémologique (la correction physique de textes non physiques). Les sokaliens accablent les éditeurs ignorants en physique, et, de proche en proche, tous les auteurs dits « postmodernes », puis la « french theory » telle qu’on l’étudie aux Etats-Unis, qu’il s’agisse de Bergson, de Lacan, de Barthes, ou de Latour. Symétriquement, les antisokaliens défendent la pertinence des mathématiques lacaniennes ou la lecture d’Einstein par Latour, comme si cette défense était absolument indispensable à la préservation de la dignité des sciences humaines. Le discutable glisse ainsi entre les mains, au bénéfice d’un défilé de solutions illusoires. Pour les uns, la correction d’erreurs en physique autorise à juger le rôle politique des intellectuels, pour les autres, la défense de la philosophie exclut qu’on reconnaisse les effets de scientisme clinquant auxquels quelques auteurs se sont livrés. En ce qui concerne le débat proprement épistémologique, les premiers affirment sans nuance que les lois de la physique sont réelles comme les rochers sont réels, tandis que les seconds défendent l’idée que chaque culture produit son monde, la réalité des cosmologies indiennes étant aussi réelle que celle des archéologues.

La presse a reconduit sans cesse ce face-à-face figé. Les débats occasionnés par les diverses publications relatives à la querelle ont reproduit plus récemment ces exercices éristiques sans nuances. Nous sommes face à une construction rhétorique prête à se répéter sans fin (éventuellement en accablant Sokal après l’avoir encensé, ce qui ne présente guère d’intérêt).

Si au contraire on accepte de passer par un moment d’analyse communicationnelle pour aborder la querelle, celle-ci apparaît sous un tout autre jour. D’où vient en effet le système alternatif décrit jusqu’ici, sinon des conditions éditoriales et rhétoriques de la réécriture, puis de la constitution d’une sorte de vulgate médiatique de l’affaire ? C’est la manœuvre éditoriale initiale qui a produit l’illusion que toutes ces questions, fort différentes et extrêmement complexes, seraient liées entre elles et qu’elles pourraient recevoir une solution simple et unique. Réécrit par la grande presse américaine, l’événement fondateur a diffusé la bonne nouvelle d’un règlement définitif des comptes de l’influence intellectuelle. Lorsque l’affaire arrive en Europe, elle est toujours déjà empêtrée dans les apparences de son évidence : résultat de l’amalgame des questions mis en place dès la première opération éditoriale et graduellement enrichi par le commentaire journalistique. Cette approche, épistémologiquement indéfendable, est loin d’être dépourvue de réalité culturelle, comme le montre amplement la querelle : elle mobilise et diffuse une idéologie illusoire de la communication.

Une telle conception immédiate de la querelle entretient une relation paradoxale à l’histoire de la querelle elle-même, qu’elle reconduit tout en l’ignorant. Elle se soumet aux ordres de la communication sans prendre la peine de considérer ces ordres – de les déconstruire. Tout tourne autour de l’événement fondateur. Mais sur quel terrain celui-ci trouve-t-il sa pertinence ? S’employant à lever les malentendus de l’affaire, Baudouin Jurdant observe, à juste titre, que celle-ci est « désagréable à penser » (Jurdant 1998, p. 11). Pourquoi ? Cela tient à mon avis à ce statut instable, à cette nécessité de devoir se placer sur une pluralité de terrains et dans une pluralité de cadres de discussion.

L’argumentation la plus courante des sokaliens est significative de cette logique de dénégation de la pertinence communicationnelle. Après avoir bruyamment amplifié un rire présenté comme universel entre gens éclairés, ils s’étonnent de l’ampleur des réactions à la manœuvre sokalienne, protestent contre le fait qu’on prenne au sérieux ce qui n’était qu’une facétie, affirment que Sokal n’a pas pris les positions scientistes qu’on lui attribue le plus souvent. Aux yeux des sokaliens, le fait que la querelle aboutisse à une dénonciation publique des intellectuels français n’est qu’un détail négligeable, une regrettable dérive des pratiques journalistiques, sans rapport avec leur volonté initiale d’établir un débat philosophique, et ne posant pas problème du point de vue d’une croisade pour la rationalité. Sincèrement ou non, ils oublient le caractère de confusion et de médiatisation que la première publication a d’emblée imposé. Mais les antisokaliens, s’ils se définissent comme tels, n’échappent pas totalement à ce même amalgame, dont ils n’ont certes pas la responsabilité : l’antisokalisme est pris dans la confusion des ordres que le sokalisme a institué.

Si l’on m’autorise une thèse offensive, ceci me paraît démontrer que malgré le mépris que les disciplines culturelles les plus légitimes (scientifiques et littéraires) continuent de lui vouer, la pensée de la communication montre ici qu’elle n’est pas un supplément mais une condition pour accéder à un questionnement épistémologique réel. Qui n’analyse pas le processus communicationnel reste pris dans les illusions que son évidence (son apparente simplicité) a engendrées. Sans l’effort méthodique pour en lire les ressorts, l’affaire n’est pas seulement désagréable à penser : elle est impensable. Au rire ne peuvent succéder que le mutisme ou l’invective. Pour qui prend en revanche la peine de lire attentivement les deux articles initiaux et le numéro de Social Text dans lequel le premier a été publié, puis de parcourir attentivement les multiples redéfinitions du débat, il est clair d’emblée que l’affaire touche des questions fort complexes. Les conclusions que Sokal tire de sa prétendue « expérience » couvrent une gamme incroyablement étendue de problèmes : statut des propositions physiques ; technicité des vocabulaires ; théories de la connaissance ; relations entre science, philosophie et littérature ; valeurs de la rationalité politique… L’appel qu’il lance au sens commun pour juger les théoriciens obscurs donne dangereusement la main à l’ignorance pour juger les oeuvres savantes. Confusion d’enjeux et d’espaces que les diverses phases de la réécriture médiatique ne pourront qu’amplifier.

La querelle des impostures a fabriqué de l’illusion. Et ceci, précisément – là réside le paradoxe – dans la mesure où les faits de communication sur lesquels elle repose sont trop mal connus pour être compris : ils agissent d’autant plus puissamment qu’ils restent inaperçus. C’est, je crois, ce qu’observait déjà Barthes quand il faisait de l’analyse sémiologique la forme nécessaire de la critique de l’idéologie triviale (Barthes 1957, p. 191-247), à ceci près que la sémiologie n’est qu’une des composantes de cette mise en question des fausses évidences, car l’organisation des signes n’est que l’un des ressorts de l’évidence des faits de trivialité. Mais aujourd’hui comme en 1957, la description des ressorts de l’illusion de naturalité des faits de diffusion culturelle reste possible.

Les deux parties suivantes de cet article montrent, sur deux exemples limités, comment s’articulent le fait de réaliser une analyse méthodique des pratiques de communication liées à la mise en circulation sociale des savoirs et la possibilité de rendre problématiques ces fausses évidences : ces deux exemples de moment problématique (concernant respectivement les pratiques documentaires et le cadre social de la communication) montrent, sinon la supériorité, du moins la consistance et la productivité de méthodes communicationnelles pour l’analyse : des méthodes qui comme on va le voir, opèrent un partage des lectures.

Le faire éditorial

Le premier exemple d’analyses concerne l’événement fondateur lui-même, dont la nature communicationnelle, apparemment évidente, est en réalité très subtile. Les textes dont discute la querelle ont été collectés et publiés dans certaines conditions, sur certains supports. Il y a un partage irréconciliable entre les lectures qui tiennent ces détails pour indifférents, et celles qui en font une donnée constituante de la question. L’affaire, et le problème épistémologique, ne peuvent être dans les deux cas les mêmes.

Le canular est le plus souvent traité comme un fait accompli, comme une sorte de « flagrant délit » : vocabulaire judiciaire qui radicalise la métaphore scientifique initiale, d’un physicien qui « expérimenterait sur les cultural studies »… Si l’on considère ainsi le canular initial, voire si l’on en fait, comme certains, une expérience de falsification d’une théorie, il ne fournira à la querelle qu’un point de fuite, plus ou moins invisible. Ce sont pourtant les particularités de cette manœuvre éditoriale initiale qui font toute l’originalité de l’affaire Sokal et qui rendent possibles (sans les déterminer strictement) les développements ultérieurs de la querelle. Ce qui semble à première vue un fait établi décisif mais simple – décisif parce que simple – une sorte de règlement de comptes définitif de la rhétorique, s’avère à l’examen une manœuvre rhétorique et éditoriale extrêmement complexe de manipulation de textes et de positions auctoriales. Pour rendre compte de la nature particulière de l’événement fondateur, il faut mobiliser plusieurs notions. La première catégorie est rhétorique : elle consiste à reconnaître, dans l’opération de Sokal, comme dans le discours des auteurs qu’il accuse, la même métaphore scientiste. En présentant comme une expérience une opération d’édition, Sokal utilise, comme les auteurs qu’il incrimine, le prestige des activités scientifiques dans un contexte où elles n’ont aucune pertinence autre que rhétorique.

L’identification du procédé rhétorique, qui évite l’illusion, doit être prolongée par une analyse des réels ressorts de la manœuvre sokalienne : analyse qui engage le statut communicationnel de la parole et les données matérielles et sociales du processus éditorial. Cette analyse permet de comprendre comment Sokal peut produire un simulacre des positions de ses adversaires, se faire éditeur de leurs textes et discréditer, à travers la faillite des responsabilités éditoriales, le statut auctorial des auteurs de cultural studies. Les notions de polyphonie (Ducrot 1984), de simulacre (Maingueneau 1984) et d’énonciation éditoriale (Souchier 1997) sont indispensables pour identifier les effets très complexes, et durables, de la manoeuvre éditoriale initiale. Peut-être le propre de l’analyse communicationnelle et documentaire est-il de mettre en relation ces notions, en vertu d’une problématique structurante, fournie par la question vive de la trivialité. Nous sommes dans un cas où l’analyse des pratiques de communication, parce qu’elle est interdisciplinaire, peut articuler des notions élaborées par des champs disciplinaires distincts, à l’occasion de l’analyse concrète d’une situation concrète : la rhétorique de la scientificité légitime une opération de manipulation des procédures d’édition, reposant sur la décontextualisation des textes et produisant une forme subtile de simulacre argumentatif.

Cette analyse ne « blanchit » pas les textes attaqués par Sokal et ses alliés. Mais elle permet une approche plus riche des enjeux soulevés par l’affaire. Elle n’efface pas le fait que le succès éditorial des sciences humaines s’est parfois nourri d’une revendication indue de la scientificité des sciences de la nature. En revanche, elle sauvegarde, contre toute précipitation à confondre les ordres, des distinctions essentielles. Elle évite de croire qu’un dissensus peut être tranché par une expérimentation et garde d’assimiler le simulacre des positions avec la critique des textes réels – précipitations qui auraient des effets plus graves que le mal qu’elles sont censées combattre. Mais surtout ce type d’analyse permet d’avoir une lecture non linéaire des enjeux de la communication culturelle : de reconnaître que la querelle, comme tout procès de communication, soulève plusieurs enjeux à la fois, qu’elle est polychrésique (loin de toute croyance en une fonction unique), qu’elle ne se laisse pas lire selon une logique unique. La querelle des impostures concerne le statut de la physique, le rôle social et politique des intellectuels, la façon d’écrire l’histoire des idées, les formes de la rationalité contemporaine, la valeur heuristique du style, la relation entre reconnaissance scientifique et succès éditorial, etc. Et c’est parce qu’elle concerne tout cela à la fois qu’elle est révélatrice.

En poursuivant l’analyse éditoriale sur l’ensemble de la querelle, en y incluant une analyse des formes énonciatives et des effets de mise en relief de la presse, on peut décrire la distribution médiatique des rôles, entre les auteurs de cultural studies, les auteurs français et les physiciens-critiques. On observe qu’aucun périodique n’expliquera le projet intellectuel de Lacan ou de Derrida, ni ne citera d’autres textes de ces auteurs que ceux que Sokal a extraits de leur œuvre. On constate que les rééditions successives présenteront le premier article de Sokal, mais non les textes des auteurs de Social Text. L’analyse éditoriale, énonciative et médiatique permet de comprendre que ce qui est mis en place d’emblée est la capture d’un régime de discours par un autre, ce qui rend lisibles les multiples avatars de ces affrontements de légitimités discursives. Le fait que les cultural studies n’aient pas davantage fait l’objet d’une réelle lecture critique en France à l’occasion de l’affaire Sokal est sans doute au moins aussi important que le fait qu’on ait dit quelques bêtises sur la physique contemporaine à un public peu cultivé scientifiquement. Le fait qu’on s’habitue à prendre au piège des auteurs de la façon la plus indirecte qui soit, plutôt que d’entreprendre une critique de leur œuvre, est de première importance pour l’avenir. La mise en place d’une rhétorique du stigmate, consistant à exhiber des fragments de textes présentés comme indûment obscurs devant un grand public arbitre, au nom de son ignorance – rhétorique éditoriale et énonciative qui se reproduit à l’occasion du « procès des manuels scolaires » – est encore plus importante. Or tout cela, on ne le voit pas, si l’on ne procède pas au travail méthodique d’étude des documents et des rhétoriques. L’analyse du processus communicationnel, depuis son économie matérielle jusqu’à sa justification rhétorique, peut seule détacher ces faits de culture écrite de leur apparente naturalité.

Je donnerai comme simple exemple la question qui m’a été deux fois posée dans deux débats différents : « Comment pouvez-vous justifier des gens qui écrivent que ‘Pi’ et ‘G’ sont des notions historiquement datées ? ». Je n’ai rien à répondre à cela si ce n’est inviter mon interlocuteur à reprendre le fil de la querelle pour la voir. La seule personne qui a écrit que « le ‘Pi’ d’Euclide et le ‘G’ de Newton » (2) étaient historiques, c’est Alan Sokal, dans l’article qu’il a lui-même pris soin de rédiger pour cette publication. Mais le jeu de l’évidence éditoriale et de sa réécriture incessante est tel qu’Andrew Ross, coupable d’avoir accepté l’article pour publication, puis Jacques Derrida, coupable d’être apprécié par Andrew Ross, sont censés avoir écrit cette phrase, ou plus exactement que « Pi » et « G » sont relatifs. Éditeur et complice d’éditeur d’un texte rédigé par le scripteur Sokal, ils sont, aux yeux du public, considérés comme auteurs de ce même texte, alors que leurs propres théories ne sont pas présentées…

Espaces et légitimités

Cet exemple permet de tracer une autre ligne de partage essentielle, qui tient à la prise en compte de la complexité des espaces dans lesquels la communication se déploie et – si l’on m’autorise cette terminologie peu orthodoxe – de la façon dont ils découpent leur propre publicité (Pailliart 1995 ; Wolton 1997, p. 163-172).

L’un des arguments les plus récurrents des sokaliens consiste à protester contre les accusations de scientisme à leur avis injustement portées contre Sokal et Bricmont. La réponse éristique des antisokaliens consiste à chercher (et à trouver) dans les propos tenus ici ou là par Sokal et Bricmont des signes incontestables de scientisme. C’est à mon avis déployer, de part et d’autre, beaucoup d’énergie en pure perte. Et ceci parce que cette confrontation reproduit une fiction : celle d’un espace de discussion clos dans lequel l’objet serait de cerner la pureté des intentions de chacun, espace qui existe comme revendication mais ne s’observe pas comme structure sociale observable (Habermas 1987). Il n’est pas interdit de produire cette fiction ; mais il n’est pas douteux que celle-ci n’est pas la plus pertinente, si l’on cherche à mettre en question les ressorts de l’influence intellectuelle dans la société et si l’on veut comprendre les conditions dans lesquelles s’établissent réellement les conditions effectives de la légitimité des arguments (Bautier 1994).

Le point de vue communicationnel est autre : il regarde comme signifiant l’intertexte de la querelle, et non le discours, ou a fortiori les intentions de tel ou tel des participants, et il ne produit pas l’analyse de cet intertexte dans la fiction d’un espace de discussion idéal, mais dans la prise en compte de cadres institutionnels, de rhétoriques et de principes de légitimité hétérogènes (Jeanneret 1994, 159-266). Ce qui est le plus important, ce n’est pas qu’un physicien new-yorkais ait eu des idées plus ou moins pures, c’est qu’une opération éditoriale menée aux États-Unis ait entraîné un certain nombre d’effets, dans des contextes divers, par l’intervention d’acteurs divers. Certes, admettre ceci suppose un changement de point de vue très difficile, compte tenu du culte bien établi des intentions des auteurs, culte auquel toute notre idéologie littéraire nous a habitués (Compagnon 1983). Ici encore, la prise en compte des formes de la communication a des conséquences essentielles sur la façon de définir les enjeux de la querelle dans son ensemble.

Sokal n’a pas initié un débat entre spécialistes selon les formes réglées de la controverse, débat dont le but serait la reconnaissance et l’évaluation de ses propres intentions. Il n’a pas confié à un journal intime ses convictions de penseur. Il a provoqué une querelle, et ceci, précisément, compte tenu des formes éditoriales et médiatiques qu’a prise son initiative de communication. Et il ne pouvait pas en être autrement à partir du moment où un physicien, en sa qualité de véritable scientifique, prétendait confondre des auteurs consacrés et cités, par un appel au bon sens des citoyens ordinaires, convoqués dans les forums Internet et interpellés dans la grande presse… Les textes recueillis par Baudouin Jurdant en réponse à Sokal (Jurdant 1998) montrent de façon spectaculaire ce caractère décisif de la négociation des normes scientifiques et de l’acceptabilité sociale, que le même auteur avait depuis longtemps identifiée comme l’un des ressorts majeurs de la vulgarisation (Jurdant 1973). Mais sans doute pourrait-on poursuivre l’analyse de cette querelle, qui est tout sauf interne à la communauté scientifique, comme témoignant des déplacements de frontières entre espaces de publicité (Miège 1997, p. 109-119).

On s’est beaucoup étonné de l’ampleur du débat suscité par l’affaire : on l’aurait moins fait si on avait pris soin d’emblée d’en reconstruire la topologie, qui est une mise en confrontation d’espaces de légitimité. Pour le comprendre, il faut noter d’abord que l’objet de la querelle n’est pas la valeur des idées mais l’influence des œuvres. Ce qui choque Sokal n’est pas que Lacan, Derrida ou Latour aient tort ; c’est qu’ils aient une influence excessive à ses yeux. Aussi toute la querelle est-elle une manipulation des procédures de l’influence et de la consécration des œuvres. Il n’est pas question d’étudier ici la très riche matière que la querelle expose, aussi bien en termes de formes de discours consacrées (le commentaire, le recueil, la fable, la correction de devoirs, etc.) que de valeurs culturelles invoquées (la transparence du langage, la clarté du style, l’objectivité de lois, l’intangibilité des méthodes, le bon sens du citoyen ordinaire, etc.). On comprendra seulement que si l’on a observé d’emblée cette ouverture du débat sur des espaces sociaux hétérogènes, aux normes contradictoires, la querelle puisse devenir particulièrement intéressante, comme cristallisation d’enjeux de toute nature – et aussi particulièrement inquiétante, comme signe parmi d’autres d’un goût immodéré de notre époque pour les procès en révision médiatique des formes de l’engagement intellectuel, plutôt que pour les formes créatives de la culture.

Penser la trivialité : perspectives et perplexités

L’analyse de cette même querelle fournirait de nombreux autres exemples de ruptures introduites par une analyse méthodique des faits de communication et permettant de formuler des problématiques explicites. Par exemple, il est très différent d’invoquer comme si elle allait de soi l’opposition entre la philosophie des Lumières et le postmodernisme, ou de chercher à comprendre comment se constituent ces catégorisations, dans quelles publications elles s’expriment et à quoi elles servent ; autre exemple, il n’est nullement équivalent de rêver d’un régime pur des terminologies, voire d’une police du langage, ou d’étudier la nature et la dynamique des emprunts et de poser la question de leurs effets au sein d’une théorie de l’intertextualité, etc. Mais la défense et illustration ici proposée d’une analyse de la trivialité théoriquement armée pourrait donner à penser que la toute puissance des méthodes est assurée. Il n’en est rien. L’affaire Sokal montre l’importance de l’analyse des faits de trivialité. Elle montre que les modes de problématisation développés par les sciences de l’information et de la communication ont une prise tangible sur ces questions. Mais elle montre autant, sinon davantage, à quel point nous sommes loin de pouvoir prétendre savoir analyser la trivialité. L’exemple fourni par l’analyse que j’ai tentée de la querelle des impostures n’est à mon avis qu’une assez grossière ébauche de ce que pourrait être un tel type d’études. En outre, c’est une forme d’étude parmi d’autres (la description et le commentaire d’un corpus intermédiatique pris dans sa synchronie) qui n’est ni unique, ni exemplaire, ni dépourvue d’hypothèses critiquables, dans le domaine de la culture triviale.

C’est pourquoi, plutôt que de poursuivre cet inventaire, je voudrais pour finir risquer quelques conclusions plus générales et tenter de formuler quelques perspectives – mais aussi beaucoup de perplexité – sur la place que les méthodes d’analyse des faits de communication peuvent occuper dans une élaboration consciente des problèmes soulevés par la circulation sociale des savoirs. Ces commentaires peuvent, dans l’espace limité de cette conclusion, prendre la forme de trois thèses, suivies de questions un peu plus nombreuses.

L’étude de l’affaire Sokal me suggère une thèse principale relativement offensive, que je formulerai de la façon suivante : pour poser la question de la diffusion sociale des savoirs et plus généralement celle du statut des formes de culture, il est nécessaire d’inclure un moment structurant de description des ressorts, procédures et formes de la communication. Et ce moment suppose des méthodes, en partie développées par les sciences de l’information et de la documentation, en partie liées aux études des médias et médiations sociales, en partie héritées des disciplines du texte. On ne peut pas se contenter de regarder de loin les controverses, de parler plus ou moins métaphoriquement de médiation, de convention ou de traduction, il faut aller y regarder de près : vers les objets, les pratiques documentaires, les acteurs, et – j’insiste particulièrement sur ce point – les formes d’expression. Cet examen n’est pas un aspect marginal, ou secondaire, ou externe, de l’analyse culturelle, mais un moment primordial. Ce type de travail, méthodique et assez ingrat dans son principe, produit des connaissances. Comme le domaine de la trivialité a été trop méprisé (ce qui est socialement répandu étant supposé être théoriquement pauvre), la simple description rigoureuse des phénomènes peut apporter beaucoup.

Les exemples étudiés plus haut montrent suffisamment que si elle ne met pas à profit d’emblée les disciplines éditoriales, médiatiques et sémiologiques, l’étude de ces questions se place dans un univers théoriquement indécidable et flottant. Cette thèse de la non-marginalité des méthodes de la communication ne signifie évidemment pas que celles-ci détiennent la réponse ou le dernier mot dans les questions ici posées : bien au contraire, on voit que la mise au travail de ce type d’étude n’a de sens que reliée aux enjeux, intellectuels et sociaux, des controverses relatives aux savoirs. Il n’y a donc pas de paradigme de la communication qui pourrait prévoir, résoudre ou formaliser les problèmes relatifs à la socialisation des savoirs. Il existe des méthodes d’analyse des processus de communication, dont certaines ont une pertinence particulière pour décrire la construction de formes de savoir et de relation sociale au savoir. Il existe des concepts permettant de construire de tels questionnements et il est possible d’affiner leur application par un travail systématique sur des corpus du type de la querelle des impostures.

Ceci autorise une seconde thèse, qui est que l’interdiscipline des sciences de l’information et de la communication peut jouer un rôle original dans ce travail et être le cadre privilégié de son développement, en relation avec d’autres disciplines. Non parce qu’elle aurait inventé ces méthodes et ces concepts seule, mais parce qu’elle les met au travail de façon particulièrement construite. Cette interdiscipline est un lieu de recherche dans lequel une réflexion sur les relations entre les divers niveaux d’organisation de la trivialité trouve sa pertinence scientifique propre, sans avoir à être justifiée par autre chose. On peut y échapper à la logique de la terre brûlée, qui guette les disciplines où l’usage concret des outils descriptifs rapporte moins que leur contestation. Ceci suppose évidemment qu’on encourage les jeunes chercheurs à tenter des descriptions partielles de ces processus multidimensionnels, et qu’on estime l’effort pour inventer un croisement fécond des méthodes capable de produire du neuf. Les quelques exemples donnés plus haut empruntent à l’histoire du livre et de l’édition, à la sociologie littéraire, à la rhétorique, aussi bien qu’à des courants développés proprement au sein de l’interdiscipline « sciences de l’information et de la communication ».

En droit, la question de la trivialité regarde aussi bien la philosophie que la sociologie ou l’histoire littéraire. Mais en pratique, elle demande pour être prise en compte un effort de méthode à la fois transversal et contrôlé qui me semble du ressort spécifique de notre discipline. L’idée d’éclectisme méthodologique (au sens étymologique du terme), c’est-à-dire le choix de méthodes à partir d’une problématique et d’enjeux, peut caractériser ce type de recherche, dans laquelle les idées neuves peuvent naître de l’utilisation d’outils classiques – et aussi des outils neufs de la contextualisation nouvelle d’outils anciens. Dans ce cadre, la tradition française des sciences de l’information et de la communication (faut-il dire : l’exception française ?) me semble particulièrement précieuse. En effet, les phénomènes ici étudiés, qui ont tant de mal à se ranger en disciplines (leur faible prise en compte par les sections du CNRS est à cet égard significative) opèrent à la jonction des concepts de rhétorique des textes et d’espace publics, à la jonction des « sciences de la documentation », du livre, de l’édition, de la position auctoriale et des « sciences de la communication », des médias, des institutions, des messages contemporains, ce qui ne fera sans doute que se confirmer avec les nouveaux régimes du texte (Chartier 1997).

Cette position passionnante est sans doute également de nature à rendre l’interprète modeste. Je définirais bien (c’est la troisième thèse) l’analyse de la culture triviale comme une lecture, certes documentée et fondée sur des concepts généraux de situations et de pratiques singulières, mais seulement une lecture, et non une explication du social. La querelle des impostures ne me suggère aucune théorie de la diffusion, aucune science de la publicité, aucun modèle de la fonction médiatrice. Les phénomènes impliqués par de tels processus de communication sont de nature diverse et ils sont soumis à des logiques non cohérentes. Comment les idées circulent-elles ? Comment les savoirs deviennent-ils légitimes ? C’est affaire à la fois de ressources matérielles, de formes d’écriture, d’idéologies, etc. Et cette affaire me semble pouvoir, selon les occasions et la créativité des hommes, s’organiser fort différemment. C’est pourquoi, tout en saluant le fait que Régis Debray ait le premier proposé de réfléchir à la force agissante des idées (Debray 1979), je refuse la visée généralisante et techniciste d’une médiologie trop prédictive. L’interprète de la culture triviale observe certains de ces phénomènes. Il manque beaucoup de choses, car les textes sont troués et les méthodes sont réductrices, mais il saisit quelque chose. Il propose, compte tenu des enjeux qu’il a pu identifier dans tel ou tel contexte de communication, des relations possibles entre ces niveaux d’organisation de la trivialité.

Mon avis est que ce type de travail n’est ni prédictible ni modélisable. Sans doute serait-il utile, à titre de repère méthodologique, de nommer et de structurer les niveaux d’analyse de la trivialité : non pour les hiérarchiser, mais pour soumettre à discussion des exigences de méthode. J’ai tenté un effort, encore limité, dans ce sens (Jeanneret 1998b). Définir une grille méthodologique d’analyse de la trivialité, comme on le fait pour les méthodes d’analyse des textes littéraires, pourrait présenter un intérêt pour la conduite et l’évaluation des investigations, et pour la formation des chercheurs. La condition impérative est que cette grille indique par où l’on doit passer, mais non où l’on doit aboutir. La méthode d’investigation peut prétendre à une certaine généralité. Mais l’ordre du commentaire, l’importance donnée par le lecteur, ici au fait technologique, là aux formes rhétoriques, n’a pas de raison de s’affranchir a priori de la singularité. L’outil peut être décisif ici et le style là. D’ailleurs, l’interprétation produite par le chercheur des faits qu’il porte au jour repose sur son propre engagement dans la situation, sur ce qu’il juge essentiel. Cela seul, qui suppose toujours une éthique de la communication, peut justifier le découpage et la hiérarchisation qu’il propose à son lecteur.

Cette troisième thèse, qui peut sembler relativement plate ou prudente (elle l’est) n’est peut-être pas si banale. Le désir de produire un modèle universel, soit par réduction à une détermination, soit par hiérarchisation des facteurs, soit par typologies des genres, a-t-il cessé de travailler l’interdiscipline ? Cette troisième thèse signifie qu’un tel désir, si flatteur soit-il, est déraisonnable.

Si l’on admet une telle perspective, les sujets de perplexité sont nombreux pour qui veut développer un programme de recherche sur les formes de la culture triviale. Les questions vives sont plus nombreuses et plus complexes que les thèses. En voici pour finir quelques-unes, pêle-mêle : quelles sont les conséquences méthodologiques du fait de penser en termes de transformation des messages ? Comment se saisit et s’analyse la réécriture ? Comment se décrivent les transformations ? Quel type de pouvoir social la réécriture manifeste-t-elle ? Comment penser les pouvoirs éditoriaux et médiatiques, si l’on sort du modèle binaire de l’émetteur et du récepteur ? Comment étudier en tant que telles les mutations matérielles des circuits culturels sans faire du déterminisme technique ?

L’analyse de la culture triviale est essentielle. Dans le meilleur des cas, il n’est pas exclu qu’elle soit possible.

Références bibliographiques

Barthes Roland, Mythologies II. Le Mythe, aujourd’hui, Paris, Seuil, 1957.

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Jeanneret Yves, L’Affaire Sokal ou la querelle des impostures, Paris, Puf, 1998 (a).

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Jurdant Baudouin, Les Problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique, thèse, Strasbourg, Université Louis Pasteur, 1973.

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Pailliart Isabelle (dir.), L’Espace public et l’emprise de la communication, Grenoble, Ellug, 1995.

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Wolton Dominique, Penser la communication, Paris, Flammarion, 1997.

 

Auteur

Yves Jeanneret

.: Yves Jeanneret, professeur à l’université Lille 3, conduit des recherches sur la trivialité des objets culturels, c’est-à-dire leur mode de circulation, d’appropriation et de légitimation dans la société (communication scientifique, traditions littéraires, messages quotidiens, discours médiatiques, supports et formes de la réécriture). Il a publié Ecrire la science (PUF, 1994) et L’Affaire Sokal ou la querelle des impostures (PUF, 1998).