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« Communication Internationale » et enjeux scientifiques : un état de la recherche à la naissance des sciences de l’information – communication en France

3 Oct, 2016

Résumé

Largement consacrée, l’appellation objectivante Communication Internationale n’existe ni en tant que concept, ni en tant que champ, catégorie, théorie, école, discipline ou filière et ne donne lieu à aucune approche méthodologique originale. Son domaine de circonscription reste flou et élastique, dès lors que la tentative d’identification s’inscrit dans une démarche diachronique, au fur et à mesure que sa convocation englobante renvoie à des acteurs de plus en plus nombreux et prête le jeu à des productions discursives à géométrie variable. La polysémie terminologique dissuade d’une recherche exhaustive. Pour autant, la référence produit des effets de sens, qu’il est aujourd’hui temps de mettre en perspective. Alors, la seule option possible, pour un repérage éclairant passe par le fil conducteur disciplinaire des sciences de l’information – communication.

À partir de leur constitution officielle en France à la fin des années soixante-dix et avec son imposition progressive au sein des sciences humaines et sociales, les Sic offrent approches théoriques et questionnements épistémologiques, encore quantitativement raisonnables et accessibles pour autoriser un premier répertoire. Qui plus est, circonscrite à un pays en même temps que prenant acte des productions et collaborations scientifiques transnationales, structurée à partir de l’entrée exploratoire via l’information médiatisée tout en se gardant des pièges du médiacentrisme, l’interrogation de la discipline laisse apparaître des inflexions épistémologiques, théoriques, conceptuelles et méthodologiques justificatives d’un état, provisoire, de la recherche, sur un terrain par trop encombré ailleurs, y compris et surtout au niveau des organisations internationales.

Mots clés

Communication Internationale, sciences de l’information – communication, épistémologie de la communication..

In English

“International communication” and scientific issues: a state of the art at the birth of information – communication sciences in France

Abstract

What is designated as International Communication does not, in fact, actually exist, neither as a concept, a field, a category, a theory, a school, a discipline, nor a sector. It does not provide any original methodological approach. Its area of utility remains unclear and notably flexible, since the identification attempts to specify it are diachronic in character, as its claims refer to actors that steadily become more numerous and give rise to a variable geometry as well as more and subtle discursive productions. Embodied in publication titles and university courses, mobilized by international organizations for use in classificatory objectives, called upon for terminological clarifiction, it can only disappoint, offering false structural syntheses that fill scientific journals. Driven by a variety of often non-visible politico-cultural interests, its terminological polysemy discourages serious and exhaustive research.

However, its discursive manifestation does produce meaning effects and impact on our understanding, and it is now time to put this in perspective. Thus, the only option for illuminating this situation – one that would avoid endless description and inventories – requires the common thread of a discipline, namely the information-communication sciences. From its formal constitution in France at the end of 70’s and with its progressive establishment in Humanities and Social sciences, this discipline now provides a significant theoretical corpus and epistemological anchoring. At the same time, it is still possible in provide a reasonable and accessible to initial overview. Moreover, confining ourselves to one country while simultaneously taking into account transnational scientific collaborations and productions – and not least avoiding the pitfalls of mediacentrism – an interrogation of the discipline reveals a formidable toolbox. Its epistemological, theoretical, conceptual and methodological features justify a provisional state of the art, one that stands out in a crowded academic domain, and offers useful alternatives to the problematic character of International Communication.

Keywords

International Communication, Information – Communication Sciences, epistemology of communication.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Cabedoche Bertrand, «« Communication Internationale » et enjeux scientifiques : un état de la recherche à la naissance des sciences de l’information – communication en France», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°17/2, , p.55 à 82, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2016/dossier/04-communication-internationale-enjeux-scientifiques-etat-de-recherche-a-naissance-sciences-de-linformation-communication-france/

Introduction

Entreprendre d’éclairer scientifiquement l’envergure et le déploiement de la Communication Internationale et considérer l’ensemble de ses enjeux, constitue une gageure : l’objet de connaissance, comme ses acteurs, se présentent volubiles, donc insaisissables. Le constat s’impose, dès lors qu’il s’agit d’embrasser chacun des axes, synchronique et diachronique et chacune des dimensions, temporelle et spatiale, structurant l’évolution référentielle de l’expression Communication Internationale : celle-ci apparaît toujours plus englobante, de l’instant où la plume greffière de Théophraste Renaudot s’était vu consigner la relation des événements entre nations en la réduisant dans sa Gazette, aux seuls faits de cour, jusqu’à l’appel de l’Unesco de 2010, invitant « les usagers à devenir des participants actifs et des créateurs dans un monde numérique, si l’on veut que les médias (…) améliorent aussi nos capacités de découverte de l’Autre, d’ouverture, d’acceptation mutuelle et de dialogue ». Initialement réservé à la désignation du jeu diplomatique entre nations les plus puissantes, puis à l’implication de plus en plus inclusive des organisations internationales pour le développement, le domaine intègre aujourd’hui de multiples acteurs, objets et problématiques, et renvoie à un éclatement d’enjeux que l’on devine fondamentaux, quoiqu’insaisissables. Mobilisée au gré des intérêts et jeux stratégiques et tactiques des acteurs, l’expression caméléon autorise de ce fait la convocation naturalisée d’expressions qu’il convient au contraire de mettre en question, pour en identifier les enjeux, souvent souterrains : ère numérique, diversité culturelle, modernité, communication pour le développement, dépendance, journalisme de la paix, créativité citoyenne, etc. À cet effet, l’entrée par une discipline scientifique, telle que les sciences de l’information – communication, s’avère nécessaire, pour autoriser la distanciation vis-à-vis d’une appellation faussement objectivante, tout en révélant les effets de sens auxquels ouvre, précisément, le flou constitutif du domaine.

Méthodologiquement, le présent travail s’appuie sur des publications scientifiques antérieures de l’auteur, publiées dans différents pays et une prospection d’articles regroupés autour du mot clé Communication Internationale, d’abord au sein de la revue Les Enjeux de l’Information et de la Communication. Il se nourrit parallèlement d’incursions complémentaires dans d’autres revues à comité scientifique et ouvrages structurants de la discipline en France. La présente communication se propose déjà d’en explorer les fondements au moment de la constitution de la discipline, avant que, les paradigmes ainsi identifiés, la conclusion n’évoque des pistes d’analyse théorique, conceptuelle et méthodologique, telles qu’elles seront développées pendant les quelque quarante années suivantes.

La naissance d’une approche communicationnelle de laCommunication Internationale, sur des territoires scientifiques particulièrement encombrés

Bien avant la constitution, à la fin des années soixante-dix, de la nouvelle discipline connue en France sous le nom de sciences de l’information – communication, les premières impulsions théoriques se proposant d’embrasser le domaine ont été amorcées par les travaux en relations internationales. Il s’agissait d’abord de développer un savoir académique relatif aux relations entre les nations, au sens d’acteurs étatiques, initialement seuls consacrés par le droit international public. L’élargissement s’est imposé à partir du XXe siècle, la Communication Internationale débordant du droit de la guerre.

Une Communication Internationale dépassant rapidement les seuls échanges entre États

Les premières études en polémologie correspondent à deux visions : d’une part, une conviction gouvernant la diplomatie de la Maison Blanche, renvoyant au monde sauvage décrit par Thomas Hobbes (homo homini lupus est, L’homme est un loup pour l’homme) et à partir de laquelle la doxa justifie la criminalisation de l’adversaire, l’appel aux valeurs civilisationnelles jugées menacées, la mobilisation préventive permanente et la nécessité du shérif ; d’autre part, une vision, classiquement désignée comme européenne, de l’homo furiosus distinguant guerre et paix, considérée comme tout aussi incontestable que la précédente, en termes de production de normes, considération des espaces et temporalités convoquées, analyse des rapports de forces, repérage des états de conscience, décodage des finalités et décryptage des jeux de communication.

À l’ère contemporaine des conflits post-étatiques et post-politiques, le système défini à partir du traité de Westphalie ne tient plus, qui, à partir des principes conjoints de la souveraineté des États et de la symétrie des engagements, avait jusque-là consigné jus ad bellum et jus in bello (Droit à la guerre et droit dans la guerre). Il devient nécessaire d’intégrer de nouveaux belligérants, parfois indiscernables des non-belligérants ou des médiateurs « neutres » : mouvements de libération, groupes de partisans, milices plus ou moins paramilitaires, maquis de résistance et cellules de guérilla, voire activismes terroristes, groupes mafieux, réseaux de cyberdélinquance (Huygue, 2008). Les cadres d’analyse convenus explosent, lorsque les jeux tactiques des acteurs, militairement et logistiquement dominés, œuvrent à compenser l’asymétrie des conflits par de subtiles logorrhées discursives.

La linguistique et les sciences politiques ont déjà enrichi l’arsenal des méthodes susceptibles de repérer l’ennemi, notamment lorsque celui-ci s’infiltre au sein même des médias nationaux. Harold Dwight Lasswell avait dû bousculer sa conception empirico-fonctionnaliste du journaliste, méliorativement érigé comme agent de propagande en appui du politique, pour « la gestion gouvernementale des opinions, plus économique que la violence et la corruption » (Lasswell, 1927). Il lui avait ainsi fallu dépasser le confinement convenu du journalisme à des fonctions classiques d’alerte, d’organisation des réponses sociétales aux défis de l’environnement, de transmission de l’héritage culturel et social. Pour distinguer la « bonne » propagande de la « mauvaise » quand la thèse des effets forts des médias pour la gouvernance des opinions reconnaît encore ceux-ci comme déterminants, la panoplie des outils d’analyse des contenus se devait alors d’être enrichie de techniques probatoires pour confondre l’ennemi, agissant ainsi parfois même sur le territoire national (Lasswell, 1952) : repérage des thèmes (analyse descriptive), des signifiés (analyse thématique), des signifiants (analyse lexicale), des catégories (analyse fréquentielle)… L’injonction allait dans le sens d’une double obéissance : au principe d’objectivation, qui permet de dépasser l’étroitesse des prénotions nationales et de comprendre le texte exogène ; au principe de quantification, qui impose la scientificité des sciences humaines et sociales sur le modèle des sciences exactes (Bernard Berelson et Paul Lazarsfeld, 1948).

Tout cela avait encore explosé un quart de siècle plus tard, à la fin de la guerre au Vietnam, victoire militaire mais défaite psychologique pour les États-Unis : réinvesti par la Maison Blanche dans une rhétorique justificatrice de la guerre au nom de l’intérêt national, l’État s’était érigé définisseur primaire, usant des technologies de l’information et de la communication les plus performantes pour mobiliser à la cause les populations, nationales comme extranationales. Enfin, la fin du XXe siècle témoigne d’une nouvelle évolution : le glissement progressif d’une diplomatie du fort au faible, basée sur la dissuasion militaire pendant la guerre froide, à une diplomatie du fort au fou, lorsque l’adversaire déterritorialisé se révèle insensible à la dissuasion dans la contrainte technologique et la raison, et privilégie au contraire l’action d’éclat apparemment déraisonnable, en fonction de sa résonnance médiatique potentielle jusque dans les supports d’information de l’adversaire et de sa rentabilité en termes de leadership au sein même de sa propre « alliance objective ».

De leur côté, les acteurs classiques combinent dissuasion militaire et soft power avec la communication correspondante, pour tenter de maintenir les équilibres ou, eux aussi, les organiser à leur avantage. Cette compréhension réactualisée des enjeux constitue déjà un socle croisé de multiples apports disciplinaires, dont les sciences de l’information – communication en France profitent et dont témoignent colloques, ateliers et publications consignés autour du thème Communication et Conflits.

Le croisement nécessaire de disciplines multiples, pour la mise en perspective des enjeux de la communication internationale

Tout un répertoire scientifique s’est en effet offert, à l’inventaire duquel les sciences de l’information – communication se sont livrées dès leur apparition, pour construire la spécificité de leurs paradigmes sur le terrain de la communication internationale.

Un socle particulièrement riche d’outils méthodologiques, conceptuels et théoriques

En France tout particulièrement, influence première des sciences politiques et des enseignements en relations internationales oblige, les recherches en communication internationale ont d’abord été cadrées par les théories de l’État, dans une perception des enjeux, certes critique, mais identifiant ceux-ci sur un terrain essentiellement culturel, au niveau de la sphère idéologico-politique. Ce confinement a eu ses avantages : il a ainsi prévenu la recherche en sciences humaines et sociales en France de la tentation d’un économisme, voire d’un technicisme, étroits, dans lesquels au contraire, les principaux acteurs des années soixante se précipitaient allègrement, notamment au sein du système des Nations-Unies. Les prescriptions semblaient trop souvent réduire les analyses aux études de marché et le consommateur à la rationalité de l’homo œconomicus, en quelqu’endroit que ce fût de la planète. Les sciences de l’information – communication apparaissent en France au moment où une continuité de distanciation critique est déjà engagée, entreprenant de (re)découvrir l’humain en tant qu’homo singularis, réhabilité par la psychologie sociale, homo civilis, consacré par le droit et surtout homo politicus, reconnu par les sciences politiques, c’est-à-dire, du point de vue des sciences de l’information – communication, en tant que sujet actif des sociétés humaines, au niveau mondial.

Autour de la Communication Internationale, se retrouvent ainsi…

  • la philosophie politique, pour ce qui est de distinguer Emmanuel Kant et son idéal de paix perpétuelle du monde sauvage de Thomas Hobbes ;
  • l’anthropologie sociale, pour ce qui est de prendre acte de la savante combinaison du dedans et du dehors dans la construction sociétale et politique des territoires et régimes de pouvoir ;
  • la criminologie et la sociologie, pour ce qui est de distinguer valeurs, mœurs et us et se prévenir ainsi du piège d’un relativisme culturel absolu, liberticide et déshumanisant ;
  • la linguistique et la sémiologie, pour ce qui est de confondre le discours journalistique de la neutralité universaliste ;
  • la psychanalyse, pour ce qui est de repérer les mécanismes inconscients de la construction des imaginaires politiques, par exemple au sein des « cultures judéo-chrétiennes » ;
  • l’histoire, pour ce qui est de révéler de manière dynamique les croisements et glissements métalinguistiques successifs – par exemple des appellations civilisation(s), culture(s) – selon les zones géoculturelles étudiées et les époques considérées ;
  • la démographie, pour ce qui est de la (dé)construction de cartographies sociales convenues à l’échelle de régions du monde ;
  • les sciences de la gestion, pour ce qui est de l’ouverture des organisations aux enjeux de la mondialisation et à l’apprentissage rentable de la différence culturelle sur place, via les théories néo-institutionnalistes ;
  • l’économie politique critique, d’abord portée par l’École de Francfort avant que sa lecture de l’uniformisation du monde par l’industrie de la culture ne soit confondue pour sa vision trop générique des systèmes de communication à l’échelle mondiale ;
  • la sociologie critique, significativement écartelée entre d’une part, approche bourdieusienne de l’héritage en termes de capital, notamment culturel et d’autre part, enseignements de l’École pragmatique française : les disciples de Bourdieu se divisant quant au questionnement du déterminisme du patrimoine culturel ;
  • l’Ordre des grandeurs révélé par Boltanski, Chiapello et Thévenot inspirant les autres, au fur et à mesure que la construction conflictuelle de l’imaginaire social reconfigure également les projets de société et les registres de justification sociétale, imposés par le nouvel esprit du capitalisme.

Les sciences de l’information – communication s’investissent alors, aussi bien sur le territoire des organisations économiques, via la théorie des industries culturelles ; dans le questionnement de la (dé)(re)territorialisation des espaces publics, via les jeux des acteurs institutionnels et sociaux ; autour de la distinction des usages et des pratiques, via le développement de technologies de l’information et de la communication que les acteurs s’entêtent à désigner comme « nouvelles »…

Une approche communicationnelle de la communication internationale, par essence interdisciplinaire

Jeune discipline, les sciences de l’information – communication redessinent des sillons déjà creusés, avant d’affirmer davantage leur autonomie. Les terrains se multiplient au-delà des frontières, comme les convergences théoriques et conceptuelles, en dépit de la constitution de savoirs inscrits dans des géographies disciplinaires hétérogènes, selon les communautés nationales. Les relations suivies s’établissent rapidement avec de nombreuses équipes partenaires, hébergées dans des universités et centres de recherche à l’étranger. Ces collaborations se renforcent tout au long des colloques internationaux, certains réguliers au niveau bilatéral (cf. les colloques bilatéraux franco-brésiliens organisés par Intercom, la SFSIC et le Gresec ou avec l’Université Unisinos et ceux de l’IPSI à Tunis avec la Fondation Adenauer), ou multilatéral (cf. le colloque Communication et changement social en Afrique, organisé tous les 4 ans depuis 2005, entre Douala et Grenoble et une demi-douzaine d’autres universités africaines) ; autour de groupes de recherche internationaux (cf. le GDRI Commed regroupé autour de l’IRMC de Tunis) ; au sein de consortiums régionaux (cf. le consortium Relations Internationales à partir de l’Université Galatasaray en Turquie) ou d’universités d’été (cf. la summer school européenne de l’European Communication Research and Education Association) ; entre écoles doctorales (cf. avec les Universités de Lund, Beyrouth, Malaga, Ouagadougou, Douala…) ; à partir de financements partagés (cf. l’ANR ; le Fonds Québécois de Recherche sur la Société et la Culture ; la Fondation Adenauer…) ; au fur et à mesure des fréquentions suivies, transfrontalières et translinguistiques, par exemple anglophones (cf. le Camri de l’Université de Westminster…), hispanophones (cf. l’Université Ibericoamericana de Mexico…), lusophones (cf. l’Université Unisinos du Brésil), baltes (cf. l’Université de Tartu en Estonie…)…

Les perceptions des tendances lourdes de la recherche par pays et régions s’accélèrent avec les appels annuels d’expertise internationale pour évaluation des travaux ou recrutement de professeurs (cf. le Conselho  Nacional de Desenvolvimento Cíentifico e Technológico, de Lisbonne, la Master League de la Communication University of China de Beijing, la Higher School of Economics de Moscou, le Luxembourg National Research Fund)… Toutes ces habitudes de travail renforcent la relation de confiance avec des invitations à leçons inaugurales (cf. les Universités de la Manouba à Tunis ou de Lubumbashi pour les cinquante ans des sciences de l’information – communication en RDC), à conférences d’ouverture de congrès des sociétés savantes régionales (cf. l’Arab Association of Research in Communication) et à animation d’ateliers de réseaux mondiaux (cf. IAMCR-AERI, ECREA, Orbicom)…

Ces partages scientifiques donnent enfin lieu à des publications croisées réunissant les chercheurs par l’objet communicationnel (cf. l’analyse par des chercheurs d’une trentaine de pays différents des mécanismes communicationnels autour de l’élection présidentielle des États-Unis avec l’université de l’Illinois) ou suscitées par le rapprochement progressif d’analyses convergentes, jusqu’à constituer a posteriori une théorie, comme pour l’analyse des industries culturelles (Miège, 2003). Les collaborations permettent encore de dresser des états de la recherche (cf. le rapport de l’European Science Foundation, finalisé à Ljubljana en 2013).Les solidarités scientifiques autorisent la reconnaissance de revues structurantes, dont les onglets ouvrent le travail scientifique au terrain de la Communication Internationale (cf. la revue Les Enjeux de l’Information et de la Communication de l’Université Grenoble-Alpes). Enfin, les chercheurs sont régulièrement appelés par les organisations internationales pour nourrir celles-ci de leur contribution : par l’Unesco (cf. les rédaction et traduction du guide Model Curricula for Journalism Education: A Compendium of New Syllabi ; les participations des chaires Unesco au sein d’Orbicom, désigné think tank de l’Agence internationale pour les Nations Unies pour les questions concernant l’information – communication) ; par l’Unicef (cf. le projet Study of socio-cultural determinants for the adoption of key family practices, animé par un consortium composé des Universités d’Antananarivo, de l’Ohio et de Witwatersrand).

Les chercheurs français profitent encore d’éclairages sur les enjeux pour le 3e millénaire, organisés par la Commission Nationale Française pour l’Unesco (cf. la multistakeholder Conference : CONNECTing the Dots ; le colloque : Enseignement supérieur et numérique, quelles attentes des sociétés africaines ?). Enfin, leur implication est sollicitée dans l’animation de débats par la United Nation Institute for Training and Research (Unitar) avec des professionnels (cf. à Libreville sur le thème Le journalisme, acteur de la paix ?), par des instances académiques (cf. le Cames ; les ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche de Côte d’Ivoire, du Congo) et par des opérateurs de la francophonie (OIF, AUF, université Senghor), voire par des organisations professionnelles et syndicales pour la réflexion et la rédaction de documents sur l’éthique (cf. l’Organisation syndicale des Journalistes malgaches)… Tout cela est bien évidemment favorisé par les tutorats offerts aux étudiants et doctorants des universités partenaires (cf. les bourses de mobilité internationale CMIRA, les exportations des modules de formation doctorale, les co-tutelles et co-diplomations, les présidences et participations à jurys de thèse…), lesquels deviennent ensuite des ambassadeurs de premier plan pour les échanges et renforcements des accords-cadres entre établissements (Chen, 1994 ; Banerjee, 1994…), etc.

Ainsi, les problématiques en sciences de l’information – communication ouvrent pêle-mêle et de manière non exhaustive à l’interpellation du rôle de la communication pour le changement social, à l’échelle régionale, continentale, voire intercontinentale ; aux jeux croisés entre médias classiques et médias sociaux, locaux, nationaux et transnationaux pour la construction des espaces publics, politiques et sociétaux ; à l’interrogation des filières aux niveaux régional, continental et intercontinental, constitutives des industries de l’information et de la communication ; à la discussion des industries créatives ; à la mise en débat critique de la diversité culturelle, plus entendue dans sa résonance politique autour du pluralisme des expressions que dans sa dimension anthropologique et au questionnement de la régulation (nature et niveaux)…

Ce répertoire non exhaustif ne peut être établi qu’à partir d’une approche historique longue (Braudel, 1987), au-delà des agendas médiatiques contemporains. Seule, en effet, cette distanciation temporelle « permet de sortir d’un opportunisme conjoncturel (le règne de l’actualité), de tirer les conséquences du fait qu’il est impossible de comprendre certains objets (…) si l’on ne fait un retour sur le passé, y compris le passé lointain, (…) pour se départir de la ‘normalité’ apparente du présent (…) et examiner ce qui, dans le passé, constitue un héritage structurant ce présent » (Bautier, 2006, p. 197).

Précisément, lorsque les sciences de l’information – communication se présentent en France à la fin des années soixante-dix, il est bientôt rappelé que c’était pendant la Guerre froide et depuis les États-Unis que l’appellation même de Communication Internationale s’était stratégiquement substituée au terme de « guerre psychologique », expression désormais négativement connotée car relevant trop de la sphère militaire et par trop affilée à la théorie psychologique (Mattelart, A., 1992, p. 102-103). Pour autant, la novation terminologique n’avait pas empêché la remise en question des thèses diffusionnistes, dont le déterminisme technologique avait cependant déjà inspiré de nombreuses politiques, dites de développement. La critique s’était parallèlement concrétisée depuis le Sommet des non-alignés d’Alger de 1973, par la revendication d’acteurs majoritairement identifiés « au Sud » en faveur d’un Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication, tout aussi hétérogène dans ses propositions que l’éparpillement disciplinaire des saupoudrages scientifiques sur lesquels se construisaient les argumentaires de légitimation. Le rapport McBride, qui tente alors de sortir de l’impasse, n’en représente pas moins une tentative de mise en débat contradictoire (Cabedoche, 2011a).

En considérant ce rapportcomme premier fil conducteur, une influence théorique majeure témoigne des relations de proximité que les chercheurs de la discipline entretiennent depuis la France avec leurs collègues étrangers : à la naissance des sciences de l’information – communication en France, les auteurs finlandais Kaarle Nordenstreng et Tapio Varis viennent de développer leur concept central de circulation à sens unique de l’information mondiale, révélant la nature des flux de l’information internationale médiatisée en même temps que la marchandisation croissante de la culture dont l’information constitue une des dimensions (Nordenstreng, Varis, 1974). Les deux chercheurs et leur équipe avaient procédé à une analyse – qu’ils jugeaient significative – des contenus engendrés par ces déséquilibres de la circulation de l’information à l’avantage des pays du Nord. L’Unesco, qui avait déjà accueilli le constat en cette deuxième moitié des années 70, invite alors de nombreux chercheurs à confondre l’ethnocentrisme des médias du Nord, au premier rang desquels les agences de presse mondiale, toutes situées « au Nord », pour précisément tenter de rompre cette circulation à sens unique de la communication à l’échelle mondiale.

Sans l’écarter tout à fait, les sciences de l’information – communication ne s’engagent pas spontanément dans cette dernière invitation, qui semblait la rapprocher de l’anthropologie et la linguistique. Alors, les auteurs de la discipline naissante préfèrent souvent, via l’économie politique critique, explorer la piste de la marchandisation de la culture et construire un cheminement interdisciplinaire au sein des sciences humaines et sociales. L’inventaire avant adoption est ainsi développé sur tous les plans : méthodologique, conceptuel et théorique, pour explorer la communication internationale.

Des réserves méthodologiques et théoriques, à l’encontre des écoles historiques, pour l’analyse de la communication internationale

Les travaux de Kaarle Nordenstreng et de Tapio Varis auraient pu, de manière très réductrice, n’avoir été retenus que pour la pertinence méthodologique des techniques d’analyse comparée des contenus de presse qu’ils avaient mobilisées. Démontrant la circulation de l’information à l’échelle planétaire régulée par les cinq grandes agences du Nord, les deux auteurs avaient par exemple analysé les conséquences de cet état de fait au niveau des contenus des principaux médias. Ainsi, l’accession en 1975 de la Guyane hollandaise à l’indépendance n’avait fait l’objet que de rapides entrefilets dans les médias des pays limitrophes. De son côté, Armand Mattelart avait déjà développé ses premiers travaux à l’analyse des contenus du journal conservateur El Mercurio au Chili. Dans les deux cas, le travail pionnier des chercheurs engageait cependant à dépasser la simple analyse descriptive, chère à la sociologie fonctionnaliste des médias, pour aborder l’étude de la structure des groupes médiatiques. Armand Mattelart amorçait ainsi une réflexion critique sur la marchandisation des médias et les stratégies médiatiques des experts états-uniens dans les pays du Sud. La réserve est entretenue depuis en sciences de l’information – communication à l’encontre de méthodes d’analyse de contenu des médias, qui ne seraient entendues que stricto sensu, même affûtées par la linguistique.

Un accueil réservé pour les techniques d’analyses stricto sensu des contenus manifestes de la communication internationale

La toute jeune discipline bénéficie alors d’une offre méthodologique déjà bien balisée par le structuralisme, pour ne pas en rester aux méthodes d’analyses sémio-descriptives de la Communication Internationale, via les contenus de presse. Reprises en sciences politiques, les catégories de figures organisées autour des fonctions du langage, telles que définies par Roman Jakobson, permettent ainsi de confondre le discours idéologique des médias. La sociologie inspire les analyses comparées en démontrant comment le cerveau peut être conditionné par la gelstalt générale des Unes et des pages intérieures, comme lors de la visite de Nikita Khrouchtchev en France. Par la systématisation, l’analyse structurale se propose de mettre en relief le signifié, la connotation, le système sous-jacent aux apparences. Ainsi, des mythes contemporains surgissent du langage commun porté par les communications de masse, naturalisant les valeurs de la petite bourgeoisie, y compris dans les préférences culinaires nationales (le steak frites) exposées à l’offre de consommations exotiques. Armand Mattelart reconnaîtra plus tard avoir à ce moment-là été séduit par le projet sémiologique inspiré par la lecture structurale de Roland Barthes et d’Edgar Morin (Mattelart, A., 2010, p. 95-96). Le paradigme structuraliste s’étend alors à la psychanalyse, la littérature, l’anthropologie et permet de confondre le faux évolutionnisme des lectures linéaires de l’histoire, lesquelles aboutissent toutes à décréter des peuples et des cultures historiquement « en retard ». Le discours est alors considéré au-delà de l’expression d’un sujet parlant et au-delà même de l’intention de son auteur, quel qu’il soit : politicien, écrivain, journaliste… Ce sujet peut même se retrouver envahi au plus profond de sa propre conscience, jusqu’à le voir, malgré lui et contre lui, s’approprier le discours de pouvoir, comme le démontre alors Foucault. La posture bourdieusienne permet également de dénoncer le triomphe et la violence cachée du code : ainsi, la désagrégation sociale de la société algérienne n’est pas le résultat d’un choc de civilisations, dont l’une serait retardée par rapport à l’autre, mais le résultat d’une opération de « chirurgie sociale », en œuvre depuis le XIXe siècle : « La guerre fait éclater en pleine lumière ce qui est au fondement de l’ordre colonial, à savoir le rapport de force par lequel la classe dominante tient en tutelle la classe dominée » (Bourdieu, rééd. 2008, p. 126).

Mais, première évaluation de l’héritage à la naissance des sciences de l’information – communication, le structuralisme et particulièrement les thèses althussériennes ont déjà entamé leur déclin. Comme parallèlement le radicalisme de l’École de Francfort, à laquelle le concept d’impérialisme culturel est redevable.

Une convocation méthodologique à l’écart des dérives structuralistes, comme des insuffisances d’approches purement sémio-descriptives

À la naissance des sciences de l’information – communication en France, le procès est déjà entendu, contre des lectures mécanistes du fonctionnement des sociétés humaines : en se focalisant sur la stigmatisation du code, la linguistique structurale y enferme le contexte. La structure apparait immobile, gelée, hors du temps et de l’espace. L’information est irréductiblement consignée avec le contrôle d’une totalité étatique dans un ensemble monolithique, d’où l’expression de la société civile ne peut surgir. L’homme n’est plus que le support de structures, ce qui, à l’extrême chez Althusser, rend vaine l’analyse visant à pointer les spécificités discursives des auteurs.

Mais l’apparition des sciences de l’information – communication en France correspond à une période de mise en jachère théorique, qui invite à repenser la place du sujet, les jeux des acteurs, le rôle actif de l’audience. Henri Lefebvre s’était déjà prononcé contre un théâtre althussérien humainement désert, se complaisant dans l’analyse des invariants et des indéterminations et tendant à effacer l’action des sujets. Outre-Manche, depuis la New Left, Edward Thompson avait même vu dans la construction althussérienne une « terrible machine à déshumaniser ». Depuis, le débat s’est élevé au niveau des enjeux de la Communication Internationale, dès lors que ce structuralisme radical, quelque peu épuisé au niveau national, n’en inspire pas moins encore certains acteurs du Mouvement des non-alignés, critiques résolus de l’Ordre Mondial de l’Information et de la Communication. En France, la charge des années 70 se déplace alors contre le tiers-mondisme (Cabedoche, 1990), héritier trivial (au sens d’Yves Jeanneret) de « la pensée 68 et du structuralisme », dont l’exécution définitive au milieu des années 80 correspond à la réhabilitation du Sujet en tant qu’être pensant autonome, lequel réclame la prise en considération de son discours.

Dans ce contexte polémique, la pensée communicationnelle en France ne se sent d’abord pas davantage attirée par les méthodologies d’analyse des textes. Comme pour les théoriciens de la Critical discourse analysis, l’interface est absolue entre texte/discours/société : si le discours reste considéré dans sa matérialité linguistique, en tant que production écrite ou orale, c’est toujours en lien étroit avec ses différents contextes de production, de diffusion et de réception, desquels il tire (une partie de) sa signification. Les travaux de sociologie du discours médiatique d’un Yves de La Haye précurseur (de La Haye, 1985), puis de Jean-Pierre Esquenazi (Esquenazi, 2002), avertissent très vite les auteurs de la toute jeune discipline : même si l’analyse des modalités discursives (genres, rubriques, tons, registres…) est en soi signifiante, au-delà même de la notion de cadre (Goffman, 1963), l’information médiatisée y est moins à prendre en tant que somme de contenus qu’en tant que modes de relation, schéma de communication productive entre les groupes et les forces sociales, construit social révélateur d’un type de rapports de force entre différents acteurs sociaux et cela à tous les niveaux, micro, meso et macro.

Le virage méthodologique ne marque pas en sciences de l’information – communication, un retour en grâce inconditionnel à une analyse sémio-descriptive, stricto sensu : ladite modélisation méthodologique renvoie trop souvent aux prescriptions empirico-fonctionnalistes, aujourd’hui théoriquement discutées et institutionnellement rendues suspectes par leur inscription dans des objectifs circonscrits aux attentes d’organisations marchandes du secteur des médias, voire dans les stratégies d’imposition du sens élaborées depuis la Maison Blanche. Si les étudiants y trouvent toujours matière à s’exercer à l’analyse des discours, la discipline en France ne s’est jamais véritablement inscrite dans le programme de recherche fonctionnaliste, tel que défini par Harold D. Lasswell : analysant l’action de communication, l’auteur avait ainsi distingué le spécialiste du quoi ? (content analysis) des autres spécialistes : qui ? (control analysis), à qui ? (audience analysis), par quel canal ? (media analysis), avec quel impact ? (effect analysis).

Avant que de s’exprimer en tant que réserve méthodologique, l’accueil de la discipline réduisant l’analyse à un simple indice correspond surtout à une posture épistémologique, réfractaire à toute théorie générale qui se présenterait explicative de tout, voire à la modélisation si celle-ci se présente à outrance, sans préoccupation in situ et pro tempore.

Des paradigmes disciplinaires réfractaires à une théorie universelle de la Communication Internationale

Même si le patrimoine épistémologique des sciences de l’information – communication renvoie à un savoir cumulatif, lequel, au contraire de l’information médiatique, ne procède pas par effacement des énoncés précédents, la discipline n’a jamais témoigné d’un enthousiasme débordant, ni pour le fonctionnalisme, dont il fallait déconstruire l’empirisme de la lecture proposée de la Communication Internationale, ni pour l’École du développement (dite encore École de la modernisation) qui s’en nourrissait. Dans cette opération de déconstruction, les sciences de l’information – communication ont déjà eu à considérer parallèlement la théorie de la dépendance, dont le renouvellement critique salutaire avait fini par provoquer à son tour la distanciation : l’école critique s’était déjà figée au moment de la constitution des sciences de l’information – communication, quand elle prétendait à son tour offrir un cadre théorique global, qui expliquerait l’homme dans sa totalité, quels que soient l’espace et la temporalité proposés.

La mise en cause de l’École du développement

Dans la décennie qui voit la naissance des sciences de l’information – communication, l’Unesco d’Amadou Mahtar M’Bow traite désormais des questions de communication à l’échelle de la planète, qu’elle estime relever de sa compétence. L’arène, offerte par l’Agence spécialisée des Nations Unies, se montre sensible aux postures théoriques critiques, déstabilisant les certitudes de l’École de la modernisation. Il n’en avait pas toujours été ainsi. Jusqu’au début des années soixante-dix, l’ensemble des institutions du système des Nations Unies s’étaient largement construites autour de cette première posture théorique séduisante.

Il est frappant alors de constater la linéarité des propositions dominantes d’un siècle à l’autre.

La discussion de la linéarité des analyses

Auguste Comte avait construit sa théorie des trois États au XIXe siècle selon l’évolution, irréductible, du mode d’explication propre à l’état de chaque société : l’état théologique, quand la cause des phénomènes est recherchée en attribuant des intentions aux objets (fétichisme), ou à un Dieu, voire à des êtres surnaturels (mono et polythéisme) ; puis l’état métaphysique, quand les agents explicatifs exogènes sont remplacés par des forces abstraites : la Nature de Spinoza, le Dieu géomètre de Descartes, la Matière de Diderot, la Raison du Siècle des Lumières ; enfin l’état positiviste, lorsque l’esprit recourt à l’épreuve de réalité et s’affranchit, par l’expérimentation, des discours spéculatifs précédents.

Un siècle plus tard, les sociétés humaines sont pareillement hiérarchisées et linéairement disposées, chez Walt Whitman Rostow, selon leur degré d’avancement en six étapes sur l’échelle de la croissance. Point de départ, la société traditionnelle ; puis, le pré-décollage, avec le dégagement de surplus agricoles ; le take off, à partir d’un fort investissement, l’émergence d’industries motrices et la fin des blocages culturels et socio-politiques ; l’image de la modernité, avec l’établissement de la démocratie, condition de dépassement du décollage ; la voie vers le développement, avec le constat d’un exode rural, conjointement au développement de la production industrielle ; enfin, la maturité, concrétisée par la consommation de masse. La première étape est celle où, aujourd’hui encore, certaines nations primitives restent bloquées, attardées. La destruction du blocage des mythes leur fait espérer atteindre la deuxième étape, celle des pays sous-développés. La rationalité du take off est celle que le diffusionnisme libéral établit à l’examen de cinq pays à environnement socio-culturel voisin (Iran, Turquie, Liban, Egypte, Jordanie) : Daniel Lerner relie ainsi leur classement économique aux habitudes d’exposition de leurs élites aux médias, notamment états-uniens, ce qu’établissent les travaux suivants d’Ithiel de Sola Pool et de Wilbur Schramm : les mass médias commerciaux offrent l’image de la modernité et stimulent l’envie d’y accéder, pour l’établissement de la démocratie, dans des pays alors dits en voie de développement. Consécutivement, certains autres pays sont sur le point d’atteindre la cinquième étape, celle de la croissance industrielle, pour devenir ainsi les Nouveaux Pays Industrialisés. La dernière étape, celle des Pays développés, est surtout concrétisée par les États-Unis, alors première nation économique mondiale et préfigurant l’ère de la consommation mondiale.

L’incarnation n’est pas anodine. En ces années soixante où la géopolitique du monde se cristallise dans la guerre froide, le président Harry S. Truman témoigne de sa conviction profonde : la pauvreté constitue le lit du communisme. Forte du succès de l’expérimentation du plan Marshall, la Maison Blanche prône la lutte contre le sous-développement. La référence enjoint concrètement de procéder à l’injection massive d’une aide financière temporairement limitée et au transfert technologique, pour accélérer le take-off. L’aide passe également par la formation des journalistes, notamment à la déontologie, pour accélérer le free flow of information, condition de dépassement du take-off.

Significatif à cet effet de cette influence états-unienne avait été l’investissement des Nations-Unies pour la mise en place au début des années soixante d’un Programme pour le Développement International sur dix ans (PNUD), couplé avec la mise en place d’une Agence spécialisée disposant un Programme alimentaire mondial (PAM), à partir de 1963. Il s’agissait alors de « rompre le mur du silence autour du scandale de la faim dans le monde », dénoncé lors de la décennie précédente, notamment par Josué de Castro (de Castro, 1949, p. 16). Le professeur en géographie humaine avait construit son réquisitoire, choqué par les réponses politiques néo-malthusianistes proposées par les pays développés. La réforme agraire prônée par le Brésilien avait bientôt fait des émules en Europe. Le tout jeune chercheur belge, Armand Mattelart, avait directement vécu la tension de l’époque, entre les deux influences théoriques et disciplinaires : économie développementaliste, d’un côté ; démographie malthusianiste, de l’autre. C’est, installé au Chili, qu’il avait franchi un pas, radical : préparant sa mutation de la démographie vers les sciences de l’information – communication dont il sera l’un des piliers sur le terrain de l’analyse de la Communication Internationale depuis la France où il sera plus tard accueilli en tant que réfugié politique. Il avait bientôt établi, avec son épouse Michèle, le lien entre les intérêts des États-Unis et la presse conservatrice chilienne et entamé ainsi son approche critique de l’École développementaliste, nourri de rencontres stimulantes : Ivan Illich, critique radical des systèmes techniques de la société productiviste ; Louis-Joseph Lebret, spécialiste des questions de développement ; Don Helder Camara, figure de la théologie de la libération en Amérique latine.

Pendant ce temps en France, les prescriptions de la modernité, auxquelles l’École du développement renvoie, structuraient le discours des principaux mass médias en France (si l’on fait exception de la position de repli cartiériste du magazine Paris Match). La conviction s’y était installée en faveur du cadre d’analyse de la modernisation autour de l’aide au développement, particulièrement dans les médias d’obédience chrétienne (Cabedoche, 1990). Les références de ce journalisme français y invitaient, qui organisent leur légitimité sociale depuis le début du XXe siècle et aujourd’hui encore autour de l’idéaltype, nécessaire à l’affichage de la neutralité axiologique consacrée, sous le sceau de l’évidence, à l’observation de prétendues « lois » scientifiques, et porté par les organisations syndicales représentatives (de journalistes comme d’éditeurs).

L’idéaltype journalistique, porteur du positivisme de l’École du développement

Les chartes déontologiques du journalisme en France renvoient globalement à des principes producteurs de normes et légitimant les pratiques : existence de lois objectives régissant le fonctionnement de toute société humaine ; élection des médias comme moteurs du progrès social, en tous lieux ; primat de l’information, à valeur universelle, sur l’opinion, liée aux contingences sociétales ; nécessité de la libre circulation de l’information pour le développement et le changement social ; attribution au journalisme des fonctions messianiques d’éducateur et de promoteur de l’ouverture ; valorisation de l’expérience et de la « vérité des faits », ces derniers étant réputés pouvoir être observés sans pré-requis particuliers.

Depuis, lorsque ce journalisme se voit reprocher ses dérives, le recours à l’idéaltype resurgit, immanquablement, sous la forme de deux prescriptions rappelées par les instances représentatives : vis-à-vis de l’externe, le réflexe vise à tenter de faire comprendre les contraintes du métier (Derville, 1996) ; en interne, la recommandation enjoint de témoigner d’une plus grande rigueur éthique dans la collecte des données et l’interprétation de celles-ci. Le procédé offre l’avantage de ne pas remettre en question le fondement positiviste de l’idéaltype, constitutif également de l’École du développement, tandis que le questionnement constructiviste fait aujourd’hui partie de l’héritage des sciences de l’information – communication.

L’avertissement est en effet entendu chez de nombreux chercheurs de la discipline, provenant notamment d’un Edmund Husserl dénonçant l’écrasement des questionnements métaphysiques par le positivisme du XIXe siècle : la science y est cantonnée à la surface, réduite à une simple « science des faits » (Husserl, 1972, p. 11-12). Les auteurs de la discipline marquent ainsi leur prise de distance : aucun acteur social, journaliste compris (Cf. Les Cahiers du journalisme. Dossier Le journaliste, acteur social, n° 2, 1996.), n’opère dans un désert de sens ; les significations, qui apparaissent comme « naturelles », ne sont jamais que les significations auxquelles les acteurs se sont progressivement habitués, culturellement, socialement, politiquement, dans leurs cercles d’appartenance. Par ailleurs, parce que les mots ne sont pas autant attachés à ce qu’ils sont censés désigner, comme la vulgate positiviste portée par les métadiscours journalistiques semble le croire, le langage ne se présente aucunement transparent : les spécialistes de la traduction l’éprouvent, quand le mot est manquant dans une langue par rapport à l’autre ; ou encore spécifiquement confiné dans une sphère exclusive ou au contraire élargi à l’ensemble de l’activité humaine ; ou enfin entaché de connotations multiples selon les contextes historico-culturels.

Les sciences de l’information – communication se saisissent aujourd’hui de front du questionnement épistémologique (Cabedoche, 2006), témoignant de leur prise en compte des apports du constructivisme, sans que, nécessairement, à la différence d’un Jean-Louis Le Moigne par exemple, les auteurs persistent, chacun, à se déclarer constructiviste radical. Certains réclament même le retour à un positivisme revu et corrigé.

Quoi qu’il en soit, les analyses en sciences de l’information – communication peuvent encore témoigner de l’influence du constructivisme, par la convocation d’un Patrick Charaudeau, dont les grilles méthodologiques inspirent encore certaines analyses en sciences de l’information – communication. Une condition est posée à ce détour méthodologique : que les modèles sociolinguistiques ainsi proposés s’enrichissent d’approches empruntées à l’économie politique critique, pour mieux comprendre les jeux croisés des acteurs sur la scène internationale, sans pour autant écarter définitivement la dimension structurelle des enjeux de la Communication Internationale.

Sans cet apport, le constructivisme radical peut en effet conduire à deux dérives, comme les identifie le chercheur canadien Gilles Gauthier : celui de l’anti-objectivisme cognitif qui, posant que la connaissance ne relève pas d’une adéquation auréel, dissuade de l’évaluation de celle-ci in situ, comme hier le structuralisme d’un Louis Althusser le postulait dangereusement ; celui du scepticisme ontologique qui, appelant à une suspension définitive du jugement sur la réalité, peut conduire au cynisme comme ersatz d’analyse ou au relativisme culturel radical, où tout se valant dans son inadéquation au réel, le nihilisme cognitif redonne place à la barbarie ou à la négation de l’Autre.

Ce constructivisme radical ne caractérise finalement pas les critiques les plus vives, proférées contre l’École du développement au terme des Sommets des Non-alignés et rencontres des années soixante-dix : la posture critique s’était au contraire aiguisée au nom du retour au réel, pour un plaidoyer frontal en faveur des cultures écrasées par les illusions de l’utopie libérale et diffusionniste.

C’est aussi ce même retour au pragmatisme qu’en retour, Ithiel de Sola Pool revendique finalement, persistant dans sa lecture des étapes du développement. Dans la démonstration de l’auteur, la norme états-unienne reste la référence au terme d’un processus cyclique. Sans doute, les programmes de télévision en provenance des États-Unis dominent la production mondiale. Mais ce succès normatif signifie d’abord leur rencontre avec le public états-unien, dont les envies et besoins sont de l’ordre de l’universel. Les programmes états-uniens doivent donc servir de modèle global pour l’apprentissage des programmes locaux. La première étape du développement est bien celle de la dépendance culturelle à l’égard des programmes étrangers. Mais c’est aussi la solution la plus économique, rapide, pratique pour l’entrée dans un cycle où les cultures nationales seront progressivement intégrées. Elles pourront alors espérer transformer les flux télévisuels dans un réseau mondial de plus en plus éparpillé, autour de quelques centres dans tous les pays qui auront atteint cette étape du développement (de Sola Pool, 1977, p. 142-143).

Ce diffusionnisme assumé inspire aujourd’hui encore les modèles de la communication interculturelle, construits par les acteurs pour accélérer cette acculturation par l’entreprise privée, elle–même à la recherche de nouveaux marchés, quand bien même la critique théorique de la globalisation viendra perturber le raisonnement, dans les années quatre-vingt-dix.

Le questionnement de l’interculturel, accélérateur de l’entrée des nations dans la modernité ?

Sur ce terrain, la modélisation proposée par Geert Hofstede est sans doute la plus célèbre pour l’évaluation des différences culturelles entre nations, l’accélération de leur communication et l’émulation performante de la rencontre (Hofstede, 1980 [rééd]). Au terme des deux phases d’enquêtes, de 1967 à 1969, puis de 1971 à 1973, plus de 90 000 personnes ont répondu, réparties en soixante-douze filiales d’IBM, se distinguant autour de trente-huit professions, vingt langues. Soit 116 000 questionnaires portant sur le degré de satisfaction au travail, la perception des problèmes dans le cadre du travail, les buts professionnels de chacun, les croyances relatives au travail, enfin, les coordonnées socio-démographiques et économiques liées à la personne. Au final, les réponses ont été croisées par métier et par profession. À partir de cette très large observation statistique des terrains culturels investis par la société IBM dans le monde, l’auteur néerlandais considère ainsi cinq rapports d’échange, dominants dans chaque culture, associés à l’élaboration d’indices : la relation au pouvoir hiérarchique, la relation au collectif, la relation entre genres, la relation à l’incertitude, la relation au temps. Les grilles explicatives fournies prolongent le repérage déjà constitué des modes de communication selon les cultures, identifié notamment par Edward T. Hall (Hall, E. T. 1976).

L’influence d’Hofstede est évidente, présente tout particulièrement dans la littérature de l’interculturalité anglo-saxonne, jusqu’à autoriser des lectures comparatives avec la Chine. Son succès auprès des cabinets de consultants s’explique précisément par la facilité d’utilisation de ses manuels, dont le contenu est largement appuyé par des chiffres à vocation probatoire ; par la magie d’application de recettes, convaincantes à court terme et par le caractère immédiatement monnayable des formations pour leur apprentissage en découlant.

Les sciences de l’information – communication en France n’ont jamais été attirées par le réductionnisme et le quantitativisme forcené qui accompagnent la démarche. Le modèle est aujourd’hui, de plus en plus, désigné comme mécaniste, ethnocentrique, idéologique. La première distanciation critique contre Hofstede réside dans sa lecture de la culture réduite à une expression nationale, homogène, statique, déterminée, discriminante, à l’avantage des valeurs incarnées dans les pays anglo-saxons du Nord. Que signifie l’identité nationale, interroge déjà Armand Mattelart ? Les méthodologies de l’enquête s’y révèlent discutables, isolant des réponses hors contexte, usant d’une langue non maîtrisée par tous les interrogés, brassant des variables statistiques sans réflexivité, maniant des échantillons finalement peu représentatifs. Pour dépasser l’écueil, des recommandations sont désormais émises, en faveur d’une convocation cross-culturaliste, multifactorielle, polycontextuelle de l’interculturalité (Tsui, Nifadkar, Yi Ou, 2007), articulant les niveaux, micro, méso, macro (Chatterjie, Grainger, 2006).

Le questionnement reste ouvert. Ainsi, les sciences de l’information – communication en France n’écartent pas les distinctions sur une base nationale, voire régionale. Elles configurent ainsi le concept de nation civique autour du modèle français qui aboutit à la dissolution juridique de l’origine des naturalisés avec l’obtention de la nationalité française, quand d’autres reconnaissent la nation ethnique dans l’Allemagne de Weimar et la nation multiculturelle aux États-Unis ou au Brésil (Smith, 1994). Autre repérage géoscientifique, la trajectoire des Cultural studies est identifiée, territorialement parlant, de Birmingham à l’ensemble de la Grande-Bretagne, puis aux États-Unis (Mattelart, Neveu, 2003, p. 28-50). La France n’a finalement accueilli cette tradition de recherche que très timidement avec Marc Augé et ce, tardivement, pour explorer cette anthropologie des mondes contemporains dans les non-lieux. Il est vrai encore que l’École du développement est souvent liée aux États-Unis, tant elle a bénéficié d’encouragements – y compris financiers – correspondant aux besoins conjugués de la tradition hobbesienne de la Maison Blanche (Chomsky, Clark, Saïd, 1999) et des ordres de grandeur des majors de la communication du pays (Boltanski, Thévenot, 1991). Au XIXe siècle, la latinité avait aussi été développée selon le même ancrage national depuis la France coloniale de Napoléon III, en réaction aux constructions hautement concurrentielles des nations protestantes et de la « race anglo-saxonne », avant que la notion d’hispanité n’ajoute à son tour à la confusion, en réponse à cette latinité forcée (Martinière, 1982, p. 27-29). Il est vrai également qu’au moment de la naissance de l’Unesco, la tournée prospective d’un John Boorstin en Europe avait révélé une opposition irréductible, portée par Aragon, autour de la confusion engendrée par la traduction de culture de masse par culture populaire, (Mattelart, A., 2000, p. 36). Depuis l’Europe, des auteurs avaient aussi déployé l’antiaméricanisme viscéral de leur construction théorique (Kojève, 1947), ajoutant aux désignations trompeuses d’écoles géographiquement identifiées : École de Chicago, École de Francfort… Enfin, même à l’intérieur d’un même courant théorique, les priorités peuvent varier d’une région à l’autre à la surface de la planète, comme en ce qui concerne l’économie politique de la communication (Miège, 2004).

Mais depuis la France, les sciences de l’information – communication rejettent très vite les réductions géopolitiques, faussement explicatives, déterministes et parfois même, racialisantes, au dépens de ceux qui s’en emparent à la suite d’Hofstede, sans distanciation suffisante. Ces projets, épistémologiquement mal construits, rencontrent systématiquement la critique, quand ils se complaisent paresseusement à culturaliser à outrance le politique et le social (Žižek, 2004) ou à défendre des politiques de quotas de la part des instances de régulation de la communication autour de la promotion des « minorités visibles », sans plus de mise à distance (Mattelart, A., Mattelart, M., Delcourt, 1984, p. 34).

La discipline ne se laisse donc pas abuser, habituée à transcender les frontières nationales, pour construire ses outils théoriques à partir de convergences non institutionnelles au-delà des frontières. Ainsi se présente la génèse de la théorie des industries culturelles, autour des chercheurs espagnols, Enrique Bustamante, Ramon Zallo (Bustamante, Zallo, 1988), Miguel de Aguilera (de Aguilera, 2000), Juan Carlos Miguel de Bustos (Miguel de Bustos, 2004) ; des chercheurs canadiens, Jean-Guy Lacroix, Gaëtan Tremblay (Tremblay, 1997 ; Lacroix, Tremblay, Lefèbvre, Miège, Mœglin, 1997), Éric George (George, 2014a, 2014b), Benoit Levesque (Lacroix, Lévesque, 1986) ; des chercheurs britanniques Nicholas Garnham (Garnham, 1990), David Hesmondhalg (Hesmondhalg, 2007) ; des chercheurs français, Philippe Bouquillion (Bouquillion, 2008), Bernard Miège (Huet, Ion, Lefèbvre, Miège, Péron, 1978) et Pierre Mœglin (Mœglin, 2012) ; voire du chercheur brésilien Cesar Bolaño (Bolaño, 2015)… Ainsi, les distinctions s’opèrent davantage entre écoles théoriques qu’entre nations. Les réactions critiques se manifestent rapidement (Cabedoche, 2013b), lorsque certains chercheurs (Averbeck-Lietz, 2013) tentent de justifier les évolutions et distinctions théoriques par des traits culturels spécifiques, réduits à des orientations géographiquement localisées, par exemple nationales.

Cette méfiance pour les configurations géoculturelles rigides et simplistes se reconnaît dès l’origine en sciences de l’information – communication, lorsque les cartographies de la circulation à sens unique entre Nord et Sud se déchaînent encore, sans prendre acte de l’évolution déjà perceptible de l’échange inégal (Mattelart, A. Mattelart, M., Delcourt, 1984, p. 42). Pour autant, la discipline prend acte des apports théoriques de la pensée critique contre l’École du développement, regroupant plusieurs contributions théoriques sous l’appellation École de la dépendance.

Une prise en compte mesurée des enseignements de l’« École de la dépendance »

Directement issue de la théorie de l’industrie culturelle entamée par Theodor Adorno et Max Horkheimer dans les années quarante, la pensée critique souffre déjà de l’interrogation de son caractère déterministe et globalisant, lors de la constitution des sciences de l’information – communication en France, paradoxalement à l’instar de l’École du développement à l’encontre de laquelle elle offre les outils du combat théorique. Ainsi, la pensée antidoxique peut elle-même fabriquer sa propre doxa. Pour autant, les sciences de l’information – communication sont redevables de cette économie politique critique– non sans une réelle distanciation de fond – telle que développée par l’École de Francfort et dont la perspective s’est précisément élargie à partir du milieu des années soixante et pendant les années soixante-dix, avec la théorie dite de la dépendance.

Une distanciation, dans le sillage premier de l’économie politique critique de l’École de Francfort

Fortement identifiés parmi les pionniers de la discipline, les théoriciens contemporains de la théorie des industries culturelles, comme Bernard Miège, le constatent, aujourd’hui encore : de multiples travaux traitent de l’histoire du livre, de la presse, du cinéma, de la radio et plus encore de la télévision. Mais la plupart diluent leur analyse autour de considérations esthétiques ou professionnelles. Elles ne proposent pas de grilles de lecture des relations des secteurs étudiés, avec le développement plus général des sociétés humaines au sein desquelles elles se développent. Elles se cantonnent à relever les caractéristiques communes des produits culturels et informationnels, comme s’ils ne relèvent que de leur dynamique propre, sans atteindre le niveau plus général de la compréhension des phénomènes de production et de consommation, ou leur niveau plus singulier par rapport aux formes antérieures de la production de l’information. Ainsi, la sectorisation des productions industrielles de la culture et de l’information, ou bien dissuade de percevoir l’industrialisation de la culture et de la communication dans ses tendances lourdes et ses spécificités contemporaines, ou bien incite à ne considérer la production industrielle des contenus informationnels que dans ses effets culturels et sociaux, sans l’associer au développement des réseaux et des outils.

Tel est le mérite des théoriciens de l’École de Francfort que d’avoir nourri la critique des formes modernes de la culture de masse. Certes, la forme marchande ne recouvre pas toutes les activités culturelles et informationnelles. Mais les produits qui en sont issus, information internationale comprise, se présentent de plus en plus sous la forme d’une marchandise. Les manuels retraçant l’histoire de la pensée communicationnelle depuis la France retiennent que le rejet de l’empirico-fonctionnalisme par cette École de Francfort était parti du refus de l’invitation adressée par Paul Lazarsfeld à Theodor Adorno : fraichement émigré sur le territoire états-unien depuis l’Allemagne en voie de nazification, ce dernier s’était vigoureusement désolidarisé d’un projet de recherche proposé par le premier, visant à identifier les effets culturels des programmes musicaux à la radio. Adorno avait justifié sa position, jugeant limité l’objet de recherche, tel que circonscrit par le commanditaire financeur, la fondation Rockefeller, à l’intérieur du système de radio commerciale développé aux Etats-Unis. Exilé lui aussi à l’Université de Columbia après avoir fui l’Allemagne nazie, Max Horkheimer avait partagé ce même constat d’incompatibilité profonde, avec sa propre réflexion critique : « le besoin de se limiter à des données sûres et certaines, la tendance à discréditer toute recherche sur l’essence même des phénomènes comme « métaphysique », [risquent] d’obliger la recherche sociale empirique à se restreindre au non essentiel, au nom de ce qui ne peut pas faire l’objet de controverses ».

La critique ainsi amorcée témoignait donc d’un rejet épistémologique, plus que d’une simple aversion ponctuelle, liée à un programme commandité de recherche. Elle caractérisait le refus de la dichotomie imposée par l’Aufklàrung (la « philosophie du progrès »), qui entend repousser l’obscurantisme, le mythe des sociétés primitives, au moyen de la raison moderne (Adorno, Horkheimer 1944, [rééed. 1974, p. 13]). La posture critique s’était alors structurée autour de deux types d’arguments. Sur le plan individuel, cette supposée « pensée en progrès » propose de supprimer les pulsions irrationnelles et antisociales en éliminant la violence, la peur, la détresse, la terreur. Sur le plan social, elle entend conduire à une humanité émancipée, à la civilisation, avec la rationalisation du monde par le savoir, dont « la technique est l’essence même ». Ainsi, ce savoir ne vise pas la création de concepts. Il constitue « une méthode » pour « la constitution d’un capital », par « l’exploitation du travail des autres ». L’essentiel n’est donc pas la recherche de la Vérité et le Progrès pour tous, comme annoncé, mais avec la modernité, le glissement d’une fin en soi à un moyen, à une méthode efficace, qui alimenterait l’espoir, vain, en une émancipation générale (Horkheimer, Adorno, 1944, [rééd. 1974, p.22-23]).

Avec cette spéculation dans la modernité, la Raison devient ainsi totalitaire. Son idéal, c’est le système, dont tout peut être déduit. Dès sa naissance, la Raison est ainsi domination et destruction de l’altérité : tout ce qui ne se conforme pas aux critères du calcul et de l’utilité est suspect. Sous sa forme primaire, non différenciée, Mana représente ce qui est inconnu et transcende les limites de l’expérience. La Raison veut ainsi tuer Mana dans une tentative extrême d’absorber tout inconnu dans ses matrices des calculs. Caractéristique de la pensée enfant qu’il faut au plus vite dépasser par l’expérimentation chez Auguste Comte, la nature est donc « ce qui doit être appréhendé mathématiquement, même l’insoluble et l’irrationnel n’échappent pas aux théories mathématiques » (Horkheimer, Adorno, 1944, [rééd. 1974, p. 41]). Pour les deux auteurs critiques, le processus mathématique automatique et autonome, qui s’auto-définit comme étant nécessaire et objectif, prend ainsi l’allure d’un nouveau rituel mythique.

Désormais, pour l’École de Francfort, les produits culturels, les magazines, les films, les programmes radiophoniques témoignent de cette rationalité technique et doivent être considérés comme symboles de l’industrie culturelle, dont l’empreinte, dévorante, se traduit par la trilogie sérialisation/standardisation/division du travail. En s’emparant des produits culturels et informationnels à l’échelle de la planète, l’industrie culturelle les dégrade en précipitant leur chute dans la marchandise. La théorie de l’industrie culturelle était ainsi constituée.

Après la seconde guerre mondiale, Herbert Marcuse avait pris le relais de l’analyse, depuis cette École de Francfort installée aux Etats-Unis, d’où son œuvre irradiait ensuite en Europe, voire au-delà, jusqu’à la mort de l’auteur à la fin des années soixante-dix, précisément au moment de l’institutionnalisation académique des sciences de l’information – communication en France. Bien que dépassé par son mythe, Marcuse offrait un cadre d’analyse qui contribuait lui aussi à saper la légitimité de l’entreprise de rationalisation et d’homogénéisation du monde par la technique. Paradoxalement, ce qui est actuellement en œuvre à l’échelle mondiale avec une lecture marcusienne, c’est l’irrationalité d’un modèle d’organisation de la société qui, à l’Ouest comme à l’Est, plutôt que de libérer l’homme, l’asservit doublement, en tant que producteur d’abord, puis en tant que consommateur. Avec cette pensée critique, l’agent principal de cette aliénation, dont Marcuse avait ressuscité le concept depuis l’œuvre du jeune Marx, est expressément désigné : les médias dominants travaillent à configurer la société unidimensionnelle, ils suppriment l’espace de la pensée critique.

En réponse à Marcuse, mais tout en se recommandant de ce courant critique de l’École de Francfort, Jürgen Habermas avait offert un cadre théorique, toujours convoqué en sciences de l’information – communication, autour de la référence au concept d’espace public : entre l’État et la société, l’espace de médiation ainsi identifié, conjointement en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne aux XVIIIe et XIXe siècles, permet la discussion publique, dans une reconnaissance commune de la puissance de la raison et de la richesse de l’échange d’arguments, des confrontations d’idées, et d’opinions éclairées (Auflärung), entre les personnes. Le principe de publicité se définit ainsi comme mettant à la connaissance de l’opinion publique les éléments d’information qui concernent l’intérêt général. Mais quand les sciences de l’information – communication se constituent en France, Habermas vient d’être publié en France (Habermas, 1978) et n’a pas encore véritablement amorcé la critique de sa propre approche théorique : alors, pour l’auteur, la période contemporaine correspond à une période de reféodalisation de la société. Comme le rappellent les manuels des théories en sciences de l’information – communication, l’analyse met en perspective le développement des lois du marché et leur intrusion dans la sphère de la production culturelle : ce phénomène substitue au raisonnement, au principe de publicité et à la communication publique, des formes de communication, de plus en plus inspirées par un modèle commercial de « fabrication de l’opinion ».

L’ensemble de cet arsenal théorique regroupé autour de l’École de Francfort participe donc de toute cette littérature à partir de laquelle l’École de la dépendance organise sa réponse critique à l’École du développement. Étendue à l’échelle des rapports Nord-Sud, l’analyse popularise les termes de manipulation de l’opinion, de standardisation, de massification et d’atomisation du public, de déculturation et d’impérialisme culturel. Les sciences de l’information – communication se construisent cependant à l’écart de ces lectures radicales, dont certains auteurs jugent déjà qu’elles ne dépassent guère le stade de la dénonciation théorique et impuissante (Dadoun, Gimenez, Hohn, Revault d’Allones, 1975, p. 145).

Le déplacement de la critique à l’échelle planétaire avec une École de la dépendance, finalement, discutée

Au-delà des analyses de contenus des médias évoqués par Kaarle Nordenstreng et Tapio Varis, l’ouvrage La télévision circule-t-elle à sens unique ? des deux auteurs, s’oppose radicalement à la vision irénique et harmonieuse des processus d’internationalisation des médias dans le monde, tels que décrits par les théoriciens de l’École du développement. Avec d’autres auteurs qui s’attachent à démontrer les mécanismes de dépendance développés par le phénomène, le processus est analysé en le reliant aux nouvelles formes de domination structurant les relations Nord-Sud.

Dans ce concert d’analyse critique, Herbert I. Schiller se détache avec sa définition de l’impérialisme culturel, dont les moyens de communication globale constituent le principal vecteur et dont la résonnance de l’analyse reste contemporaine (Downing, 2011). Le concept lui semble être « […] celui qui décrit le mieux la somme des processus par lesquels une société est intégrée dans le système moderne mondial et la manière dont sa strate dominante est attirée, poussée, forcée et parfois corrompue pour modeler les institutions sociales, pour qu’elles adoptent, ou même promeuvent les valeurs et les structures du centre dominant du système » (Schiller, 1976).

La thèse est diffusée en France à la constitution des sciences de l’information – communication (Mattelart, A., 1976). Dans les états de la recherche entrepris ensuite (Mosco, 1996 ; Mattelart, Tr., 2002 ; Nordenstreng, 2011), avec les collaborations directes entre auteurs de part et d’autre des frontières (Boyd-Barrett, Palmer, 1979), grâce aux traductions offertes au public francophone, aux co-directions de thèse et participations à des conseils scientifiques internationaux, aux invitations en France, par exemple de Herbert I. Schiller (Miège, 2004), des ponts théoriques sont ainsi dressés avec les auteurs critiques britanniques (Boyd-Barrett, 1977, 1980, 1982), latino-américains (Wells, 1972 ; Paldàn, Salinas 1979 ; Beltrán, 1978), voire états-uniens (Chomsky, Clark, Saïd, 1999 ; Miège, Schiller, 1991)…

Comme les autres disciplines, les sciences de l’information – communication prennent acte ensuite depuis la France de la contre-attaque brutale que la thèse, accueillie à l’Unesco, y avait rencontrée. Dès lors qu’elle aboutit à la mise en cause des agences mondiales du Nord, dont deux états-uniennes (Associated Press, United Press International), la posture critique provoquera bientôt le départ des États-Unis de l’Unesco. La réaction suivra en cela celle d’un Royaume-Uni, tout autant étrillé par la critique de la dépendance à laquelle aboutissait le déploiement de l’agence Reuter au niveau mondial, ajoutant au déséquilibre des flux de l’information, dont souffrent les pays du Sud. L’Unesco s’emploiera ensuite à donner des gages auprès des deux États frondeurs : noyautage expéditif du rapport McBride, puis mise sous séquestre de la référence au Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication, jusqu’au retour des « nations prodigues » (Cabedoche, 2011 et 2013a). Réduite à ses dimensions politique, diplomatique, financière, la crise n’offre pas l’opportunité d’un décodage, autre que celui des jeux stratégiques et tactiques des acteurs, encombré des arguments dilatoires et autres déclaratifs, parfois de mauvaise foi, convoqués pour terrasser l’adversaire. Sean McBride le réalisera lui-même plus tard : rencontrant l’un des journalistes qui, avec de nombreux autres de la presse libérale anglo-saxonne, avait assassiné le rapport de la commission qu’il présidait au moment de sa diffusion en 1980, le prix Nobel de la Paix découvrira avec stupeur que son interlocuteur n’avait jamais lu ledit rapport mais, pour autant, avait construit son argumentaire expéditif, sans plus de fondement : “How an Irishman encouraged Unesco to produce a monster !”. L’opinion définitive s’était ainsi forgée à partir de l’agitation provoquée par la fuite clandestine d’un blue print du travail, pourtant effectué à huis clos au sein de la commission, donc dérobé dans des conditions mystérieuses (Cabedoche, 2011). Le procès semble aujourd’hui renvoyer à une stratégie mûrement réfléchie et préparée dès la création de l’Unesco, par une diplomatie états-unienne hostile à l’évolution critique d’une institution internationale que le pays rêvait de contrôler, depuis sa création (Toye, Toye, 2007). Assumé par le président Ronald Reagan dès sa campagne présidentielle à la charnière des années 1970-1980, le projet états-unien de sabordage était né en fait dès 1945, lorsque la première Direction générale de l’Unesco avait échappé au pays (Cabedoche, 2013a). Le projet avait ensuite été entretenu, constatant que, malgré son poids financier dans le budget de celle-ci et une politique effrontément interventionniste sur le terrain de l’information (Frau-Meigs, 2004), les programmes et projets de l’Unesco ne lui avaient pas été systématiquement favorables, même sous la direction générale d’un de ses ressortissants comme Luther Harris Evans. Plus tard, le travail de sape se concrétisera, lorsque le pays réussira à maintenir un closer look pendant toute la durée de son absence en tant qu’État membre de l’Agence (Frau-Meigs, 2004, Maurel, 2009). Enfin, la distanciation se réfugiera dans la bataille menée depuis son retour au sein de l’enceinte internationale autour de la diversité culturelle (Mattelart, A., 2005) et les actions bilatérales conduites depuis, en parallèle, sur les terrains même de l’action de l’Unesco.

Au-delà de ces enjeux politico-diplomatiques, la compréhension des enjeux théoriques passe par d’autres sources, plutôt que celles fournies par les discours des acteurs. La distanciation est consacrée dès les premiers pas des sciences de l’information – communication dans les années quatre-vingts, exprimée par exemple par Armand Mattelart et son équipe, notamment à partir d’une fréquentation in situ de militants progressistes latino-américains : « Beaucoup de pays d’Amérique Latine ont utilisé le NOMIC comme une fuite en avant pour abandonner le terrain exigeant et donc dangereux des politiques nationales, arguant de la priorité du plan international. La défense enflammée d’un nouvel ordre […] est souvent un masque heureux pour maintenir la situation intérieure inchangée. […] Le véritable problème ne se pose pas en termes de transferts quantitatifs de capacités informationnelles du Nord au Sud. Il consiste plutôt à créer des nouveaux flux d’information avec des contenus, des protagonistes, des priorités et des nécessités absentes du flux actuel » (Mattelart, A. et M., Delcourt, 1984, p. 22-23).

L’apport des théoriciens de la dépendance est certes estimable. Les auteurs ont ainsi permis de considérer l’information et la communication comme ressources pour les jeux des acteurs, voire comme moyens de gouverner, confirmé plus tard avec la désignation péremptoire d’une entrée dans l’ère de communication, par les pouvoirs en place (Mattelart A. et M., Delcourt, 1984, p. 54).

Mais dans l’immédiat, la Communication Internationale révèle des enjeux plus croisés et complexes que la dichotomie des écoles précédentes avait pu laisser croire. Car au-delà des oppositions frontales, École du développement et École de la dépendance pèchent du même travers : les auteurs précurseurs de la pensée communicationnelle ont eu pareillement tendance à ne retenir que le rôle stratégique déterminant des moyens de communication dans la reproduction ou l’évolution des rapports sociaux et ce, de manière rigide. Ils ont parallèlement oublié le vécu concret et conflictuel des groupes sociaux dans leur rapport au spectacle. Or, les détours méthodologiques par l’étude des audiences révèlent déjà comment les médias transnationaux dominants peuvent aider à la prise de conscience des populations locales, enfermées dans l’extranéité des médias nationaux aux ordres de pouvoirs dictatoriaux (Mattelart, Tr., 1995). Les médias du roaming bousculeront plus tard les analyses trop rigides de la soumission des audiences, bientôt révélées avec les premières pratiques issues du développement du magnétoscope.

Par ailleurs, bien que contradictoires, École du développement comme École de la dépendance se révèlent construire pareillement leur démonstration autour de la prénotion discutable de cultures nationales : la première pour les tirer toutes vers le développement, quelle que soit l’étape dans laquelle elles sont encore identifiées ; la seconde pour les protéger contre l’impérialisme culturel des médias extérieurs. Le questionnement est régulier en sciences de l’information – communication, alors qu’il avait été oublié au moment le plus tendu de la revendication pour un NOMIC à la fin des années soixante-dix : que signifient les concepts de culture nationale, d’autonomie culturelle ? quand les entreprises états-uniennes adaptent leurs programmes aux terrains nationaux ? quand sur place, les matrices, schémas et genres qui ont fait leur preuve au Centre sont repris à la Périphérie ? (Mattelart, 1976, p. 294 et suiv.)

L’analyse est très rapidement confortée par les traductions des ouvrages considérés comme marquants depuis l’étranger. Ainsi, travaillant sur les médias dominants et très vite reconnu en France, Jesús Martín-Barbero (Mattelart Tr., 2002, Lochard, 2002) aide à ne pas s’arrêter aux seuls stratagèmes du dominateur : la séduction, la résistance et la structure du message peuvent être traversées par des conflits et contradictions, car ces médias classiques ne sont pas parcourus que par la seule logique des intérêts dominants. La prise en compte de leur rôle en tant que médiateurs invite ainsi à une relecture profondément dialectique des interactions entre culture de masse, publics populaires et rapports sociaux. Trop longtemps oubliées dans les disciplines précédentes, les audiences se sont ainsi très vite rappelées à l’examen des chercheurs des sciences de l’information – communication naissantes, porteuses de réalités multiples et de multiples histoires de significations accumulées (Paldàn, Salinas, 1979, p. 93).

Progressivement, les analyses de la Communication Internationale se détachent ainsi d’une approche par les flux : si celle-ci permet d’identifier de manière synchronique les déséquilibres, « elle n’offre en revanche aucun principe de compréhension » (Mattelart, A. et M., Delcourt, 1984, p. 44). La conclusion tombe alors, brutale mais prometteuse de nouveaux horizons pour les sciences de l’information – communication : pour la compréhension des enjeux de la communication à l’échelle mondiale, « la notion d’impérialisme culturel et son corollaire, la dépendance culturelle ne suffisent plus aujourd’hui » (ibid., p. 47).

C’est sur ce terrain, déjà fortement préparé, que, dès leur naissance, les sciences de l’information – communication fourbissent leurs armes autour d’une des réflexions qui les fera ensuite reconnaître au sein des recherches classées sous l’onglet de la communication internationale : la théorie des industries culturelles. Le premier travail en ce sens ne renvoie pas spécifiquement à la discipline, trop jeune encore. Il regroupe ainsi un représentant du secteur associatif en études urbaines, qui rejoindra ensuite le CNRS (lequel n’accueille pas les sciences de l’information – communication) et des universitaires, identifiés en sociologie, ou, pour l’un d’entre eux, marqué par une trajectoire d’abord en études politiques, mention économie politique, puis en socio-économie (Huet, Ion, Lefèbvre, Miège, Péron, 1978). Mais c’est au sein des sciences de l’information – communication que la lecture va progressivement enrichir les lectures de la Communication Internationale.

Ce travail précurseur offre un premier intérêt pour le traitement ultérieur de la Communication Internationale : il oblige à considérer que, pas plus que pour les produits culturels, on ne peut analyser la Communication Internationale comme un tout indifférencié, dont la seule logique serait systématiquement marchande. Certes, les industries culturelles ne constituent pas un secteur à part des autres branches industrielles. Dans le même temps, la piste de travail ouverte au moment de la constitution des sciences de l’information – communication invite immédiatement à considérer les industries culturelles par filières, obéissant à des particularités propres, selon le caractère reproductible ou non des produits ; selon la participation ou non des travailleurs artistiques ; selon les filières et leurs chevauchements ; selon les terrains où celle-ci se développent. Plus tard, les analyses comparées, les synthèses régionales, voire continentales, susceptibles de nourrir les index de la Communication Internationale, élargiront ainsi les espaces, à l’instar d’un travail pionnier en 2004, dont la réactualisation est particulièrement attendue aujourd’hui au niveau de l’Afrique subsaharienne (Alleman, d’Almeida, Miège, Wallon, 2004).

Second intérêt et non des moindres, la théorie des industries culturelles invite les sciences de l’information – communication à opérer une véritable rupture épistémologique dès la naissance de la discipline : le refus de toute théorie générale explicative de tout et le retour systématique au terrain et au temps long, pour prévenir les modélisations trop rapidement forcées. La précaution préviendra ainsi immédiatement les sciences de l’information – communication de sacrifier leurs analyses nuancées à la magie de notions supposées éclairantes pour en décoder les enjeux. Par exemple, formalisée par les économistes de Stanford, la notion d’industrie de l’information, consacrant le statut primordial et déterminant de l’information pour comprendre et maîtriser les enjeux mondiaux de la supposée nouvelle ère de l’information (ou société de la communication, les termes n’étant pas fixés), sera d’abord lue comme l’instrument du nouveau système de pouvoir, de l’aveu même du conseiller du président Carter, Zbigniew Brzezinski.

Ainsi, constituées en cette fin des années soixante-dix en France, les sciences de l’information – communication développeront ensuite de nouvelles offres de recherche, pour aborder le terrain volatile de la Communication Internationale. Sans se constituer en spécificité nationale absolue, la discipline ajoutera la coloration particulière de certaines de ses recherches par rapport aux tendances plus marquées dans les pays anglo-saxons, pour ce qui est par exemple de la sociologie des usages (Jouët, 2000) ou des travaux sur la réception (Mattelart, Neveu, 2003). Au sein de la recherche francophone, les travaux poursuivront le chassé-croisé avec d’autres disciplines, par exemple avec l’anthropologie, jugée toujours féconde par certains collègues belge, tunisien, roumain…, (Winkin, 1996 ; Chouikha, 2003 ; Coman, 2003) pour appréhender les questions de la Communication Internationale et notamment les questions liées au rapport entre pratiques des publics et territoires socio-culturels. Sous les coups de butoir théoriques des années soixante-dix que rencontreront pareillement les École du développement et École de la dépendance, ils redonneront sens aux convocations d’une linguistique renouvelée, avec le recours à la sociologie compréhensive inspirée de Max Weber, lorsqu’il s’agira plus tard d’explorer les récits viatiques portés par les blogs et sites numériques (Angé, Deseilligny, 2011), ou les Sms échangés par les acteurs (Dahmen-Jarrin, 2014). Le reflux du structuralisme correspond aussi au succès des théories énonciatives (Benveniste, 1969 et 1974) et des théories pragmatiques (Austin, 1962 ; Searle, 1969). La posture offrira ainsi l’intérêt de réhabiliter les logiques d’acteurs, voire de prendre au sérieux les prétentions et compétences des « gens ordinaires », plutôt que de systématiquement les renvoyer à l’expression d’une illusion (Bonnafous, 2006). Pour autant, il ne s’agira pas de revenir à un Sujet plein et souverain, qui, passant par le détour du micro, ferait oublier le niveau meso et macro, de la communication internationale.

Conclusion

À l’origine, traiter scientifiquement de la Communication Internationale relevait d’un enfermement sur les pratiques et les argumentaires les justifiant, tels que circonscrits par les acteurs eux-mêmes au seul territoire des relations internationales entre États. Depuis la constitution des sciences de l’information – communication à la fin des années soixante-dix, les approches se sont dégagées des impositions de sens par les milieux professionnels et les acteurs. Pour autant, celles-ci se manifestent toujours agissantes, nourries, plus ou moins consciemment et plus ou moins profondément, de lectures théoriques d’autant plus attractives qu’elles se présentent globales et réductrices, parfois même, de manière illusoire, immédiatement opératoires et économiquement rentables, à court terme.

Les bilans intermédiaires déjà entrepris, par exemple pour la sociologie des usages (Jouët, 2000), peuvent être élargis et appuyer les quelques remarques conclusives de la présente synthèse, exploratoire. Nous observons d’abord que les premiers chercheurs à construire un nouveau territoire disciplinaire proviennent de disciplines multiples, non identifiées en tant que telles au domaine de la Communication internationale. Ainsi s’explique que les emprunts croisés se sont multipliés pour en débroussailler les enjeux, configurant ainsi la dimension interdisciplinaire de la discipline naissante. Par ailleurs, ces premiers travaux se sont développés dans un contexte intellectuel général, alors dominé par l’importance accordée au texte et à la structure qui, à la différence des pays anglo-saxons, n’ouvre pas immédiatement la pensée communicationnelle française aux travaux sur la réception. Ceux-ci ne démarreront véritablement qu’à la fin des années quatre-vingts (Chambat, 1994). En attendant, les sciences de l’information – communication bénéficient, déjà, des premiers travaux relatifs aux industries culturelles pour sortir des modèles classiques de l’analyse des médias de masse, avant de s’aventurer sur le terrain des études des usages, à partir de communautés scientifiques hybrides, composées de sociologues atypiques (universitaires, chercheurs du CNRS, chercheurs indépendants) et de chercheurs en communication (par exemple du Gresec). Alors, seulement, des espaces d’animation de la recherche autour de l’innovation technique et sociale vont pouvoir s’élaborer (Jouët, 2000).

Mais déjà amorcés dès la constitution des sciences de l’information – communication et quelles que soient désormais les pistes ouvertes, les travaux traduisent tous un premier paradigme, surplombant toutes les écoles et propositions théoriques à venir : le rejet d’une perspective techniciste, lequel, consécutivement, nourrira une posture résolument anti-déterministe, que ce déterminisme, latent chez les ingénieurs, se présente technologique ou, latent chez les militants, s’affiche social. Lorsque les sillons se creuseront, marquant davantage la particularité de la discipline, le constat, parfois, de l’absence de référence théorique préalablement validée imposera systématiquement le retour au terrain, in situ et pro tempore, sans pour autant sacrifier aux modélisations préconçues, inspirées, soit par des acteurs trop empressés à survoler les usages, soit par des commanditaires enfermés dans des logiques marketing face à l’arrivée des nouveaux objets de communication. Oublieuses de la complexité des constructions subjectives du sens, les lectures culturalistes ne bénéficieront pas plus d’écho inconditionnel au sein de la pensée communicationnelle.

Après ces premières esquisses de la discipline à la fin des années soixante-dix, les problématiques seront ensuite toujours plus riches, croisées, au fur et à mesure que le domaine de la Communication Internationale s’élargira, à l’aune des transformations des sociétés humaines (Miège, 2016) et, consécutivement, des recompositions stratégiques des acteurs : effritement des idéologies ; nouvelles formes d’autonomie et de constitution du lien social ; fragmentation et interpénétration des espaces, publics et privé ; accélération des phénomènes de globalisation ; prise en compte parallèle des logiques et jeux, spécifiques au local ; interpénétration des enjeux planétaires et prise en compte de ceux-ci au niveau même du management des organisations privées ; développement des agents interstitiels et des phénomènes d’hybridation culturelle ; médiatisation des instances de médiation sur le terrain de la régulation et de la diversité culturelle ; coopétition entre médias classiques et médias sociaux ; individualisation et différenciation des pratiques informationnelles et culturelles dans un contexte de développement des cultures de l’entre-soi et de concurrence des disciplines scientifiques pour en faire part et les analyser…

La maturité de la discipline lui permettra progressivement de s’imposer, même par l’angle d’un domaine aussi flou que la Communication Internationale. Les sciences de l’information – communication ont ainsi réussi ce pari, sans doute parce que leurs premiers travaux ont entrepris de déconstruire l’appellation objectivante du domaine pour mieux en repérer jeux et enjeux, à défaut de procéder à l’autopsie d’une convocation et d’une naturalisation de celle-ci toujours vivaces, chez les acteurs comme au sein des institutions internationales. Dans le maelström des élaborations théoriques croisées constituant l’environnement intellectuel à l’origine de la discipline, les premières entreprises théoriques, parfois artisanales, de celle-ci, l’ont prévenue de sacrifier à l’empirisme débridé et décontextualisé, qui ne fera que s’amplifier ensuite autour des études d’usage. Entre précipitation dans les appels commandités qui confondent opérationnalité (voire rentabilité) immédiate et acquis scientifiques, les sciences de l’information – communication vont parallèlement se départir de la dérive contraire, qui enfermerait superbement les chercheurs dans un donjon à l’écart de toute « compromission avec les acteurs des marchés » (Jouët, 2000). Confrontés au fur et à mesure de leur développement à l’éclatement des objets et des terrains, particulièrement en prenant en compte la mondialisation croissante de la communication, les travaux sauront ainsi naviguer dans les prochaines décennies, grâce aux analyses comparées stimulées par leurs partenariats au-delà du seul territoire français et par les cadres d’analyse formulés très tôt dans la discipline, par exemple avec la sémiopragmatique de Roger Odin (2000, 2011). Se déplaçant en permanence de la posture d’immanence au retour méthodologique de l’analyse textuelle ; mobilisant l’analyse qualitative, pour tenter de dégager la signification des actes de communication au niveau individuel et parallèlement l’analyse quantitative, pour atteindre une dimension plus macro sociale ; inscrits dans le temps long pour ne pas rester prisonniers des setting ou building agendas médiatiques ou s’encombrer des visions prospectives des acteurs (Miège, 2016), les auteurs de la discipline sont ainsi évalués à partir de leur observation d’une exigence scientifique imposée dès la fin des années soixante-dix : assortir leur démarche de l’explicitation des présupposés de celle-ci.

 

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Auteur

Bertrand Cabedoche

.: Bertrand Cabedoche est depuis décembre 2012 président du réseau mondial des chaires Unesco en communication (Orbicom). Diplômé de l’École Supérieure de Journalisme de Lille (1978), il a d’abord exercé en France en tant que journaliste, puis au Canada, avant de rejoindre l’équipe de recherche CRAPE et soutenir en 1987 une thèse pour le doctorat d’état de sciences politiques.
Professeur en Sciences de l’Information – Communication, il enseigne à l’Université Grenoble Alpes depuis 2005. Il a été directeur de l’École de Journalisme de Grenoble, puis responsable de la chaire Unesco en Communication Internationale, adossée au laboratoire Gresec dont il est responsable des relations internationales. Il est fortement investi comme expert dans différents programmes de l’Unesco, de l’Unicef, etc. Sous sa présidence, Orbicom est devenu think tank de l’Unesco sur les questions d’information et de communication.
Publié dans une quinzaine de pays, Bertrand Cabedoche est intervenu en tant que professeur invité à Beijing, Moscou, Beyrouth, Ammân, Alexandrie, Abidjan et Antananarivo. Ses interventions ont été sollicitées dans plus d’une quarantaine de pays en Europe, Amérique du Nord et Amérique Latine, Afrique et Asie.
Gresec, Université Grenoble Alpes –
bertrand.cabedoche@gmail.com