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La question des industries culturelles impliquée par/dans la diversité culturelle

16 Avr, 2009

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Miège Bernard, « La question des industries culturelles impliquée par/dans la diversité culturelle« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°10/3, , p.75 à 81, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/supplement-a/07-la-question-des-industries-culturelles-impliquee-par-dans-la-diversite-culturelle

Introduction

Il est entendu- en tout cas c’est majoritairement reconnu de tous côtés- que la thématique de la diversité culturelle (sur laquelle nous donnerons ci-après quelques précisions) est en relation étroite avec l’expansion tant quantitative que spatiale des industries culturelles (et informationnelles) : les services matériels et de plus en plus immatériels qu’elles offrent accèdent à une certaine maturité qui nécessite leur diffusion élargie comme marchandise plus ou moins internationalisée ; et dans des pays comme la France ou le Canada, c’est cette perspective nouvelle qui est à l’origine des réactions non seulement des artistes, des intellectuels et des consommateurs, mais également des producteurs attachés à ce que soient maintenus les cadres de leurs activités productives.

Mais on perçoit moins cette relation étroite entre industries culturelles et diversité culturelle dans les pays dominés, dans les pays émergents sans doute, mais surtout dans les pays du Sud qui se trouvent être parmi les plus pauvres. Plus exactement on considère ces pays avant tout comme des « consommateurs nets » (selon la terminologie comptable), et si possible comme des acheteurs au moins potentiels des produits exportés en provenance de l’Amérique du Nord, de l’Europe, du Japon et de quelques nouveaux producteurs.

C’est cette vision en réalité récurrente (on en trouve des manifestations dès le début des années quatre-vingt) que je voudrais discuter en développant l’argumentation selon laquelle, y compris les pays du Sud, pour résister et conforter leurs spécificités culturelles, ont à prendre en charge en fonction des possibilités leur propre production sur des bases industrielles ; en effet, que le déferlement effectivement annoncé depuis deux décennies ne se soit pas produit ne signifie pas qu’il ne se produira pas dans le futur ; les conditions en effet ont changé/ sont en train de changer.

La question des industries culturelles (désormais il vaudrait mieux écrire « industries culturelles, informationnelles et médiatiques », ICM, ainsi que je le propose par ailleurs) se pose dans des termes nouveaux qu’il me faut d’abord indiquer.

Les traits essentiels de l’industrialisation de la culture et de l’information

Le procès d’industrialisation qui marque profondément les produits culturels depuis 2 à 3 décennies ne doit être ni confondu avec le mouvement de marchandisation (qui l’implique mais le déborde), ni compris dans un sens métaphorique (comme c’est souvent le cas encore dans les professions artistiques) ou comme l’expression seulement du recours à des moyens techniques nouveaux. Ce qui est à la base de sa formation, c’est d’abord le phénomène de reproductibilité à partir d’une création originale (= la copie zéro), la reproduction du modèle d’origine n’ayant plus besoin pour se dérouler d’être inscrite sur un support matériel (papier, vinyle, plastique, etc.) mais pouvant prendre un caractère virtuel et immatériel (ceci n’a d’ailleurs pas débuté avec le numérique mais avec …l’exploitation du cinéma en salle au début du 20ème siècle). Sans doute est-il difficile de tracer, dans les domaines de la culture comme dans celui de l’information, une frontière nette entre ce qui participe effectivement au monde de l’industrie et ce qui doit en être distingué (à savoir les productions relevant du mode de production artisanal, de la petite production indépendante et de l’offre publique), car nombre de petites et moyennes entreprises fonctionnant selon des modalités artisanales, sont en réalité des sous-traitantes, parfois fort rentables, des entreprises industrielles, ou visent à un développement industriel, mais cela n’enlève rien à la pertinence du critère de la reproductibilité qui demeure négligé par les professionnels ou les experts, entraînant toute une série de confusions malencontreuses.

Pour la culture comme pour l’industrie, ce procès d’industrialisation n’a pas débuté dans la dernière partie du 20ème siècle ; il est, comme on sait, plus que centenaire. Ce qui est vrai par contre c’est qu’il s’est intensifié et même accéléré dans la dernière période, d’abord bien sûr dans les pays dominants puis ce mouvement s’est étendu et il gagne progressivement l’ensemble de la planète. De ce fait, contrairement à une opinion répandue, ce ne sont pas les négociations sur la libéralisation des services (au rang desquels la culture était en bonne place) qui ont ouvert l’étape de la marchandisation des produits culturels industrialisés, mais les dispositions nouvelles ont pour but de lui donner un coup de fouet et d’en élargir le cadre spatial. Et il n’est pas sans intérêt d’en rechercher les raisons profondes (et pas seulement les raisons affichées, assez superficielles). J’en évoquerai 5, en dépendance étroite les unes avec les autres :

  • les industries culturelles et informationnelles sont en passe de devenir des industries de pointe, celles qui sont fondamentales aujourd’hui dans la production de la valeur, quand bien même elles se présenteraient sous la forme de services immatériels. Ainsi parmi beaucoup d’exemples contemporains comprend-on mieux pourquoi le groupe français Lagardère tend à se désengager progressivement du secteur de l’aéronautique civile et même militaire, pour renforcer ses actifs dans les industries du contenu ; il ne s’agit pas d’une décision unique ou fortuite.
  • cet ensemble d’industries ne fonctionne pas de façon isolée, il est de plus en plus relié avec d’autres grands secteurs industriels, et particulièrement avec les industries des réseaux (les télécommunications, etc.) et les industries de matériels (outils informatiques grand public permettant de traiter ou d’accéder à des images, des sons, etc.).
  • elles sont actuellement l’objet d’un intérêt marqué de la part des grands groupes de communication qui tentent, non sans difficultés ni échecs dans un passé récent, de développer des synergies entre des filières industrielles jusqu’à présent nettement séparées.
  • elles accentuent leur trans-nationalisation, avec à leur tête les puissantes firmes américaines accompagnées désormais par d’autres acteurs majeurs ayant leur base en Inde, au Brésil, au Mexique, en Europe de l’Ouest, etc.
  • et elles sont actuellement le lieu d’incessants et intenses conflits entre les parties prenantes pour le réaménagement des modalités de rémunérations des artistes, intellectuels et agents de la production artistique et intellectuelle (droit d’auteur et droits voisins vs copyright / droit de la propriété intellectuelle).

Au bout du compte, ces tendances fortes traduisent un enjeu majeur que l’on peut définir comme suit : est-on entré dans une phase où certaines des marques fondamentales, historiques en quelque sorte, de cette catégorie d’industries sont en train / vont être remis en question de façon décisive ? En arrière-plan de l’industrialisation croissante de la culture et de l’information, c’est cet enjeu qui s’affirme, un enjeu qui revient, rien de moins à se demander si les industries culturelles sont appelées à garder tout ou partie de leurs spécificités, ou si elles fonctionneront désormais comme la majorité des autres industries.

La Diversité Culturelle et ses fondements théoriques…

Le syntagme est récent ; il est le plus souvent associé à des significations peu claires comme celle-ci proposée par l’Encyclopédie numérique Wikipedia : « La diversité culturelle est la constatation de l’existence de différentes cultures, comme la biodiversité est la constatation de l’existence de la diversité biologique dans la nature. » Cette définition triviale, aux fondements relevant apparemment de l’anthropologie, renvoie d’ailleurs à des significations multiples, qui se superposent dans les argumentations : promotion ou préservation des minorités culturelles, mesures de protection, défense des droits culturels.

Les choses se sont évidemment précisées à partir de l’adoption, après une « bataille » d’une dizaine d’années, de La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle lors de sa 31ème Conférence Générale dans le but d’humaniser la mondialisation en la rendant plus respectueuse des cultures. Et surtout depuis l’entrée en vigueur de La Convention internationale, le 18 mars 2007. Désormais la notion a une base juridico- politique, certes soumise à des interprétations diverses voire opposées, mais une base opposable tout particulièrement aux entreprises expansionnistes des Etats et des groupes industriels dominants. Les acquis sont réels même si on ne doit pas sous-estimer la fragilité des potentialités ouvertes ainsi que les risques d’une dilution des réalisations menées en son nom.

Ce ne sont pas tant les confusions que nous venons d’évoquer qui font problème, mais surtout un certain nombre d’ambiguïtés, assez rarement analysées comme telles. S’il est vrai en effet que la Diversité culturelle (que nous désignerons par l’acronyme DC) est étroitement corrélée avec la mondialisation et l’ouverture des échanges, ce que l’on fait peu observer c’est qu’elle est en rapport étroit avec : 1° un élan nouveau donné à l’industrialisation de la culture et de l’information et 2° les stratégies d’élargissement des marchés conduites par les ICM. C’est ce contexte qui est décisif, et c’est lui qui explique l’étonnante conjonction d’intérêts peu conciliables autour de la DC.

Contrairement à ce que pensent beaucoup de responsables politiques ou culturels, la DC n’est pas la traduction quelque peu édulcorée d’un autre syntagme qui l’a précédée sur la scène publique, à savoir « l’exception culturelle » , elle tire son origine de travaux d’économistes industriels, tel Joseph Stiglitz (attaché à montrer que le consommateur trouve une utilité non seulement dans la quantité et la qualité des biens culturels consommés mais également dans le nombre de biens disponibles) et surtout Tyler Cowan (pourfendeur du protectionnisme, critique de la « tyrannie » de la localisation » et promoteur du commerce culturel dans le cadre de la globalisation en ce qu’il accroît les possibilités de choix à l’intérieur des sociétés et entre les sociétés) ; ce sont d’autres économistes industriels tels Xavier Greffe et Françoise Benhamou qui, sensibles à la spécificité des créations culturelles et donc résistants à une analyse aussi …radicale et provocatrice mettant toutes les créations culturelles sur le même plan (le nombre des produits ne peut être représentatif de la variété des contenus et des identités culturelles), qui proposent que la DC ne soit pas appréhendée à l’aide de critères quantitatifs aussi simplistes, mais intègre des indicateurs de nouveauté (face à la standardisation du formatage industriel) et tienne également compte d’un équilibre des genres (par exemple des catégories de livres édités et diffusés). Des travaux en cours montrent du reste que ces approches en restent à une vision superficielle des enjeux tant économiques que politico- culturels ; bien d’autres éléments interviennent, comme l’écart considérable entre la diversité produite et la diversité effectivement consommée, ou le déplacement des consommations vers les succès et donc l’attirance pour un petit nombre de titres seulement (en dépit de… la diversité de l’offre).

Ces indications n’ont d’autre but que d’attirer l’attention sur le « mixage théorique » à l’œuvre autour de la DC qui ne saurait intéresser les seuls chercheurs et les penseurs sociaux ; sa déconstruction est une opération qui ne peut que se révéler salutaire.

… et vue d’Afrique

Les données sur les industries culturelles africaines sont rares et dispersées. On trouve surtout des monographies, établies le plus souvent par des professionnels ou des responsables administratifs. Ainsi sur la télévision au Maroc, le cinéma au Burkina-Faso, la musique vivante ou enregistrée au Mali ou en République populaire du Congo, l’édition de livres au Sénégal, la presse dans des pays de l’Est africain ; seule ou à peu près l’Afrique du Sud donne à voir une vision d’ensemble de ses industries culturelles.

C’est pourquoi il faut s’attarder sur une étude récente (2004) que l’on doit à l’association Culture et Développement et dont les auteurs sont Francisco d’Almeida et Marie-Lise Alleman (j’ai contribué personnellement à la réalisation de l’étude). Effectuée à la demande de l’Agence Internationale de la Francophonie (AIF) et du Haut Conseil de la Francophonie, son rapport est disponible sur un site web sous le titre « Les industries culturelles des pays du Sud : enjeux du projet de convention internationale sur la diversité culturelle. »

(agence.francophonie.org/diversiteculturelle/fichiers/aif_etude_almeida_alleman_2004.pdf). Cette étude est donc directement en relation avec le sujet que nous envisageons.

Commençons par en donner les observations et conclusions générales :

En raison de sa faiblesse ou même de son inexistence, « l’information sous ses diverses formes constitue l’une des priorités d’un programme de soutien au développement des industries du Sud. »

« La variété des industries culturelles telles qu’elles sont organisées dans les pays du Sud implique de ne pas les envisager comme une entité homogène. Elles présentent des caractéristiques et des facteurs d’hétérogénéité: différences de structuration des réseaux de distribution, orientation vers les marchés intérieurs, faible compétitivité sur les marchés extérieurs. De ce fait, les stratégies et politiques publiques à engager ou à compléter sont nécessairement plurielles. Elles doivent en priorité viser à structurer un environnement économique, juridique et technique pour créer les conditions de développement d’une production locale contribuant à l’économie nationale et à la DC Dans ce contexte, les stratégies et politiques publiques constituent un facteur décisif de l’affermissement de la DC. Leur élaboration et leur mise en œuvre pourraient bénéficier de la coopération et de la solidarité internationales sur la base de plans d’action par filière, élaborés par pays et par région. » Le contexte nouveau ouvert par l’adoption de la Convention internationale est a priori favorable à ces perspectives ; en tout cas il peut ouvrir la voie à une action publique si la volonté de la mettre en oeuvre existe.

Quant aux constations spécifiques faites par les auteurs de l’étude, elles permettent de mettre en exergue les points suivants (qui diffèrent assez peu de ceux relevés dans une étude que j’avais effectuée …plus de vingt ans auparavant, cf. « Problèmes posés à la création artistique et intellectuelle par le développement des industries culturelles nationales et internationales », à la demande de la Division du Développement Culturel de l’UNESCO, 1983, 100 pages) :

Généralement la perception de ce que sont les industries culturelles et médiatiques est fragmentaire quand celles-ci ne sont pas réduites au seul recours aux techniques de l’information et de la communication (Tic). Il en résulte une conscience peu affirmée des enjeux, tant économiques que politico- culturels.

« Si, dans le cadre de cette étude, nous avons mis l’accent sur les aspects économiques, c’est avec l’intention de montrer que les industries culturelles contribuent et peuvent contribuer à l’économie de ces pays si les conditions structurelles de leur développement sont créées par les politiques publiques appropriées. Il n’en demeure pas moins que l’enjeu essentiel est de créer les conditions de l’épanouissement culturel et du développement humain dans ces pays. Dans ce sens, la revitalisation de leur très riche patrimoine culturel pour nourrir et dialoguer avec leurs créations contemporaines dynamiserait la confiance en leur créativité. C’est la condition indispensable pour éviter d’être condamnés à consommer les images, les écrits et les musiques des autres. »

L’exemple de la croissance des industries sud-africaines de la musique et du film montre que leur développement et leur impact économique dépendent directement des politiques publiques mises en œuvre. Au niveau sectoriel des filières, les exemples du Maroc pour le cinéma et du Burkina Faso pour l’audiovisuel attestent de l’effet direct des mesures d’encadrement sur le niveau de développement de la production de films et de programmes de télévision.

Au-delà des enjeux sociaux et identitaires de l’existence d’une offre locale de biens culturels dans un pays, nous avons souligné le potentiel économique de certaines industries culturelles dans des pays comme le Maroc, le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, l’Afrique du Sud et la Jamaïque. Ce potentiel peut être davantage mis en valeur par un soutien des politiques publiques. Même si des données plus complètes font défaut, la contribution des industries culturelles à l’emploi dans ces pays n’est pas négligeable. Leur potentiel productif et l’évolution de la demande mondiale des biens culturels indiquent que les filières de l’image, du son et de l’artisanat, notamment les instruments de percussion offrent des débouchés croissants.

Toutefois, la perspective d’intégration au commerce international n’est pas le seul aspect sur lequel doivent se concentrer les efforts politiques. C’est aussi pour des raisons identitaires que les secteurs de l’image, du son et de l’écrit doivent êtres protégés et soutenus. De plus, la mise en place d’une production locale conséquente pour satisfaire les besoins locaux des populations est un préalable à la constitution d’une offre exportable sur les marchés internationaux. Elle nécessite des politiques nationales de soutien. »

3° l’impératif d’un soutien public à la production des produits culturels.

« Du fait de leur poids en termes d’emploi, de leur apport à la balance commerciale et de leur contribution à la construction de l’identité et de la cohésion de leurs pays, les industries culturelles ont été intégrées dans les politiques publiques de nombreux pays de l’OCDE et d’Asie.

En Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud qui a élaboré une stratégie globale et de quelques autres pays comme le Sénégal, le Burkina Faso, le Maroc, la Côte d’Ivoire ou le Gabon qui ont élaboré des politiques sectorielles concernant le cinéma, la télévision et la presse, rares sont les pays qui disposent d’une stratégie et d’une politique de la culture articulées à celles de l’emploi, de la formation professionnelle, du commerce, de l’éducation et de l’économie. Ainsi, l’absence de stratégies et de politiques culturelles due à la méconnaissance de l’impact des industries culturelles prive ces pays d’opportunités d’actions pour le développement de leur culture et de leur économie.

Le déséquilibre qui existe entre le potentiel économique et culturel des pays grands fournisseurs de produits culturels et celui des pays du Sud implique que ces derniers se donnent les moyens de soutenir le développement et une meilleure distribution de leur production nationale. » Et de fait, toute la deuxième partie de l’étude détaille tout ce que les divers instruments des politiques publiques de la culture pourraient apporter aux producteurs africains de biens culturels, y compris la formation professionnelle, la respect de la propriété intellectuelle, les aides aux artistes, la reconnaissance d’un statut social et juridique pour les artistes, etc.

4° l’option du multilatéralisme et de la coopération intra- régionale.

« Tout au long de l’étude, nous avons souvent constaté des carences au niveau de la production mais surtout aux niveaux de la diffusion et de la distribution nationale, sous- régionale et régionale des biens culturels. Ces trois maillons appellent des mesures restant à définir pour assurer leur développement.

L’importance du déséquilibre entre les forces économiques et culturelles en présence a pour conséquence que les pays du Sud, pris isolément, ne peuvent négocier, à armes égales avec les grands fournisseurs de biens culturels, les conditions de commercialisation de leur production. Dès lors, c’est le cadre multilatéral qui leur garantira la possibilité d’améliorer la part de leur production dans l’offre culturelle, tant sur leurs marchés nationaux actuellement très dominés que sur les marchés mondiaux. C’est aussi ce cadre qui peut légitimer la possibilité pour les États de mettre en œuvre les politiques de développement culturel…

Dans cette perspective, la définition de règles prévisibles et acceptées par tous et la reconnaissance de la spécificité des biens culturels ainsi que du droit des États à prendre les mesures nécessaires au développement et à la diffusion de leur production locale revêtent une importance stratégique. »

5° les Tic, désormais vecteurs de contenus, impliquent une attention toute particulière et une vigilance nouvelle.

« La dépendance de certains contenus par rapport à certains types de matériels et surtout de réseaux, met en position difficile les industries nationales en situation de concurrence. Et ce phénomène tendra à s’accentuer avec la croissance de l’équipement accessible à certaines catégories de population du Sud ; les usagers- consommateurs des produits culturels se recrutant surtout parmi les classes supérieures ou moyennes- supérieures, le risque est grand de voir s’amenuiser les clients potentiels des produits nationaux au fur et à mesure du développement des marchés mondiaux, surtout si ceux du Sud s’ouvrent facilement en raison de l’affaiblissement des réglementations douanières consécutif à la passation d’accords bilatéraux (favorables aux pays dominants).

De ce fait, les stratégies ou politiques publiques à engager sont nécessairement plurielles. Elles ne peuvent pas viser exclusivement la conquête de marchés extérieurs ouverts en dépit d’atouts certains dans certains domaines. Par contre, la coopération intra- régionale est un objectif à prendre sérieusement en considération, en prenant garde, grâce à la passation d’accords, qu’elle n’aboutisse pas au renforcement de situations de domination au niveau régional. »

Comme on le voit l’analyse, aussi bien celle des industries culturelles que celle de la DC, et des liens qui se tissent entre elles dans l’ensemble des Régions du monde mais surtout dans les pays du Sud, permet d’exhiber les ressorts des tendances à l’œuvre par delà les discours sociaux souvent euphémiques qui occupent le devant de la scène publique. Il est évidemment de la responsabilité des chercheurs d’inscrire les réflexions au sein des procès qui marquent l’avancée de l’information et de la communication, et de suivre de près les « applications » de la Convention internationale, celle-ci ayant incontestablement ouvert des espaces inédits de possibilités.

Ce qui apparaît d’ores et déjà c’est que la DC se positionne à la croisée d’enjeux tant économiques que politico- culturels voire sociétaux ; et les questionnements scientifiques doivent être à la hauteur de ces enjeux.

Dans les conditions actuelles il est prévisible que les principales réactions des gouvernants, des professionnels et des médiateurs se partageront entre des positionnements simplificateurs et peu aptes à exprimer la complexité et la pluralité des questions impliquées :

  • la dénonciation du renforcement de la domination culturelle (et informationnelle) comme si celle-ci, effective, n’allait pas sans résistances et n’appelait pas au confortement des réalisations nationales et régionales ;
  • le repliement sur des espaces culturels nationaux et identitaires, alors que le développement des échanges (sur des bases régionales par exemple) est une réponse à l’expansion en cours des entreprises des groupes de communication des pays dominants ;
  • le recours à des « faux semblants » , la DC pouvant dissimuler aussi bien des accords commerciaux dissymétriques que la défense des intérêts d’industries vivant à l’abri de protections.

La situation, à coup sûr, est nouvelle. Et ce que le chercheur a sans doute à indiquer aux acteurs culturels, c’est de ne pas contourner ce qu’impliquent et recouvrent les expressions « Industries culturelles (et médiatiques) » et Diversité Culturelle ».

Auteur

Bernard Miège

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