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Les TIC, la désinformation sur le web et la propagande en rapport avec l’immigration camerounaise au Québec de 2003 à nos jours

20 Fév, 2015

Résumé

La toile regorge d’escroqueries en matière d’immigration au Québec et au Canada. L’Afrique est le continent de naissance du tiers des immigrants arrivés au Québec au cours des cinq dernières années. Cette communication s’intéresse plus particulièrement à la population ethnique camerounaise recensée au Québec depuis 2006 et ayant utilisé le web afin de préparer et concrétiser le projet de migration. De quelle manière les TIC peuvent-elles aider les futurs migrants camerounais désireux de s’installer au Québec ? Comment peuvent-elles devenir source d’erreurs, de désinformation et de malversation ? Cet article propose, par le biais d’enquêtes et d’entretiens semi-directifs, d’analyser la portée des consultants en immigration et arnaques présents sur le web afin de mieux comprendre l’impact de la recevabilité des candidatures, la durée de la procédure d’immigration, le taux d’admission eu égard au taux de refus, ainsi que l’augmentation de la reproduction des faux documents et de fausses déclarations de la part des candidats à l’immigration camerounais.

Mots clés

Immigration camerounaise, Québec, désinformation, propagande migratoire, Internet.

In English

Title

TICs, Disinformation on the Internet and Propaganda in Relation with the Immigration from Cameroon in Quebec

Abstract

The web is full of scams immigration in Quebec and Canada. Africa is the continent of birth for 33% of immigrants in Quebec over the past five years. This paper is particularly interested in the Cameroonian ethnic census population in Quebec since 2006 and who used the web to prepare and implement the migration project. How ICT can they help future Cameroonian migrants wishing to settle in Quebec, but how can they become source of errors, misinformation and embezzlement? This paper proposes, through surveys and semi-structured interviews, to analyze the scope of immigration scams and web presence in order to better understand the impact of the admissibility of applications, the duration of the immigration process, the rate of admission with regard to the refusal rate and the increase in reproduction of false documents and false statements from candidates migrants from Cameroon.

Keywords

Cameroonian immigration, Quebec, disinformation, migration propaganda, Internet.

En Español

Título

Las Tic, la desinformación en el Web y la propaganda en relación con la inmigración camerunés en Quebec

Resumen

La web está llena de fraudes acerca de la inmigración en Quebec y Canadá. África es el continente de nacimiento de donde proviene el tercio de los inmigrantes en Quebec en los últimos cinco años. Esta comunicación está particularmente interesada en el censo de población étnica camerunesa en Quebec desde 2006 y que utiliza la web para preparar y llevar a cabo el proyecto de migración. ¿Cómo las TIC pueden ayudar a los futuros inmigrantes cameruneses que desean establecerse en Quebec, pero cómo se pueden también convertir en una fuente de errores, de desinformación y de malversación de fondos ? Este trabajo se propone, a través de encuestas y entrevistas semi-estructuradas, de analizar el alcance de las estafas de inmigración y presencia en la web para entender mejor el impacto de la admisibilidad de las solicitudes, la duración del proceso de inmigración, la tasa de los ingresos en relación con la tasa de los rechazos, y el aumento en la reproducción de documentos falsos y declaraciones falsas de los candidatos de inmigración camerunesa.

Palabras clave

Inmigración camerunesa, Quebec, desinformación, propaganda migratoria, Internet.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Goulet Sophie-Hélène, «Les TIC, la désinformation sur le web et la propagande en rapport avec l’immigration camerounaise au Québec de 2003 à nos jours», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°15/2B, , p.199 à 207, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2014/supplement-b/17-les-tic-la-desinformation-sur-le-web-et-la-propagande-en-rapport-avec-limmigration-camerounaise-au-quebec-de-2003-a-nos-jours

Introduction

Les différents gouvernements québécois, essentiellement à la fin des années 1960, ont mis en place une succession de politiques linguistiques, mais aussi des politiques d’immigration afin d’affermir symboliquement et objectivement le caractère francophone au Québec. Si la grande majorité des individus qui naissent dans un pays y passeront leur vie et y mourront, une minorité s’installera de façon temporaire ou permanente à l’étranger. De nos jours, les gens voyagent de plus en plus, découvrent ainsi de nouvelles cultures et souhaitent également saisir de nouvelles opportunités d’emplois et d’affaires. Les migrations internationales actuelles sont fortement représentées par un volume considérable de circulations des travailleurs qualifiés.

L’Afrique est le continent de naissance du tiers des immigrants arrivés au Québec au cours des cinq dernières années. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la population camerounaise recensée au Québec depuis 2006. Lors du recensement de 2006, 3 285 personnes au Québec se sont déclarées d’origine camerounaise. De plus, presque neuf personnes sur dix (88,9%) des membres de la communauté camerounaise au Québec, âgés de 15 ans et plus, appartiennent à la première génération d’immigrés, donc nés à l’étranger. Trois personnes sur cinq, soit 60,5 % de la population de cette communauté, se sont établies au Québec au cours de la période la plus récente en matière de statistiques sur l’immigration. Ainsi, nous pouvons supposer, à des degrés divers, que la majorité des membres de la communauté camerounaise récemment arrivés au Québec, a utilisé Internet pour concrétiser le projet d’expatriation : recherche d’informations, consultation de forums et de blogs, matérialisation du projet migratoire (téléchargement des dossiers officiels) ou encore recherche d’un consultant ou représentant en immigration. « L’essor, à partir du milieu des années 1990, du réseau Internet, va offrir un outil de communication de choix à ceux des migrants possédant les ressources culturelles, techniques et financières nécessaires pour en maîtriser les rudiments » (Mattelart, 2009, p. 22).

« Dans les études communicationnelles, on traite des processus de communication dans le maintien des liens communautaires à l’intérieur de la diaspora, ainsi que l’usage des nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC) par les membres de la diaspora » (Stoiciu, 2013, p. 15).

Nous avons pu recenser des faussaires utilisant Internet afin d’offrir des opportunités mensongères d’études, d’emplois et de migration vers le Québec et le Canada. Ils prétendent très souvent représenter des entreprises offrant directement un emploi au Québec. Or, quels peuvent être l’influence et le rôle du gouvernement québécois par rapport à sa gouvernance (Charreaux, Schatt, 2005), sa régulation et sa réflexivité sur Internet dans le cadre de l’immigration camerounaise au Québec ? Comment les Camerounais désireux de migrer vers le Québec utilisent-ils Internet pour leurs démarches migratoires ? Comment ceux qui sont récemment arrivés au Québec ont-ils su faire usage du web afin d’obtenir le sésame, le visa de résident permanent pour le Canada ?

Plusieurs courriels relatant les procédures à suivre, les conseils, les retranscriptions d’entretiens de sélection, circulent au sein des communautés virtuelles. Ces courriels sont en train de devenir de véritables guides migratoires. Les TIC permettent une transmission cumulative des ressources qui se transforment ainsi en un capital collectif. Les difficultés et les échecs migratoires, occultés jusqu’à présent dans les récits de réussites racontés par les migrants à leurs familles et amis, apparaissent désormais dans les témoignages en ligne, confortés par l’anonymat des internautes. En somme, les témoignages issus d’expériences vécues par les migrants, par leur abondance et leur précision, constituent une toute autre forme d’information qui ne peut se substituer à celle recueillie à partir des brochures, des guides et de sites internet officiels, mise à disposition essentiellement, par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles ou par des avocats et consultants en immigration agréés. Ainsi, les futurs migrants parviennent à construire plus aisément leur imaginaire migratoire tout en objectivant les impressions et perceptions migratoires. La « communication effective » serait-elle un processus de minimisation des malentendus ? « La communication est effective dans la mesure où la personne qui interprète le message y attache une signification relativement similaire à ce que la personne qui le transmet a l’intention de communiquer » (Gudykunst, 1993, p. 70).

Information ou désinformation migratoire ?

A Douala, des affiches sont collées sur plusieurs murs et poteaux du centre-ville, afin de promouvoir les études au Canada ou l’immigration permanente sur le territoire. Sur la toile, les escroqueries concernant l’immigration au Canada et au Québec sont bel et bien présentes depuis plusieurs années. Les procédures d’immigration y seraient allégées, on promet même une immigration gratuite et ce, sans passer par les instances gouvernementales. Les faussaires n’hésitent pas à se servir de logos officiels, à utiliser à tort et à travers les noms des ministères québécois et canadiens compétents en matière d’immigration, et même ceux de consultants ou d’avocats reconnus par le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (CRCIC). Le Canada, et plus particulièrement le Québec, pour les pays francophones de l’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale, est, sans aucun doute devenu la destination favorite des malfaiteurs. En effet, qui n’a jamais reçu un message écrit en lettres majuscules et gorgé de fautes d’orthographe annonçant l’expatriation au Québec comme étant le résultat d’un gain à la loterie ? Or, contrairement à la carte verte américaine, l’immigration au Québec et au Canada a toujours été sélective, le hasard et la loterie n’ont jamais fait partie des politiques d’immigration québécoise et canadienne. Les situations présentées sur le web sont diverses et variées : le Québec offrirait des emplois, des bourses pour des études et même des aides financières liées à l’installation. On y vante également le système d’éducation et celui de la santé, pourtant tous deux fortement critiqués par les Québécois. Les faussaires se font souvent passer pour des avocats à la cour, des huissiers de justice, des notaires, voire pour le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles en reprenant une adresse courriel de type quebecimmigration@yahoo.com. Ils demandent très souvent des transferts d’argent au profit de celui-ci, alors qu‘il n’a jamais accepté ce type de paiement pour couvrir des frais d’étude de candidature.

A quoi peut correspondre la représentation du Québec dans l’imaginaire collectif camerounais ? Mustapha Belabdi parle des limites de la communication migratoire : « Les obstacles à la réception de la communication gouvernementale sont multiples et concernent, entre autres, les aspects cognitif, sociologique et culturel des messages. Les formes de communication écrites et électroniques répondent partiellement aux attentes des immigrants concernés quand il s’agit des aspects fonctionnels et de l’insertion sociale et économique » (Belabdi, 2011, p. 189). Or, si la plupart des immigrants peuvent obtenir des informations au sujet du projet migratoire vers le Québec, le problème réside néanmoins dans l’accès à ces dernières ainsi que dans leur interprétation. Quelle que soit la provenance de l’information reçue par les migrants, celle-ci agit petit à petit sur leur perception, mais évolue aussi en fonction des interactions avant et après la migration.

Les migrations internationales contemporaines

Deux types de facteurs peuvent inciter les personnes à la migration hors de leur pays de résidence ou d’origine. Le mot « facteur » englobe les « causes », « motifs » et « motivations ». Il y a les facteurs dits incitatifs qui correspondent aux conditions présentes dans le pays d’origine : instabilité politique, pauvreté, criminalité, conflits interethniques ou plus simplement une mauvaise situation économique. Les seconds facteurs dit attractifs cette fois, relèvent de l’attrait que peut exercer un futur pays ou région de destination : possibilité d’avoir un meilleur emploi, d’être mieux rémunéré, d’obtenir de meilleures possibilités d’évolution dans sa carrière, d’évoluer dans un environnement plus sûr et tolérant, d’offrir une bonne éducation à ses enfants, le tout dans un cadre nécessitant a priori un minimum d’ajustements car la langue de la société d’accueil est déjà maîtrisée. Devant l’absence de perspectives, plusieurs jeunes diplômés camerounais se sentent forcés à l’exil. Depuis la dernière décennie, le Québec semble représenter à leurs yeux la terre promise.

La première théorie des migrations internationales apparaît en 1885, avec Ernst Georg Ravenstein, qui énonce sept lois sur ces mouvements. Ces lois seront enrichies des interventions de J. J. Mangalam en 1968. Pour ce dernier, la migration repose sur la prise de décision d’un individu ou d’un groupe, liée à l’évaluation d’une situation actuelle comparée à une situation envisagée. Il faut qu’il y ait une privation par rapport à certaines valeurs, la perception de l’impossibilité d’y remédier dans le pays d’origine et la possibilité de le faire dans un autre lieu. C’est alors la poursuite de certains objectifs qui motive la migration.

La communication avant la migration : la place des réseaux

« La plupart du temps, l’aventure commence par la lecture anodine d’une annonce publicitaire bien mise en valeur par un cabinet de « consultants » qui rend accessible à l’imagination la possibilité d’immigrer au Canada, et plus particulièrement, au Québec. L’effet de l’annonce n’est pratiquement jamais immédiat, car le désir d’émigrer, même s’il est latent, n’émerge pas immédiatement. Mais, lentement et progressivement, le rêve commence à s’installer. L’environnement sociétal, déjà triste et fade, le devient, de plus en plus. Le subconscient s’active et élabore des montages financiers puis élimine, petit à petit, toute forme de résistance. Et, un jour, sans crier gare, la décision est prise. L’entourage immédiat, souvent réticent, au début, est d’abord consulté : il reste hésitant quelque temps,  avant de céder aux chants des sirènes de l’Amérique. Et ce, d’autant plus que les acquis, souvent importants (situation professionnelle, vie familiale et surtout stabilité sociale) sont banalisés voire dévalorisés. L’excellent marketing entourant le mode de vie des démocraties occidentales via les médias ou les chaînes satellitaires finissent par transformer le rêve en projet » (Bnou-Nouçair, 2008, p. 13-14).

La plupart des Camerounais désireux de s’installer au Québec possèdent des réseaux migratoires. Ils sont en relation avec des amis, parents, connaissances, avec lesquels ils échangent à propos du projet de migration. Beaucoup de jeunes Camerounais utilisent les réseaux sociaux, mais ce n’est pas forcément la toile qui serait l’élément déclencheur du projet migratoire. Selon Li Xue (2007), les candidats à l’immigration, pour obtenir des informations, vont, dans l’ordre d’importance, faire d’abord appel à des amis, puis à des parents et membres de la famille et enfin aux institutions gouvernementales et formelles. Ils doivent, dès la naissance du projet migratoire, effectuer un tri et une analyse dans les informations reçues. Il n’en demeure pas moins qu’un imaginaire se dessine progressivement, reposant sur des informations ayant subi une distorsion. Ces candidats n’ont pas tous la même capacité à rechercher les informations, à s’interroger, à scruter ce qu’ils peuvent lire, entendre et regarder. Les sources d’information en phase pré-migratoires sont nombreuses : les différentes instances gouvernementales, surtout le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, les sites internet, les blogs, les forums de discussion, les réseaux sociaux numériques, mais aussi les réseaux personnels (famille, amis, membres de la même communauté culturelle). Même si les informations relatives à l’immigration au Québec demeurent accessibles et gratuites via notamment le web, il existe toujours des écarts, des imperfections informationnelles. De plus, « le détenteur d’une information ne peut connaître sa qualité, ni sa valeur, jusqu’à ce qu’il expérimente » (Béji, Pellerin, 2010, p. 569). Il est important de comprendre de quelle façon les informations reçues et perçues par les immigrants peuvent les influencer en phase pré-migratoire (la prise de la décision de partir et la préparation du projet de migration). Tout au long de ce processus, ils doivent pouvoir bénéficier d’informations crédibles et justes.

Il est donc nécessaire de s’intéresser à l’impact des TIC sur les dynamiques migratoires. Comment les TIC forgent-elles les espaces sociaux transnationaux dans lesquels migrants et futurs migrants communiquent ensemble ? Sur le plan des migrations internationales, la communication et la coopération à distance sont facilitées par Internet. Les TIC deviennent des outils incontournables pour le maintien des liens transnationaux. La capacité de la diaspora camerounaise à échanger des informations, des récits, des images, des vidéos et à élaborer des projets à distance à travers les médias électroniques, mène à l’émergence de « sphères publiques diasporiques » (Nedelcu, 2009). Ce processus est lié aux contributions coordonnées des migrants dans des sphères publiques nationales multiples, à la fois dans le pays d’origine, dans d’autres pays dits de transition, et dans le nouveau pays d’accueil.

Cadre de l’étude et enquête

Nous avons interrogé, dans le cadre de cette étude, seize ressortissants camerounais en processus migratoire ainsi qu’une ressortissante camerounaise installée au Québec depuis moins d’un an. Quasiment tous les candidats questionnés utilisent régulièrement Internet, ainsi que les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Linkedin ou Hi5. Les principaux sites web consultés pour les formalités administratives et la préparation de l’expatriation sont les sites gouvernementaux québécois et canadiens, les sites de recherche d’emploi, ainsi que le site internet « privé » www.immigrer.com. Tous les candidats interrogés, à l’exception de trois, ont eu recours aux services d’un consultant en immigration. Un candidat interrogé le 23 septembre 2013 affirme : « avec les TIC, la transparence gouvernementale et l’accessibilité à l’information, je suis persuadé que les candidats sont de plus en plus aptes qu’auparavant à compléter leur demande de certificat de sélection du Québec. D’ailleurs, avec les nouveaux formulaires à remplir et pour la vérification des documents soumis, les choses deviennent de plus en plus faciles. Cela dit, je comprends la raison d’être de la sollicitation des consultants en immigration par les candidats. » Une immigrante interviewée le 2 octobre 2013 indique « qu’Internet m’a beaucoup aidée dans les quêtes d’informations. Avant mon arrivée au Québec, je passais en moyenne cinq heures par jour sur les sites gouvernementaux et les forums, je savais ce qui m’attendait, c’est-à-dire les difficultés liées à la recherche d’emploi, l’importance de la connaissance de la langue anglaise, le prix des loyers, la vie au quotidien. Il y a une foule d’informations, mais il faut aussi savoir comment les trouver ».

Dans une interview d’Aline Ngoutoufana, réalisée par Claude Zéba pour L’Effort camerounais, en mai 2008, et diffusée sur le web, est évoquée la mise en place d’Accès Canada à Douala deux mois auparavant. Accès Canada, est une institution privée d’assistance à la migration, présente dans quinze pays, mais surtout en Afrique subsaharienne : Cotonou, Ouagadougou, Douala, Kinshasa, Brazzaville, Abidjan, Yamoussoukro, Bamako, Dakar et Lomé. Force est de constater que le ministère des Affaires étrangères canadien, ne possède pas autant d’ambassades et de consulats au sein des différentes villes africaines précitées. Mme Ngoutoufana indique que « le Canada a besoin des citoyens pour soutenir et développer son économie ». Elle parle des critères de sélection de la province de Québec et indique qu’Accès Canada « demande aux clients d’avoir au moins le niveau BEPC ou tout autre diplôme équivalent, une expérience professionnelle d’au moins un an, et un numéro matricule attestant de son affiliation à la CNPS (Caisse nationale de prévoyance sociale). » En 2008, le règlement sur la sélection des ressortissants étrangers du ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, information juste, fiable et transparente, évoquait les critères de sélection d’une manière tout autre. En effet, le BEPC n’était pas reconnu au Québec, le diplôme camerounais minimum, recevable à des fins de sélection pour l’immigration, était le baccalauréat. Le certificat de probation ne l’était pas non plus. Ensuite, l’expérience professionnelle n’était pas un critère obligatoire, ni éliminatoire. Des points étaient accordés pour ce facteur dès lors qu’un candidat à l’immigration avait cumulé six mois d’expérience professionnelle à temps complet. Cette expérience devait également être justifiée par le biais de relevés de cotisations à la CNPS et non par la présentation d’une carte ou un numéro d’affiliation. Certains commentaires ont été publiés à la suite de cet article. Le premier, diffusé le 10 mai 2008, indique que « cette initiative d’institution privée d’assistance à l’immigration au Canada constitue tout simplement une escroquerie et rajoute la confusion dans ce débat ». Un autre commentaire, en date du 17 mai 2008, signale que « le site de l’immigration de cette province est www.immigration-quebec.gouv.qc.ca, où toutes les conditions sont explicites. Il est possible de gérer son dossier soi-même. Il est expressément libellé que l’usage des services d’un consultant en immigration n’accélère  pas la procédure. Je tiens à vous rassurer que ça marche, je suis passé par là ainsi que des amis ».

En effet, les consultants en immigration seraient davantage présents, « sur le terrain », contrairement aux instances gouvernementales canadiennes et québécoises. Ils adoptent une stratégie de proximité, organisent des séances d’information au sein d’établissements universitaires (l’Université de Yaoundé II, l’Université de Dschang, l’Université de Douala, etc.) et de grands hôtels (Akwa Palace à Douala, Hôtel Sawa à Douala, Palais des Congrès de Yaoundé, etc.). Certains de ces consultants aideraient leurs clients, nouveaux immigrants camerounais, dans leurs démarches d’installation : accueil à l’aéroport, aide à la recherche de logement, d’emploi, inscription des enfants à l’école, etc. Il serait donc difficile pour un candidat à l’immigration, de faire uniquement « confiance » à Internet pour les formalités administratives. Or, il est possible de lire certains commentaires présents sur des forums de discussion émanant d’anciens candidats à l’immigration au Québec. Certains y relatent le contenu de leur entretien de sélection avec un conseiller en immigration, d’autres prodiguent de « faux conseils » afin de gagner du temps dans la procédure d’immigration. Une personne interrogée le 14 octobre 2013 explique que « toute la documentation sur le processus d’intégration et ses difficultés […] se trouve sur le site “Immigration Québec”, l’erreur de la majorité des migrants est d’écouter les on-dit et de se fier à ce que disent les autres. Il faut chercher l’information à la source ».

Au Cameroun, la délivrance de certains documents administratifs, dont notamment les diplômes définitifs (et non les attestations provisoires de réussite ou d’admission), peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Ainsi, certains candidats à l’immigration, ayant pourtant véritablement validé leur formation, se disent être contraints de produire de faux documents, croyant ainsi accélérer le processus d’immigration. Sur les forums de discussion, certains n’hésitent pas, sous couvert de l’anonymat, à faire part de leur expérience : « Ma demande de certificat de sélection du Québec va sans doute être refusée (je viens de passer l’interview). En effet, il est très difficile de retirer son diplôme dans mon pays, après l’avoir pourtant obtenu […]. A l’interview, l’agent d’immigration a attiré mon attention sur le caractère scanné du document, qu’il fera suivre à Montréal pour vérification ».

Mais qui gère Internet ? « Le principe de « gouvernance » d’Internet arrive au premier plan des préoccupations internationales. Mais cette gouvernance apparaît aujourd’hui dans une impasse, à la fois au niveau pratique, dans les régulations quotidiennes – l’impossible contrôle du pourriel, spam […] les débats sur la gestion des noms de domaines ou le contrôle des contenus » (Fallery, Rodhain, 2010, p. 2). Comment surveiller les possibles cas d’arnaques et de criminalités sans enfreindre la liberté d’expression ? Internet, en véhiculant la culture et le savoir, doit profiter au plus grand nombre mais comment préserver les utilisateurs de la désinformation ?

Conclusion

Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec ainsi que Citoyenneté et immigration Canada délivrent au sein de leurs sites respectifs, des mises en garde au sujet des fraudes présentes sur la toile : « Des individus mal intentionnés utilisent Internet pour proposer à des ressortissants étrangers de fausses opportunités d’études ou de travail au Québec. Certains prétendent être des représentants du gouvernement, d’organismes connus ou de grandes entreprises. D’autres utilisent de faux documents pour convaincre leurs interlocuteurs de la véracité de leur projet ». Le gouvernement canadien va même encore plus loin en distinguant les fraudes par courriel et par Internet, la fraude relative au mariage et aux relations de complaisance, la fraude relative aux documents (fausses déclarations) ainsi que les adoptions irrégulières. L’espace virtuel détient pratiquement toutes les composantes permettant aux migrants de remanier et de multiplier les ressources informationnelles dont ils disposent. La façon dont les migrants organisent et font usage de la toile permet la construction d’une réelle ressource collective. Si Internet permet aux migrants de se réinventer une identité, il permet aussi de s’identifier à une origine partagée. Ces deux identités (pré et post-migratoire) devraient favoriser la mobilisation transnationale afin de développer de nouveaux imaginaires migratoires s’appuyant sur la précision, la justesse et la véracité des informations et des pratiques en phase pré-migratoire.

Références bibliographiques

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Auteur

Sophie-Hélène Goulet

.: Sophie-Hélène Goulet est actuellement doctorante à l’Université de Lorraine et poursuit sa thèse au Centre de recherche sur les médiations à Metz. Ses recherches se rapportent à la communication interculturelle dans le cadre de la promotion de l’immigration des ressortissants français au Québec. Après avoir travaillé pendant plus de douze ans au Bureau d’immigration du Québec à Paris, elle étudie également les phénomènes migratoires entre l’Afrique et le Québec.