La politique des études d’usage : une méta-analyse internationale des études sur les médias numériques
Article inédit, mis en ligne le 29 Mars, 2018
Résumé
Dans le cadre du projet CUMEN – culture des médias numériques en contexte transfrontalier et international, nous avons mené une méta-analyse comparant 62 études, sondages et rapports sur l’usage des médias et particulièrement du numérique de plusieurs pays d’Europe (FR,DE,CH) et des Etats-Unis ainsi que des études agrégés d’Eurostat. Notre étude inclut des sources d’une variété d’acteurs, privés et publics ainsi que des instituts de statistiques nationaux. Nous avons ainsi pu dégager d’un côté des similitudes dans la construction des enquêtes et des thématiques sondées comme l’intérêt pour l’équipement et les usages du jeune public. D’un autre côté nous avons pu déceler des orientations caractéristiques pour chaque pays sondé comme l’attention portée aux pratiques culturelles, la vie privée ou encore des effets psychologiques. Cette étude nous a également permis de mieux comprendre la nature des acteurs des enquêtes et de leurs politiques et méthodes. Elle questionne l’émergence d’un espace public transnational et met en lumière les liens entre acteurs et la représentation des usages et pratiques des médias et médias numériques.
Mots clés
Pratiques médiatiques, usages des médias numériques, enquêtes, espace public.
In English
Title
The politics of media use studies: an international meta-analysis on digital media use.
Abstract
The present study is part of the international CUMEN project and presents a meta-study of 62 media use polls from France, Germany, Switzerland, as well as the United States, as well as aggregated Eurostat data. We were able to detect the existence of cultural bias in the sources, all the while confirming common transnational trends. For our work we relied on studies from a variety of actors, both public and private, as well as from bodies of national statistics from each country. It highlights different interpretations of media use and their effects on youth, some focusing more on the cultural activities, other on the risks implied, specifically the protection of personal data, or on the psychological and social effects of the media all the while confirming common industrial and political imperatives (equipment and attention to the younger population). The study has also allowed us to better understand the typology of the actors involved, their politics and methods. It questions the emergence of a transnational public sphere and highlights the links between the agents and shared representations of (digital) media practice and use.
Keywords
Media practice, Digital media use, studies of use, public sphere.
En Español
Título
La política de los usos de los medios de comunicación: un meta-análisis internacional sobre el uso de los medios digitales.
Resumen
El presente estudio forma parte del proyecto CUMEN internacional y presenta un meta-estudio de 62 encuestas de uso de medios de comunicación de Francia, Alemania, Suiza y Estados Unidos, así como datos agregados de Eurostat. Pudimos detectar la existencia de prejuicios culturales en las fuentes, confirmando al mismo tiempo tendencias transnacionales comunes. Para nuestro trabajo nos basamos en estudios de una variedad de actores, tanto públicos como privados, así como de organismos de estadísticas nacionales de cada país. Destaca diferentes interpretaciones del uso de los medios de comunicación y sus efectos en la juventud, algunas centrándose más en las actividades culturales, otras en los riesgos implicados, específicamente en la protección de datos personales o en los efectos psicológicos y sociales de los medios, y los imperativos políticos (equipo y atención a la población más joven). El estudio también nos ha permitido comprender mejor la tipología de los actores involucrados, sus políticas y métodos. Cuestiona la aparición de una esfera pública transnacional y pone de relieve los vínculos entre los agentes y las representaciones compartidas de la práctica y el uso de los medios (digitales).
Palabras clave
Práctica de los medios de comunicación, Uso de los medios digitales, estudios de uso, esfera pública.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Bosler Sabine , Wilhelm Carsten, « La politique des études d’usage : une méta-analyse internationale des études sur les médias numériques », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°18/3A, 2017, p.73 à 86, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2017/supplement-b/06-la-politique-des-etudes-dusage-une-meta-analyse-internationale-des-etudes-sur-les-medias-numeriques/
Introduction : Aux origines de la méta-étude : le projet CUMEN
Un projet interculturel et transnational sur les usages numériques
Depuis 2013, des échanges entre des chercheurs du CRESAT à l’université de Haute Alsace avec l’équipe de Susan Wiesinger, professeure à l’université d’état de Californie à Chico, ont donné lieu à des coopérations de recherche portant sur la méthodologie des études d’usage des médias (de masse et numériques) et des supports de communication. La situation géographique des partenaires de ce projet nous amène à traiter des questions comparatives et interculturelles, que nous explorons dans le cadre de nos projets de recherche liés au numérique. Cette coopération a été élargie au Rhin supérieur dans le cadre du projet CUMEN (Culture des médias numériques), porté par l’Université de Haute-Alsace et soutenu par NovaTris©, centre de compétences transfrontalières. Ce projet a pour finalité d’observer les pratiques numériques et s’intéresse particulièrement aux aspects transnationaux et transculturels de l’usage des médias,visant in fine l’établissement d’un référentiel d’usage afin d’informer les outils et démarches de l’éducation aux médias. L’outil partagé par tous les chercheurs est le journal d’usage qui recense par auto-évaluation la durée d’une activité de communication médiatisée et des usages ainsi que le coût approximatif de l’accès aux outils par une méthodologie participative. À ce jour environ 1000 participants tous pays confondus ont contribué à l’enquête par journal, dont environ 230 dans le Rhin supérieur et plusieurs focus groups ont eu lieu, certains de nature interculturelle (franco-allemands essentiellement). Les travaux présentés ici sont ceux d’un produit intermédiaire de ce projet.
Dans le cadre du projet CUMEN nous avons souhaité réaliser un état de l’art des études d’usage des médias, principalement numériques, dans les pays concernés (FR, DE, CH, US). Une méta-analyse nous semblait un élément clé pour établir cet état de l’art sur la question, afin d’ouvrir à une connaissance plus large des usages numériques des jeunes que la plupart des études prouve être les plus grands consommateurs de médias (Octobre, 2014). Nous avons donc commencé à compiler des enquêtes sur les usages des médias numériques dans les pays observés. Une classification initiale ainsi que des thématiques saillantes à la lecture des données nous ont déterminés à formaliser notre état de l’art en une méta-analyse rigoureuse et méthodique afin de créer un cadre théorique pour la comparaison des données françaises, allemandes, suisses et américaines : mettre en regard les études non seulement nationales mais également supranationales (Eurostat) nous permet de déterminer une typologie des acteurs ainsi que les thèmes spécifiques dans les espaces discursifs nationaux. C’est de ce dernier point que témoigne le présent texte.
Questionner la notion d’espace public transnational
La période contemporaine est caractérisée par un processus de globalisation médiatique (Fraser, 2003 ; Volkmer, 2011 ; Giddens, 1990 ; Slevin, 2000), une médiatisation grandissante des sociétés (Hepp, 2012 ; Hepp, Hjarvard et Lundby, 2015), qui subissent « l’emprise de la communication », accentué par le vecteur du numérique (Paillart, 1995 ; Miège, 2007). Ce contexte a récemment fait émerger la thèse d’une construction médiatisée de la réalité, posant en creux la controverse autour des notions de communication publique, privée et médiatique à l’ère des données (Hepp et Couldry, 2016). Ce développement est accompagné d’une discussion de la conception habermasienne d’espaces discursifs nationaux (Fraser, 2007 ; Livingstone 2005) étayés par la communication médiatisée d’institutions largement nationales, les médias de masse, techniques de diffusion capables d’atteindre un public très nombreux, comme la télévision ou la presse nationale, alimentant une conversation nationale (Wolton, 1990) et participant ainsi à la cohésion de la société. Dans le sillage de la diffusion des médias numériques, certains voient se dessiner un espace médiatique transnational, dépassant les frontières des Etats et leurs sphères d’influence (Volkmer, 2014). Les problématiques d’usages seraient-elles également transnationales ?
Notre question de recherche principale se résume alors ainsi : quel lien les espaces discursifs nationaux entretiennent-ils avec la représentation des usages ? En découle la problématique suivante : alors que l’usage des médias numériques, les terminaux et l’accès aux médias numériques sont des phénomènes de plus en plus transnationaux, le cadrage discursif de ce phénomène, ici dans les études d’usage, est-il également transnational ou a-t-il des traits distincts propres aux espaces discursifs nationaux ? Nos observations initiales et les résultats de l’enquête CUMEN, particulièrement des focus groups franco-allemands, soutiennent l’hypothèse de représentations partiellement divergentes. Nous nous intéressons alors ici aux études d’usage en tant que documents témoins d’espaces discursifs sondés.
Méthodologie de la méta-analyse
Notre approche applique une méthodologie ancrée, basée sur des observations et les données du terrain. Afin de valider ou d’invalider la thèse d’un espace public transnational orientant le discours sur les médias numériques, nous nous sommes donné comme objectif de confronter les chiffres d’usage à la politique des acteurs qui cherchent à les saisir : commanditaires privés et services publics, instituts de sondage, fédération d’acteurs professionnels. La tradition française et francophone des études sur les usages (Proulx, 2005 ; Vidal, 2013) souligne l’influence qu’exercent les contextes politico-industriels sur les études des usages, les discours d’escorte et in fine partiellement sur les recherches sur ces usages. Peu de travaux portent sur les études d’usage professionnelles, non académiques. Les travaux de la sociologie des usages témoignent plutôt de travaux académiques sollicités par les projets industriels tout en les questionnant (Mallein, Toussaint 1994 ; Denouël et Granjon, 2011). Or les études d’usage professionnelles permettent de sonder les discours nationaux et de vérifier leur transversalité au sein d’un ensemble d’acteurs divers ; ceci afin d’identifier des problématiques communes, transnationales, et d’autres éventuellement plus spécifiques, dépendant du contexte historique, social et culturel, ainsi que politique, des Etats, influant sur la manière d’investiguer l’usage des médias numériques.
Méthode et choix d’enquêtes
Il s’agissait tout d’abord d’identifier les enquêtes des acteurs de référence du secteur, connus et reconnus, notamment publics ou semi-publics (INSEE, DeStatis, OFS, Census Bureau…) avant de l’élargir progressivement à d’autres types d’acteurs. Les critères de sélection étaient leur notoriété, leur présence médiatique, leur ancienneté ainsi que leur référencement dans les médias. Nous avons ainsi mis à profit une revue de littérature ainsi qu’une étude des articles de presse mentionnant les résultats de certaines études. Lors d’études au long cours, comme JIM, James ou l’enquête sur les pratiques culturelles des Français, seule la dernière en date a été prise en compte. Une ouverture de notre travail sur une approche longitudinale semble indiquée. Le corpus ayant servi de base pour ce texte est principalement constitué d’enquêtes réalisées entre 2012 et 2016.
Trois grands types d’enquêtes ont pu être distingués, portant soit sur les usages pluri-média et sur tous les médias numériques, soit uniquement sur les usages d’Internet et des réseaux sociaux.
Une première lecture des 62 enquêtes ainsi recueillies a permis d’identifier des thèmes récurrents ; une seconde lecture nous a permis, par une approche inductive, de classer les différentes enquêtes dans les thèmes ainsi soulevés, indépendamment de leur origine institutionnelle ou géographique. Cela nous a permis de découvrir l’existence de biais culturels et contextuels sous-tendant les enquêtes, présents également dans la rédaction même des questionnaires soumis aux répondants.
L’échelle des acteurs et leurs méthodes
La compilation d’enquêtes au sein de la méta-analyse a permis de faire émerger quatre niveaux d’acteurs : les statistiques nationales, les acteurs publics et semi-publics de référence, et enfin privés et commerciaux. Au niveau supranational se trouve Eurostat.
1. Eurostat, un acteur supranational
Eurostat, fondé en 1953 et situé au Luxembourg, dresse un état des lieux économique et social dans les différents pays de l’Union pour comparer leurs données respectives. La section « Economie et Société Numérique » porte sur la production des technologies numériques, leur diffusion et leur utilisation par les entreprises et les particuliers. L’achèvement du marché unique numérique est l’une des 10 priorités fixées par la Commission Européenne et les statistiques permettent d’en mesurer l’avancée. On compte relativement peu de publications dédiées à l’usage des TIC par les ménages et aucune sur le comportement médiatique des jeunes en particulier. L’orientation politique de l’enquête est plutôt de l’ordre de l’intelligence économique.
Les publications incluent des bases de données accessibles à tous, sous forme de tableaux statistiques, des rapports d’enquête : Quality of Life (avec un volet « loisirs ») / Media Use in the European Union / cultural access and participation (avec un volet sur l’accès à la culture via Internet) et des communiqués de presse et articles scientifiques, portant par exemple sur l’accès et l’utilisation d’Internet, la sécurité numérique.
2. Instituts nationaux
Les organismes publics de statistiques, l’INSEE en France, tout comme DeStatis en Allemagne, le Census Bureau aux Etats-Unis et l’Office Fédéral de Statistiques en Suisse, visent à fournir des statistiques fiables, objectives et neutres d’influence économiques, sur la population et l’économie en fonction de critères socio-économiques et géographiques(1).
Le numérique est une préoccupation relativement nouvelle pour ces instituts. L’utilisation des médias par les particuliers apparaît souvent de manière périphérique dans les statistiques officielles, par le biais d’enquêtes sur l’usage du temps : Emploi du Temps de l’INSEE réalisée chaque décennie, Zeitverwendung en Allemagne par DeStatis également tous les dix ans environ, et ATUS (American Time Use Survey) aux Etats-Unis sous la tutelle du Department of Labor, chaque année.
Le numérique apparaît parfois sous l’angle technique ou bien sous l’angle culturel. Aux Etats-Unis, les enquêtes du Census Bureau concernant les particuliers et le numérique se concentrent sur le taux d’équipement des ménages en ordinateurs, de leur connexion à Internet et le haut-débit. La France possède un département de statistique et de prospective dédié à la culture, sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication (DEPS), qui publie des statistiques sur tout ce qui a trait à la sphère culturelle (habitudes, consommation…). Le DEPS est responsable de l’enquête sur les Pratiques Culturelles des Français, menée à quatre reprises entre 1973 et 2008 et qui analyse l’évolution des pratiques culturelles en intégrant dans sa toute dernière mouture une évolution vers le numérique. Certaines enquêtes ont un axe comparatif, France/Europe ou France/Etats-Unis, et d’autres, comme celle menée par la sociologue Sylvie Octobre, se concentrent spécifiquement sur les pratiques médiatiques des jeunes. En Allemagne, chez DeStatis, les médias s’abordent également sous l’angle culturel et temporel, comme dans l’enquête Zeitverwendung für Kultur und kulturelle Aktivitäten in Deutschland. Quant à la Suisse, l’OFS y fournit des bases de données, des publications et des graphiques permettent de connaître le taux de consommation des médias, en comparaison entre les régions suisses ou avec d’autres pays (dont la France ne fait pas partie). Une enquête avec une orientation proche de « Pratiques culturelles » est en cours de conception.
3. Acteurs publics et semi-publics de référence
La source de référence en Suisse est l’enquête JAMES (Jeunes, Activités, Médias – Enquête Suisse), menée par des chercheurs issus du département de psychologie appliquée de la Haute Ecole des Sciences Appliquées de Zurich, et soutenue par Swisscom. En fin d’enquête, on trouve des conseils à destination des parents et personnels enseignants concernant la durée d’utilisation des médias(2). Le temps est mesuré sous forme de pourcentage, et non en volume horaire. Les compétences médiatiques et techniques font l’objet de mesures ; la création de contenus (vidéos, photos, rédactionnel) est prise en compte.
L’acteur de référence en termes de mesure d’audience audiovisuelle et Internet en France est Médiamétrie : créée en 1985 sous l’impulsion des pouvoirs publics, il s’agit d’une société anonyme et indépendante qui observe, mesure et analyse les comportements du public et les tendances du marché des médias et de la communication (Méadel et Bourdon, 2014). D’autres acteurs, publics ou reposant sur des financements publics, prennent également part à la recherche. Ainsi, le CREDOC, Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie, bénéficie d’un financement qui repose en partie sur des subventions publiques. Cet organisme d’études et de recherche réalise l’enquête sur la diffusion des techniques de l’information et de la communication pour le Conseil Général de l’Economie, de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies, (Ministère de l’Economie et des Finances) (CGEIET) et de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP). Enfin, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) a mené en 2013 une réflexion sur la relation entre jeunes (adolescents et jeunes adultes, 13-24 ans) et médias afin de mieux cerner leurs pratiques des médias traditionnels (télévision et radio) et leurs parcours entre différents médias au cours d’une journée type.
Concernant l’Allemagne, il faut souligner que son système audiovisuel s’appuie sur les principes de fédéralisme et d’indépendance vis-à-vis de toute forme d’ingérence politique, ceci dans le but de favoriser la diversité et de prévenir la concentration des pouvoirs (Henle, 2012)(3). Parmi les acteurs de référence de notre méta-analyse se trouvent majoritairement des instituts, des fondations (parfois liées à un parti politique) et des associations d’intérêt général, comme par exemple Initiative D21(4). Elle publie chaque année l’étude la plus complète sur l’utilisation (et la non-utilisation) d’Internet, « Digital Index », dans la continuité des projets « (N)ONLINER Atlas ». Ensuite, DIVSI, „Deutsches Institut für Vertrauen und Sicherheit im Internet“, un autre institut semi-public, a pour mission de susciter plus de confiance et de sécurité sur Internet. Il émane de la Poste allemande et est responsable de nombreuses enquêtes portant sur l’usage d’Internet et la sécurité des données. D’autres structures notamment régionales sont actives dans la recherche, comme le Medienpädagogischer Forschungsverbund Südwest (mpfs) qui porte l’étude JIM (Jugend, Information, (Multi)Media). Il faut enfin souligner le rôle important des acteurs de l’audiovisuel, chaînes de télévision ou groupement d’entités régionales dans la commande et la réalisation d’enquêtes. Die « Medienanstalten » regroupent 14 chaînes régionales afin de contrôler et agréer, tout comme de structurer l’offre télévisuelle et radiophonique au niveau fédéral ; à cette fin, elle réalise des enquêtes pour mesurer le taux d’équipement et établir des comparaisons entre les différents Länder. Les chaînes de télévision ARD/ZDF(5) sont chaque année les commanditaires d’une étude sur les usages d’Internet, depuis 1997, analysées et publiées dans la revue « Media Perspektiven ».
Les instituts de référence des enquêtes américaines sont pour l’essentiel de type indépendant, souvent appelés think tank. Le Pew Research Center dispose d’une notoriété forte et dit ainsi informer le public des thèmes, des attitudes et des tendances formant l’Amérique et le monde d’aujourd’hui. Il opère par des sondages d’opinion, de la recherche démographique, l’analyse de contenus et de la recherche de données issues des sciences sociales avec des rapports de recherche et de vulgarisation, repris souvent par les médias traditionnels et les chercheurs. Il se décrit comme non engagé en politique. Niche est un think-tank spécialisé dans l’éducation et qui diffuse des classements des meilleures écoles et universités et mène des enquêtes sur les préférences médiatiques des élèves en « senior school » et à l’université. Common Sense Media, une organisation américaine à but non lucratif, localisée à San Francisco, est spécialisée dans l’étude des médias et technologies familiales et des enfants. Enfin, certaines études universitaires se concentrent sur le phénomène de l’addiction aux médias, comme le projet « A Day Without Media » mené en 2010 à l’Université du Maryland.
4. Autres acteurs : instituts de sondage, groupes commerciaux
En France, des instituts de sondage comme Ipsos réalisent des sondages autour de différents thèmes, notamment les médias, et des infographies de synthèse ; ces résultats s’adressent notamment aux entreprises afin de leur permettre d’ajuster leurs efforts marketing. Ipsos, tout comme TNS Sofres, autre institut de sondage reconnu, s’associe fréquemment avec d’autres structures, notamment publiques, comme le Ministère de la Culture et de la Communication ou le Centre National du Livre, pour des enquêtes sur les médias.
On compte également des acteurs ayant des intérêts commerciaux dans la réalisation d’enquêtes : ainsi BITKOM, groupement d’intérêts rassemblant 2300 entreprises de l’économie digitale, qui souhaiterait utiliser son influence pour moderniser le modèle économique allemand ainsi que le système éducatif, porte les études Jung und Vernetzt et Soziale Netzwerke. AGOF, « Arbeitsgemeinschaft Online Forschung », réalise des études sur les usages médiatiques, le web fixe et mobile (« internet facts » et « mobile facts »), qui constituent une base de données sur laquelle peuvent s’appuyer ses partenaires pour développer leur stratégie digitale. La multinationale Shell publie également chaque année une étude sur la jeunesse, ses habitudes et aspirations, très fortement médiatisée en Allemagne.
Aux Etats-Unis, des entreprises d’études marketing et de sondage d’opinion réalisent à la fois des études quantitatives et qualitatives suivant différentes méthodologies. On peut mentionner The Harris Poll, Nielsen, groupe des Pays-Bas, spécialiste de l’édition professionnelle et de la mesure d’audience en télévision, radio, presse écrite, qui réalisent des enquêtes sur l’audience des différents médias aux Etats-Unis, et Parks Associates, entreprise d’études de marché et de conseil, est responsable notamment d’une étude sur les consoles de jeu connectées. On dénombre enfin quelques enquêtes menées par des structures commerciales, comme la banque d’investissement Piper Jaffray sur les préférences des jeunes en termes d’achats (marques préférées, équipements en médias). La diversité des acteurs dont nous venons d’esquisser le paysage dépend de la structuration des marchés, du système politique et des écosystèmes médiatiques tout en préservant des aspects partagés. En effet, chaque pays possède son institut national de statistique, des instituts de sondage identifiés au niveau national dont certains font d’ailleurs partie de réseaux mondiaux, comme Kantar-TNS par exemple. Les pays étudiés montrent tous également des liens entre le secteur privé et public en matière d’enquête d’usage, ceci à des degrés différents.
La question à laquelle nous avons donc tenté de répondre est celle de l’influence du cadre national (discours médiatique et politique, structuration du marché et système de gouvernance) sur les thématiques étudiées dans ce contexte.
Résultats de l’analyse thématique
La comparaison des thématiques majeures a tout d’abord démontré un certain nombre de faisceaux partagés.
Convergences thématiques
Figure 1 : thématiques saillantes communes à plusieurs pays
Les enquêtes partagent un certain nombre d’objectifs communs : mesurer le temps passé sur les médias, connaître le taux d’équipement médiatique et d’utilisation d’Internet des ménages, dresser des profils d’utilisateurs ; connaître les tendances au sein de la population, parfois dans un but marketing, les jeunes étant les plus grands consommateurs de médias – cette affirmation étant illustrée dans tout le corpus.
On trouve quelques dénominateurs communs aux études : la volonté de connaître l’évolution des pratiques sur le long terme (l’étude JIM par exemple établit des comparaisons entre 1998 et 2013, JAMES entre 2011 et 2014, le CREDOC également), ainsi que de mieux cerner les habitudes des jeunes, qui sont les plus grands consommateurs de médias et qui restent, comme l’indique Sylvie Octobre, en avance de quelques années sur les usages et les appareils.
En effet, et sans surprise, quasiment toutes les études s’intéressent au jeune public et à la variable du taux d’équipement et de l’accès à internet. L’équipement est la principale variable « dure » des enquêtes. Elle oriente des projets industriels et des politiques publiques. Connaître les jeunes publics et leurs usages est la deuxième variable partagée.
Ces thématiques peuvent être caractérisées davantage afin de départager, par exemple pour cette dernière, une orientation purement économique avec un taux de diffusion à atteindre d’un programme politique visant de garantir l’accès à toutes les couches de la population.
Principales différences saillantes
Figure 2 : Thématiques saillantes divergeant entre plusieurs pays
La principale différence réside dans la thématique de la protection des données, centrale dans les études allemandes et suisses (chaque étude comprend un volet sur ce thème et certaines y sont dédiées), très périphérique dans les enquêtes françaises – la seule portant sur ce thème est une enquête publicitaire réalisée par IFOP pour Axa Prévention afin de promouvoir son « permis de la bonne conduite numérique » – et assez peu mentionnée dans les études américaines. Ces dernières se focalisent par ailleurs sur le phénomène de la dépendance aux médias, ainsi que sur les sentiments que ceux-ci provoquent (négatifs ou positifs), et comportent presque systématiquement un volet sur les réseaux sociaux, essayant de comprendre en quoi ceux-ci influent sur la vie sociale des individus. Ce sont également elles qui s’intéressent le plus aux usages des jeunes en particulier. Les enquêtes françaises ont pour particularité d’insister davantage sur les usages que sur les impacts sociaux, et visent à comprendre l’évolution du marché des biens culturels, ce qui peut s’interpréter par les préoccupations liées à la socio-économie de la culture, aux industries culturelles, l’exception culturelle et l’impact de celle-ci sur l’économie française.
Les résultats de notre méta-analyse font ainsi écho aux analyses des focus groups franco-allemands, qui témoignent de différences d’appréciations notoires concernant l’usage du smartphone et de l’Internet. Les participants allemands verbalisent plus volontiers une méfiance à l’égard des outils numériques et rejettent l’intrusion dans la vie privée alors que les participants français, conscients des problématiques, plébiscitent néanmoins plus volontiers l’accès aux services numériques devenus incontournables(6).
Il nous semble important ici d’insister sur la place que peuvent alors prendre les travaux universitaires, particulièrement ceux issus du courant de la sociologie des usages dont le riche héritage a bien équipé les recherches sur Internet et ses usages ainsi que les études des publics français (Jouët, 2011, Wilhelm et Thévenin, 2017)
Conclusion et perspectives
Cette méta-analyse, qui n’a pas vocation à l’exhaustivité, nous a cependant permis de d’approcher de plus près la nature des enquêtes sur les usages numériques des jeunes en France, en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis. Au-delà d’un important travail sur les données chiffrées qui donnera lieu à d’autres publications, elle aura mis en lumière l’existence de biais culturels et contextuels, comme la protection des données personnelles et des risques numériques en Allemagne, ou encore les pratiques culturelles en France, qui structurent les espaces discursifs nationaux et mettent en lumière des cadres spécifiques propres à ces espaces. Ces orientations doivent être confirmées et confrontées avec des données d’usages. Les effets saillants indiquent également des liens entre les types d’acteurs (commanditaires publics et industriels, instituts de sondage, médias) et leur influence sur les orientations des études, les types d’acteurs dépendant des contextes nationaux ; ainsi l’Allemagne possède-t-elle un institut dédié à la sécurité sur Internet, doté de moyens pour mesurer les usages numériques des Allemands et leur degré de conscience au sujet des données personnelles ; en France, le Ministère de la Culture fondé en 1959 a des missions spécifiques et des fonds dédiés à la mesure des usages culturels, qui incluent le numérique. L’existence même de ces acteurs et leur place au sein de la société démontre l’existence de problématiques différentes en matière d’investigation de l’usage des médias numériques ; la transversalité de leurs préoccupations, qui se retrouvent également dans les statistiques nationales et chez d’autres acteurs privés ou publics, témoigne de l’existence de représentations des médias numériques relativement homogènes dans chaque espace discursif national. L’existence d’enquêtes supranationales témoigne d’un effort complexe de synthèse, puisque dans celles issues d’Eurostat, à la fois la sécurité numérique, les pratiques culturelles et le taux d’équipement et d’accès à Internet font l’objet de statistiques et de publications.
Est-ce que nos observations permettent alors de sérieusement questionner la thèse transnationale de l’usage des médias ? En tout état de cause elles vont à l’encontre d’une vision techno-déterministe et laissent apparaître la possibilité d’une diversité d’appropriations à l’échelle des sociétés. Elles témoignent d’une diversité d’intégration discursive suivant ainsi l’analyse de Raymond Williams à propos de la télévision (1974) et semblent ainsi confirmer le rejet d’un pouvoir intrinsèque qu’auraient les médias et technologies d’information et de la communication de transformer les sociétés de manière uniforme. Les effets d’usage des moyens de communication et de médiation technologique dépendent bien de la technologie, mais également du contexte politique et des décisions prises dans ce contexte et des discours et conversations qui l’animent. Ces facteurs sont alors à la fois technologiques et politiques. Ils influencent les médias et les institutions qui caractérisent la société en question (Starr, 1998). La diversité des contextes et des espaces publics médiatiques, les questionnements saillants de chaque société ne confortent pas facilement la thèse d’un espace public globalisé et font penser davantage à la citoyenneté globale « simulée », théorisé dès les années 2000 par Serge Proulx et André Vitalis (1999).
Cette méta-analyse ouvre alors de nombreuses perspectives.
Il s’agit de mieux comprendre, dans un second temps, par exemple par une étude de la publicisation et la couverture médiatique des études, l’influence qu’ils ont sur la politique publique, et particulièrement, mais pas seulement, en matière d’éducation aux médias(7). Les discours d’accompagnement ne disparaissent pas mais se modulent selon les contextes sociétaux.
Notre projet comparatif pourrait se poursuivre avec l’inclusion dans notre corpus de davantage d’études issues du milieu académique, n’étant pas soumis aux mêmes lois que les instituts de sondage publics qui ont une mission définie par l’Etat, et privés, agissant pour l’intérêt de leurs clients et partenaires. Cette comparaison du paysage universitaire consacrée aux usages numériques des jeunes à l’instar de Pasquier et Jouët (1999) et dans les quatre espaces que nous avons déjà étudiés est donc la suite logique de ce travail.
Une analyse textuelle outillée afin d’étudier un corpus plus étendu peut complémenter notre approche. L’ajout de différentes vagues d’enquêtes permettrait un suivi plus précis des pratiques dans le temps. Un autre axe d’analyse pourrait être la communication des études dans la presse et sur les réseaux sociaux afin de saisir les effets de la circulation des thématiques : quelles sont les enquêtes les plus médiatisées et par quel biais ? Quelles thématiques circulent et de quelle façon dans quels espaces ? Un suivi longitudinal ainsi que l’archivage systématique des données permettraient, à terme, de constituer une base de données importante sur ce sujet.
Notes
(1) Si les organismes européens mettent l’accent sur l’indépendance, l’objectivité et la nécessité démocratique du recours aux statistiques, le Census Bureau américain assume son impact sur la sphère politique : ses statistiques déterminent l’attribution des sièges au Congrès selon les Etats, la définition de circonscriptions électorales et scolaires, oriente les décisions des services communautaires et surtout, permet de définir les sommes allouées à chaque Etat.
(2) Ce point est particulièrement saillant en ce qu’il indique un mélange d’analyse et de préconisation, rare à ce niveau.
(3) Pour plus d’informations sur le système allemand, voir http://la-rem.eu/2012/03/20/linfluence-du-federalisme-sur-le-systeme-audiovisuel-allemand/
(4) Notons cependant que cette dernière est dominé par les acteurs du secteur professionnel en question.
(5) ARD : Arbeitsgemeinschaft der öffentlich-rechtlichen Rundfunkanstalten in Deutschland, groupement de chaînes de radio et de télévision de droit public allemandes. ZDF : Zweites Deutsches Fernsehen, chaîne de télévision nationale
(6) Des publications sur ces travaux sont en préparation.
(7) Une thèse est en cours sur « les jeunes et les médias : littératie et culture numérique dans l’espace rhénan » (Sabine Bosler).
Références bibliographiques
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Denouël, J., & Granjon, F. (coord.) (2011), Communiquer à l’ère numérique. Regards croisés sur la sociologie des usages. Paris : Presses des Mines.
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1329249/version/1/file/CE-20154_Inégalités culturelles.pdf.
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Auteurs
Sabine Bosler
.: Sabine Bosler est doctorante en Sciences de l’information et de la communication au Centre de Recherches sur les Economies, les Sociétés, les Arts et les Techniques (CRESAT, EA 3436), Université de Haute Alsace, Mulhouse. Ses recherches portent sur l’usage des médias numériques, particulièrement par les jeunes générations, et les politiques d’éducation aux médias, dans un cadre comparatif franco-allemand.
Carsten Wilhelm
.: Carsten Wilhelm est maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Haute-Alsace, directeur du CRESAT. Ses thèmes de recherches sont la culture numérique, les usages sociaux des médias numériques, la place de la diversité culturelle dans les processus de communication et la circulation du savoir, ainsi que l’impact des médiations technologiques sur ces mêmes processus.