Les enjeux de l’anonymisation dans une enquête auprès d’expert·e·s de la question des violences sexuelles
Résumé
Cet article porte sur les tensions entre confidentialité et enjeux éthiques de la recherche en terrain sensible. À partir d’une enquête sur les mobilisations contre les violences sexuelles en France et en Italie, il analyse les résistances à l’anonymisation, particulièrement chez des enquêté·e·s expert·e·s de la parole publique. Il explore la manière dont l’anonymisation des entretiens sociologiques est négociée entre enquêteur·ice et enquêté·e, révélant les rapports de pouvoir à l’œuvre dans la relation. Si certain·e·s perçoivent l’anonymisation comme une protection, d’autres y voient une dépossession de leur parole et de leur légitimité politique.
Mots clés
Anonymisation, Enquête qualitative, Expertise, Éthique de la recherche, Violences sexuelles, Entretien sociologique.
In English
Title
The challenges of anonymization in a qualitative inquiry of experts on sexual violence.
Abstract
This article examines the tensions between confidentiality and ethical issues in research conducted in sensitive contexts. Based on a study of mobilizations against sexual violence in France and Italy, it analyses resistance to anonymization, particularly among interviewees who are experienced in public discourse. It explores how the anonymization of sociological interviews is negotiated between researcher and participant, revealing the power dynamics at play in the research relationship. While some perceive anonymization as a form of protection, others see it as a dispossession of their voice and political legitimacy.
Keywords
Anonymization, Qualitative research, Expertise, Research ethics, Sexual violence, In-depth interview.
En Español
Título
Los desafíos de la anonimización en una encuesta a expertas sobre la violencia sexual.
Resumen
Este artículo examina las tensiones entre la confidencialidad y los desafíos éticos de la investigación en contextos sensibles. A partir de un estudio sobre las movilizaciones contra las violencias sexuales en Francia e Italia, analiza las resistencias a la anonimización, especialmente entre entrevistadxs con experiencia en el discurso público. Explora cómo se negocia la anonimización de las entrevistas sociológicas entre investigadorx y entrevistadx, revelando las relaciones de poder presentes en la interacción. Mientras que algunxs perciben la anonimización como una forma de protección, otrxs la consideran una forma de despojo de su palabra y de su legitimidad política.
Palabras clave
Anonimización, Investigación cualitativa, Experticia, Ética de la investigación, Violencias sexuales, Entrevista sociológica.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Camille Riou, « Les enjeux de l’anonymisation dans une enquête auprès d’expert·e·s de la question des violences sexuelles », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°25/3, 2025, p.91 à 105, consulté le lundi 22 décembre 2025, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2025/supplement-a/08-les-enjeux-de-lanonymisation-dans-une-enquete-aupres-dexpertes-de-la-question-des-violences-sexuelles/
Introduction
Dans cet article, nous 1 analyserons les modalités selon lesquelles l’anonymisation a été débattue au cours de notre enquête et la manière dont ces négociations s’inscrivent dans un rapport de pouvoir caractéristique de la relation enquêteur·ice-enquêté·e (Demazière, 2008). Les entretiens sur lesquels se fonde cet article ont été recueillis durant notre recherche doctorale sur les pratiques communicationnelles des militant·e·s contre les violences sexuelles pour infléchir un travail législatif en cours (en France, loi Schiappa, 2017-2018 2 , en Italie, Codice Rosso, projet de loi Pillon, 2018-2019 3 ). Nous avons mené trente entretiens semi-directifs, répartis équitablement entre les deux pays, principalement auprès de militant·e·s aux profils variés : figures médiatisées ou institutionnellement reconnues, responsables politiques engagé·e·s, mais aussi acteur·ice·s « ordinaires », autrement dit des « protagonistes non consacrées par la mémoire instituée ou les scènes médiatiques » (Neveu, 2008 in Achin et Naudier, 2010).
Dans cet article, nous mettons en regard le statut de « professionnelle de la parole » pour qui « la situation d’entretien est partie intégrante de [leur] activité » (Demazière, 2008) et le statut d’experte au sens d’une « personne avertie, instruite, savante dans un domaine particulier des pratiques et des connaissances » (Dubois et al., 2005), statuts conférant une certaine légitimité au sein de l’espace public, que partagent de enquêté·e·s de notre échantillon avec le choix méthodologique et épistémologique d’anonymiser les entretiens. Il s’agira ici d’adopter une perspective centrée sur la situation d’entretien, en s’intéressant à la manière dont les acteur·ice·s réagissent aux modalités de celui-ci (Demazière, 2008), afin de saisir en quoi ces réactions sont porteuses de sens. Nous essayerons de comprendre les facteurs qui amènent les acteur·ice·s à adhérer ou à rejeter cette décision imposée par le ou la chercheur·se.
Nous posons l’hypothèse que les résistances ou les adhésions au dispositif d’entretien proposé résultent des écarts de position sociale (genre, race, classe, âge, nationalité, etc.) entre enquêteur·ice et enquêté·e, au bénéfice de l’un·e ou de l’autre selon les contextes. Cependant, nous nuançons cette première hypothèse par une seconde : le lien entre résistance/adhésion et caractéristiques sociales peut être complexifié dans le cas d’un terrain portant sur un « sujet sensible » (comme celui des violences sexuelles) que Raymond M. Lee et Claire M. Renzetti définissent comme : « Une situation qui représente potentiellement une menace importante pour les personnes impliquées, dont l’émergence rend problématique, pour le·a chercheur·se et/ou les enquêté·e·s, la collecte, la conservation et/ou la diffusion des données de recherche » (Renzetti et Lee, 1993, p. 5). Évoquer la violence sexuelle qu’un·e enquêté·e a subie, même si la question n’est pas le centre de l’interaction, engendre un coût ne serait-ce que psychologique. De plus, même en dehors d’un terrain sensible : « L’entretien constitue toujours une intrusion dans la vie des personnes contactées : intrusion dans leur agenda et leur temps personnel, mais aussi intrusion dans leur intimité et leur monde personnel. » (Demazière, 2008) Nous examinerons la manière dont cette variable influence l’attitude de certain·e·s enquêté·e·s face au dispositif de l’entretien.
Ces résistances ou ces adhésions à l’anonymisation amènent alors à nous arrêter sur « l’envers de l’entretien (conditions d’obtention de l’entretien, discussion sur son format et son usage, conventions de retranscription, etc.) » afin d’objectiver les conditions de production de notre enquête et la manière dont cela influe sur la restitution de nos données (Bastin, 2012). Nous aborderons les « impuretés » et les « ratés » qui ont pavé notre recherche (Bourdeloie, 2019 ; Stavo-Debauge et al., 2017) puisque l’entretien reste une interaction que le·a chercheur·se ne peut totalement maîtriser et au cours de laquelle elle doit s’adapter aux réactions des interlocuteur·ice·s (Demazière, 2008).
Cadre théorique
Le lien entre anonymisation et rapports de domination a été mis en lumière par Baptiste Coulmont dans le cadre de ses réflexions sur la restitution des données issues du terrain. Il souligne notamment la manière dont le choix du pseudonyme traduit implicitement et reproduit des hiérarchies sociales entre enquêteur·rice et enquêté·e (Coulmont, 2017).
L’anonymisation est un processus de transformation des données qui recoupe « l’ensemble des pratiques mises en œuvre pour réduire au mieux le risque de réidentification des individus » (Bendjaballah et al., 2023). Il s’agit de protéger les enquêté·e·s du risque d’être reconnu·e·s au travers de la mise en place d’un « pacte d’entretien » qui scelle les modalités de celui-ci et de l’usage des données qui en seront issues (Beaud et Weber, 1997, p. 189). Aude Béliard et Jean-Sébastien Eideliman établissent une distinction entre :
confidentialité et anonymat [qui] sont […] les deux faces d’un même problème, celui de garantir aux enquêtés une dissociation entre leurs paroles – parfois aussi leurs actes – et leur identité, soit par rapport à ceux qui les connaissent, autres enquêtés ou proches (confidentialité), soit par rapport à la masse anonyme des lecteurs potentiels (anonymat). (Béliard et Eideliman, 2008, p. 124)
Largement utilisée en sciences sociales lors de la diffusion des données issues d’une enquête, l’anonymisation pose cependant des questions que ce soit en termes de techniques à employer (Zolesio, 2011), de contraintes de scientificité – ce processus s’insérant dans une exigence contradictoire de rigueur scientifique et de protection des (Bendjaballah et al., 2023; Coulmont, 2017) –, qu’en tant que choix à justifier auprès des interlocuteur·ice·s. Il engage le·la chercheur·se auprès de ses enquêté·es puisque, sauf exception, l’enquêteur·ice connaît le nom de la personne avec laquelle elle échange, et i·elle doit donc mettre en place un travail actif pour dissimuler l’identité de celle-ci.
Conditions de production des données
Les entretiens sociologiques, initialement absents de notre protocole, ont été intégrés dans un second temps. Sans expérience préalable, nous avons appris par la pratique, en adaptant progressivement notre dispositif. Nous avons opté pour une anonymisation systématique, bien que sa mise en œuvre ait soulevé des interrogations de terrain. Un discours introductif permettait de présenter notre démarche, d’obtenir le consentement, et d’annoncer l’enregistrement – rarement contesté, sauf une fois (ITW Fr 12). De plus, dans le contexte italien, nous explicitions notre position d’« outsider » afin de légitimer certaines questions (Müller, 2015).
Le type d’anonymisation choisiLes entretiens, hormis deux menés en face à face en France, ont été conduits à distance, autrement dit, « par appel téléphonique ou par appel vidéo », où « (la/le sociologue n’est pas situé·e dans le même environnement spatial que l’enquêté·e) et […] par conséquent, médiatisés par un outil de télécommunication (téléphone ou ordinateur interposés). » (Lévy-Guillain et al., 2023) Ce dispositif d’entretien entraîne des conséquences sur la production des données issues du terrain (Theviot, 2021 ; Boutanquoi, 2023). Il ne fut pas possible de collecter des données non-verbales et contextuelles renforçant l’analyse (Beaud, 1996). De plus, il fut beaucoup plus facile aux enquêté·e·s de quitter le dispositif s’i·elles considéraient que cela ne leur convenait pas. Toutefois, ce procédé nous a donné la possibilité de mener ces entretiens dans un espace géographique dispersé en un temps réduit.
Le type d’anonymisation choisie pour la restitution des données fut d’abord numérique (ex. ITW Fr 1, ITW It 1). Cependant, cette modalité de désignation se révéla peu lisible. Nous avons alors recontacté les enquêté·e·s afin de leur proposer de choisir, si i·elles le souhaitaient, un pseudonyme leur convenant. Nous avons retenu un système combinant un prénom et la première lettre, en majuscule suivie d’un point, d’un nom de famille fictif (ex. Sofia N.), afin de traduire l’hétérogénéité sociale du corpus, en combinant : « les prénoms […] surtout associés à des individus situés au bas de l’échelle sociale », à « l’élégance discrète d’un monogramme » (Coulmont, 2017), à l’exception d’un cas où l’identifiant chiffré fut conservé à la demande de l’intéressée.
Un échantillon d’enquêté·e·s socialement hétérogène
La réalité économique et sociale des enquêté·e·s et de traverse les échanges. Il est nécessaire d’analyser la manière dont les différents rapports sociaux de genre, classe, race ou ceux liés à l’âge (Rennes, 2019) opèrent dans l’interaction. Les terrains sur lesquels nous enquêtons sont particuliers. Ils réunissent des personnes expertes du discours et d’un niveau social élevé, mais aussi des militant·e·s « ordinaires » voire en situations précaires n’étant pas forcément habitué·e·s aux demandes d’entretiens de la part de chercheur·se·s. Deux enquêtées, une française et une italienne, nous demandent ainsi comment nous sommes remontée jusqu’à elles. Elles n’ont pas pleinement conscience des traces numériques laissées par leur engagement, et semblent accoutumées à une forme d’anonymat propre à un militantisme ancré dans leur quotidien.
Dans le tableau en annexe, nous constatons qu’en France, 14 des 15 et en Italie, 12 des 15, personnes interrogées peuvent être considérées comme habituées à la prise de parole publique, que ce soit par des compétences acquises au sein de leur pratique militante et qui leur ont permis d’obtenir une légitimité sociale, ou par une carrière professionnelle au sein de laquelle elles ont développé des compétences d’expression et un réseau, qu’elles ont ensuite exploité dans leur militantisme (ex. journaliste, juriste, etc.). De nombreuses informations de ce tableau (ex. l’âge arrondi au multiple de 5 le plus proche ou encore la profession) ont été généralisées, notamment lorsque la désignation plus précise entraînait un risque d’identification de l’enquêtée (nom de l’organisation, profession précise, etc.) afin de préserver l’anonymat (Bendjaballah et al., 2023) et d’obéir à des principes de confidentialité (Béliard et Eideliman 2008). En raison de leur profession, de nombreux·ses enquêté·e·s appartiennent à des classes sociales supérieures, voire dominantes (avocates, psychologues, journalistes, professionnelles associatives, etc.) 4. En outre, le statut de certain·e·s en tant qu’acteur·rice·s du débat public les conduit à maîtriser la prise de parole ainsi que la construction de leur discours. La plupart des personnes interrogées affirment avoir développé une expertise sur les violences sexuelles dans le cadre de leur engagement. Cette expertise, qu’elle soit professionnelle ou profane, implique « une production de savoir, caractérisée par un certain degré de technicité et investie dans un processus politique à des fins décisionnaires » (Mouchard, 2020).
Il est toutefois nécessaire de rester « attentifs à l’hétérogénéité sociale des catégories regroupées sous le terme de dominantes » (Chamboredon et al., 1994). En effet, la trajectoire des enquêté·e·s reste souvent marquée par des expériences de précarité (interruption de carrière, reconversion, etc.) caractéristiques des rapports sociaux de genre, classe, race, nationalité, etc. De plus, les caractéristiques sociales des personnes interrogées ne permettent pas, à elles seules, de contextualiser l’interaction de manière à saisir les facteurs qui les conduisent à adhérer ou à rejeter le principe d’anonymisation. En effet, cette (non)précarité sociologique peut être altérée par le vécu de l’expérience traumatique que sont les violences sexuelles. Celles-ci induisent une précarité biographique du fait des conséquences psychiques que provoquent de tels faits. De nombreuses personnes militant au sein du mouvement de lutte contre les violences sexuelles ont elles-mêmes été victimes de ces violences sous de multiples formes (Kelly, 1987), pratiquement la totalité en France (13 sur 15) et cinq personnes en Italie. De plus, en Italie, trois personnes travaillent ou ont travaillé dans des centres de prise en charge de femmes victimes de violences et trois autres enquêté·e·s sont avocat·e·s spécialisé·e·s dans la défense des victimes.
Par ailleurs, de nombreuses personnes interrogées s’inscrivent dans le mouvement féministe. Or ce courant idéologique tend, si ce n’est à les abolir, du moins à réfléchir aux rapports de domination et de hiérarchisation (Jouët et al., 2017). L’expérience partagée de la précarité ainsi que des convictions féministes communes ont contribué à atténuer les inégalités sociales parfois marquées entre nos enquêté·e·s et nous, qu’elles tiennent à l’âge, à la profession ou au statut reconnu de certain·e·s dans les milieux féministes ou dans l’espace public français et italien. Ces facteurs ont facilité la conduite des entretiens. Nous avons parfois eu le sentiment d’être dans une position relativement égalitaire.
Cette disposition à participer à l’enquête s’explique, dans certains cas, par des motivations militantes. Ainsi, une enquêtée italienne, occupant une position sociale élevée en raison d’une profession intellectuelle supérieure quasi unique à l’échelle mondiale, confie la raison de son acceptation d’un entretien particulièrement long (trois heures) en ces termes : « je suis aussi activiste et militante à travers cette collaboration avec toi. Pour moi, c’est une forme de militantisme. » (Ginevra N., militante italienne contre le syndrome d’aliénation parentale, 06 mars 2024). Elle comprend cette démarche comme une prolongation de son engagement féministe, estimant que cet échange contribue à la production de savoirs académiques sur les violences sexuelles et pourrait, à terme, renforcer la légitimité de son action au sein des institutions. Toutefois, les compétences intellectuelles des enquêté·e·s, combinées à la diversité de leurs caractéristiques sociales, de leurs parcours, de leurs savoir-faire et de leurs convictions politiques influent sur leur rapport à l’entretien et à l’anonymisation.
Résistance à l’anonymisation
La conduite d’entretiens avec des professionnel·les de la parole présente une complexité particulière, en raison de la difficulté pour l’enquêteur·ice de maintenir la « maîtrise de l’interaction » (Chamboredon et al., 1994). La remise en question de notre décision d’anonymiser les données recueillies constitue, à ce titre, un point de friction révélateur de cet enjeu de pouvoir sur l’échange. Deux interlocuteur·ice·s italien·ne·s, reconnu·e·s pour leur expertise dans l’espace public national, critiquent le dispositif méthodologique adopté, en particulier le choix de l’anonymisation. Selon i·elles, l’anonymisation ne permettait pas de faire valoir leur expertise spécifique, qui, à leurs yeux, avait motivé leur sollicitation pour un entretien. Cette décision ne semblait pas correspondre à l’idée qu’i·elles se sont fait·es de l’entretien. Par conséquent, celui-ci perdait son intérêt initial. Leurs réactions résonnent avec celles de certains élus telles que retranscrites par Didier Demazière :
Habituellement les élus sont sollicités pour produire une parole non substituable, parce que l’intérêt pour leur discours provient de la position particulière occupée par chacun et du personnage public qu’il incarne. L’anonymisation constitue à cet égard une rupture radicale, qui contribue à redessiner le cadre de l’interaction, comme l’indiquent certaines réactions : « je n’ai jamais vu ça », « vous êtes original vous, je ne vois pas pourquoi, je ne comprends pas ». (Demazière, 2008)
Cette « rupture radicale » entre l’enquêté·e et son discours est au cœur du processus d’anonymisation. Il s’agit de décorréler la personne de ses propos. En imposant l’anonymat à ces de la communication, nous les dépossédons donc de leur statut d’auteur. Or, ce rôle remplit une « fonction classificatoire » (Foucault, 1969), en associant un discours à un individu. Il s’agit d’une « forme de propriété » dans laquelle l’auteur·ice assume la responsabilité de sa réflexion, que ce soit d’un point de vue juridique ou dans la volonté de conserver une forme de pouvoir sur celle-ci (Ibid.).
La distinction sociale du refus de l’anonymisation
Dès le début de l’échange, le premier enquêté italien remettant en question l’anonymisation, un homme d’une soixantaine d’années, de profession intellectuelle supérieure et habitué à s’exprimer en public et au sein des institutions, Bruno C., donne à voir qu’il conserve une forme de pouvoir symbolique, en affirmant avoir mené des recherches à notre sujet. L’enquêtrice devient alors, à son tour, objet d’évaluation : son interlocuteur interroge à la fois sa légitimité et l’intérêt qu’il pourrait retirer de la rencontre. La première partie de l’entretien, centrée sur sa pratique militante, s’avère difficile à mener. L’enquêté exprime un désintérêt, typique des classes sociales supérieures, à l’égard des considérations pratiques et matérielles (Bourdieu, 1979). Cette distinction sociale se traduit par exemple dans le répertoire d’action qu’il emploie pour militer : « j’étudie, je participe à des colloques, j’exprime mes idées, je m’expose, je me bats contre des lois injustes, j’approfondis des sujets de multiples façons. » (Bruno C., militant de protection de l’enfance italien, 23 mars 2024). Nous l’interrogeons, par exemple, sur sa participation à des manifestations publiques, sur les conférences auxquelles il a pris part durant la séquence de mobilisation, ainsi que sur ses pratiques numériques. Il peine à comprendre l’intérêt de nos questions sur des faits qu’il juge futiles. Cela se remarque notamment par ses trente-huit répétitions de la phrase : « je ne me rappelle pas ». Au bout d’un certain nombre de questions, il affirme : « Je suis quelqu’un de théorique, pas de pratique, et donc j’ai tendance à oublier les choses pratiques, tandis que je me souviens plus facilement des choses théoriques. Comme tu le sais, chacun fonctionne à sa manière, non ? » (Ibid.).
L’enquêté associe la recherche universitaire aux grandes théories abstraites, en opposant à celles-ci des sujets qu’il perçoit comme triviaux, tels que les pratiques quotidiennes. Cette forme de résistance s’exprime à la fois dans l’apparente insignifiance que l’enquêté attribue à nos questions et dans leur caractère potentiellement intrusif. Nous nous voyons ainsi contrainte de nous justifier lorsqu’il nous interroge sur le sens de notre démarche, après que nous lui avons demandé s’il prenait des notes pour se souvenir de ses pensées. Il nous confronte en ces termes : « Je te réponds, pas de problème. Mais tu dois me dire pourquoi ça t’intéresse, pourquoi tu me poses cette question ? » (Ibid.)
Cette interaction nous met dans une position d’autant plus inconfortable car, bien que maîtrisant l’italien suffisamment pour nous sentir capable de mener un entretien dans cette langue, nous ne sommes pas bilingue et peinons parfois à nous exprimer dans un langage correct et, par exemple, à trouver la traduction du mot « carnet ». L’entretien se délie après environ quarante minutes au moment où nous commençons à l’interroger sur un terrain plus théorique (les raisons d’une telle loi). Il reprend alors le discours et la réflexion qu’il a l’habitude de mener. La possibilité offerte par l’anonymisation de l’entretien n’a pas été saisie par l’enquêté pour dévier du registre discursif dans lequel il semble évoluer avec aisance.
La sensibilité du militantisme face à l’anonymisation
La seconde enquêtée italienne, figure de premier plan d’une importante association féministe et exerçant une profession intellectuelle supérieure, a accepté l’entretien sur la recommandation d’une autre enquêtée avec laquelle l’échange s’était très bien déroulé, ce qui nous permit d’aborder la discussion avec une certaine confiance. Toutefois, l’enquêtée, familière de l’exercice de l’entretien, remet rapidement en question notre volonté d’anonymiser l’échange. Elle peine à en percevoir l’intérêt si sa prise de parole ne s’inscrit pas dans la reconnaissance explicite de son expertise spécifique. Nous commençons malgré tout l’entretien et peu de temps après, au moment d’évoquer son parcours militant, nous lui posons une question naïve sans que nous en saisissions immédiatement la portée. Nous ne comprenons pas d’emblée que nous abordons un évènement traversé par des dissensions du mouvement féministe, caractéristiques de celui-ci (Keller et Hirsch, 1990), voire de tout mouvement social. L’enquêtée résiste à l’évocation de ce souvenir et sa réponse demeure évasive. Elle évite toute critique explicite de l’organisation qu’elle dirigeait alors. Elle finit par nous dire quelques minutes après : « Écoute, je peux te demander juste une petite pause ? J’ai un appel important qui arrive, et ça me dérange. On se reparle dans cinq minutes. Merci, désolée. » (Entretien du 17 mai 2024) Nous ne parviendrons jamais à reprendre la suite de l’entretien. Nous avions pourtant précisé qu’elle pouvait ne pas répondre si une question la mettait mal à l’aise.
Cet épisode nous rappelle que l’engagement féministe repose autant sur des convictions politiques « rationnelles » que sur un investissement affectif profond. Il ne s’agit pas de renvoyer les femmes à une supposée émotivité caractéristique des stéréotypes de genre, mais plutôt de souligner le travail émotionnel effectué par les militantes féministes et plus largement par les femmes (Hochschild, 1983), ainsi que la dimension affective intrinsèque au militantisme féministe (Ahmed, 2004).
Conserver la maîtrise du discours
La résistance à l’anonymisation manifestée par les deux enquêté·e·s italien·ne·s semble s’ancrer dans un rapport de pouvoir asymétrique, en leur faveur, lié à leur position professionnelle, à leur expertise reconnue ainsi qu’à leur visibilité dans l’espace public italien. Ce déséquilibre s’accentue par contraste avec notre position de chercheuse affiliée à une petite université privée du sud de l’Italie, disposant de peu de capital qu’il soit économique, social ou symbolique. Pour Bruno C., cette dynamique s’inscrit également dans un déséquilibre des rapports de pouvoir de genre et de classe, opposant un homme bourgeois d’un certain âge à une femme plus jeune. Ainsi lorsque nous reviendrons vers lui pour lui demander un pseudonyme de préférence, il nous demandera « As-tu acheté mon livre ? ». Lorsque nous répondrons par l’affirmatif, il ajoutera « Maintenant, il ne te reste plus qu’à le lire ! » (Bruno C., militant de protection de l’enfance italien, échanges par mail, 17 mars 2025)
L’anonymisation peut être perçue par les enquêté·e·s comme un effacement de leur rôle politique, passé ou présent, ainsi que de leur expertise spécifique, au sein des mouvements de lutte contre les violences sexuelles. Toutefois, dans les deux cas évoqués, la résistance à cette pratique sociologique semble relever aussi d’une autre motivation : celle de ne pas vouloir s’écarter d’un discours public maîtrisé, façonné par leur profession et leur expertise militante, auquel les enquêté·e·s sont accoutumé·e·s et dans lequel i·elles se sentent en confiance. D’une certaine manière, l’exigence d’auctorialité leur offre la possibilité de ne pas placer l’entretien sur le terrain de l’intime et du sensible où i·elles seraient amené·e·s à se dévoiler et donc potentiellement à perdre la face (Goffman, 1996). En effet, en se retirant du dispositif, l’activiste féministe italienne a évité de se confronter à un épisode potentiellement éprouvant de son parcours militant, susceptible de la présenter sous un jour moins valorisant ou de la conduire à exposer sa vulnérabilité ainsi que l’intensité de ses émotions face à cet évènement.
L’anonymisation en terrain sensible
Cependant, la (re)mise en cause de l’anonymat n’est pas seulement caractéristique d’une inégalité sociale entre l’enquêteur·ice et l’enquêté·e, mais aussi de la question que la recherche aborde, celle des violences sexuelles. Il s’agit d’un « sujet sensible » (Renzetti et Lee, 1993) puisque de nombreux·ses militant·e·s ont i·elles-mêmes été victimes ou proches de victimes. Dans le cadre de leur activisme, nombre d’entre i·elles sont également exposé·e·s à des violences numériques, perpétrées par des groupes masculinistes. Parler de leur expérience peut les exposer à de nouvelles violences si jamais i·elles étaient réidentifiées à travers leur discours. Une enquêtée italienne à qui nous demandons des exemples d’associations masculinistes nous répond, puis ajoute : « Ne l’écris pas, sinon ils vont me poursuivre en justice. Ils sont très agressifs, vraiment combatifs. » (Irene R., militante féministe italienne, 6 février 2024) Le ton de sa voix nous rappelle la menace que peut constituer le mouvement masculiniste, reposant sur une idéologie misogyne induisant un processus de déshumanitation des femmes et des minorités, susceptible de conduire à des violences tant physiques que psychiques. L’anonymisation dissocie alors les propos de leur locuteur.ice, garantissant ainsi la protection de l’enquêté·e contre d’éventuelles représailles.
Circonspection envers l’anonymisation
Cette sensibilité du sujet induit des comportements spécifiques de la part de certaines enquêté·e·s. Ainsi, une enquêtée, issue d’une classe sociale favorisée, révèle sa méfiance envers le dispositif lors de l’entretien. Dès le début, alors que nous lui demandons de décliner son nom et son âge, elle note la contradiction de cette demande avec l’affirmation précédente que les données allaient être anonymisées. Elle affirme ainsi : « Mais je croyais que vous ne vouliez pas mettre les noms, etc. » (ITW Fr 12, militante française pour l’imprescriptibilité, 19 mars 2024) En ce sens, elle nous somme de nous justifier afin d’avoir une compréhension claire de notre démarche.
Elle nous demande aussi d’arrêter l’enregistrement au moment de nous révéler une information qu’elle considère confidentielle et qui ne doit laisser aucune trace orale ou écrite. Elle réitère sa défiance lorsque nous lui posons des questions sociodémographiques en fin d’entretien. Elle nous interpelle d’un ton énergique : « mais c’est pas pour un doctorat que vous faites ça, ce genre de questions là, ça ressemble à une enquête du gouvernement là. » (Ibid.) Elle intensifie alors sa suspicion. Lorsque nous lui demandons si elle souhaite ajouter quelque chose à ce que nous avons dit, elle répond :
Quand ? Là ? Toutes les deux ? Non. Alors comment vous allez faire pour faire attention aux propos que vous allez tenir sur moi, alors que je suis vite cernable quand même, c’est souvent ce que vous dites, même si vous ne me citez pas. Donc il vaut mieux juste faire attention à ce qui est dit et qu’il n’y ait pas de problème. (Ibid.)
S’ensuit alors une conversation sur la manière dont nous envisagions d’anonymiser les entretiens. Nous nous perdons dans nos explications, n’ayant pas totalement tranché sur la manière dont nous allions mettre en place concrètement ce procédé dans la restitution des données laissant, l’espace d’un instant, l’enquêtée prendre le contrôle de l’entretien. L’échange épineux se termine lorsqu’elle demande confirmation sur l’éventuelle portée de ses propos :
Elle : La question, c’était : pourquoi vous pensez que dans ce que j’ai dit, il y a des choses qui sont dangereuses ? Je n’avais pas l’impression, mais peut-être que oui. Vous pensez qu’il y a des choses qui sont dangereuses dans ce que j’ai dit ?
Moi : Non, pas du tout. Je me trompe peut-être, mais je n’ai pas l’impression.
Elle : Je chercherais plutôt ça, peu importe qu’on me reconnaisse ou pas, voire s’il n’y a pas des choses dangereuses dans ce que j’ai raconté. C’est tout. (Ibid.)
L’enquêtée n’est pas crédule quant à la difficulté d’anonymiser les propos d’une personne dans un milieu d’interconnaissance.
Le risque de parler
La militante est préoccupée par l’avenir de sa parole, la manière dont elle pourrait se retourner contre elle et avoir des conséquences négatives. Cela s’inscrit dans un contexte où parler des violences sexuelles peut entraîner des représailles juridiques de la part des mis en cause par la pratique de procès-baillons et de procès en diffamation comme celui intenté par Pierre Joxe et Éric Brion contre Alexandra Besson et Sandra Muller qui avaient dénoncé en ligne les violences sexuelles subies par ces deux hommes5 dans le cadre du mouvement en ligne #balancetonporc, variante française de #MeToo.
L’enquêtée soulève notamment la difficulté de témoigner pour les victimes de violences sexuelles même après #MeToo. Elle affirme : « je me rends compte que, franchement, j’étais pas responsable du fait de m’être tue, que j’ai pas… C’est simplement que je n’avais pas le droit de parler, que j’avais pas le droit à la parole. » (Ibid.) La parole des victimes de violences sexuelles advient dans une défaillance de l’État et donc, par métonymie, du peuple, à reconnaître les victimes de ce type de violences et à leur rendre justice. Malgré ses réticences, elle accepte l’entretien dans une volonté de transmission, comme elle déclare : « j’ai toujours pensé qu’il fallait parler et diffuser la parole. » (Ibid.)
Toutefois, si l’enquêtée manifeste une volonté marquée de se protéger et d’éviter les potentielles conséquences liées à sa prise de parole, cela ne l’empêche pas d’entretenir un rapport complexe à l’auctorialité. Cette ambivalence se manifeste notamment dans son refus de choisir un pseudonyme. Lorsque, plusieurs mois après l’entretien, nous lui proposons d’en sélectionner un, elle nous répond : « Je suis contre les pseudos. Je ne me cache pas derrière un pseudo. Alors faites comme vous voulez. Ce ne sera plus moi. » (ITW Fr 12, militante française pour l’imprescriptibilité, échange en ligne, 7 mai 2025). Elle rejette l’idée d’endosser une identité travestie, considérant qu’un pseudonyme altérerait l’authenticité de ses propos.
L’anonymisation comme perte de bénéfices du militantisme
choix de participer ou non à l’enquête s’inscrit dans un contexte spécifique où le militantisme féministe peut s’articuler à une forme de marketing de soi lié notamment aux logiques des médias numériques (Semenzin, 2022). Ces logiques s’insèrent dans un cadre néolibéral marqué par le désengagement de l’État, qui place les militant·e·s en concurrence pour l’accès à des ressources rares, alors même que leur engagement requiert un travail important. Dans ces circonstances, Francesca O., militante féministe italienne, met en lumière les logiques qui jouent un rôle dans l’acceptation ou dans le refus de participer à cette enquête :
Si une personne de ce type ne te répond pas, c’est peut-être justement parce qu’il ne s’agit pas de quelque chose de prestigieux, où son nom apparaîtrait et pourrait servir à quelque chose, non ? Parce que quand tu dis : « Je t’écris, mais ton nom n’apparaîtra pas », quelqu’un peut se dire : « Alors je ne vais pas perdre mon temps, non ? » Mais au contraire, on accepte de donner de son temps parce qu’on ne le considère pas comme du temps perdu : on offre des outils à une autre personne qui mène une recherche pour faire avancer son travail. Et le féminisme, c’est aussi ça, non ? Savoir que tu n’en tireras aucun bénéfice personnel, mais que tu aides une autre à faire sa part. Et aussi à mieux comprendre, à approfondir les enjeux du féminisme, ce qui sera toujours utile si l’on est engagée sur ces questions. (Francesca O., militante féministe italienne, 12 mai 2024)
Le choix d’anonymiser les entretiens prive ainsi les acteur·ice·s de la possibilité de retirer un bénéfice symbolique ou stratégique de leur participation à la recherche. De ce fait, les logiques de visibilité qui traversent l’activisme féministe contemporain entrent en tension avec les dynamiques non marchandes qui caractérisent traditionnellement le militantisme et l’engagement féministe, fondé sur des principes de solidarité, de transmission et de mise en commun des savoirs.
Conclusion
L’anonymisation des entretiens auprès d’expert·e·s sur la question des violences sexuelles qu’i·elles soient « ordinaires » ou « légitimes » s’avère à double tranchant. L’enquêteur·ice navigue au travers d’exigences contradictoires. Il est parfois difficile de surmonter la réserve de certain·e·s enquêté·e·s expert·e·s de la question des violences sexuelles qui évoluent ell·eux-mêmes en « terrain sensible » face aux remises en cause de leur discours par les mouvements anti-genre, voire par les pouvoirs publics. Certain·e·s enquêté·e·s remettent en question la pratique sociologique de l’anonymisation et revendiquent l’auctorialité de leur parole dans un contexte où l’accès à l’espace institutionnel repose sur la reconnaissance d’une légitimité fondée sur une expertise spécifique. D’autres enquêté·e·s ont conscience des dangers que leur parole implique dans un contexte de montée en puissance de l’idéologie masculiniste. L’enquêteur·ice doit alors s’adapter et négocier avec la personne en face d’i·elle, en tenant compte de ce que celle-ci accepte de livrer, sans perdre de vue les objectifs de sa recherche.
Les interactions analysées dans cet article invitent ainsi à une considération sur la notion de consentement, tant du point de vue des motivations qui conduisent les enquêté·e·s à accepter de participer, que des formes de mise à l’épreuve de ce consentement, notamment à travers la remise en question du dispositif méthodologique proposé. En effet, ce dernier « est le fruit d’un travail collectif et d’un dialogue entre l’enquêteur et l’enquêté. » (Abescat et al., 2024) En consentant à échanger avec nous, i·elles ont accepté de nous faire « confiance » et pour cela nous les en remercions. Toutefois, le·a chercheur·se reste exposé·e à la possibilité de commettre des erreurs et des maladresses. Comme l’observe Michel Boutanquoi : « s’attarder sur les impasses, les risques et les achoppements d’une approche apparait finalement comme un moment de réflexion nécessaire, essentiel et indispensable à sa pratique. » (Boutanquoi, 2023). C’est précisément dans cette démarche réflexive que s’est inscrit cet article.
Notes
[1] Nous adressons nos sincères remerciements aux relecteur·ice·s de cet article pour la qualité de leurs remarques et la richesse de leurs suggestions. Nous utilisons aussi l’écriture inclusive du fait que notre corpus d’enquêté·e·s se compose de 25 femmes, 3 hommes et deux personnes non-binaires. Nous employons les termes « militante » et « activiste » de manière relativement interchangeable, dans un souci de variation lexicale. Toutefois, nous sommes consciente que ces deux notions ne sont pas strictement équivalentes : le terme « activiste » tend à désigner une forme d’engagement perçue comme moins radicale que le militantisme.
[2] La loi Schiappa ou Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est composée de quatre articles principaux. Le premier étant la prescription des affaires de violences sexuelles sur les mineurs de 20 à 30 ans. Le deuxième renforce le délit d’atteinte sexuelle et entend instituer un seuil d’âge de non-consentement. Le troisième crée un délit de cyberharcèlement et le quatrième instaure des peines pécuniaires pour punir du délit d’outrage sexiste.
[3] Le Codice Rosso, loi n. 69 du 19 juillet 2019, entend mettre en place une prise en charge des victimes de violences de genre sous trois jours par le procureur de la République afin d’accélérer la procédure judiciaire. Il renforce de nombreuses peines encourues par les auteurs de violence sexuelle. Il crée aussi un délit de partage non consensuel de matériel intime (revenge porn). Le disegno di legge (ddl) Pillon, n. 735 de la XVIIIe législature, est un projet de loi qui propose de rendre obligatoire la médiation en cas de séparation ainsi que la garde partagée à égalité parfaite entre l’homme et la femme. Il entend aussi inscrire dans la loi l’existence d’une prétendue aliénation parentale en plus de restreindre les contreparties financières accessibles aux femmes.
[4] Ces professions ne sont pas mentionnées à des fins de confidentialité.
[5] Le Monde avec AFP, « Harcèlement sexuel : la Cour de cassation rejette définitivement les poursuites de Pierre Joxe et Éric Brion contre les femmes qui les accusaient », Le Monde, 11 mai 2022, https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/11/metoo-balancetonporc-la-cour-de-cassation-rejette-definitivement-les-poursuites-de-pierre-joxe-et-eric-brion-contre-les-femmes-qui-les-accusaient-de-violences-sexuelles_6125671_3224.html, consulté le 29/01/2025.
Références bibliographiques
Abescat, Camille ; Gigi, Barbara ; Deroure, Sixtine (2024), « Pour une éthique de la recherche en contexte » (p. 197‑215), in La Fabrique de la thèse, Karthala, https://doi.org/10.3917/kart.mango.2024.01.0197
Achin, Catherine ; Naudier, Delphine (2010), « Trajectoires de femmes “ordinaires” dans les années 1970 :La fabrique de la puissance d’agir féministe », Sociologie, vol. 1, n° 1, p. 77‑93, https://doi.org/10.3917/socio.001.0077
Ahmed, Sara [2004] (2010), The cultural politics of emotion (Reprinted), Edinburgh University Press.
Bastin, Gilles (2012), « Le « cas Mathieu » ou l’entretien renversé », Sur le journalisme, About journalism, Sobre jornalismo, vol. 1, n° 1, p. 40‑51, https://doi.org/10.25200/ SLJ.v1.n1.2012.3
Beaud, Stéphane (1996), « L’usage de l’entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l’‘entretien ethnographique’ » Politix, vol. 9, n° 35, p. 226‑257, https://doi.org/10.3406 /polix.1996.1966
Beaud, Stéphane ; Weber, Florence (1997), Guide de l’enquête de terrain : Produire et analyser des données ethnographiques (4e éd. augmentée), La Découverte.
Béliard, Aude ; Eideliman, Jean-Sébastien (2008), « 6 : Au-delà de la déontologie.: Anonymat et confidentialité dans le travail ethnographique » (p. 123‑141) in Les politiques de l’enquête, La Découverte, https://doi.org/10.3917/dec.fassi.2008.01.0123
Bendjaballah, Selma ; Garcia, Guillaume ; Sauger, Nicolas (2023), « Protéger les enquêtes, mais à quelles conditions ? Anonymiser des données d’enquêtes en sociologie et en science politique », Terrains & travaux, vol. 43, n° 2, p. 257‑279, https://doi.org/ 10.3917/tt.043.0257
Bourdeloie, Hélène (2019), « Les impuretés du travail de l’ethnographe sur un terrain sensible. Deuil en ligne et traces numériques des morts », Recherches qualitatives, vol. 38, n° 2, p. 25, https://doi.org/10.7202/1064929ar
Bourdieu, Pierre (1979), La distinction : Critique sociale du jugement, Éditions de Minuit.
Boutanquoi, Michel (2023), « Faire dire ou faire advenir une parole : Quelques réflexions sur l’entretien de recherche », Recherches qualitatives, vol. 42, n° 2, p. 53‑75, https://doi.org/10.7202/1108608ar
Chamboredon, Hélène ; Pavis, Fabienne ; Surdez, Muriel ; Willemez, Laurent (1994), « S’imposer aux imposants. A propos de quelques obstacles rencontrés par des sociologues débutants dans la pratique et l’usage de l’entretien », Genèses. Sciences sociales et histoire, vol. 16, n° 1, p. 114‑132. https://doi.org/10.3406/genes.1994.1251
Coulmont, Baptiste (2017), « “Le petit peuple des sociologues”, anonymes et pseudonymes dans la sociologie française », Genèses, vol. 107, n° 2, 153‑175. https://doi.org/10.3917/gen.107.0153
Demazière, Didier (2008), « L’entretien biographique comme interaction négociations, contre-interprétations, ajustements de sens », Langage et société, vol. 123, n° 1, p. 15‑35, https://doi.org/10.3917/ls.123.0015
Dubois, Sébastien ; Mohib, Najoua ; Oget, David ; Schenk, Eric ; Sonntag, Michel (2005), « Connaissances et reconnaissance de l’expert », Les Cahiers de l’INSA de Strasbourg, vol. 1, p. 89‑108.
Foucault, Michel (1969), « Qu’est-ce qu’un auteur », Bulletin de la Société française de philosophie, vol. 3, p. 73‑104, https://dgemc.web.ac-grenoble.fr/sites/default/files/Media /document/quest_ce_quun_auteur_par_michel_foucault.pdf
Goffman, Erving (1996), La présentation de soi. Editions de Minuit.
Hochschild, Arlie Russel (1983), The managed heart : Commercialization of human feeling (2. print), University of California Press.
Jouët, Josiane ; Niemeyer, Katharina ; Pavard, Bibia (2017), « Faire des vagues : les mobilisations féministes en ligne », Réseaux, vol. 201, n° 1, p. 21‑57, https://doi.org/10.3917/res.201.0019
Keller, Evelyn Fox ; Hirsch, Marianne (Éds.) (1990), Conflicts in feminism, Routledge.
Kelly, Liz (1987), “The Continuum of Sexual Violence”, (p. 46‑60) in Hanmer, Jalna ; Maynard Mary (Éds.), Women, Violence and Social Control, Palgrave Macmillan UK, https://doi.org/10.1007/978-1-349-18592-4_4
Lévy-Guillain, Rébecca ; Sponton, Alix ; Wicky, Lucie (2023), « L’intime au bout du fil. Enjeux méthodologiques de l’entretien biographique à distance », Revue française de sociologie, Vol. 63, n° 2, p. 311‑332, https://doi.org/10.3917/rfs.632.0311
Mouchard, Daniel (2020), « Expertise », (p. 258‑264), in Dictionnaire des mouvements sociaux, vol. 2, Presses de Sciences Po, https://doi.org/10.3917/scpo.filli.2020.01.0258
Rennes, Juliette (2019), « Déplier la catégorie d’âge : âge civil, étape de la vie et vieillissement corporel dans les préjudices liés à l’ »âge » », Revue française de sociologie, vol. 60, n° 2, p. 257‑284, https://doi.org/10.3917/rfs.602.0257
Renzetti, Claire M. ; Lee, Raymond M. (Éds.)(1993), Researching sensitive topics, Sage Publications.
Semenzin, Silvia (2022), “‘Swipe up to smash the patriarchy’ : Instagram feminist activism and the necessity of branding the self”, AG About Gender – International Journal of Gender Studies, vol. 11, n° 21 (2022): 20122022. A decade debating AboutGender. https://doi.org/10.15167/2279-5057/AG2022.11.21.1990
Stavo-Debauge, Joan ; Roca i Escoda, Marta ; Hummel, Cornelia (2017), « Enquêter. Rater. Enquêter encore. Rater encore. Rater mieux. », SociologieS, https://doi.org/10.4000/sociologies.6084
Theviot, Anaïs (2021), « Confinement et entretien à distance : Quels enjeux méthodologiques ? », Terminal. Technologie de l’information, culture & société, n° 129, https://doi.org/10.4000/terminal.7193
Zolesio, Emmanuelle (2011), « Anonymiser les enquêtés », ¿ Interrogations ? Revue pluridisciplinaire de sciences humaines et sociales, p. 174‑183.
Annexes
|
Pseudo |
Genre |
Nationalité |
Âge |
Profession et engagement militant |
Éducation |
|
FRANCE |
|||||
|
Lise D. |
F |
Française |
45 |
Juriste-Autrice – Militante féministe |
Bac +4 |
|
Eve C. |
F ? |
Française |
40? |
Déléguée générale d’une organisation de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs |
Bac + 4 bac+5 |
|
Amélie A. |
F |
Française |
60 |
Femme politique |
Bac +5 |
|
Romi L. |
F |
Française |
50 |
Membre d’une organisation de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs |
Bac +4 |
|
Natacha G. |
F |
Française |
40 |
Consultante indépendante – Militante féministe |
Bac +5 |
|
Victoria H. |
NB |
Française et nord-africaine |
40 |
Sans emploi au moment de l’entretien – Militante féministe |
Bac |
|
Elisabeth R. |
F |
Française |
50 |
Responsable dans une association et présidente d’une association féministe. |
Bac +5 |
|
Bernard N. |
H |
Française |
70 |
Retraité- ancien consultant – Président d’une organisation féministe |
Bac +5 |
|
Eloi Joly |
H |
Française |
30 |
Secrétaire général d’une organisation de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs |
Bac +5 |
|
ITW FR 12 |
F |
Française |
70 |
Autrice, retraité – Militante imprescriptibilité |
Doctorat |
|
Claudia I. |
F |
Française |
60 |
Journaliste – Militante féministe |
Pas de Bac, Formation post bac |
|
Carine B. |
F |
Française |
60 |
Journaliste spécialisée sur les violences sexuelles envers les mineurs |
Bac +5 |
|
Lorraine M. |
NB |
Française |
30 |
Conseillère professionnelle – Relation presse d’une organisation féministe |
Bac +5 |
|
Violette R. |
F |
Française |
35 |
Intermittente du spectacle – Militante féministe |
Bac +5 |
|
Nour B. |
F |
Nord-africaine |
40 |
Responsable des partenariats d’une ONG – Militante féministe |
Bac +3 |
|
ITALIE |
|||||
|
Irene R. |
F |
Italienne |
50 |
Travailleuse sociale – Blog et Facebook d’un groupe féministe |
Laurea (Bac +5) |
|
Elena S. |
F |
Italienne |
30 |
Chercheuse – Membre d’une organisation féministe |
Doctorat |
|
Barbara S. |
F |
Italienne |
45 |
Femme politique – militante féministe |
Post-laurea (Bac +5) |
|
Ginevra N. |
F |
Italienne |
55 |
Avocat – Présidente d’une organisation féministe |
Doctorat |
|
Cinzia F. |
F |
Italienne |
30 |
Avocate |
Laurea (Bac +5) |
|
Gaia T. |
F |
Italienne |
50 |
Psychologue et activiste dans un centre anti-violence |
Laurea/Master (Bac +5) |
|
Bruno C. |
H |
Italienne |
60 |
Auteur – Président d’une organisation de défense des droits de l’enfant |
Laurea (Bac +5) |
|
Giula S. |
F |
Italienne |
60 |
Graphiste |
Maturità (Bac) |
|
Gabriella G. |
F |
Italienne |
40 |
Ex-Députée – Employée administrative |
Maturità (Bac) |
|
Bianca L. |
F |
Italienne |
50 |
Employé administrative – Blog |
Master (Bac +5) |
|
Francesca O. |
F |
Italienne |
60 |
Journaliste – Autrice |
Laurea triennale (Bac +3) |
|
Eleonora G. |
F |
Italienne |
65 |
Avocate – Membre dirigeant d’un centre anti-violence |
Laurea (Bac +5) |
|
Viola P. |
F |
Italienne |
30 |
Gestionnaire indépendante – Membre d’un collectif féministe |
Master (Bac +5) |
|
Sofia N. |
F |
Italienne |
60 |
Responsable d’un centre antiviolence – Ancienne journaliste |
Laurea (Bac +5) |
|
Patrizia R. |
F |
Italienne |
65 |
Sans profession – Membre de plusieurs organisations féministes |
Laurea (Bac +5) |
Tableau des caractéristiques sociodémographiques des enquêté·e·s.
Auteure
Camille Riou
Camille Riou est doctorante à l’Università Dante Alighieri, elle est associée au Centre Internet et Société (CIS) – CNRS, ainsi qu’au Céditec de l’Université de Créteil.
camille.riou@gmail.com