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La médiatisation des vulgarisateurs scientifiques sur YouTube : figures et légitimation de pratiques en voie de professionnalisation

8 Déc, 2025

Résumé

Cet article examine la manière avec laquelle les vulgarisateurs scientifiques amateurs francophones sur YouTube sont perçus, décrits et légitimés dans l’espace médiatique. À travers l’analyse de 176 articles de presse française entre 2016 et 2022, nous explorons la construction médiatique de ces vidéastes qui sont associés à des « figures ». L’étude révèle la manière dont ces vidéastes, experts, passionnés ou militants, influencent la réception publique de la science tout en illustrant la diversité des rôles attribués aux savoirs scientifiques dans l’espace médiatique.

Mots clés

YouTube, vulgarisation scientifique, figure, légitimation, autorité.

In English

Title

Media reception of science popularization YouTubers figures. How is their legitimacy constructed?

Abstract

This article examines the way in which French-speaking amateur science popularizers on YouTube are perceived, described and legitimized in the media space. Through the analysis of 176 French press articles between 2016 and 2022, we explore the media construction of these videographers who are associated with « figures ». The study reveals how these videographers, experts, enthusiasts or activists, influence the public reception of science while illustrating the diversity of roles attributed to scientific knowledge in the media space.

Keywords

YouTube, science popularization, figure, legitimation, authority.

En Español

Título

La recepción mediática de la figura de los YouTubers de divulgación científica. ¿Qué construcción de su legitimidad?

Resumen

Este artículo examina la forma en que los divulgadores científicos aficionados de habla francesa en YouTube son percibidos, descritos y legitimados en el espacio mediático. A través del análisis de 176 artículos de prensa francesa entre 2016 y 2022, exploramos la construcción mediática de estos videógrafos asociados a “figuras”. El estudio revela cómo estos camarógrafos, expertos, entusiastas o activistas, influyen en la recepción pública de la ciencia, al tiempo que ilustra la diversidad de roles atribuidos al conocimiento científico en el espacio mediático.

Palabras clave

YouTube, divulgación científica, figura, legitimación, autoridad.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Blanchard Benoist « La médiatisation des vulgarisateurs scientifiques sur YouTube : figures et légitimation de pratiques en voie de professionnalisation », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°25/2, , p.83 à 97, consulté le lundi 8 décembre 2025, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2025/dossier/07-la-mediatisation-des-vulgarisateurs-scientifiques-sur-youtube-figures-et-legitimation-de-pratiques-en-voie-de-professionnalisation/

Introduction 

Depuis le début des années 2010, des vidéastes amateur·es ont pris YouTube (Assilaméhou-Kunz et Rebillard, 2022 ; Cormerais et Gilbert, 2019 ; Louessard et Farchy, 2018) comme un espace de diffusion de contenus de vulgarisation scientifique (VS). Si le phénomène est resté relativement confidentiel en France dans la mesure où, parmi ces chaînes, rares sont celles qui dépassent le million d’abonnés, il a été suffisamment remarquable pour que la presse nationale et régionale s’empare du sujet. Pour ces vidéastes, qui sont soumis aux mêmes injonctions de publitude (Allard et al., 2017) que les autres YouTubeur·ses, le statut particulier des contenus qu’il·elles transmettent pose des difficultés particulières : il·elles doivent rassurer leur audience sur l’exactitude des savoirs qu’il·elles transmettent tout en étant dans une tension régulière entre jouer le jeu du divertissement culturel et tenir un rôle d’autorité dans la passation de savoirs scientifiques. Ces vidéastes s’appuient sur des postures et des références culturelles qui construisent un ethos du·de la vulgarisateur·trice scientifique (Adenot, 2016). Mais d’autres influences construisent ou renforcent leur image comme c’est le cas pour le cycle du crédit (Latour et Woolgar, 1979), la mise en lumière de leur statut universitaire sur leur chaîne, l’appartenance à certains réseaux, ou comme nous allons le voir, à travers la réception médiatique de la presse.

La VS se caractérise par son effort d’extrême simplification du langage utilisé (Monvoisin, 2007), par une langue moyenne (Spies, 2019) et par la démystification de la science (Baur, 2021), recourant à des formats médiatiques de sociodiffusion (Jacobi et Schiele, 1988) à large audience, notamment par l’image (Spies, 2019) et par la verticalité de sa diffusion. Contrairement à la médiation, la VS n’a pas pour objet d’accompagner le public dans une démarche d’appropriation d’un savoir mais elle le diffuse de manière unilatérale en essayant d’atteindre le plus grand auditoire possible. En d’autres termes, la VS est unidirectionnelle, tandis que la médiation permet un échange (Kleine, 2020, in Chevry Pébayle, 2021).

Ce caractère unilatéral de la VS ne se limite cependant pas à sa diffusion. Il se double d’un processus complexe de légitimation à travers les médias, où l’image des vidéastes de YouTube est façonnée et valorisée. En effet, bien que la VS semble privilégiée par rapport à d’autres formes de médiation plus institutionnelles 1, la manière dont les médias construisent et diffusent ses représentations reste largement inexplorée. Ces processus de représentation jouent un rôle crucial dans la manière dont les vidéastes sont perçu·es et défini·es par le public, contribuant à l’élargissement de leur légitimité en tant qu’acteurs scientifiques.

Dans cet article, nous proposons d’analyser les processus de légitimation des vidéastes amateur·es francophones de VS dans la presse écrite française, tant nationale que régionale, en version papier et numérique. Nous souhaitons démontrer que la construction médiatique des acteur·rices de la VS sur YouTube s’appuie sur des représentations qui jouent un rôle important dans la réception de leurs contenus et dans la manière dont les vidéastes sont perçu·es, défini·es et caractérisé·es dans le discours médiatique. Ces représentations participent à la construction d’un imaginaire collectif sur YouTube, le présentant comme un espace dynamique et novateur pour combler des lacunes scientifiques et combattre des phénomènes comme les fake-news, la méfiance envers les sciences, l’érosion de la confiance dans les institutions, etc. En mettant en lumière ces processus de légitimation, nous montrons de quelle manière la presse valorise la VS sur YouTube et contribue à définir l’image des vidéastes et de leurs productions dans l’espace médiatique.

Nous nous pencherons sur le traitement médiatique de la VS sur YouTube à travers 176 articles de presse pour comprendre de quelle manière la plateforme YouTube et le travail d’un échantillon de vulgarisateur·trices scientifiques y sont décrits, afin d’examiner si ce traitement contribue à valoriser leur travail et à légitimer leur discours.

Nous formulons l’hypothèse que les médias, tant au niveau national que local, participent à la construction de figures de YouTubeur·ses spécialisé·es dans la VS. À l’instar d’Eliseo Verón qui analyse la façon dont les médias participent activement à la construction de l’événement lui-même (1981), nous montrerons que ces représentations médiatiques contribuent, d’une part, à leur légitimation scientifique, en les rapprochant de la figure de l’expert (Paradeise, 1985), d’autre part, à la valorisation de leur démarche sur YouTube, en les positionnant comme des modèles incarnant des symboles d’un idéal où l’engagement personnel et la passion pour la science s’entrelacent avec des valeurs d’émancipation et de liberté. La médiatisation façonne les figures en leur attribuant une lisibilité et une autorité sociale qui vont au-delà de leur seule expertise (Verón, 1981). Dans le cas des vulgarisateurs·trices scientifiques, la presse participe à cette élaboration en leur conférant une place particulière dans l’espace médiatique, oscillant entre celle du spécialiste et celle de la figure héroïque amateur. Définie par Yves Jeanneret comme l’« accumulation de capital symbolique, d’une cristallisation de valeurs autour du nom d’un auteur ou du titre d’une œuvre » (1982, Introduction), la notion de figure permet de rendre compte de cette cristallisation et de la manière dont elle influence et oriente le travail des vidéastes, mais aussi de comprendre la manière dont ce dernier est interprété. Ces figures sont ainsi associées à des idéaux qui conjuguent une vision idéalisée de l’engagement personnel et les valeurs d’une société contemporaine, où l’idéal du talent (Allard et Cordier, 2017) constitue l’un des fondements du modèle économique de la plateforme YouTube.

Par cet article, nous souhaitons mettre à jour ce qui constitue le processus de légitimation des vidéastes de VS situé·es en dehors des cadres académiques et la construction de leur expertise scientifique d’abord dans l’espace médiatique puis dans l’espace public. À cette fin, nous décrirons la méthode employée pour l’extraction et l’analyse du corpus, nous présenterons les résultats et nous conclurons par une discussion qui rendra compte de notre interprétation de ces derniers.

Identifier les vidéastes et leur positionnement dans la presse

Constitution de corpus et grille d’analyse

Nous avons identifié et sélectionné un corpus d’articles issus de la presse nationale et régionale française traitant de l’activité et des productions de quatorze chaînes de vulgarisation scientifique amateur francophone sur YouTube. Cet échantillon rassemble les vidéastes suivants : « Castor Mother », « Le Réveilleur », « Le Sense of Wonder », « Melvak », « Primum Non Nocere », « Science4all », « Sciences de Comptoir », « Scilabus », « Climen », « Entracte Science », « Mr. Sam », « ScienceClic », « Strange Stuff and Funky Things » et « Tania Louis ». Pour constituer cet échantillonnage, nous avons retenu plusieurs critères : les chaînes devaient être actives en juin 2022, comptabiliser plus de 15 000 abonnés, traiter de sujets relevant des sciences analytiques et de la nature (exception faite de « Mr. Sam ») et être affiliées à l’association Le Café des Sciences (exception pour « ScienceClic »).

Nous avons constitué un corpus de 176 articles de la presse française, extraits via la base Europresse, pour la période du 14 mars 2016 au 11 avril 2022. Cette sélection repose sur une recherche par mots-clés, incluant les noms des chaînes de l’échantillon ainsi que ceux des vidéastes lorsque ces derniers sont connus. L’analyse du corpus s’appuie sur une approche majoritairement quantitative, combinant des méthodes chronométriques, textométriques et sémantiques à l’aide des logiciels « Lexico5 » et « Tropes », ainsi qu’une analyse du discours. Ces outils permettent d’examiner l’évolution des figures dans le temps et de mettre en lumière les processus de légitimation à l’œuvre dans les articles étudiés.

Analyse quantitative du corpus des articles de presse

Tous les vidéastes n’occupent pas les mêmes positions dans les articles et les modalités d’apparition y sont multiples. Il apparaît ainsi indispensable de distinguer celles et ceux qui se trouvent au cœur de l’article (par exemple lors d’un portrait) de celles et ceux qui y occupent une position plus marginale (cité dans le papier comme simple exemple). En nous appuyant sur des indicateurs présents dans le discours (citations, place accordée dans l’article, simple référence ou sujet central, etc.), nous avons attribué des catégories aux vidéastes en fonction de leur statut dans l’article et du rôle que leur assignent les journalistes. À cette fin, nous nous appuyons sur la notion de « saillance », que Frédéric Landragin définit comme étant « la mise en avant d’une entité par rapport à d’autres entités » (2021, p. 50). Ce concept traduit une hiérarchisation dans l’énonciation des individus référencés dans un discours, en fonction non seulement de la fréquence de leurs apparitions, mais aussi de la forme et de la position qu’ils occupent dans le texte. Ainsi, nous avons identifié cinq catégories de saillance des vidéastes dans les articles 3 :

  • Sujet : le·la vidéaste est l’objet principal de l’article ;
  • Témoin : son expérience sert à illustrer ou enrichir un angle d’analyse ;
  • Expert : il·elle oriente le débat ou tranche une question, jouant ainsi un rôle d’autorité ;
  • Lien : il·elle établit un pont avec un autre sujet, un collectif ou une programmation, etc. ;
  • Mention : il·elle est cité·e pour illustrer ou incarner un des objets de l’article. 

Grille d’analyse de discours des articles par vidéaste

Pour analyser notre corpus, nous utilisons une grille d’analyse de discours qui nous renseigne sur la manière dont se construisent :

  • Les identités (récit, parcours de vie) ;
  • Les compétences scientifiques attribuées aux vidéastes ;
  • La fiabilité du message transmis ;
  • La fiabilité du·de la messager·e ;
  • Les compétences des vidéastes en VS et leur efficacité, sur la base d’indicateurs d’audience, de posture politique (Douyère & Ricaud, 2019), qu’ils soient perçus comme artisans ou connaisseurs (Flichy, 2010).

La notion de compétence est définie par Najoua Mohib et Michel Sonntag (2004) selon trois dimensions ; la capacité, c’est-à-dire le pouvoir faire, la performance et le savoir. Selon ces auteurs, il est impossible d’aborder la compétence sans considérer le pouvoir d’agir, qui est accordé par une figure d’autorité (ici, les journalistes). Lorsque cette action autorisée se révèle efficace, elle devient synonyme de légitimité : « la compétence ne désigne pas seulement un savoir-faire efficace, mais aussi un savoir-faire autorisé ; elle confère un pouvoir d’intervention dans un champ d’action délimité » (Mohib et Sonntag, 2004, p. 4). 

Analyses automatisées

Pour analyser les occurrences de mots et la fréquence d’association de deux termes (cooccurrences), nous avons utilisé le logiciel Tropes (Landré et Molette, 2018), un outil gratuit sous licence dédié à l’analyse sémantique de contenu, ainsi que le logiciel Lexico5 (Salem et SYLED-CLA2T, s.d.), un logiciel gratuit (sous conditions) sous licence, spécialisé en statistique textuelle ou textométrique. L’étude des occurrences et cooccurrences a donné la possibilité d’identifier la prégnance d’une certaine conception d’un phénomène à travers les rapprochements sémantiques et l’omniprésence de certains termes, révélant ainsi des structures paradigmatiques sous-jacentes. 

Médiatisation et médiation

Issus de la confrontation du corpus et des outils d’analyse, les résultats présentés 4 répondent aux questions suivantes :

  • Comment la plateforme YouTube est-elle perçue ? Cette image profite-t-elle au traitement médiatique des vidéastes ? 5
  • Les articles de presse contribuent-ils à valoriser le travail et légitimer le discours des vidéastes de VS ? Et si oui, comment ? 
  • Existe-t-il des indices nous renseignant sur les effets réels, c’est-à-dire mesurables, de cette VS sur ses récepteurs finaux ? 

La perception de YouTube dans les articles du corpus

Le nombre d’occurrences du mot « YouTube » est de 371 pour l’ensemble du corpus. Et si YouTube peut être qualifié de « plateforme » (31 occurrences), de « média », de « canal de contact », « juste un espace où déposer ses vidéos », de « repaire », d’« endroit », de « site », de « réseau social », de « communauté » : il est, d’une manière générale, présenté comme un espace de stockage et une interface de contenus (le groupe nominal « Sur YouTube » apparaît 106 fois dans le corpus).

Cependant, le site est également perçu de manière plus étendue et éclaire sur ce qu’il peut représenter. Tout au long du corpus, le site est régulièrement associé à :

  • une prise de risque aux retombées positives et épanouissantes, comme le tremplin d’une activité qui bouleverse et engage une vie : « Commencer YouTube a, sans aucun doute, été une des meilleures idées que j’ai pu avoir dans ma vie » (annexe 1 : propos d’une vidéaste rapporté par la journaliste),
  • un espace social, le miroir de la société : « YouTube n’est qu’une version miniature de la société » (annexe 2 : propos d’une vidéaste rapporté par la journaliste), « YouTube est une communauté » (annexe 3 : propos de la journaliste),
  • une entreprise, un empire commercial, voire une entité philanthropique :« mission de YouTube qui est de rendre l’information disponible au plus grand nombre » (annexe 4 : propos de la directrice de YouTube France rapporté par le journaliste),
  • une arène d’expériences, notamment professionnelles : « YouTube, terrain de jeu des vulgarisateurs » (annexe 5 : propos de la journaliste),
  • un dispositif fait de règles et d’usages :« Sur YouTube, le ton humoristique peut servir de passerelle pour parler des sujets sérieux » (annexe 6 : propos de la journaliste), « YouTube est fait de codes qu’il faut maîtriser » (annexe 7 : propos de la journaliste),
  • un terme propre à être clamé comme un slogan (Maingueneau, 2012, concept d’« aphorisation »). Ici, YouTube devient polysémique, pour garantir une « ouverture référentielle maximale » (Prak-Derrington, 2017, à propos du slogan « Je suis Charlie ») :« Elles font YouTube » (annexe 8 : nom d’un programme cité par la journaliste),
  • un média dissident de communication de masse : « YouTube aujourd’hui me rappelle les radios libres » (annexe 1 : propos d’un vidéaste rapporté par la journaliste).

Dans le corpus analysé, nous avons identifié un ensemble de verbes associés à YouTube, lesquels décrivent à la fois les aspects passifs et actifs de la plateforme, ainsi que son impact sur les utilisateur·trices et les contenus. YouTube est ainsi présenté comme un espace dynamique et une entité influente, qui régule et façonne les contenus et les interactions. Le site apparaît comme un intermédiaire puissant entre les créateur·trices, les contenus et le public, tout en étant l’objet de critiques concernant ses pratiques de filtrage et de mise en avant :

  • aspect passif : YouTube est perçu comme un contenant. Des verbes comme « déborde » ou « prend du poids » suggèrent que la plateforme est perçue comme un espace immense, quasiment saturé de contenus, hors de contrôle,
  • aspect actif : YouTube est perçu comme un agent. Les verbes comme « permet », « bloque », « suggère », « met en relation », « déploie », « promeut », « offre », « considère » montrent comment YouTube joue un rôle direct dans la facilitation ou la restriction de certaines actions. La plateforme est décrite comme une entité qui régule les interactions entre les utilisateur·trices (par exemple, par l’algorithme de suggestion), tout en offrant des opportunités et en façonnant les comportements.

Cette analyse des articles sur YouTube révèle une perception multidimensionnelle de la plateforme. D’une part, YouTube est souvent présenté comme un espace de stockage et une interface de contenus, avec des désignations telles que « plateforme », « réseau social » ou « communauté ». Cependant, au-delà de cette fonction technique, le site est également perçu de manière plus complexe, reflétant des dimensions sociales, professionnelles et économiques. Il est vu comme un tremplin pour des carrières et une arène reproduisant ses dynamiques sociales. En tant qu’entreprise influente, fixant ses propres règles et usages, YouTube joue un rôle clé d’intermédiaire entre les créateurs et leurs audiences.

Données de corpus

Les deux tableaux suivants présentent la répartition des catégories au sein de l’ensemble du corpus, selon les genres journalistiques et pour les vidéastes de l’échantillon. Il est à noter qu’une des chaînes de l’échantillon n’apparaît dans aucun article. Les pourcentages figurant en ligne B2:F2 indiquent les proportions d’articles correspondant à chaque catégorie dans l’ensemble du corpus. Ceux présents en A3:A6 illustrent les proportions d’articles selon leurs genres dans le corpus. Enfin, les pourcentages en B2:F6 montrent la répartition des articles en fonction de leur genre, selon la catégorie à laquelle appartiennent les vidéastes. Les données remarquables sont mises en évidence en italique.

A B C D E F
1 Mention Lien Témoin Expert Sujet
2 176 articles 38 (21%) 63 (36%) 4 (2%) 54 (31%) 17 (10%)
3 71 comptes-rendus (40%) 8 (21%) 41 (65%) 0 20 (37%) 2 (12%)
4 65 reportages (37%) 7 (18%) 7 (11%) 4 (100%) 13 (24%) 0
5 31 enquêtes (18%) 19 (50%) 14 (22%) 0 18 (33%) 14 (82%)
6 9 interviews (6%) 4 (11%) 1 (1%) 0 3 (6%) 1 (6%)

Figure 3. Répartition des étiquettes sur l’ensemble du corpus et par genre

Les données indiquent que les catégories « liens » et « experts » sont les plus représentées dans le corpus, atteignant respectivement 36 % et 31 %. En revanche, la catégorie « témoin » est presque inexistante (2 %) et n’apparaît que dans les articles de type « reportage ». La catégorie « expert » est principalement présente dans les articles de type « comptes-rendus » et  « enquêtes » (respectivement 37 % et 33 %), tandis qu’elle est proportionnellement moins présente dans les « interviews », genre représentant seulement 6 % des articles du corpus. Cela s’explique par le fait que les vidéastes de notre échantillon sont rarement les « sujets » des interviews (uniquement un article) et que ce genre a pour fonction de mettre en avant une personnalité. La catégorie « lien » domine dans les articles de type « comptes-rendus », ce qui est attendu, étant donné que ce genre consiste à mettre en lumière une information (ici, un contenu médiatique) en la rendant connectée à ses auteurs ou parties prenantes. La catégorie « mention » apparaît principalement dans les articles de type « enquête », ce qui est également prévisible, puisque ce genre implique une multiplication des sources et des références. 

Le second tableau représente la répartition des étiquettes pour chacun des vidéastes sur l’ensemble du corpus.

Vidéastes Mention Lien Témoin Expert Sujet Total
n°1 2 6 0 0 3 11
n°2 1 0 0 0 0 1
n°3 0 0 0 0 0 0
n°4 2 3 0 2 1 8
n°5 2 2 0 1 0 5
n°6 1 4 0 0 8 13
n°7 0 2 0 5 0 7
n°8 3 3 2 4 0 12
n°9 6 1 0 2 0 9
n°10 2 0 0 0 0 2
n°11 9 17 1 2 4 33
n°12 7 10 1 8 1 27
n°13 0 5 0 5 0 10
n°14 3 10 0 25 0 38
Total 38 63 4 54 17 176

Figure 4. Répartition des étiquettes pour chacun des vidéastes sur l’ensemble du corpus

Ces tableaux de synthèse, élaborés à partir de l’analyse croisée des grilles de discours des articles par vidéaste et des données du tableur du corpus, révèlent une répartition inégale des étiquettes attribuées aux vidéastes dans le corpus. L’étiquette « lien », qui désigne une médiation entre une figure et un contenu, est prédominante, mettant en avant leur expertise dans cinquante-quatre articles. Il ressort de cette analyse que les articles accompagnent l’acte de médiation en associant un nom à un contenu, tout en reconnaissant la crédibilité des vidéastes, tant pour leurs connaissances scientifiques que pour leurs compétences en VS. La figure de l’incarnation scientifique, via la mise en relation d’un contenu, d’un·e vidéaste et d’un médium, est utilisée par les médias à des fins de médiation scientifique, et cette figure est perçue comme experte dans près d’un tiers des articles. Ces éléments, en comparaison avec les autres étiquettes, constituent un résultat numériquement significatif.

La médiatisation de la VS sur YouTube dans les articles du corpus

Le logiciel Tropes nous permet de comptabiliser vingt-quatre occurrences pour le radical « médiat » qui mène à médiateur, médiatrice et médiation. D’une manière plus précise, le terme « médiateur » compte trois occurrences, le terme « médiatrice » compte huit occurrences et « médiation » n’apparaît qu’une seule fois.

Médiat* : 24

médiateur : 3

médiatrice : 8

médiation : 1

 

 

Vulgaris* : 214

Vulgarisateur* : 68

Vulgarisatrice : 12

Vulgariser : 10

Vulgarisation : 116

YouTubeu* : 149

YouTubeur* : 117

YouTubeuse* : 32

L’activité de communication scientifique sur YouTube est largement associée à de la « vulgarisation » et non à de la « médiation ». Le terme « vulgarisation » est très largement associé à « scientifique » (vingt relations sur Tropes). Les articles rapportent l’idée que la science à la télévision n’intéresse plus le public. YouTube apparaît comme une solution originale pour remédier à ce problème (54 références dans le corpus) : [On parle d’] « effet YouTube (…) À l’heure où la science à la télévision est moribonde, les vidéos sur Internet sont le nouvel eldorado des vulgarisateurs » (annexe 9 : propos de la journaliste). 

Il y figure ainsi une opposition marquée entre le média traditionnel qu’est la télévision, perçue comme dépassée, inadaptée ou délaissée et YouTube qui semble renouveler une approche de la transmission scientifique : « télévision vue comme sclérosée » (annexe 1 : propos de la journaliste), « De quoi clore le bec de tous ceux qui croient que la science n’intéresse pas le grand public, à commencer par les directeurs de chaînes de télévision et de radio. » (annexe 1 : propos de la journaliste), « cette nouvelle façon d’aborder la science. » (annexe 7 : propos du journaliste).

Ce renouvellement est assuré par une relève de vulgarisateur·trices jeunes et dynamiques (les articles du corpus ont ceci de commun qu’ils utilisent des verbes d’action) qui agissent par « passion » en faveur d’un public lui-même jeune. Si la passion comme gage d’authenticité reste à discuter, l’authenticité semble assurer une certaine fiabilité du message puisqu’elle rompt avec une image de la science perçue traditionnellement comme désincarnée ou inaccessible.

Voici les occurrences pour les radicaux « jeune » et « passion » :

jeune* : 116

Jeunesse : 7

Passion* : 77

Passionnant* (adj contenus) : 17

Passionne* (verbe) : 8

Passion* (nom) : 15

Passionné* (adj des youtubeurs) : 36

Les articles mettent en avant un langage simple d’accès qui déconstruit l’image d’une science jargonneuse. Les vidéastes de VS sur YouTube sont présenté·es comme des personnes sympathiques, accessibles et authentiques, une image qui, encore une fois, vise à aller à rebours de celle de la recherche prétendument située en dehors du monde ordinaire : « ce style est aussi une des raisons du succès de ces vidéos : C’est proche de l’interaction naturelle avec quelqu’un, lorsqu’on papote. » (annexe 10 : propos d’un vidéaste rapporté par le journaliste)

La référence à l’humour (trente-trois références dans le corpus) apparaît régulièrement comme un marqueur propre à la vulgarisation scientifique sur YouTube, de même que la capacité à surprendre l’auditoire par de nouveaux savoirs ou la déconstruction d’anciennes croyances bien ancrées. La VS sur YouTube possède tous les contours du divertissement sans pour autant mettre de côté ses atouts éducatifs, puisqu’il est rappelé que les vidéos proposent du contenu rigoureux, un peu comme le font les serious games (Fourquet-Courbet et Courbet, 2016). L’humour enfin est perçu à la fois comme un trait propre à la vidéo du genre YouTube et comme une technique de VS aidant au partage d’un savoir : « Apprendre, comprendre et transmettre. Sur YouTube, le ton humoristique peut servir de passerelle pour parler des sujets sérieux. » (annexe 6 : propos du journaliste).

L’analyse des articles met en évidence que les vidéos de VS sont principalement associées à la vulgarisation plutôt qu’à la médiation scientifique. Considéré comme une réponse à l’intérêt décroissant pour la science à la télévision, YouTube est perçu comme un espace innovant, moderne et dynamique, propice à l’émergence de nouveaux·elles vulgarisateur·trices, souvent jeunes et passionné·es. Ces créateur·trices parviennent à rendre la science plus accessible et engageante pour un public jeune, notamment par l’utilisation de l’humour et de codes de genre, en optant pour des formats plus attractifs et interactifs, à l’opposé des formats jugés austères de la télévision traditionnelle. Cependant, la vulgarisation scientifique sur YouTube ne se réduit pas à un sous-genre de la médiation scientifique. Les journalistes soulignent fréquemment la rigueur de la démarche des vidéastes et des indicateurs de légitimité confèrent une certaine autorité à leurs productions. 

La construction de la figure des vulgarisateurs scientifiques sur YouTube

Le corpus révèle plusieurs tendances et thèmes communs à l’ensemble du traitement des vidéastes. Si ces derniers sont généralement présentés comme des vulgarisateur·trices, certain·es sont également décrit·es comme des conteur·ses d’histoires, de « récits » (157 occurrences), d’expériences et de passions, chacun apportant une dimension spécifique à la communication scientifique sur la plateforme : « l’experte en animaux légendaires qui conte les histoires comme personne » (annexe 11 : propos de la journaliste). Cela contribue à une complémentarité de l’offre, une notion particulièrement présente dans les articles présentant des sélections de chaînes de vulgarisation scientifique. 

De nombreux articles valorisent la passion et l’authenticité des créateur·trices, les décrivant comme des figures dynamiques qui utilisent leur enthousiasme pour engager et éduquer leurs audiences, décrivant la transposition d’un « intérêt pour » à un « intérêt à » (Flichy, 2010) : « [Simon Rondeau] partage sa fascination (…). [Ses vidéos] disent toutes son attachement profond à la mer. » (annexe 5 : propos de la journaliste). Cette passion est souvent perçue comme un gage de crédibilité et de succès. Les journalistes insistent également sur le fait que les vidéastes ont les caractéristiques socio-démographiques des publics qui les regardent. 

La figure de l’expert·e, qu’elle soit envisagée sous l’angle de l’authenticité ou d’autres prismes, apparaît fréquemment et joue un rôle central dans la construction de la légitimité des vidéastes, en particulier en lien avec leur statut d’autorité. Cette légitimité se façonne différemment selon les situations personnelles des créateur·trices de contenu et le contexte spécifique dans lequel l’article s’inscrit. Elle se décline autour de deux dimensions principales : l’expertise scientifique et l’expertise en VS. Cette légitimité peut se fonder sur un parcours universitaire (qui n’est pas toujours bien connu des journalistes), un diplôme (réel ou perçu comme tel), un réseau, ou encore une activité professionnelle. Le contexte social ou individuel joue un rôle déterminant dans la manière dont les vidéastes sont perçu·es au fil du temps, évoluant ainsi d’un simple statut de vidéaste de VS à celui d’expert·e reconnu·e dans un domaine scientifique. Avec la crise sanitaire du Covid-19 par exemple, certaines disciplines ont été mises au-devant de la scène : la médecine, la virologie, mais aussi, la lutte contre les fake-news ou les théories pseudo-scientifiques. Une actualité peut aussi servir de point de départ pour invoquer une figure experte, de lien ou de témoin, comme c’est le cas avec la série d’articles (trois enquêtes) de William Andureau pour Le Monde (annexes 12, 13, 14). Il peut s’agir aussi de contextes individuels propres à y associer des mythes lorsque le parcours de vie d’une personne médiatique croise celui de récits initiatiques (parfois mythiques) intégrant la quête de soi, la quête de sens, le chemin menant à la prise de conscience, etc. Situés dans une époque de l’« âge narratif » (Salmon, 2007), ces articles proposent un récit proche du storytelling qui consisterait à mettre « en place des engrenages narratifs, suivant lesquels les individus sont conduits à s’identifier à des modèles et à se conformer à des protocoles. » (Salmon, 2007, p. 16).

Les figures légitimes de vidéastes

La réception critique de la presse concourt à valoriser la VS sur YouTube et à construire des figures légitimes des vidéastes. Pour cela, les articles attribuent du crédit à cette activité dès lors que :

  • la VS sur YouTube est présentée comme une formule renouvelant les codes de médiation d’une science perçue comme poussiéreuse et propre à un média dépassé (la télévision) ;
  • cette VS est assurée par une génération de jeunes vidéastes présenté·es comme passionné·es, connecté·es et sympathiques. Cela renforce l’idée d’un contenu authentique, branché à son époque, aux références modernes. La science est réappropriée par un réseau d’amateur·es rendu·es légitimes par leur popularité, leurs parcours et leur influence ;
  • ces vidéastes, par ailleurs compétent·es, semblent allier habilement rigueur scientifique et divertissement ;
  • les leviers principaux pour satisfaire les critères de divertissement sont l’humour et une approche renouvelée de certains savoirs populaires.

Que ce soit par des témoignages, propos rapportés ou ceux des journalistes, le terme « YouTube » renvoie à de nombreuses situations, processus ou référentiels. Il n’est pas possible de réduire l’ensemble des occurrences à une seule de ses facettes. YouTube est à tour de rôle une entreprise, un système social, une activité, un qualificatif, un réseau, un média, une arène démocratique porteuse d’une mission d’intérêt public, etc. Commun à tous ces usages au sein des articles, YouTube apparaît régulièrement comme une entité autonome très proche d’un agent ou d’un organisme vivant. YouTube est apte à considérer quelque chose, à suggérer, à promouvoir ou au contraire à bloquer, YouTube prend du poids, se déploie, déborde. Enfin YouTube est perçu comme un système facilitateur qui permet à ses usager·es de partager des savoirs, de se mettre en relation, de créer des réseaux professionnels ou militants, d’offrir des opportunités. Tout comme l’algorithme qui le constitue, YouTube est voilé de mystères ce qui engendre un brouillard sémantique autour de son identité. Néanmoins, de toutes ces représentations portées par ces différents contextes discursifs, l’image de YouTube demeure positive, quitte à lui prêter des intentions sociales démocratiques bien éloignées de son ambition commerciale initiale. À la lecture de ces articles, nous comprenons que YouTube est rassembleur, propose au visionnage des productions audiovisuelles gratuites, qu’il éduque, qu’il est un miroir du monde, ou encore qu’il propose un espace de liberté pour entreprendre, tester ou (se) découvrir.

Les vidéastes sont présenté·es sous divers aspects : expert·es, militant·es, passionné·es et innovateur·trices. Certain·es sont perçu·es par le prisme de l’engagement, utilisant leur plateforme pour aborder des questions sociales ou politiques, décrivant des vidéastes humanistes (Monvoisin, 2007), tandis que d’autres sont célébré·es pour leur créativité et leur capacité à rendre les sujets scientifiques plus accessibles et divertissants, notamment par des récits de jeunes talents (Allard et Cordier, 2017). Les articles insistent sur les effets positifs des vidéos sur les apprentissages et la prise de conscience des récepteurs finaux sur les grands enjeux de notre temps (politique, fake-news, sujets environnementaux). La manière de représenter ou de parler des vulgarisateurs scientifiques varie du statut d’expert·e d’une discipline ou de la médiation scientifique, à celui de la jeune personne passionnée portée par un fort désir de faire ses expériences et de naître à la vie médiatique ou politique. Ainsi, le traitement de certains vidéastes oscille entre une approche formelle, s’appuyant sur leur parcours académique ou leurs responsabilités actuelles et l’image d’un·e vidéaste bohème échappant aux contraintes de la vie quotidienne, en quête d’une identité personnelle et exposant ses passions comme un vecteur d’émancipation et de construction de soi.

Conclusion

Nous proposons deux figures qui synthétisent la construction médiatique de ces vidéastes dans la presse française du 14 mars 2016 au 11 avril 2022 2:

  • la figure éclairante, qui se décline à travers deux acceptions du terme « expert ». D’abord, dans son sens traditionnel, désignant celui ou celle qui est rendu·e habile par l’expérience (Trenel, 1985), mais qui a progressivement évolué vers une version plus contemporaine, celle de spécialiste (Sennett et Dauzat, 2009). Cette figure est ainsi associée à un savoir technique (Sintomer, 2008), intimement lié à deux paradigmes majeurs de notre société, la modernité et le progrès ; 
  • la figure inspirante, celle de l’« amateur », renvoie à l’image héroïque de l’individu passionné et désintéressé : une personne qui se donne sans compter, qui partage et collabore. Cette représentation s’est largement imposée lors des premiers âges d’internet, notamment à travers les communs (Cardon et Casilli, 2015). La figure encapacitée (Bullich, 2015) est valorisée dans son action de « démocratisation des compétences » (Adenot, 2016, p. 2). Elle s’affirme comme le porte-étendard d’une science à libérer et à restituer à la société. À l’image de jeunes justicières contemporaines, ces figures bousculent les codes établis, revendiquent leur liberté et incarnent l’avant-garde d’une révolution citoyenne en mouvement.
La figure « éclairante » La figure « inspirante »
Identité Experte, universitaire, reconnue Jeune, encapacitée, talentueuse
Légitimité Diplômée, expérimentée, Actrice de réseau Passionnée, engagée, bénéficiaire de réseau
Autorité Témoin, experte Sujet, mention
Compétence en VS Efficace, pédagogue, Sérieux Dynamique, Drôle, Léger

Figure 5. Synthèse des indicateurs construisant les figures présentées

Il est envisageable que cette « figure inspirante » puisse être subdivisée en deux sous-figures distinctes. Avec un échantillon plus large, il aurait sans doute été possible de différencier le traitement médiatique des vulgarisateurs et des vulgarisatrices. En effet, si la figure masculine, jeune et amateure, semble particulièrement liée à celle de l’héroïsme romanesque et de la liberté, la figure féminine, quant à elle, incarne plutôt la fraîcheur, la pétillance et la frivolité. Ainsi, nous pourrions opposer une figure masculine chevaleresque, investie d’une mission initiatique, à une figure féminine qui représenterait avant tout une ressource généreuse de divertissement, d’émerveillement et de légèreté visuelle, souvent construite autour d’une image pétillante, lumineuse et pleine de vitalité.

Ainsi, en guise de prolongement de notre analyse, il serait pertinent d’explorer plus en profondeur les dynamiques de pouvoir inhérentes à la construction médiatique de ces figures. En effet, si la figure inspirante se présente comme le vecteur d’une démocratisation des savoirs et d’une émancipation individuelle, il convient d’examiner dans quelle mesure les traits qui lui sont attribués ne participent pas à des logiques de représentation genrée qui renforcent des stéréotypes associés aux rôles traditionnels masculins et féminins. Pour ce faire, une comparaison systématique entre les représentations médiatiques des vidéastes masculins et féminins donnerait la possibilité d’identifier d’éventuelles inégalités dans la valorisation des profils, et ainsi de mesurer l’impact des stéréotypes de genre sur la légitimation des acteurs·trices de la vulgarisation scientifique. 

Notes

[1] Pour cela, nous nous fondons sur les chiffres d’audience des chaînes que nous étudions et nous les comparons avec d’autres chiffres d’audience ou de fréquentation de structures académiques de la médiation scientifique. Par exemple, le rapport d’activité 2022 d’Universcience (établissement public français issu du rapprochement en 2009 entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie) indique que le taux de fréquentation pour 2022 est de 2,1 millions d’entrées. D’un autre côté, la chaîne YouTube « Scienceetonnante » comptabilise environ 6,2 millions de vues pour ses vidéos de l’année 2022 et un total d’environ 9 500 commentaires (Socialblade, n.d.). Évidemment comparer ces seuls chiffres ne suffit pas à en tirer des conclusions, néanmoins ils constituent des données significatives de « mise en contact » d’un savoir avec une audience.

[2] Période allant du 14 mars 2016, date du premier article identifié dans le corpus, au 11 avril 2022, jour de l’extraction des données.

[3] Pour justifier cette classification, nous renvoyons les lecteurs à l’annexe 15 (disponible à cette adresse : https://doi.org/10.34847/NKL.4095MSRB) où nous prenons l’exemple de la vidéaste Vivian Lalande, créatrice de la chaîne « Scilabus », à qui nous avons attribué ces cinq catégories en fonction des différents statuts qui lui sont accordés dans les articles du corpus.

[4] Dans cet article, nous illustrons nos analyses par des extraits verbatim répertoriés sous la forme d’annexes et disponibles sur Nakala à cette adresse : https://doi.org/10.34847/NKL.4095MSRB

[5] Nous analysons la perception de YouTube à partir d’un corpus de presse sélectionné non pas pour son traitement de YouTube en tant que tel, mais parce qu’il traite de certain·es vidéastes présent·es sur la plateforme. Autrement dit, notre analyse porte sur la manière dont la plateforme YouTube est représentée dans un corpus où l’entrée principale est un échantillon de vidéastes, et non sur une étude exhaustive de la représentation médiatique de YouTube dans la presse.

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Auteur

Benoist Blanchard

Docteur associé au laboratoire MICA, Université Bordeaux-Montaigne. Sa thèse (2025) porte sur la vulgarisation scientifique pro-amateur francophone sur YouTube. Il est diplômé d’un Master Cinéma et Audiovisuel (Faculté des Sciences, Aix Marseille Université, 2007) ainsi que d’un Master en Sciences Politiques (Sciences Po Grenoble, 2017). Il est l’auteur de l’ouvrage « La vulgarisation scientifique sur YouTube, la science en émotions » (Un@ Éditions, 2025).
benoist.blanchard@u-bordeaux-montaigne.fr