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Paradoxes info-communicationnels et usages de l’expression sobriété numérique

19 Jan, 2024

Résumé

Cet article vise à explorer la diffusion info-communicationnelle de conflits normatifs (Hoang, Mellot, et Prodhomme, 2022) liés à l’injonction à la sobriété numérique (Bordage, 2019 ; Flipo, 2020) dans la presse professionnelle et la presse généraliste. La démarche s’appuie pour cela sur une analyse lexico-sémantique d’un corpus de 227 articles de presse parus entre janvier 2020 et mars 2022. Les univers sémantiques issus de l’analyse révèlent deux imaginaires contrastés de la sobriété numérique : celui du développement durable, propre à la presse du secteur public mais aussi de la communication, et celui de la transition écologique, davantage porté par la presse d’opinion et de vulgarisation scientifique.

Mots clés

Sobriété numérique – Responsabilité numérique – Paradoxes organisationnels – Imaginaires médiatiques – Analyse de discours

In English

Title

Imaginaries and communication paradoxes related to digital sobriety

Abstract

This paper aims at exploring the info-communicational diffusion of normative conflicts (Hoang, Mellot, and Prodhomme, 2022) related to the injunction to digital sobriety (Bordage, 2019; Flipo, 2020) in professional press and mainstream media. The approach relies on a lexico-semantic analysis of a corpus of 227 press articles published between January 2020 and March 2022. The semantic universes resulting from the analysis reveal two contrasting imaginaries of digital sobriety: that of sustainable development, specific to the press of the public sector but also of the communication, and that of the ecological transition, conveyed by the press of opinion and of scientific popularization.

Keywords

Digital Sobriety – Digital Responsibility – Organizational Paradoxes – Media Imaginaries – Discourse Analysis

En Español

Título

Imaginarios y paradojas info-comunicacionales de la sobriedad digital

Resumen

Este artículo tiene como objetivo explorar la difusión info-comunicacional de los conflictos normativos (Hoang, Mellot y Prodhomme, 2022) relacionados con el mandato a la sobriedad digital (Bordage, 2019; Flipo, 2020) en la prensa profesional y general. El enfoque se basa en un análisis léxico-semántico de un corpus de 227 artículos de prensa publicados entre enero de 2020 y marzo de 2022. Los universos semánticos resultantes del análisis revelan dos imaginarios contrapuestos de la sobriedad digital: el del desarrollo sostenible, propio de la prensa del sector público pero también de la comunicación, y el de la transición ecológica, más llevado por la prensa de opinión y divulgación científica.

Palabras clave

Sobriedad digital – Responsabilidad digital – Paradojas organizacionales – Imaginarios mediáticos – Análisis del discurso

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Dupré Delphine, Soubiale Nadège « Paradoxes info-communicationnels et usages de l’expression sobriété numérique », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°23/6, , p.71 à 85, consulté le vendredi 15 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2023/varia/paradoxes-info-communicationnels-et-usages-de-lexpression-sobriete-numerique/

Introduction

Cet article vise à explorer la diffusion info-communicationnelle de conflits normatifs (Hoang, Mellot, et Prodhomme, 2022) liés à l’injonction à la sobriété numérique (Bordage, 2019 ; Flipo, 2020) dans la presse professionnelle et la presse généraliste. De manière générale, la sobriété constitue l’un des leviers de la transition vers des sociétés neutres en carbone. Issue de traditions philosophiques prônant la tempérance, la sobriété vise une transition juste, « c’est-à-dire équitable dans le partage des efforts et des co-bénéfices » (Reghezza-Zitt, 2022, p.64). L’autolimitation de la production et de l’usage des différentes ressources doit permettre d’aboutir à un certain degré de « justice environnementale ».

Dans la sphère professionnelle, l’expression de sobriété numérique et ses implications concrètes paraissent peu compatibles avec les pratiques intensives observées (hyper connexion, multi-communication sur plusieurs supports, recours accru à la visioconférence, incitation au stockage, etc.). L’utilisation massive des dispositifs numériques ne devrait pas s’atténuer dans les années à venir avec le développement du télétravail renforcé par la crise sanitaire (Méda, 2022). De surcroît, la littérature scientifique comme la littérature « grise » prévoient une augmentation de la robotisation et de l’intelligence artificielle dans les organisations (Vion-Dury, 2016). Dans ce contexte, les conditions paraissent loin d’être réunies pour permettre aux organisations du travail d’adopter des pratiques numériques plus sobres, autrement dit moins énergivores et plus respectueuses de l’environnement. En dépit de ce constat, manifestement, les questions de « communication environnementale » se diffusent dans la sphère organisationnelle via la circulation des discours publics, politiques et médiatiques, comme le soulignent Allard-Huver et Simon : « Du point de vue des organisations au sens large – privées ou publiques –, nait alors la nécessité de s’aligner, de se positionner, voire de décider afin de mettre en place des solutions durables. Les discours et modes de mise en récit des organisations ont évolué et ont pris de l’ampleur, notamment suite à la définition du cadre réglementaire de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). » (2022, p.189). 

En dehors des évolutions règlementaires spécifiques de la RSE, les dispositifs médiatiques contribuent-ils à l’évolution des représentations des décideurs et des managers sur la « convergence des transitions écologiques et numériques et parmi ses dispositifs disciplinaires, la sobriété numérique » (Hoang, Mellot, et Prodhomme, 2022, p.19) ? De manière générale, Karen Moris considère par exemple que la presse est un vecteur puissant d’influence des dirigeants d’entreprise à cause des leviers que constituent l’information et la réputation : « Les répercussions de l’activité de la presse s’accroissent par les canaux de la réputation et de l’information. Des débats publics, sur des faits et des analyses qu’elle a proposés, entraînent une augmentation de la pression sur le dirigeant et une réduction de sa latitude discrétionnaire. » (2012, p.1). En effet, les médias ont une fonction prescriptive, dans la mesure où les représentations qu’ils véhiculent construisent un système de normes qui modèlent nos perceptions et nos actions (Coulomb-Gully, 2010). Les discours issus de la presse constituent, de ce fait, des sources d’inspiration pour les managers et les décideurs amenés à élaborer des politiques en matière de sobriété numérique au sein de leurs organisations.

En partant de cette approche, nous considérons que ce que la presse professionnelle et généraliste produit et diffuse à propos de la sobriété numérique peut constituer pour les professionnels et les décideurs un discours socialement normatif. Nous nous intéressons ici plus spécifiquement à la façon dont la presse générale et la presse professionnelle traitent de la sobriété numérique dans le cadre de la transition écologique, dans un contexte politico-économique où les entreprises doivent à la fois accroître leur efficacité économique et respecter des engagements environnementaux par le développement numérique. Comment en particulier la presse professionnelle représentative des secteurs public et privé rend-elle compte de ce paradoxe fondé sur la double injonction à la productivité et à la responsabilité environnementale ?

À propos de quelques travaux sur la sobriété numérique

De la valorisation de l’économie « immatérielle » à la reconnaissance des coûts environnementaux du numérique

Nombre de discours politiques et techniques présentent les dispositifs numériques comme vecteurs de développement d’une économie « immatérielle » fondée sur la valeur des connaissances produites, mais aussi sur la transition environnementale (Flipo, 2020 ; Defontaine, 2020). Longaretti et Berthoud (2021) avancent que « l’idée de la convergence entre transition écologique et transition numérique fait son chemin au point aujourd’hui d’apparaître comme une évidence pour nos dirigeants. » (p.90). Le numérique favoriserait ainsi l’avènement d’une société du « zéro papier », du « zéro déplacement » et du « zéro matière » (Rodhain et al., 2017). A l’opposé, de nombreuses études soulignent que les atteintes environnementales imputables au numérique s’échelonnent sur toute la durée du cycle de vie des dispositifs, de l’extraction des métaux indispensables à leur fabrication, aux usages quotidiens puis au recyclage (Ferreboeuf, 2019). Ces travaux rappellent ainsi que l’extraction des métaux rares utilisés pour la fabrication des outils numériques s’avère polluante et fortement consommatrice en eau. De surcroît, les gisements s’amenuisent et font peser des risques de rupture d’approvisionnement pour certains métaux, ils alimentent également de fortes tensions géopolitiques, notamment en Afrique (Flipo, 2020). D’autres recherches indiquent que les techniques d’information et de communication (Tics) absorbent une part non négligeable de la consommation d’électricité et émettent autant de gaz à effet de serre que l’aviation civile au niveau mondial (Berthoud, 2017). Le refroidissement des data centers ainsi que certains usages comme le streaming se révèlent particulièrement énergivores. Enfin, seule une infime partie des composants des Tics est actuellement recyclée et la majorité des déchets sont envoyés dans des décharges à ciel ouvert dans des pays en développement (Bihouix, 2017 ; Rodhain et al., 2017).

Le développement des discours sur la sobriété numérique

Des discours académiques et politiques en faveur de la « sobriété numérique » ont émergé conjointement au constat émanant des recherches sur les coûts environnementaux de la production et des usages numériques. La notion de sobriété provient de traditions philosophiques et écologiques anciennes (Flipo, 2020) valorisant la modération, la tempérance et la frugalité comme piliers pour des sociétés plus justes. Dans cette veine, la sobriété fait référence à une répartition égale et concertée des ressources (Villalba, 2016). Si elle peut être associée dans certains discours à l’austérité (Defontaine, 2020), la sobriété désigne également des modalités de mise en œuvre de la transition écologique qui n’aboutissent pas à une régression sociale (Rhegezza-Zitt, op. cit.), 

Cette expression est associée à des courants prônant la décroissance, dans la mesure où la sobriété est présentée comme « une alternative au bonheur matérialiste, une autre vision de « vie bonne », libérée des carcans techniques et consuméristes. » (Hoang et al., 2022, p.9). D’autres travaux ont également documenté les « externalités négatives » provoquées par la recherche d’une croissance économique toujours plus forte : inégalités d’accès aux ressources, destruction des écosystèmes, augmentation de la pollution, fragilisation des populations, etc. (Rist, 2017). Face à ces constats, la sobriété impliquerait de limiter la croissance à la seule satisfaction des besoins reconnus (Latouche, 2015). Dans les travaux qui associent sobriété et décroissance, l’incitation à produire de manière plus sobre permettrait de s’extraire des modes d’organisation inspirés du fordisme, et de mettre en œuvre des processus de production plus écologiques et pourvoyeurs d’emplois (Gadrey, 2019). La sobriété serait également à la source de politiques favorisant le recyclage, le développement de l’activité économique au niveau local et la restructuration des filières de production.

Concrètement, en ce qui concerne les usages des Tics dans les organisations, « un comportement numérique sobre consiste essentiellement à acheter les équipements les moins puissants possibles, à les changer le moins souvent possible, tout en réduisant les usages énergivores superflus (pièces jointes volumineuses, vidéo, etc.) » (Flipo, 2020, p.32). Des guides détaillés ont également été élaborés par le groupe de recherche coordonné par Vincent Courboulay, enseignant-chercheur en informatique, au sein de l’Institut du Numérique Responsable (INR)1.

Paradoxes organisationnels

Les débats académiques et politiques sur la pollution numérique n’ont pour l’instant que peu de retentissement concret sur les pratiques quotidiennes de consommation et d’utilisation des Tics, notamment en contexte professionnel. Nonobstant la large diffusion de discours prônant l’engagement individuel et collectif dans des usages numériques plus sobres, les politiques publiques des pays de l’OCDE encouragent les entreprises à miser sur le déploiement numérique afin d’améliorer leur productivité et leur efficacité économique : « Les politiques peuvent jouer un rôle crucial en encourageant une plus large diffusion des technologies numériques dans l’économie et en apportant des réponses à ces défis. Des mesures relevant de divers domaines de l’action publique peuvent faciliter la diffusion des technologies numériques en renforçant les capacités des entreprises et les incitations qu’elles ont à adopter ces technologies, et améliorer par ce biais la productivité » (Perspectives économiques de l’OCDE, 2019, p.79). Dans un tel paysage micro, méso et macroéconomique, les prescriptions en matière de sobriété numérique ont alors peu de chance de susciter l’adhésion des acteurs dans les organisations, car elles sont susceptibles de créer des injonctions paradoxales entre les incitations à la modération des usages et les pratiques intensives des techniques numériques mises en lumières dans plusieurs recherches. 

Partant de ce cadre, nous cherchons à analyser dans quelle mesure et de quelle manière les discours sur la sobriété numérique, notamment lorsqu’ils sont repris par les médias, traitent de ces aspects paradoxaux pour les organisations. 

La question des paradoxes organisationnels et des discours qui visent à les désamorcer a inspiré de nombreux travaux dans la littérature en sciences de l’information et de la communication, notamment en communication des organisations (Floris, 1996 ; Bouillon et Maas, 2009 ; Heller, Huet et Vidaillet, 2013). Krieg-Planque (2010) a plus spécifiquement étudié la manière dont les contradictions liées aux problèmes environnementaux peuvent être désamorcés et invisibilisés dans les discours politiques, économiques ou techniques. La formule « développement durable » est mobilisée comme un « opérateur de la neutralisation de la conflictualité », permettant ainsi de concilier des exigences et des enjeux contradictoires. L’auteure avance que « cette formule se déploie en produisant des effets d’évidence, non sans avoir au préalable dissimulé la contradiction qui constitue son soubassement. » (p.19). Reprenant cette orientation, nous supposons que les discours actuels – qu’ils soient politiques, médiatiques ou professionnels – associés à la « sobriété numérique » sont marqués par des processus de neutralisation de la conflictualité, d’appel à la responsabilité individuelle et d’euphémisation des contraintes organisationnelles. L’euphémisation est définie par Geneviève Guilhaume comme un travail symbolique de dissimulation des contradictions et des paradoxes (2013, p.109).

La presse professionnelle, spécialisée et généraliste comme terrain d’exploration de discours euphémisants

Nous avons choisi de prendre comme terrain d’exploration les discours issus de deux catégories de presse : la presse destinée à des lecteurs professionnels – presse destinée aux managers (comme par exemple Stratégies, Challenges, Management, Workplace Magazin), aux communicants (E-Marketing, Mind Media, La Correspondance de la Presse…), aux acteurs du numérique (La revue du Digital, IT for Business…) et aux acteurs publics (Acteurs Publics…) –  et la presse dite généraliste (Le Monde, Le Figaro…). La presse professionnelle destinée aux managers façonne un ensemble de normes et de croyances qui alimentent la doxa gestionnaire (Olivesi, 2002). Une partie de la littérature managériale participe d’ailleurs au « cadrage des référentiels discursifs et comportementaux des managers autant qu’elle les reflète. » (Desmoulins et Le Moing-Mass, 2019, p.50). Étudier les discours dans la presse professionnelle permet ainsi de comprendre « comment une idée, un discours gestionnaire, fait son chemin et s’impose comme allant de soi dans les représentations et les pratiques des responsables opérationnels » au sein des organisations (Ughetto, 2002, p.100).

Le corpus a été complété par des articles provenant de la presse générale, et cela pour deux raisons. Premièrement, comme l’indiquent Desmoulins et Le Moing-Maas (2019), les représentations qui accompagnent les croyances et les bonnes pratiques managériales sont façonnées par des discours d’une portée plus générale, qui se trouvent dans le « bain culturel » propre à une époque. La compréhension de ce « bain culturel » implique de tenir compte des discours sur la sobriété numérique diffusés par les médias généralistes (tels que La Croix, Libération, L’Humanité, etc.). Deuxièmement, dans une démarche comparative, est-ce que la presse professionnelle et spécialisée se distingue de la presse généraliste quant à la prise en compte des paradoxes communicationnels et organisationnels propres à la sobriété numérique ?

Une démarche d’analyse lexico-sémantique

La constitution du corpus

Une recherche a été effectuée dans la base de données Europresse à partir des mots-clés « sobriété numérique », « numérique sobre » et « numérique responsable ». Le corpus final se compose de 227 articles collectés d’une part dans la presse généraliste et d’opinion (Libération, Le Monde, etc.) mais aussi de vulgarisation scientifique (comme Sciences et Vie) destinée au grand public (98 articles), et d’autre part dans la presse professionnelle et spécialisée (129 articles) dédiée à des publics spécifiques (élus locaux, acteurs publics, acteurs de la fonction publique territoriale, professionnels de la communication, etc.). Les articles retenus ont été publiés entre janvier 2020 et mars 2022, soit pendant la crise sanitaire. Le développement du travail à distance et la recrudescence des usages des techniques de communication font de cette période un terrain propice à l’étude des discours sur la sobriété numérique.

L’analyse lexico-sémantique du corpus

L’analyse automatique du corpus textuel n’est pas prédéfinie par les hypothèses du chercheur, ce qui la rend par là-même adaptée à un travail d’exploration d’univers sémantiques, notamment dans le champ des imaginaires médiatiques (Damome et Soubiale, 2018). Il s’agit effectivement d’identifier ici les caractéristiques d’imaginaires professionnels et médiatiques de la sobriété numérique, contrastés en fonction de leur contexte d’énonciation spécifique (ici la presse professionnelle vs la presse grand public). Le corpus a ici fait l’objet d’une analyse lexico-sémantique à l’aide du logiciel Alceste (« Analyse des Lexèmes Cooccurrents dans un Ensemble de Segmentations du Texte Étudié », Bart, 2011). Conçu par Max Reinert dans les années 80, ce logiciel permet d’établir des classes lexicales par regroupement d’occurrences de termes qui forment des univers sémantiques spécifiques. Alceste donne aussi la possibilité de caractériser les classes selon leur contexte d’énonciation spécifique (la presse généraliste vs la presse spécialisée ; la date de parution des articles). Chaque classe correspond à une liste de formes lexicales (substantifs, adjectifs, verbes, adverbes…) significativement présentes, ou au contraire significativement absentes dans celle-ci. Les cooccurrences de termes permettent de mettre à jour des « classes » ou « mondes lexicaux » (Leblanc, Fleury et Née, 2017 ; Marty, 2019), qui sont représentés graphiquement dans un dendrogramme, comme le montre la figure suivante issue de l’analyse de notre corpus :

Figure 1. Dendogramme des classes

Les segments de texte du corpus retenus par le logiciel pour analyse ont été répartis en 5 classes lexicales qui représentent différentes « dimensions » des discours associés à la sobriété numérique dans les articles de presse étudiés. Nous présentons ci-après l’interprétation du contenu de ces 5 classes correspondant chacune à des univers sémantiques spécifiques des discours de presse sur la sobriété numérique.

Les univers de l’imaginaire de la sobriété numérique dans les discours de la presse généraliste et de la presse professionnelle

Premier univers sémantique : la sobriété numérique au niveau organisationnel

Un premier univers sémantique regroupe trois classes lexicales. Une première classe de cet univers 2, la plus importante puisqu’elle rassemble 25,09% des segments de texte analysés, renvoie à des discours qui enjoignent les acteurs à la mise en œuvre de solutions concrètes et techniques de la sobriété dans les organisations des secteurs privé et public, comme le montre un ensemble de termes 3 relatifs à des méthodes, processus et actions : « écoconception numérique », « entreprise », « service », « action », « démarche », « bonnes pratiques », mais aussi « projet », « référentiel », « guide », etc. Ces registres sémantiques présentant la sobriété numérique sous l’angle des solutions techniques apparaissent le plus souvent dans la presse professionnelle spécialisée en informatique 4, mais aussi dans la presse professionnelle des acteurs publics et dans la presse spécialisée de la fonction publique territoriale 5, comme on peut le lire dans l’extrait suivant :
« La mission, chargée de définir et animer la politique de sobriété numérique de l’État, a remis l’un de ses premiers livrables : un guide. Adopter le principe de sobriété comme guide de la transformation numérique de l’administration et orienter la commande publique vers des équipements et services numériques écoresponsables. Telle était la préconisation du Conseil national du numérique dans son rapport sur la feuille de route numérique et environnement du gouvernement. Presque un an plus tard, la mission Green Tech copilotée par la Direction interministérielle du numérique et le MTES, dévoile enfin son premier livrable. Elle vient de publier un guide sur les achats numériques responsables, aussi bien en matière d’équipements (ordinateurs, tablettes) que de logiciels. » (Extrait de l’article « Les achats numériques de l’État se mettent au vert », publié le 6 mai 2021 dans Acteurs Publics).

Les registres lexicaux et sémantiques utilisés pour qualifier la transition écologique présentent une connotation positive caractéristique de ce que De Gaulejac et Hanique (2015) ainsi que Vandevelde-Rougale (2017) qualifient de « novlangue managériale ». Ce concept renvoie à des discours qui véhiculent la vision du monde et les valeurs des dirigeants. D’après Agnès Vandevelde-Rougale, la novlangue managériale a une fonction idéologique. Elle s’impose comme une évidence et entrave l’expression des contradictions et des conflits vécus au quotidien. Dans les discours de notre corpus, il est ainsi question « d’éthique », « d’inclusion », de « performance » ou encore de « développement durable ». De manière emblématique, le terme de « numérique responsable » prévaut sur celui de « sobriété numérique », connoté négativement. L’adoption de pratiques organisationnelles vertueuses et le recours aux techno-solutions visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique sont les principales références de cet univers discursif. Le champ sémantique du coût environnemental du numérique est quant à lui significativement absent de cet environnement discursif (« CO2 », « gaz à effet de serre », « émissions », « augmenter », « polluer » ne caractérisent pas cette classe), ce qui conforte l’idée que ce type de discours professionnels sur la sobriété numérique relève d’une novlangue managériale qui minimise les coûts environnementaux de l’activité économique.

Une deuxième classe 5 de cet univers sémantique regroupe 17,74% des segments de texte analysés et appartient à l’univers de la communication, des médias et du marketing : « marque », « publicité », « annonceur », « média ». Ce monde lexical est issu principalement de la presse professionnelle de la communication et du monde économique 6. Ces discours abordent les « crises » qui ont traversé ce secteur et les « transformations » nécessaires pour y remédier. Ces dernières font référence à l’effondrement des recettes publicitaires des médias numériques pendant la crise sanitaire et aux accusations à l’encontre du secteur publicitaire portées par la convention citoyenne pour le climat. Il est en effet reproché aux industries publicitaires de favoriser un imaginaire de croissance insoutenable sur le plan environnemental du fait même qu’il crée artificiellement de nouveaux besoins de consommation 7.

Le numérique s’intègre dans une « stratégie » de responsabilité des entreprises (« RSE »), permettant de convaincre les clients, de légitimer le secteur et d’améliorer son image. La transition écologique ne représente pas une « obligation », ni une décision « punitive », mais bien une « opportunité ». S’il est question d’amorcer des changements, cela relève avant tout d’un « programme » pensé et anticipé. Néanmoins, les termes renvoyant à la mise en œuvre d’actions concrètes (« feuille de route », « bonnes pratiques », « appliquer », « usage », « référentiel »), font ici partie des absences significatives, tout comme ceux du champ lexical relatif aux conséquences négatives des activités numériques (« gaz à effet de serre », « énergivore », « CO2 », « empreinte environnementale »). Les difficultés pouvant émerger lors de la mise en œuvre de mesures écologiques (« coût », « impact ») figurent également dans les absences significatives, ce qui suggère là encore qu’un procédé d’invisibilisation des conséquences les plus négatives de l’empreinte environnementale du numérique est à l’œuvre dans ce type de discours.

Nous retrouvons dans ce monde lexical les caractéristiques d’un discours managérial fondé sur deux logiques opposées, puisqu’il est par exemple tout à la fois question de « décroissance » et de « relance » ou encore « d’innovation » et de « low tech ». Ces éléments sont typiques des énoncés sur le « développement durable » qui neutralisent les contradictions, comme l’illustre l’extrait d’article suivant caractéristique de cette classe :
« Finalement, l’objectif est de contribuer à cette nouvelle révolution responsable, en initiant un impact positif sur la société et en réussissant à concilier croissance, création de valeur et bien commun conclut-elle. » (Extrait de l’article « Le green en régie : comment les médias participent à une communication plus responsable ? » publié le 16 juin 2020 dans E-marketing).

Dans cette classe, le champ lexical traitant de « décroissance » et de « sobriété » est à l’occasion connoté négativement (usage de qualificatifs comme « mauvais »). Une grande partie de la presse professionnelle qui emprunte à ces discours gestionnaires tend ainsi à disqualifier les courants de pensées qui proposent des visions du monde alternatives au néolibéralisme économique (De Gaulejac et Hanique, op. cit.), notamment ceux qui sont associés à la décroissance.

Une troisième et dernière classe 8 de ce premier univers de représentations regroupe 17,19% des unités de contexte élémentaires du corpus. Elle fait référence au champ lexical de la loi, et renvoie aux procédés de régulation institutionnelle de la sobriété numérique. Les segments qui s’y rattachent sont plutôt issus de la presse professionnelle des acteurs de l’environnement et engagés 9, mais certains articles de la presse professionnelle des acteurs publics mentionnent aussi ces thématiques légales et institutionnelles. Dans ce monde lexical, apparaissent des termes caractéristiques de l’univers institutionnel : « sénat », « proposition », « feuille de route », « commission », « réguler », « adopter ». Il y est également question des différentes étapes d’un processus législatif en cours d’élaboration : « mesurer », « évaluer » puis « déposer » un « texte de loi » pour « contraindre » voire « interdire » certaines actions.

D’après Charaudeau (2011), les termes employés dans les discours médiatiques pour qualifier des phénomènes constituent les indices d’univers idéologiques spécifiques. Dans cette classe, il est moins question de « numérique sobre » que de « green tech » ou de « numérique vert ». La transition numérique n’est donc pas remise en cause, mais l’objectif est de « l’aménager » et de la « verdir », en mettant notamment l’accent sur la lutte contre l’obsolescence et sur l’incitation au « réemploi » des dispositifs numériques. Les discours de cette classe font écho aux analyses sur la formule « développement durable » qui conjugue symboliquement les impératifs de croissance et de transition écologique, tout en neutralisant les contradictions inhérentes à cette double injonction. La présence de cette formule dans les discours de la presse destinée aux acteurs publics révèle un attachement à la notion de « développement » et à ses implications concrètes. Selon Rist (2017), le qualificatif « durable » s’inscrit dans une stratégie ayant pour objectif de « donner un nouvel élan à la notion de “développement” », de convaincre de son bien-fondé et d’inclure dans ses objectifs ce qui lui avait jusqu’ici échappé pour qu’il devienne “durable” et “humain” » (p.134).

Il existe également une tendance à ce que Bihouix (2017) qualifie de techno-optimisme, notamment dans les discours qui promeuvent le numérique comme levier essentiel d’une politique de transition écologique sans tenir compte des impacts environnementaux de ces techniques. Un autre extrait d’article emblématique de ce monde lexical illustre le techno-optimisme, il provient cette fois-ci de la presse généraliste :
« Le numérique sera-t-il un élément du plan de relance qui sera annoncé dans les prochains jours ? Évidemment. Le numérique est une force de l’économie française qui doit nous aider à rebondir. » (Extrait de l’article « Cédric O : la transition écologique a besoin du numérique », publié le 21 août 2020 dans Le Figaro).
Les termes significativement absents de cette classe (« consommation », « émissions », « carbone », « énergie », « crise », « consommer », « électricité ») indiquent ici à nouveau un procédé d’invisibilisation des conséquences environnementales du numérique.

Deuxième univers sémantique : sobriété numérique et transition écologique

Les deux dernières classes 10 ont été catégorisées dans un second univers de représentations qui procède davantage de la presse généraliste et de vulgarisation scientifique. Si l’empreinte écologique du numérique y est mieux exposée et débattue que dans les discours managériaux du développement durable relayés dans la presse professionnelle, il n’en reste pas moins que les solutions envisagées restent davantage du ressort de la responsabilité des acteurs individuels que de la responsabilité organisationnelle et politique.

Au sein de cet univers de représentations, une première classe 11 se compose de 20,57% des segments de texte analysés. Elle est représentative des discours issus de la presse nationale et de la presse de vulgarisation scientifique. Ce monde lexical décrit de manière explicite les conséquences du dérèglement climatique, avec des termes comme « émissions », « carbone », « extraction », « pollution ». Le lien entre ces effets néfastes et les activités humaines est clairement établi, comme le met en valeur la présence de certaines formes : « consommation », « croissance », « transport (aérien) », « automobile » ou « agriculture ». L’existence d’un lexique associé au domaine du numérique montre que ce secteur est désigné comme faisant partie des activités humaines posant problème (« data center », « smartphone », « objets connectés », « pollution numérique »). Voici un extrait d’un article caractéristique de cette classe, issu de la presse de vulgarisation scientifique :

« Le numérique représente 2% de l’empreinte carbone des Français. Si rien n’est fait pour la limiter, elle pourrait atteindre près de 7% en 2040, soit 24 millions de tonnes de CO2 par an, un niveau bien supérieur à celui émis par le transport aérien avant la crise sanitaire. Les équipements en cause. Les phases de fabrication et de distribution des équipements numériques, largement importés d’Asie du Sud-Est, engendrent 86% de leurs émissions totales. (Extrait de l’article « Les clés pour comprendre la pollution numérique », publié le 27 juin 2021 dans Science & Vie).

Dans cette classe, et contrairement aux mondes lexicaux du premier univers sémantique, le terme « numérique responsable » se situe dans les absences significatives. Il en va de même pour « développement durable ». Ces discours pointent clairement les impacts environnementaux de certaines activités humaines, dont les techniques numériques, sans que l’on puisse déceler des effets de « lissage » ou de neutralisation des connotations négatives du contenu. 

Enfin, la seconde classe 12 de cet autre univers sémantique représente 19,41% des segments de texte analysés, et traite de la responsabilité individuelle pour réduire la pollution numérique. Les discours qui s’y rattachent sont issus de la presse généraliste 13 mais aussi dans une moindre mesure, de la presse professionnelle du monde économique. Le champ sémantique de cette classe est associé aux dispositifs numériques (« vidéo », « streaming », « mail »…) et fortement tourné vers la nécessité d’agir, de s’engager, comme en atteste ici la présence significative de verbes et de qualificatifs de nature prescriptive (« limiter », « privilégier », « nettoyer », « remplacer », « optimiser », « nécessaire », « indispensable »). Ce monde lexical suggère un appel à la responsabilité individuelle en matière de sobriété numérique, comme le suggèrent les termes « personnel », « internaute », « salarié », « geste » ou « usage ». L’extrait d’article suivant, issu d’un segment significatif de cette classe, en constitue une illustration :

« Le philosophe nous pousse à nous autodiscipliner, afin de redéfinir les limites de notre servitude volontaire face au diktat consenti des courriels. A nous de couper les écrans passée l’heure, d’éviter les envois en nombre sans discrimination fine et, pourquoi pas, de multiplier les adresses selon les usages afin de mieux segmenter nos temps et nos espaces de consultation. Cela faciliterait aussi la hiérarchisation des messages selon leur intérêt, leur urgence, et permettrait de retrouver du sens dans le flot épuisant et informe des nouvelles qui nous parviennent. » (Extrait de l’article « Dois-je rationner mes courriels ? » publié le 30 avril 2020 dans La Croix). 

Mais ces injonctions à la modération individuelle des usages ne tiennent pas compte des raisons qui peuvent entraver l’engagement personnel dans des pratiques de sobriété. Les termes comme « crise », « pandémie » ou « problème », ou encore ceux renvoyant explicitement aux contextes organisationnels et politiques en sont ainsi significativement absents 14. Ces observations font écho aux travaux qui mettent en lumière la dépolitisation des enjeux environnementaux dans les discours médiatiques. D’après Comby (2019), la transition écologique implique une réflexion sur les rapports de pouvoir, les modes de vie les plus polluants, les infrastructures de transport, et sur les structures qui favorisent ou non des pratiques écologiques. La politisation désigne ainsi le projet de société qui accompagne la transition environnementale. Or, les médias tendent à réduire les questions écologiques à des problèmes moraux. Ainsi, selon Comby (2017), le cadrage médiatique orienté vers la responsabilité individuelle « dépolitise le problème en l’inscrivant davantage dans la sphère privée des agissements personnels et domestiques que dans la sphère publique des débats et choix collectifs. » (p.21). Notre corpus indique que cette dépolitisation est bien à l’œuvre sur les questions de sobriété numérique.

Conclusion

Au terme de cette exploration lexico-sémantique d’un corpus de presse sur la sobriété numérique, notre hypothèse est que, premièrement, les discours professionnels concernent surtout des prescriptions d’usages souvent décontextualisées. Les discours à teneur scientifique, exposant des constats argumentés sur la pollution numérique, apparaissent bien dans une partie de la presse généraliste, mais restent le plus souvent cantonnés aux journaux de vulgarisation scientifique. En second lieu, les contraintes structurelles limitant l’adoption de la sobriété numérique sont le plus souvent invisibilisées ou euphémisées, autant dans les discours d’une grande partie de la presse dédiée aux acteurs professionnels que dans ceux plus engagés de la presse généraliste et même celle spécialisée sur les questions environnementales. Même les discours de transition écologique arrimés aux principes de sobriété numérique semblent davantage souligner la responsabilité des individus que des organisations ou des institutions lorsqu’il est question de mesures concrètes à mettre en place. 

Selon Hoang, Mellot et Prodhomme (2022), si les multiples promoteurs du « nouvel imaginaire social » de la sobriété numérique tentent d’élaborer une « norme de conciliation » (p.18) entre « Homo Numericus et Homo Ecologicus » (p.21), force est de constater, pour l’instant, que cet objectif dévoile sans doute plus qu’il ne résout la tension qui demeure encore entre ces deux univers de représentations et d’actions face aux défis environnementaux contemporains. 

 

Notes

[1] Initialement club Green IT, l’INR est un think and do tank créé en 2018 avec un statut association 1901. Il s’agit d’un lieu de réflexion traitant des enjeux du numérique responsable : https://institutnr.org/inr-numerique-responsable [consulté le 5 février 2023]

[2] Sur le dendrogramme ci-avant, voir classe 3

[3] Les termes mentionnés sont significativement associés aux classes. Ces formes sont classées par ordre de grandeur en fonction d’un indice statistique nommé khi2 (noté x2) qui correspond à l’existence d’un lien statistiquement significatif entre une forme (un mot) et la classe sémantique à laquelle elle (il) appartient.

[4] Voir dans le dendrogramme ci-avant le contenu de la classe 3 et les variables étoilées codées *PPAP, *PSPI et *PSFPT renvoient respectivement à la presse professionnelle des acteurs publics (Acteurs Publics), à la presse spécialisée et professionnelle en informatique (It For Business, 01 Net, Clubic, Silicon.fr) et à la presse spécialisée de la Fonction Publique Territoriale (La Gazette des Communes).

[5] Dans le dendogramme ci-avant, voir classe 2. 

[6] Voir dans le dendogramme ci-avant le contenu de la classe 2, et la variable étoilée codée *PPCPM renvoie à la presse professionnelle de la communication, de la publicité et des médias (articles issus des journaux Stratégies, E-Marketing, Mind Media, La correspondance de la publicité, Caractère, La Correspondance de la Presse).

[7] https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/objectif/reguler-la-publicite-pour-reduire-les-incitations-a-la-surconsommation/ [consulté le 3 février 2023].

[8] Dans le dendrogramme ci-avant, voir classe 1.

[9] Voir dans le dendrogramme ci-avant le contenu de la classe 1, et la variable étoilée codée *PPEE renvoie à la presse professionnelle des acteurs de l’environnement et engagés (Actu-environnement.com, Journal de l’Environnement, GreenUnivers, Carenews).

[10] Voir dans le dendrogramme ci-avant les classes 4 et 5.

[11] Classe 4 sur le dendrogramme.

[12] Classe 5 dans le dendrogramme ci-avant.

[13] Variables étoilées codées *PG (presse généraliste, articles issus de (La Croix, Bulletin Quotidien, Huffpost, Aujourd’hui en France, 20 Minutes, Paris Match, L’Obs, Le Point) et *PNO : Presse nationale d’opinion (Libération, L’Humanité, Le Figaro, L’Express). 

[14] Chi2 négatifs associés aux termes « stratégies », « organisation », « groupe », « Sénat », « politique », « territoire ».

 

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Auteur

Delphine Dupré

Delphine Dupré est MCF à l’université Paris 3 et membre de l’IRMECCEN (EA 7546). Ses intérêts de recherche s’inscrivent au croisement des reconfigurations contemporaines du travail, de la communication organisationnelle et de l’analyse des discours médiatiques.
delphine.dupre01@gmail.com

Nadège Soubiale

Nadège Soubiale est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Bordeaux Montaigne. Elle est membre du laboratoire MICA (Médias, Informations, Communication, Arts) (UR 4426). Ses enseignements et sa recherche portent sur les représentations et les pratiques communicationnelles dans le champ des mutations contemporaines des organisations du travail. Elle coordonne un Groupe Thématique Numérique avec l’Education Nationale sur les approches info- communicationnelles de la sobriété numérique.
nadege.soubiale@u-bordeaux-montaigne.fr