La chaîne télévisée russe Dojd : évolution du modèle économique d’un média indépendant grâce au web participatif
Résumé
L’article retrace l’évolution de la chaîne télévisée indépendante russe Dojd. Il analyse son modèle économique, fondé sur la rhétorique participative et la diffusion sur le web. L’adoption du format web et l’appui sur les publics permettent à la chaîne de s’installer dans le paysage médiatique russe et de s’adapter aux contraintes économiques imposées par le pouvoir. Dojd cherchait initialement à garder un équilibre entre son public et le pouvoir autoritaire qui contrôle les diffuseurs traditionnels. Finalement, le modèle participatif amène la chaîne à privilégier les aspirations de la communauté des publics critiques envers le pouvoir. Cela expose la chaîne aux pressions économiques du pouvoir, la prive d’accès aux publicitaires et aux diffuseurs traditionnels mais lui permet de continuer d’exister et de s’adapter aux contraintes imposées par le pouvoir.
Mots clés
Audiovisuel russe, espace web russe, participation des publics, financement des médias
In English
Title
Russia’s Dojd TV channel: the evolution of an independent media’s business model thanks to the participative web
Abstract
The article recounts the evolution of the Russian independent television channel Dojd. It analyzes his model, based on participatory logic and webcasting. The evolution in the web space allows the channel to settle in the Russian media landscape and to adapt to the economic constraints imposed by the power.
Dojd initially seeks to maintain a balance between its target audience and the authoritarian regime that controls traditional broadcasters. Finally, the participatory model leads the channel to favor its mediated community, critical toward the regime. This exposes the channel to the economic pressures of power, deprives it of access to advertisers and traditional broadcasters, but allows it to continue to exist and adapt to the constraints imposed by the regime
Keywords
Russian audiovisual, Russian web space, participatory model, media funding, broadcasting
En Español
Título
El canal de televisión ruso Dojd: cambiar el modelo de negocio de un medio independiente gracias a la web participativa
Resumen
El artículo rastrea la evolución del canal de televisión independiente ruso Dojd. Analiza su modelo, basado en la lógica participativa y el webcasting. La evolución en el espacio web permite al canal asentarse en el panorama mediático ruso y adaptarse a las limitaciones económicas impuestas por el poder.
Dojd inicialmente busca mantener un equilibrio entre su público objetivo y el poder autoritario que controla las emisoras tradicionales. Finalmente, el modelo participativo lleva al canal a favorecer a su comunidad mediatizada, crítica del poder. Esto expone al canal a las presiones económicas del poder, lo priva del acceso a anunciantes y emisoras tradicionales, pero le permite seguir existiendo y adaptarse a las restricciones impuestas por el poder
Palabras clave
Audiovisual ruso, espacio web ruso, modelo participativo, financiación de medios
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Buduchev Vitaly, « La chaîne télévisée russe Dojd : évolution du modèle économique d’un média indépendant grâce au web participatif », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°23/6, 2023, p.53 à 69, consulté le vendredi 15 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2023/varia/la-chaine-televisee-russe-dojd-evolution-du-modele-economique-dun-media-independant-grace-au-web-participatif/
Introduction
Les médias audiovisuels russes évoluent dans un contexte de contrôle de l’État autoritaire. Ils sont concentrés entre les mains de quelques hommes d’affaires proches du Kremlin, ce dernier contrôlant la diffusion, le marché publicitaire, l’attribution des licences et les subventions.
Dans ce contexte, le développement du web peut contribuer au pluralisme et à la liberté d’expression. Françoise Daucé distingue les médias d’État loyaux au régime, parmi lesquels se trouvent les principales chaînes de télévision fédérale, et les médias en ligne, « la mobilité et l’autonomie des jeunes acteurs du Web [étant] opposées aux entraves de leurs aînés des médias d’État » (Daucé, 2019, p. 104). Les médias en ligne donnent ainsi de la visibilité aux acteurs invisibilisés par les médias traditionnels sous contrôle du pouvoir et donnent la possibilité aux publics de se retrouver autour de valeurs partagées. Comme l’explique Peter Dahlgren, certains observateurs accordent au web cette vertu de démocratisation, d’autres attirent l’attention sur l’exagération du potentiel démocratique du web (Dahlgren, 2012, p. 16). Néanmoins, le simple élargissement de la panoplie d’expression dans un pays où l’expression publique est verrouillée, fournit un potentiel de démocratisation.
Dans cette situation, l’étude d’une chaîne télévisée indépendante, évoluant dans un espace socio-économique autoritaire, nous semble importante, d’autant plus qu’elle ne diffuse ses programmes que sur le web.
Fondée en janvier 2010 et étant la première chaîne russe à diffuser ses contenus sur son site web, la chaîne Dojd a été trois mois plus tard incluse dans les bouquets des diffuseurs de télévision russes par câble et satellite. En 2013, Dojd commence sa transformation en une chaîne câblée, mais les pressions étatiques sur les diffuseurs, provoquées par la critique de la politique gouvernementale de la part de la chaîne et par la stagnation du marché de la télévision par câble et satellite, en 2014, font qu’elle a été amenée à repenser son modèle économique et à diffuser à nouveau ses programmes exclusivement sur le web. En mars 2022, elle a dû quitter la Russie, en déplaçant sa rédaction d’abord en Géorgie et en Lettonie, puis aux Pays-Bas. Il s’agit désormais d’une chaîne déterritorialisée qui diffuse ses émissions via le web à destination des publics russophones.
Nous nous appuyons sur les travaux de chercheurs, interrogeant le mode de fonctionnement des médias numériques et la place des publics dans la production des informations sur le web. Dojd est un acteur des industries culturelles et médiatiques, soumis aux modalités de fonctionnement de la filière de l’information en ligne (Rebillard, 2011), qui cherche à profiter d’un discours de promotion d’une « ère nouvelle d’émancipation des individus face à l’État et aux intérêts économiques » (Bouquillion, 2013, p. 56). Ce discours relève d’une promesse idéologique de l’horizontalité (Piponnier, Ségur, 2022, p. 69), fondée sur le principe des interactions interindividuelles en réseau (Bouquillion, 2013, p. 63).
Dojd fait partie des médias qui sont nés avec le développement du numérique, capitalisant sur un discours d’ouverture et la participation des publics en tant que producteurs d’information, en s’appropriant le répertoire d’action qui se résume à une contribution, un like, un repost, un commentaire ou un don. L’ancrage dans les communautés, qui permet de coproduire ou de codiffuser les informations, lui deviendrait ainsi indispensable.
Dans cette situation, la question du rôle des publics dans l’évolution du modèle de la chaîne semble cruciale. Puisque Dojd évolue dans un pays autoritaire, la question du rapport de la chaîne au pouvoir parait toute aussi importante. Comment une chaîne télévisée indépendante pouvait-elle voir le jour dans un espace médiatique verrouillé par le pouvoir ? Quelle stratégie la chaîne adopte-elle afin de s’adapter aux contraintes imposées par le pouvoir ? Comment la chaîne parvient-elle à trouver un équilibre entre les intérêts de son public et la gestion des contraintes dues au contexte socio-économique dans lequel elle évolue ? Quel est l’apport du public, au-delà de la rhétorique participative, dans le fonctionnement de la chaîne ? Comment l’engagement et les actions au sein de la communauté virtuelle des publics s’expriment-ils dans le contexte russe, alors que les membres des communautés sont dissuadés de laisser des traces de leur participation ? Nous tâcherons de répondre à toutes ces questions en suivant l’évolution de la situation de la chaîne.
Nous supposons que la construction de la relation privilégiée avec le public déterminé par la chaîne, – habitant dans les grandes villes russes, ayant un fort pouvoir d’achat et sensible aux valeurs de la démocratie- conduit progressivement Dojd vers l’opposition au pouvoir. Ce positionnement provoque, à son tour, un changement de modèle économique par rapport à l’initial, et assure par la suite son équilibre économique.
Afin de mieux exposer l’évolution du modèle de Dojd, nous décrivons, dans un premier temps, le contexte dans lequel la chaîne apparait et les contraintes qu’elle a dû prendre en compte afin de s’installer durablement dans le paysage médiatique russe. Puis, nous présentons la manière dont la chaîne parvient à utiliser le potentiel du web ainsi qu’à intégrer la rhétorique participative, tout en incluant le public dans le processus de production et de diffusion des informations. Ensuite, nous analysons la recomposition du modèle économique de la chaîne à la suite des pressions du pouvoir et des groupes oligopolistiques, qui la privent des sources de financement et la conduisent à adopter un nouveau mode de diffusion et de financement. Enfin, nous expliquons en quoi le modèle numérique lui permet de résister face à l’interdiction des médias indépendants en Russie après le début de la guerre en Ukraine en 2022, et de se recomposer afin de continuer à exister et à diffuser des informations qui ne sont pas conformes au discours du Kremlin aux publics russes et russophones.
Afin de réaliser ce travail, nous nous sommes entretenus avec la directrice générale et actionnaire de la chaîne à hauteur de 95 %, qui a fondé celle-ci en 2010, et continue à la diriger. L’entretien semi-directif s’est déroulé à Moscou, en août 2021, au sein de la rédaction de Dojd.
Sur place à Moscou, une collaboratrice de Dojd nous a fait visiter la rédaction. Ses commentaires et ses explications nous ont permis d’observer les lieux et d’apercevoir les conditions dans lesquelles les informations sont produites par les journalistes, les contraintes qui s’imposent à Dojd du point de vue de la logistique et de l’organisation du traitement des informations. Une fois dans le bureau de Naalia Sindeeva, l’entretien qui a duré deux heures, a permis d’aborder les questions portant sur son parcours, l’évolution de sa chaîne, le positionnement éditorial et le modèle économique de Dojd, le rapport de la chaîne avec le pouvoir russe, les pressions étatiques sur la chaîne, son public-cible, son rapport à l’engagement politique, la place du web dans le modèle de Dojd, la place de l’abonnement dans le modèle économique de la chaîne, l’organisation de la rédaction, les profils des journalistes embauchés par la chaîne, ainsi que le rapport de Dojd avec ses sources.
Outre cela, grâce à des recherches dans les sources ouvertes, nous avons accédé aux documents de la chaîne indiquant les résultats financiers de celle-ci, les données quantitatives permettant de suivre l’évolution des revenus, apportés à la chaîne par l’abonnement et par la publicité, ainsi que l’évolution du nombre d’abonnés et de vues.
En Russie, très peu de travaux académiques concernent directement Dojd. En France, ceux-ci n’existent pas. Pour cette raison, des travaux mentionnant la chaine, portant sur l’évolution des nouveaux médias, du marché numérique et télévisuel russe, mettant en perspective les données quantitatives portant sur les usages des réseaux sociaux par les publics des médias russes, y compris ceux de Dojd, et les stratégies numériques de ces médias, ont été mobilisés et ont apporté des éléments supplémentaires enrichissant nos analyses.
Natalia Sindeeva est une personnalité qui attire les médias russes, et notamment son parcours personnel et sa vie privée, davantage en tant qu’actrice de la vie mondaine moscovite qu’en tant que directrice d’une chaîne télévisée. Les articles qui lui sont dédiés retracent son parcours, et concernent entre autres la chaîne télévisée. Bien qu’il s’agisse de productions médiatiques plutôt vulgarisantes, elles mettent également en scène les témoignages de Natalia Sindeeva concernant son média et son rapport au numérique. Puisque les chercheurs russes ne peuvent pas analyser une chaîne étiquetée comme opposante avec autant d’aise que leurs collègues étrangers le feraient, ces données, qui ne sont pas nécessairement destinées aux chercheurs, mises en perspective avec les propos de Natalia Sindeeva recueillis lors de l’entretien que nous avons mené, ont été également intégrés à nos analyses.
De plus, les éditions russes des magazines spécialisés américains, notamment Forbes et Inc., qui ont consacré des articles au modèle économique de Dojd, ont apporté des éléments supplémentaires.
Marché audiovisuel sous contrôle du pouvoir
En Russie, la télévision est traditionnellement sous contrôle du pouvoir. À l’époque soviétique, elle était un instrument de propagande d’État (Dolgova, 2018, p. 65). Étant un média de masse, populaire chez les publics russes (Fossato, 2005, p. 49), la télévision devient, durant l’époque postsoviétique, un instrument privilégié de formation de l’opinion publique, convoité par les hommes d’affaires en quête de notoriété politique (Lipman, 2007, p. 125). La télévision russe, à la fin du XXe siècle, est ainsi passée du modèle monopolistique, où les autorités, « formaient et recrutaient les journalistes fonctionnarisés » (Albert, 1991, p. 113-114), à un modèle oligopolistique, où « les médias sont apparus comme la récompense du vainqueur dans la lutte pour le pouvoir » (Fossato, 2005, p. 51).
Comme l’explique Yulia Dolgova, lors de la transition postsoviétique, « il est devenu rapidement clair qu’il est impossible, voire inutile, de se passer de la fonction propagandiste de la télévision » (Dolgova, 2018, p. 66) 1. Cette prise de conscience de l’utilité politique de la télévision correspond au moment où Vladimir Poutine arrive au pouvoir, en 2000. Le président russe écarte alors les propriétaires des chaînes télévisées refusant de se soumettre à son autorité, sans pour autant remettre en question le modèle oligopolistique.
Plusieurs modes de dépendance envers le pouvoir voient le jour. L’audiovisuel public affilié à l’État, financé par l’argent public et soumis au contrôle direct du pouvoir est la forme la plus directe de cette dépendance. En ce qui concerne les chaînes télévisées n’appartenant pas à l’État, elles se retrouvent, selon Ilya Kiriya, sous contrôle indirect de celui-ci, soit en créant des sociétés affiliées à l’État, soit au travers des liens informels des propriétaires des chaînes avec le pouvoir (Kiriya, 2011, p. 68). L’État participe également au financement de ces chaînes, via des aides, des subventions, ou par exemple via le financement de la diffusion des programmes de ces chaînes sur les territoires peu peuplés de la Fédération de Russie.
Ainsi, le fait que « le privilège de posséder une chaîne de télévision {soit} accordé par l’État » (Kiriya, 2011, p. 67), tout comme le fait que ces chaînes bénéficient du soutien financier de l’État, sans qu’un mécanisme d’aide universelle aux médias ne soit mis en place, contribuent à une forme de clientélisme des médias télévisés à l’égard du pouvoir. Comme l’explique Floriana Fossato, « les directeurs des principales chaînes, plus préoccupés de montrer leur loyalisme au président que de servir leur public, font leur possible pour éviter tout sujet délicat, tout débat et tout personnage politique qui ne fait pas partie de l’establishment » (Fossato, 2005, p. 51).
Aujourd’hui, un nombre restreint d’acteurs, parmi lesquels le groupe d’État VGTRK, la holding contrôlée par l’État Gazprom média et le groupe NGM, dont la direction est intimement liée à Vladimir Poutine, détiennent le contrôle de la plupart des chaînes télévisées. Par ailleurs, l’influence des deux derniers groupes ne se limite pas à l’audiovisuel, mais s’élargit également à la presse écrite. Compte tenu de l’intention du pouvoir de contrôler l’information, ainsi que du poids des groupes qui lui sont loyaux sur le marché médiatique russe, il est très difficile pour une chaîne télévisée n’ayant des liens ni avec le Kremlin, ni avec les groupes dominants qui sont eux-mêmes proches du pouvoir, de s’établir dans le paysage médiatique russe. Les chaînes qui apparaissent dans ces conditions ne peuvent contester le discours officiel. À ses débuts, Dojd se tenait à l’écart de la politique.
Les débuts de DOJD : un projet commercial éloigné de la politique
Ivan Chupin explique que les médias russes, en dehors de l’accompagnement communicationnel du pouvoir, se distinguent généralement par une « évacuation du conflit dans le traitement que les médias donnent de la vie politique » (Chupin, 2014, p. 34). La pression du pouvoir sur les médias et sur les journalistes étant si importante, qu’ils préfèrent, par prudence, éviter des sujets appelant à une critique éventuelle de la politique officielle. Soumise à cette contrainte à laquelle les médias russes doivent faire face, Dojd devait initialement avoir recours à un traitement dépolitisé de l’actualité.
Cela n’entrait pas en contradiction avec les projets initiaux de la chaîne, parce que les sujets politiques ne faisaient pas partie des priorités de la chaîne. Dojd est un projet personnel de Natalia Sindeeva, soutenue financièrement par son mari, Aleksandre Vinokurov, ancien banquier qui a financé la chaîne à hauteur de 40 millions d’euros (Jokhova, Tofaniuk, 2013). En cherchant à s’établir au sein de l’espace médiatique russe, la chaîne comptait principalement sur les ventes de publicité, sans remettre en question le projet idéologique dominant. Comme nous l’explique Natalia Sindeeva, « Au début, je n’ai pas du tout prévu de couvrir l’actualité politique. Au départ, je voulais faire une chaîne culturelle de life style, où un téléspectateur actif et créatif pouvait trouver tout ce qui l’intéressait. Le but était de faire une chaîne qui serait intéressante pour les publicitaires, parce que notre but était de gagner de l’argent avec de la publicité. Sur le long terme, on voulait diffuser nos émissions par satellite et par câble au plus grand nombre de téléspectateurs possible ».
Le parcours de la dirigeante de Dojd indique qu’elle n’est ni une opposante ni une militante politique. Institutrice de formation, elle a intégré, dans sa jeunesse, l’industrie médiatique, en tant que productrice et directrice commerciale. D’abord sur la première chaîne commerciale de l’histoire de la Russie 2×2, qui avait pour but de se financer intégralement par la publicité, et remplissait sa grille avec des clips musicaux, des dessins animés et des séries télévisées. Ensuite, en 1995, sur la chaîne radio Serbrianiy Dojd. Comme elle nous l’explique, « Serebriannij Dojd était une chaîne où il y avait des personnalités en vogue, des stars ». Enfin, en 2010, en qualité de directrice de la chaîne télévisée Dojd. Selon Natalia Sindeeva, son but était de poursuivre à la télévision la même orientation qu’elle avait mise en œuvre auparavant sur la radio Serebrianiy Dojd. La chaîne pouvait ainsi être qualifiée d’apolitique.
Cette posture a permis à Dojd de bénéficier de l’aide du Kremlin, et notamment de Dmitri Medvedev, président de la Russie entre 2008 et 2012. Selon Forbes, une amie de Natalia Sindeeva, Natalia Timakova, qui occupait le poste d’attachée de presse de Dimitri Medvedev, a servi d’intermédiaire à la directrice de Dojd pour que cette dernière puisse demander de l’aide au président russe, afin d’inclure sa chaîne dans un bouquet du diffuseur par satellite NTV+, détenue par Gazprom Média. Selon cette même source, afin de s’assurer du soutien du président, Natalia Sindeeva aurait personnellement déprogrammé l’émission Poète et citoyen du 28 mars 2011, contenant une critique voilée de Dimitri Medvedev (Jokhova, Tofaniuk, 2013).
En guise de récompense, le 4 mai 2011, Dimitri Medvedev a rendu une visite à la chaîne, diffusée en direct et couverte par les médias nationaux tels que l’agence Ria-Novosti, les journaux de référence Kommersant et Vedomosti, ou les chaînes de télévision fédérale. Lors de celle-ci, la propriétaire de Dojd accueille chaleureusement le président, lui fait découvrir les locaux et fait une démonstration des différents gadgets innovants dont la chaîne dispose 2.
Cette visite du président a fortement contribué à la notoriété de Dojd en Russie. Comme l’expliquait Natalia Sindeeva, la visite de Medvedev était importante « pour les fonctionnaires qui nous mettaient des bâtons dans les roues, pour les publicitaires qui se sont intéressés à nous, pour les diffuseurs qui ont commencé à nous inclure dans leurs bouquets, pour les publics qui nous ont vus » 3 (Jokhova, Tofaniuk, 2013).
Ainsi, ce soutien du président russe en fonction a donné la possibilité à la chaîne de prendre place au sein des médias russes.
Projet du media web DOJD : exploiter le discours de résistance sans déranger le pouvoir
Le marché médiatique russe se distinguant par une concentration de médias généralistes « entre les mains de l’État » (Lippman, 2007, p.125), l’esprit d’indépendance pouvait venir de nouveaux médias, évoluant sur le web. L’apparition de ce type de médias est rendue possible par la mutation des usages des publics urbanisés et l’existence d’un marché médiatique numérique. Le nombre d’utilisateurs d’internet en Russie ne cesse d’augmenter, en passant progressivement de 25 % de la population en 2008 à 75 % en 2018 4, puis à 88,2 % au début de 2023 5.
L’apparition de nouveaux publics, actifs sur le web, a contribué à la formation de ce que Ivan Chupin appelle « un « marché » de militants, fortement diplômés » et peu surveillé par les autorités (Chupin, 2014, p. 37) avant que le pouvoir ne se charge de la régulation de l’internet, dès 2014 (Limonier, 2021).
Au départ, la faible pression sur les médias web se conjugue avec l’incitation du public à la coproduction des informations. Ces publics se saisissent alors des dispositifs numérique afin de formuler collectivement leur critique du pouvoir en place, qu’ils ne pouvaient ni entendre ni exprimer en dehors de l’espace web. Mais cette expression critique, incitant la participation des publics, n’est pas une particularité russe. Selon Nicolas Auray, différentes approches expliquent l’apparition du web participatif en réaction au contrôle instauré par les industries culturelles sur la production et sur la consommation de biens culturels. Face à la dérégulation libérale, l’offre culturelle déterminée par les oligopoles ou la destruction du lien social dans les sociétés libérales, le web participatif aurait donné aux publics une possibilité de s’exprimer et de nouer des liens avec leurs semblables, en contournant les puissants groupes oligopolistiques (Auray, 2010). Comme l’explique Philippe Bouquillion, il s’agit d’un discours idéologique dont se servent également les acteurs des industries de la communication, le web collaboratif n’étant pas réellement « un facteur de disparition de l’organisation industrielle en termes d’oligopole à franges, voire de monopole » (Bouquillion, 2013, p. 61). Les médias web russes exploitent ce même discours, à une différence près : les oligopoles contrôlant la production culturelle ne sont pas que des entités économiques, mais sont des groupes asservis par le Kremlin. Néanmoins, le discours de résistance à la production culturelle dominante, qui accompagne la naissance du web participatif, trouve également son expression sur le terrain russe.
Dojd a choisi d’évoluer sur le web, sur lequel le pouvoir russe n’a pas encore pris le contrôle au moment de création de la chaîne, et où se développait activement le discours collaboratif. Sa stratégie consistait à viser les publics sensibles aux formats web, appartenant en même temps au marché de publics fortement diplômés. Dès 2007, Natalia Sindeeva, la fondatrice de Dojd, élabore un projet d’une chaîne s’adressant aux publics aisés et urbanisés, actifs sur le web et cultivant l’esprit critique. Comme elle nous l’explique, « Mes amis me disaient » écoute, pourquoi tu ne ferais pas une chaîne télé pour les gens riches, intelligents, sachant réfléchir, avec un bon niveau d’études ? ». A ce moment-là, il n’y avait pas de chaînes télévisées dans lesquelles ces publics se retrouvaient. Ces publics se sont détournés de la télévision pour aller vers le support numérique en développement ».
Dojd cherchait ainsi à apporter une dimension particulière sur le marché médiatique russe. En revanche, contrairement aux médias web militants, revendiquant une mission de résistance, comme par exemple le média Grani interdit en 2014, Dojd ne cherchait pas à affronter le pouvoir.
La chaine exploite les nouvelles possibilités apportées par le web, auxquelles, dans un premier temps, les acteurs historiques de la télévision ne s’intéressent pas, compte tenu de la faible promesse économique et des effets très limités des nouveaux formats sur l’opinion publique.
Il s’agit donc d’une brèche dans l’espace télévisuel russe, dans laquelle une chaîne, fondée sur un discours d’ouverture et d’horizontalité des liens avec les publics, tente de s’engouffrer, en utilisant les potentialités du web : la possibilité de fonctionner avec relativement peu de moyens au moins dans un premier temps, la fidélisation des publics perçus comme un réseau, la promesse de transparence, de coproduction ou de coédition des informations avec les publics.
Rassembler les publics du web et de la télévision avec le format participatif
Comme l’explique Françoise Daucé, de nombreux médias web apparaissent dans les grandes villes russes au même moment que Dojd. Les sites internet d’information, fondés à la fin des années 2000, dont Lenta.ru, Gazeta.ru, Grani.ru, les magazines en ligne MediaZona, Slon, Snob, ou encore Fontanka (Daucé, 2019, p. 105), sont des médias web fondés sur des principes comparables à ceux de Dojd. Selon l’auteur, ces nouveaux médias « rivalisent d’esprit dans la conception de leur design, la pluralité de leurs contenus et un souci du rapport direct aux lecteurs » (Ibid, p. 104).
Évoluant dans un espace concurrentiel, la chaîne de Natalia Sindeeva répondait ainsi à deux défis. Occupant dès le départ une niche non concurrentielle au sein de l’espace médiatique russe (il n’y avait aucune autre chaîne télévisée web indépendante revendiquant le principe de coproduction des informations avec son public), elle devait rivaliser à la fois avec d’autres médias web moscovites et saint-pétersbourgeois ainsi qu’avec des chaînes de télévision traditionnelle. La chaîne proposa ainsi un nouveau format médiatique à des publics qui seraient sensibles à la fois à la dynamique participative et à l’effort de programmation et de la mise en scène télévisée. Dojd visait ainsi, au-delà d’un projet qui lui permettrait de récupérer des fonds des publicitaires, à constituer une nouvelle offre informationnelle, fondée sur un nouveau rapport, plus « horizontal », entre le média et son public.
Comme l’explique Alexandra Busigina, la chaîne montrait à ses publics l’intégralité du processus de production de l’information, via son site internet (Busigina, 2014, p. 57). De plus, jusqu’en 2014, elle diffusait les conférences de rédaction, tout en incitant le public à envoyer, via les réseaux sociaux, des idées « d’angles », que les journalistes discutaient, toujours en direct. En ouvrant l’accès à sa conférence de rédaction, Dojd s’inscrivait dans le modèle participatif, qui élargit la place des publics dans la production des contenus éditoriaux. Cela permettait également à cette nouvelle chaîne, qui n’a pas suffisamment de programmes à proposer à ses publics, de remplir les plages horaires. De plus, avec cette mise en visibilité des routines journalistiques, Dojd voulait se construire une réputation de média fonctionnant selon les principes semblables à la télévision traditionnelle.
Ainsi, la chaîne a pour objectif de démontrer à ses publics internautes, qu’elle est bel et bien un média web. Quant aux potentiels publics habitués aux médias traditionnels, ils peuvent reconnaitre en Dojd une chaîne télévisée presque comme les autres, mais avec une forte valeur ajoutée qui s’exprime dans sa transparence et dans la possibilité qu’elle donne aux publics d’agir et d’interagir avec elle.
Dojd est ainsi un média qui veut dépasser la lutte intermédiale entre les anciens et nouveaux médias (Chambat-Houillon, Vovou, 2018, p. 220), et exploiter les atouts de chaque type de média, tout en cherchant à respecter les exigences du pouvoir qui proscrit la critique à son égard, et les aspirations des publics attirés par un média prenant en compte son avis et lui donnant la possibilité de l’exprimer.
Nouveau média pour de nouveaux publics
En se positionnant comme une chaîne télévisée, Dojd cherche tout de même à prendre part à la « mise à mort symbolique des « anciens médias » » (Chambat-Houillon, Vovou, Ibid), afin de proposer aux publics de ceux-ci, qui ont vocation à reconnaître en Dojd une télévision presque comme les autres, le projet d’une télévision améliorée. Cette prétention de Dojd s’exprime dans la manière de produire des informations et de donner à voir la place que la chaîne accorde aux publics, mais également dans le discours des dirigeants de la chaîne.
Ainsi, en 2017, Natalia Sindeeva avance lors d’une interview : « J’ai du mal à imaginer une personne moderne qui continue à lire la presse. Les gens regardent de moins en moins la télévision traditionnelle. L’homme moderne consomme les médias via son smartphone, que cela soit la presse ou la télévision 6 ». C’est cet homme moderne adepte du smartphone qui est principalement ciblé par la chaîne. Intégrée dans le procès d’informationnalisation (Miège, 2007), cette cible idéale construite par la chaîne, alliée du média qu’elle consomme, est impliquée dans la coproduction des informations.
Le discours de Michaïl Zigar, le premier rédacteur en chef de Dojd (2010-2015) fait également l’éloge de ce nouveau public, lecteur-acteur, évoluant sur le web, sur lequel la chaîne mise : « N’importe quelle personne peut aujourd’hui être considérée comme un journaliste. Il suffit pour cela d’être présent sur Facebook, Twitter, Instagram ou Youtube. N’importe qui peut être plus efficace que les médias au sens traditionnel du terme. Il suffit de vouloir, de savoir réfléchir, et de maitriser au minimum un smartphone. C’est l’atout principal de l’époque de l’économie de l’attention dans laquelle on vit 7».
Ce public actif, qui se sent à l’étroit dans le dispositif des anciens médias, est donc mis en valeur par le discours des dirigeants de Dojd. Le dispositif de la chaîne et le fonctionnement même de la rédaction sont organisés de manière à mettre en valeur le public qui coopère avec son média. Le public devient une main d’œuvre non-rémunérée, en inscrivant ainsi le rapport entre le média et le contributeur dans une pratique sociale du nouveau genre que Yves Citton appelle playbor : « mélange indissociable de plaisir ludique (play) et de travail productif (labor) » (Citton, 2013, p. 167).
Selon Franck Rebillard, le fonctionnement de la filière de l’information en ligne se caractérise généralement par la contribution des internautes à l’étape de l’édition. Les publics apportent de l’aide « pour faire « remonter » des sujets pouvant donner lieu à des articles rédigés ensuite par des professionnels » (Rebillard, 2011, p. 85). La production éditoriale de Dojd s’inscrit dans ce modèle. Comme l’explique A. Busiguina, « les journalistes de Dojd établissent un contact direct avec le public-contributeur via les comptes Twitter et Facebook, qui représentent, selon le chef-rédacteur du site de la chaîne tvrain.ru, les principaux outils de recherche des contenus amateurs. Dojd est abonnée aux publications des blogueurs, journalistes citoyens, des hommes politiques, des célébrités sur les réseaux sociaux, ce qui permet aux journalistes d’accéder rapidement aux informations. De plus, Twitter et Facebook permettent à la chaîne de maintenir un contact permanent avec les publics, qui peuvent réagir à propos des émissions, suggérer des sujets, des vidéos, des photos et des textes, produits par les publics […]. Pour chercher des informations, la chaîne utilise activement Youtube où des journalistes-citoyens déposent des vidéos, ou bien des applications qui permettent aux usagers de filmer en direct et de transmettre les images à la rédaction de Dojd » (Busigina, 2015, p. 57-58).
Dojd a un recours actif au modèle du web participatif, mais il convient de dire qu’il ne l’exploite pas seulement afin d’instaurer un lien privilégié avec un public désormais actif, mais également afin d’assurer le succès de son modèle économique. Ce qui compte, ce n’est pas uniquement de se servir du dispositif permettant d’établir un contact routinisé avec les publics actifs, mais surtout de donner à voir à ces mêmes publics l’existence et la pertinence de ces contacts. Ainsi, le public est intégré dans le processus de production et d’édition des informations, mais au-delà des informations produites, la promotion même du mode de coopération avec les publics participe à la valorisation de la chaîne. Par exemple, la majorité des images diffusées par Dojd sont tournées par les caméras des téléphones qui peuvent être fournies par les sources, par les journalistes de la chaîne, par les publics, ou être récupérées directement sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes numériques. Dojd privilégie l’intervention des sources par webcams depuis leurs ordinateurs et téléphones portables, sans forcément les inviter sur le plateau. La chaîne peut compter sur du matériel professionnel et des équipes de tournage, mais ces dernières ne sont pas suffisamment nombreuses pour couvrir l’ensemble des déplacements des journalistes. Cela crée une unité de style éditorial : les interventions des sources et des journalistes s’associent facilement aux vidéos envoyées par les publics, de sorte qu’il devient difficile de distinguer celles produites par les journalistes, de celles produites par leurs sources et par les publics actifs. Dans cette situation, même les contenus produits par les journalistes professionnels en coopération avec les sources traditionnelles participent à la démonstration et à la valorisation du contact privilégié du média avec le réel vu d’un regard ordinaire, et cela est devenu une marque de fabrique de la chaîne et un produit reconnaissable par le public. Ce nouveau public devient ainsi contributeur, mais également un argument de marketing de la chaîne.
Ainsi, Dojd a aisément adopté la grammaire participative propre aux médias en ligne, à la fois pour pallier le manque de financement, et pour réaliser un projet éditorial inconnu jusqu’alors des publics russes, se situant à la frontière entre une chaîne télévisée traditionnelle et un média web.
La contestation politique comme élément de déséquilibre du modèle économique
La marge de manœuvre très réduite sur le marché médiatique russe a poussé Dojd à user des atouts du numérique afin de s’établir durablement dans l’espace médiatique russe. La rationalisation des moyens couplée à la rhétorique participative et l’orientation vers un public potentiellement contributeur, convoité par les publicitaires, ont fait en sorte que le modèle de Dojd devenait, selon Natalia Sindeeva, économiquement viable. De plus, le plan initial, qui était « de diffuser des émissions par satellite et par câble au plus grand nombre de téléspectateurs possible », se réalisait :
« Notre auditoire (en 2014) était de 12 millions de téléspectateurs par mois. Il augmentait tous les mois, parce que nous avons réussi à être présents dans les bouquets de tous les diffuseurs. Nous étions à ce moment dans chaque télévision. En tout cas techniquement, on avait cette possibilité. Chaque téléspectateur pouvait nous trouver dans sa télé, s’il le souhaitait. En plus, puisque l’on grandissait, nous avons commencé à avoir des ressources publicitaires élevées ».
Le contexte économique général dans lequel Dojd évoluait était favorable au renforcement de la chaîne, car d’un côté, le pouvoir n’avait pas encore restreint la liberté d’expression sur le web, et d’un autre côté, le marché du web et de la télévision par câble et par satellite était en plein essor dans les grandes villes russes (Virkovsky, Makeenko, Vankova, 2014, p. 40).
Malgré les succès de la chaîne, l’orientation sur un public actif, urbanisé et à fort pouvoir d’achat, convoité par les publicitaires, l’exposait à une menace majeure – celle de se politiser, c’est-à-dire celle de rompre l’équilibre instauré entre les exigences du pouvoir autoritaire et les aspirations du public actif.
Finalement, Dojd a été prise dans la logique du fonctionnement inhérente au web participatif. Comme nous l’explique Natalia Sindeeva : « Au fil du temps, nous avons compris que les publics que nous avions visés s’intéressaient à la politique. Ils ne voulaient pas se limiter aux programmes culturels. Nous avons compris qu’ils voulaient voir des informations autrement, voir des visages qu’on ne voit pas sur les chaînes fédérales, sans censure. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés à l’actualité politique. Cela nous a rapidement permis d’attirer les téléspectateurs. On proposait des contenus qui n’existaient pas ailleurs. Ce qu’on racontait n’était pas dit ailleurs ». Ainsi, en suivant son public, Dojd s’est progressivement tournée vers la contestation de la politique autoritaire.
L’actualité politique a amené, en 2011 et 2012, les Russes ciblés par la chaîne à manifester contre le retour de Vladimir Poutine au poste de président de la Russie. Anna Colin Lebedev, en analysant les manifestations à Moscou en 2011 et 2012, explique que la place centrale dans ces manifestations appartient à des associations, à des jeunes urbains et à des acteurs proches du monde littéraire et artistique, communiquant via « les sites à la mode, les blogs et les réseaux sociaux » (Lebedev, 2017, p. 105). Dojd fait partie de ce cercle de sites à la mode.
Dojd a suivi ses publics, ce qui a marqué le moment de bascule pour la chaîne. L’équilibre entre les intérêts du public et les intérêts du pouvoir a été rompu. Comme nous l’explique Natalia Sindeeva, « avec les débuts des manifestations sur la place Bolotnaya, en 2011, nous nous sommes retrouvés au cœur de l’actualité politique. Nous sommes devenus une chaîne de contestation politique. L’agenda politique du moment a déterminé notre identité pour la suite. Il n’y avait plus de possibilité de faire machine arrière ».
En conséquence, la chaîne a été cataloguée par le pouvoir comme étant une chaîne d’opposition. Les outils inventés par le régime autoritaire afin de mettre la pression sur les médias jugés non désirables, ont été employés à l’encontre de la chaîne afin de fragiliser son modèle économique. Le pouvoir russe a incité les diffuseurs et les publicitaires à affaiblir la chaîne. Comme l’explique Natalia Sindeeva, « nos abonnés apportaient de l’argent aux diffuseurs, mais les réseaux câblés sont contrôlés par les oligarques proches du pouvoir, donc ils ont fini par nous débrancher. Les publicitaires, quant à eux, ont reçu pour instruction de ne pas coopérer avec Dojd. Nous avons perdu 90 % d’abonnés et quasiment tous nous revenus ». Ainsi, en bloquant la diffusion de la chaîne, le pouvoir l’a privée de ses publics et de revenus publicitaires.
La raison politique se conjuguait avec la conjoncture économique en berne. Le marché audiovisuel étant concentré entre les mains des groupes financés et contrôlés par le pouvoir. Dans un marché de diffusion par câble et satellite qui a atteint sa saturation et qui a fortement ralenti en 2013, les éditeurs affilés aux distributeurs ou aux grands groupes médiatiques cherchaient à se débarrasser des chaînes indépendantes (Virkovsky, Makeenko, Vankova, 2014, p. 41-42). Comme nous l’explique la propriétaire de Dojd, « les acteurs du marché médiatique déjà en place ont commencé à nous considérer comme des concurrents, qui prennent de plus en plus « leur » argent. Ils voulaient éviter qu’on récupère des parts de marché et les ressources publicitaires, réservées aux chaînes pro-gouvernementales ».
Ainsi, les prises de position politiques et la concurrence avec des groupes contrôlés par le pouvoir avec lesquels Dojd ne pouvait rivaliser, ont provoqué l’annulation rapide des contrats de Dojd avec les diffuseurs et les publicitaires, celle-ci étant initiée par le pouvoir. La perte de 85 % de publics, en 2014, a remis en question non seulement l’équilibre financier de la chaîne mais l’existence même de celle-ci. La moitié de ses effectifs a été licenciée dans cette période difficile pour la chaîne.
Adaptabilité de la chaîne aux contraintes imposées par le pouvoir russe
La politisation de Dojd, qui lui a permis d’établir une relation de confiance avec son public critique envers le pouvoir, l’a fait tomber en disgrâce aux yeux du pouvoir, mais elle a surmonté les difficultés économiques.
Comme l’explique Natalia Sindeeva, en 2014, alors que la chaîne se trouve au bord de la faillite, « le public est resté avec nous. Les gens nous ont soutenus en s’abonnant, nous adressaient des dons ». Le rôle déterminant des publics ne se réduit pas aux dons ponctuels. Le public finance la chaîne, soit via l’abonnement, soit en consultant les contenus ouverts par la chaîne à tous sur les réseaux sociaux et la plateforme YouTube. Comme le rappelle Natalia Sindeeva, à la suite de la fermeture de l’accès aux diffuseurs, « en 2014, nous avons changé notre modèle. Nous nous sommes mis à nous faire financer principalement par nos abonnés ».
Vu les résultats de la chaîne, ses audiences, son nombre d’abonnés et son chiffre d’affaires, malgré le fait qu’en une année, Dojd a dû multiplier le prix de son abonnement par cinq 8 , le modèle fondé sur la fidélité des abonnés a donné la possibilité à la chaîne de sortir de la crise. Le nombre constant des abonnés (5 100 en 2015) montre en effet que le public a soutenu la chaîne. Cela a permis à Dojd de trouver, en 2017, l’équilibre financier, pour la première fois de son histoire 9. Ainsi, l’abonnement a-t-il été la solution qui a permis à la chaîne de pallier les difficultés économiques, à la suite de la perte des contrats avec les fournisseurs d’accès, qui l’a privée presque totalement des revenus publicitaires. En 2017, la communauté des abonnés apportait à la chaîne 70 % de ses revenus.
Quant au nombre mensuel de visiteurs du site internet de Dojd, il est resté relativement stable, en tournant autour de quatre à cinq millions 10, et en assurant sa stabilité financière. Dojd étant attachée à l’actualité critique envers le régime russe, au moment des manifestations contre la politique du pouvoir, le nombre de ses téléspectateurs a augmenté sensiblement. Par exemple, lors du meeting du 27 mars 2017 contre la corruption, Dojd a enregistré 1 584 244 vues en une seule journée 11.
Selon Franck Rébillard, pour les partisans du web participatif, la communauté représente « une nouvelle modalité de structuration des rapports sociaux » (Rebillard, 2007, p. 21), même si l’auteur rappelle que la dynamique d’échange, de contribution et de participation n’est pas arrivée avec le web. Néanmoins, le fait qu’un média comme Dojd puisse continuer à fonctionner, en comptant prioritairement sur ses abonnés, alors que le pouvoir avait décidé de le faire disparaitre, représente une nouveauté pour la Russie.
Pour Dojd, la communauté des publics est devenue non seulement une bouée de sauvetage, mais une source stable de revenus, permettant de financer une rédaction de presque 200 collaborateurs ainsi que la production de programmes variées remplissant la grille de la chaîne. L’abonnement apporte la majeure partie des ressources de la chaîne.
En 2021, selon Natalia Sindeeva, les revenus de Dojd sont distribués de la manière suivante :
« Les abonnés nous apportent 50 % de nos revenus ; la publicité sur YouTube nous apporte à peu près 20 % de revenus. Encore 10 % proviennent de la publicité digitale sur notre site. En plus de cela, on vend les droits de diffusion de nos programmes à l’étranger ». Ainsi, les abonnés ne sont pas la seule source de revenus. Leur part diminue entre 2017 et 2021. Néanmoins, ce qui est important, c’est que le soutien d’une communauté assez restreinte, qui dépasse à peine 5 000 personnes, assure principalement un équilibre financier à la chaîne, qui s’est attribuée la lourde mission de faire du journalisme indépendant dans un pays où la liberté d’expression et la liberté du journalisme n’existent pas.
En 2017, le parlement russe adopte une série de lois qui permettent aux autorités russes de poursuivre, y compris pénalement, la diffusion des informations par les internautes. Ainsi, les cinq mille roubles d’abonnement payés chaque mois, mais aussi les likes, les commentaires et les reposts sont devenus des gestes militants, exposants les publics actifs à des poursuites judiciaires.
Dojd fonctionne selon le principe de la « viralité » des informations sur le web, donc l’action d’un nombre restreint des publics actifs amplifie les audiences de la chaîne via les réseaux sociaux. C’est pour pouvoir faire circuler leurs informations, qu’en 2018, la direction de Dojd propose, sur sa page Facebook, d’ouvrir gratuitement ses contenus payants aux 100 premiers médias qui lui adressent leur demande 12. Les publics, abonnés ou non, avec leurs gestes de soutien, d’approbation, voire de désapprobation, assurent également la diffusion des programmes de Dojd.
Certes, tous les abonnés de Dojd ne sont pas impliqués dans la tâche de diffusion active des contenus sur les réseaux sociaux, ni dans les discussions autour de ceux-ci. De plus, les autres médias russes ont commencé à établir une stratégie pour les réseaux sociaux, en y publiant régulièrement leurs contenus (Pershina, 2022, p.88) et à partir de 2014, les médias traditionnels pro-pouvoir sont bien plus actifs sur les réseaux sociaux que Dojd (Dyachenko, 2016, p. 37). Mais contrairement aux médias fédéraux, qui saturent l’espace médiatique en usant de tous les moyens de diffusion, sur le web, les contenus de Dojd rivalisent avec ceux de ses concurrents. Et puisque Dojd reste la seule chaîne télévisée web indépendante russe, ses contenus se distinguent de ceux des chaînes télévisées loyales au pouvoir, par leur originalité. Ainsi, Dojd a pu survivre et a trouvé un modèle économique alternatif, tout en mettant à contribution la communauté de ses publics.
Un nouveau média dans un espace communicationnel déterritorialisé
Depuis juin 2022, YouTube et les réseaux sociaux sont les seuls moyens de diffusion. La loi adoptée le 4 mars 2022 par la Douma, punissant « la diffusion des informations mensongères à propos des actions des forces armées russes », a mis fin aux médias indépendants sur le territoire russe. Ces médias n’ont pas eu d’autre choix que de cesser leur existence. Dojd n’existe plus sur le territoire russe. Son site internet a été bloqué par le pouvoir le 1er mars 2022, à la suite d’une décision de la justice russe. Néanmoins, Dojd a continué à exister et à diffuser ses contenus aux habitants de la Russie, malgré l’interdit, parce que la chaîne ne dépend pas des acteurs intermédiaires de l’espace socio-économique russe. La présence exclusive sur le web lui permet d’échapper à la censure. Deux jours après l’interdiction, dans la crainte des poursuites, une grande partie des journalistes de la chaîne a quitté la Russie. En juin 2022, les cadres de la chaîne ont relancé Dojd, qui diffuse sur YouTube des contenus éditoriaux produits par les journalistes, installés à Riga et à Tbilissi. Depuis, la rédaction a déménagé aux Pays-Bas, la chaîne devenant durablement un média déterritorialisé, produisant pour les publics russophones en Russie, mais aussi en Ukraine ou ailleurs.
Dojd a pu rapidement reconstituer la communauté de ses publics. Bien qu’elle soit loin des 12 millions de téléspectateurs d’antan, sa chaîne YouTube compte tout de même 4 millions d’abonnés 13. Les visionnages sur YouTube à l’intérieur de la Russie ne peuvent plus être monétisés par la chaîne, et ne rentrent pas en ligne de compte pour la publicité. La chaîne incite donc ses publics qui sont restés en Russie à visionner les contenus à l’aide d’un VPN. Le changement de mode de diffusion provoque une dépendance à YouTube, mais la chaîne fonctionnait dès le départ selon un modèle compatible avec la diffusion YouTube.
Depuis le début, les présentateurs des journaux télévisés, diffusés en intégralité sur YouTube, incitaient activement les publics à liker les contenus de Dojd, en expliquant à plusieurs reprises, lors de chaque journal télévisé, que l’algorithme est fait ainsi et qu’il n’est pas suffisant de regarder l’émission « pour que les autres puissent connaître la vérité ». Depuis le début, la chaîne cherchait à établir un contact privilégié avec son public, l’incitait à commenter, à suggérer, à donner son avis, à republier, bref, à participer. Elle appelait activement aux dons, en expliquant aux internautes que tel est le prix de l’information libre. La chaîne affirmait à son public son attachement à la liberté et la nécessité de sa participation, y compris financière, dans le projet de Dojd. Il se trouve que cette chaîne, qui se caractérisait au début par l’amateurisme et par le soutien du Kremlin, a réussi à constituer un modèle économique viable.
Conclusion
La chaîne soumise à la fois aux pressions du pouvoir voulant contrôler les informations et à l’influence des publics ciblés qui veulent s’émanciper par un modèle éditorial plus ouvert, a dû ajuster à plusieurs reprises son modèle économique. Céder aux pressions du pouvoir signifiait pour elle perdre ses publics, alors que céder aux envies d’informations critiques envers le pouvoir l’exposait à des pressions économiques de celui-ci qui tend à verrouiller l’expression publique au sein de l’espace médiatique. Sans pouvoir se passer des publics, la chaîne n’a pas eu d’autre choix que d’être inventive afin de s’adapter aux contraintes et aux pressions. Cette inventivité est offerte à la chaîne par un nouveau modèle, qui est le seul à permettre au journalisme critique envers le pouvoir d’exister dans la Russie actuelle. Celui-ci est fondé sur la participation du public, la coédition des contenus avec les publics, l’indépendance politique et économique à l’égard du pouvoir russe et des diffuseurs russes, proches du Kremlin.
Le public est au cœur de ce projet. Il finance Dojd, il le fait exister, il assure la circulation des programmes de Dojd au sein de l’espace numérique. Enfin, le public influence le projet éditorial de Dojd, en amenant cette chaîne vers la contestation de la politique du régime de Vladimir Poutine. L’adoption du modèle participatif assure de la souplesse au modèle économique de Dojd, qui continue à produire et à diffuser des informations à destination des publics russes et russophones.
Notes
[1] En russe : « Достаточно быстро стало понятно, что полностью отказаться от некоторых элементов советского телевидения, например управленческой, пропагандистской функции, невозможно, а часто и нецелесообразно ». Traduction de l’auteur
[2] Dojd (2011), « Визит Дмитрия Медведева на Дождь. Полная версия»», [en ligne], consulté le 16/09/2022, https://www.youtube.com/watch?v=SwmvvjyhXmY
Traduction de l’auteur : « Visite de Dmitri Medvedev à Dojd. Version complète ».
[3] En russe : « для чиновников, которые ставили нам палки в колеса, для рекламодателей, которые стали пересматривать свое к нам отношение, для операторов, которые легче стали брать нас в свои телесети. Но главное — о нас узнала широкая аудитория, мы попали в зону влиятельных СМИ». Traduction de l’auteur.
[4] Growth from knowledge (2019), 15/01/2019, « Исследование GfK: Проникновение Интернета в России », Edition du 15 janvier 2019, [en ligne], consulté le 01 novembre 2022, https://www.gfk.com/ru/press/issledovanie-gfk-proniknovenie-interneta-v-rossii
Traduction de l’auteur : « Analyse GfK : Couverture internet en Russie »
[5] Simon Kemp, Datareportal (2023), « Digital 2023: The Russian Federation », Edition du 13 fevrier 2023, [en ligne], consulté le 15 avril 202 », https://datareportal.com/reports/digital-2023-russian-federation
[6] En russe : «Я плохо представляю человека, который сейчас читает бумажные газеты. Современный человек потребляет медиа через смартфон. То же самое — с телевидением. Люди (особенно молодое поколение) гораздо меньше смотрят телевизор». Traduction de l’auteur. Incrussia (2017), «Наталья Синдеева рассказала о бизнесе «Дождя » и технологиях в работе медиа» o biznese « Dojdia » i tehnologiah v rabote media, Edition du 28 juillet 2017, [en ligne], consulté le 12 décembre 2022, https://incrussia.ru/news/natalya-sindeeva-rasskazala-o-biznese-dozhdya-i-tehnologiyah-v-rabote-media/
[7] En russe : « Любой человек, к счастью, может считать себя журналистом. Если у него есть Фейсбут, Твиттер, Инстаграм, Ютуб, любой человек может уделать любую медиа организацию. Если он умеет думать, если он может случайным образом снять интересное видео. Это отличное время, в котором мы живем. В эпоху экономики внимания каждый человек борется с любой медиа корпорацией ». Traduction de l’auteur, BBC News (2020), « Mikrail Zigar: « Neizvestno, кто sejtchas president Rossii » », BBC News , service russe, [en ligne], consulté le 22 décembre 2022, https://www.youtube.com/watch?v=btAxXaMg7vc)
[8] WhatStat (2018), « Телеканал « Дождь » предложил бесплатную подписку для СМИ », [en ligne], le 25 juillet 2018, consulté le 22 décembre 2022, https://whatstat.ru/channel/tvrainru
Traduction de l’auteur : « La chaîne télévisée « Dojd » a proposé aux médias un abonnement gratuit ».
[9] INC (2017), « Издатель газеты « Ведомости » и телеканал « Дождь » стали прибыльными », [en ligne], le 02 août 2017, consulté le 13 janvier 2022, https://incrussia.ru/news/gazeta-vedomosti-i-telekanal-dozhd-vpervye-stali-pribylnymi/
Traduction de l’auteur : « L’éditeur du journal Vedomosti et la chaîne télévisée Dojd sont devenus bénéficiaires.
[10] INC (2017), « Телеканал Дождь раскрыл доходы от платной подписки », [en ligne], le 29 août 2017, consulté le 15 janvier 2022, https://incrussia.ru/news/dozhd-dohody-ot-platnoj-podpiski/
Traduction de l’auteur : « La chaîne télévisée Dojd a rendues publiques ses recettes liées aux abonnements ».
[11] INC (2017), « Телеканал Дождь раскрыл доходы от платной подписки », [en ligne], le 29 août 2017, consulté le 15 janvier 2022, https://incrussia.ru/news/dozhd-dohody-ot-platnoj-podpiski/
[12] WhatStat (2018), « Телеканал « Дождь » предложил бесплатную подписку для СМИ », [en ligne], le 25 juillet 2018, consulté le 22 décembre 2022, https://whatstat.ru/channel/tvrainru
[13] WhatStat (2018), « Телеканал « Дождь » предложил бесплатную подписку для СМИ », [en ligne], le 25 juillet 2018, consulté le 22 décembre 2022, https://whatstat.ru/channel/tvrainru
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Auteur
Vitaly Buduchev
Docteur en Sciences de l’information et de la communication, Vitaly Buduchev est enseignant à l’Université de Lille, chercheur associé au GERIICO. Ses travaux portent sur la construction de l’actualité par les médias et sur le journalisme, russe et français. L’analyse des dynamiques coopératives et participatives de la production des informations sont au cœur de ses travaux, portant sur les médias traditionnels et numériques.
vitaly.buduchev@univ-lille.fr
Plan de l’article
Introduction
Marché audiovisuel sous contrôle du pouvoir
Les débuts de DOJD : un projet commercial éloigné de la politique
Projet du media web DOJD : exploiter le discours de résistance sans déranger le pouvoir
Rassembler les publics du web et de la télévision avec le format participatif
Nouveau média pour de nouveaux publics
La contestation politique comme élément de déséquilibre du modèle économique
Adaptabilité de la chaîne aux contraintes imposées par le pouvoir russe
Un nouveau média dans un espace communicationnel déterritorialisé
Conclusion : une « posture antisystème »
Notes
Références bibliographiques