Politiques publiques de soutien au cinéma burkinabè et production nationale de films ?
Résumé
Le Burkina Faso est un des pays d’Afrique subsaharienne francophone qui mène depuis la fin des années 1960 une politique publique volontariste en matière d’appui au cinéma. Cette action publique pendant deux décennies (années 1970 et années 1980) a permis une production significative de films, faisant de ce pays une référence en Afrique de l’Ouest, à l’époque. Toutefois, au début des années 1990, un ensemble de facteurs conjoncturels a amené l’État à moins soutenir la filière cinéma. Cette période est aussi marquée par la naissance des premières initiatives privées en matière d’industries culturelles, notamment la création des premières maisons de production cinématographique. En outre, la fin des années 1990 est caractérisée par la fermeture de guichets de financements étrangers, avec, pour conséquence, les difficultés pour les professionnels du cinéma burkinabè de boucler les budgets de production. Au vu de ce contexte, on peut se demander quel rôle l’État burkinabè peut jouer pour favoriser une plus grande production cinématographique nationale. Quels mécanismes mettre en place pour un financement régulier de la filière cinématographique dans un contexte où des guichets internationaux ferment et où les fonds nationaux existants ont des moyens financiers limités ? Cet article s’attèle à apporter des éléments de réponse à ce faisceau de questionnements.
Mots clés
Action publique, industries culturelles, production cinématographique, Burkina Faso.
In English
Title
Policies to supports burkinabe cinema and national film production
Abstract
Burkina Faso is one of the countries of French-speaking Sub-Saharan Africa which, since the end of the 1960s, has pursued a proactive public policy in terms of support for the cinema. This public action for two decades (1970s and 1980s) allowed a significant production of films, making this country a reference at the time, in West Africa. However, in the early 1990s, a series of cyclical factors led the State to less support the film industry. This period was also marked by the birth of the first private initiatives in the cultural industries, notably the creation of the first film production houses. In addition, the end of the 1990s was characterized by the closure of the foreign funding windows, with the consequence, the difficulties that Burkinabè cinema professionals had in closing production budgets. Given this context, one may wonder what role the Burkinabè state could play in promoting greater national cinematographic production. What mechanisms should be put in place for regular financing of the film industry in a context where international windows are closing and where existing national funds have limited financial means? This article attempts to provide some answers to this questioning.
Keywords
Public action, cultural industries, film production, Burkina Faso.
En Español
Título
Políticas públicas para apoayr el cine de Burkinabè y la producción cinematográfica nacional
Resumen
Burkina Faso es uno de los países del África subsahariana de habla francesa que, desde finales de la década de 1960, ha seguido una política pública proactiva en términos de apoyo al cine. Esta acción pública durante dos décadas (1970 y 1980) permitió una producción significativa de películas, haciendo de este país una referencia en ese momento, en África occidental. Sin embargo, a principios de la década de 1990, una serie de factores cíclicos llevaron al Estado a apoyar menos a la industria cinematográfica. Este período también estuvo marcado por el nacimiento de las primeras iniciativas privadas en las industrias culturales, en particular la creación de las primeras productoras de cine. Además, el final de la década de 1990 se caracterizó por el cierre de las ventanas de financiación extranjeras, con la consecuencia, las dificultades que los profesionales del cine de Burkinabè tuvieron para cerrar los presupuestos de producción. Dado este contexto, uno puede preguntarse: ¿ qué papel podría desempeñar el Estado de Burkinabè en la promoción de una mayor producción cinematográfica nacional ? ¿ Qué mecanismos debería establecerse para el financiamiento regular de la industria cinematográfica en un contexto en el que se cierran ventanas internacionales y donde los fondos nacionales existentes tienen medios financieros limitados? Este artículo intenta proporcionar algunas respuestas a estas preguntas.
Palabras clave
Acción pública, industrias culturales, producción cinematográfica, Burkina Faso.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Dakouré Evariste, « Politiques publiques de soutien au cinéma burkinabè et production nationale de films ? », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°22/2, 2021, p.15 à 24, consulté le vendredi 15 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2021/dossier/01-politiques-publiques-de-soutien-au-cinema-burkinabe-et-production-nationale-de-films/
Introduction
La question de la diversité des expressions culturelles est un débat en cours depuis un siècle bientôt mais elle s’est manifestée de manières différentes suivant les décennies et les enjeux. Selon, Joëlle Farchy :
« […] c’est dans un contexte de lutte contre les déséquilibres commerciaux entre les États-Unis et l’Europe en matière cinématographique que prend racine, dès les années 1920-1930, ce que l’on appellera bien plus tard la politique d’exception culturelle. » (Farchy, 2008, p.174)
Avant la fin des années 1990, la notion même de diversité culturelle n’était pas très mobilisée. Elle s’est construite au fil du temps et en fonction de débats mettant en jeu des intérêts divergents. Pendant les années 1990, des États comme la France et le Canada ont fermement défendu le principe d’exception culturelle dans le but de protéger des cultures locales sous influence étrangère, notamment américaine. À ce sujet, Antonios Vlassis indique :
« Au départ, à l’instigation de la France et du Canada, plusieurs acteurs se sont réunis autour du terme de l’exception culturelle en vue de préserver la spécificité du secteur culturel et de soustraire les produits et services culturels de l’agenda des accords commerciaux. Cependant, au fil du temps, le terme de l’exception culturelle est abandonné et celui de la diversité culturelle lui est progressivement substitué. » (Vlassis, 2011, p.493-494)
Même si la notion de diversité culturelle a davantage fait consensus par rapport à celle d’exception culturelle, elle comporte aussi ses limites. Tristan Mattelart affirme que :
« Consacrée à l’Unesco en 2005 par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, elle a rallié la quasi-totalité des États, sans qu’elle ait depuis véritablement d’effets ni traduit sa faculté à modifier la structure des échanges internationaux de biens et services culturels » (Mattelart, 2009, p.1)
Afin de soutenir des pays en développement dans leurs politiques culturelles, un fonds de soutien à la production culturelle a été créé parallèlement à la signature de la convention. Mais ce fonds tarde à donner des résultats significatifs. En effet, il n’a pas été doté d’un instrument contraignant de collecte de finances, limitant ainsi ses capacités de mobilisation. Comme l’indique Antonios Vlassis (2011), de grands pays promoteurs de la diversité culturelle comme la France et le Canada étaient moins préoccupés par le renforcement de la coopération culturelle internationale que par la reconnaissance du rôle majeur que les politiques publiques doivent jouer pour la promotion des produits culturels. Pendant ce temps, des pays comme les États-Unis et le Japon se montraient réticents par rapport à la mise en place d’un fonds soutenu par des contributions obligatoires.
Le cinéma francophone africain et burkinabè en particulier, au début des années 2000, ne s’est pas seulement caractérisé par la fermeture de guichets de financements, ce qui a eu des incidences notamment sur la production cinématographique locale. On a également assisté aux premières utilisations de dispositifs numériques pour la production, ce qui a engendré une baisse sensible des coûts de production. Cette réalité est commune à toute l’Afrique de l’Ouest francophone. Pour témoignage, nous avons la réponse du réalisateur malien Adama Barro au magazine Fespaco New lorsque ce magazine demandait si les cinéastes africains s’intéressent au numérique :
« Bien sûr que oui. Comment ne pas s’y intéresser, ne serait-ce que pour les connaître, à défaut de posséder cette technologie des plus pointues qui plus est, offre d’énormes avantages en termes de coût et de temps. C’est le cas en matière de montage où un système d’ordinateur fait tout le travail. Le film est carrément monté avec les effets, les dialogues et la musique, puis envoyé au laboratoire d’où le produit sortira avec, en prime, une économie de temps et de moyens ! [1] »
Au vu de ce contexte d’ensemble, on peut se demander : quel rôle l’État burkinabè peut jouer pour favoriser une plus grande production cinématographique nationale ?
Le présent article entre dans le cadre d’une série de publications sur la filière cinéma au Burkina Faso. Cet article complète notamment un travail déjà publié dans la revue REFSICOM sous le titre : « Analyse de la contribution de l’État Burkinabè et de la coopération culturelle à la structuration de la filière cinéma au Burkina Faso » et dans cette même revue Les Enjeux de l’information et de la communication sous le titre « La promotion de films d’Afrique francophone sur des plateformes numériques : l’exemple du Burkina Faso ».
Dans la présente recherche, nous soutenons l’idée selon laquelle un des rôles que l’État burkinabè doit jouer, pour aider à poser les bases d’une industrie cinématographique solide et contribuer ainsi à la production de contenus allant dans le sens du renforcement de la diversité des expressions culturelles, est d’aider la filière cinématographique burkinabè à se structurer. Malgré la politique de subventions publiques (malheureusement les fonds attribués sont très faibles) la filière cinématographique burkinabè peine à donner des résultats satisfaisants. En effet, cette filière fonctionne mal depuis de longues années et certains métiers ne sont pas formalisés ou tendent à disparaître. Par exemple, depuis la liquidation de la Société nationale du cinéma burkinabè (Sonacib) en 2004, le secteur de la distribution cinématographique burkinabè n’arrive plus à assurer son rôle. Cela amène des réalisateurs, producteurs, exploitants de salles à faire office aussi de distributeurs.
Dans la suite de cet article, nous donnerons d’abord des indications méthodologiques. Puis nous examinerons l’importance de l’apport de l’action publique en matière de production cinématographique au Burkina Faso. Les différentes formes que prennent les soutiens publics et leurs limites seront aussi analysées.
Indications méthodologiques
Notre étude se fonde sur une méthodologie qualitative, celle-ci est adaptée puisqu’elle permet de développer une riche description et une explication des phénomènes et processus observés dans des contextes locaux. En tout, vingt-quatre entretiens semi-directifs d’une durée moyenne de soixante minutes ont été exploités dans le cadre de l’élaboration du présent article. Ces entretiens ont été menés en février et en septembre 2019 auprès de responsables de la Direction générale du cinéma et de l’audiovisuel, de chaînes de télévision, d’exploitants de salles de cinéma, de réalisateurs et de producteurs. Pour assurer la validité de nos conclusions, nous avons procédé, d’une part, à une analyse des discours institutionnels sur les politiques publiques d’accompagnement du cinéma au Burkina Faso. D’autre part, nous avons mis ces discours en tension avec ceux de professionnels du cinéma et des chercheurs. L’exploitation des données de terrain a consisté à extraire des entretiens des propos à même de soutenir convenablement notre argumentaire. Ainsi des verbatim ont été utilisés pour étayer certains de nos propos.
Les entretiens semi-directifs ont été complétés par des recherches documentaires portant sur des rapports d’études, des rapports d’activités et des textes réglementaires, entre autres.
L’action publique et l’appui à la production cinématographique au Burkina Faso
Dans beaucoup de pays africains, comme le Burkina Faso, les États accordent peu d’importance aux politiques culturelles. Cela se manifeste la plupart du temps par des discours volontaristes, s’alignant souvent sur des discours internationaux en matière de diversité culturelle ou d’appui aux industries culturelles, mais sans que ce ne soit accompagné d’un appui financier conséquent, alors que l’action publique est considérée par certains acteurs comme le principal moyen capable d’assurer la diversité des expressions culturelles. Concernant le rôle des pouvoirs publics, Joëlle Farchy souligne que :
« […] Malgré leurs différences, la convention (convention sur la diversité des expressions culturelles) comme l’accord de l’OMC ont un point commun : ils considèrent les politiques publiques nationales comme le principal moyen d’assurer la diversité. Ces politiques présentent cependant bon nombre de limites tant du point de vue de leur efficacité économique qu’en raison des ambiguïtés de l’objectif même. » (Farchy, 2008, p.171)
Toujours concernant les effets des politiques culturelles en matière de production de biens culturels, Marie-Lise Alleman et ses co-auteurs soutiennent que depuis une vingtaine d’années, le commerce des biens culturels connaît une croissance régulière. Selon eux, ce commerce pèse 1% à 6% du produit national brut (PNB) de certains pays. Ils indiquent que les pays du Sud qui bénéficient de cette croissance sont ceux qui ont mis en œuvre des politiques publiques pour le développement de leurs industries culturelles.
« Le cas de la croissance des industries sud-africaines de la musique et du film montre que leur développement et leur impact économique dépendent directement des politiques publiques de soutien. Au niveau des filières, les exemples du Maroc, et dans une moindre mesure, du Burkina Faso pour le cinéma, et de la Côte d’Ivoire pour l’édition, attestent de l’effet direct de ces mesures sur le niveau de développement de la production de biens culturels. » (Alleman et al., 2004, p.13)
La notion de politique culturelle renvoie aux politiques et mesures relatives à la culture, à un niveau local, national, régional ou international. Ces politiques sont focalisées sur la culture en tant que telle, ou destinées à avoir un effet direct sur les expressions culturelles des individus, groupes ou sociétés. Elles prennent en compte : la création, la production, la diffusion et la distribution d’activités, de biens et services culturels ainsi que l’accès à ceux-ci (Yarabatioula, 2018). Toutefois, il convient de noter que c’est l’action publique en termes de soutien à la production cinématographique qui nous intéresse particulièrement dans le présent article.
Si ces dernières années, on constate un regain de production dans certains pays africains du fait de la baisse des coûts de production avec l’usage du numérique dans la chaîne de création, il faut noter que cette production avait déjà drastiquement chuté à la fin des années 1990 en Afrique subsaharienne, surtout francophone. Cette baisse s’explique par la raréfaction des financements. Certes, les filières cinéma de ces États africains sont appelées à mieux se structurer et se professionnaliser pour fonctionner comme une industrie à même de produire de la rentabilité ; mais pour cela, elles ont besoin de l’accompagnement de l’action publique. À ce sujet, Claude Forest indique :
« Au niveau de la réalisation, toutes les collaborations individuelles sont utiles, mais pour pouvoir passer à une phase supérieure, les pouvoirs publics ont un rôle majeur à tenir, sur la formation bien sûr, mais surtout d’intervention contre le piratage, sur l’encadrement de l’économie informelle, sur l’établissement et le respect d’une réglementation idoine, dans la lutte contre une corruption qui rend vaine toute politique de redistribution, tant bien même des moyens financiers seraient alloués en amont. » (Forest, 2012, p.11)
Le Burkina Faso fait partie des rares pays africains à s’être rapidement lancé dans des actions publiques en faveur du cinéma en Afrique subsaharienne francophone. La mesure majeure qui a été prise dans ce sens est la nationalisation des salles de cinéma en Haute-Volta (ancienne appellation du Burkina Faso jusqu’en août 1984). Cette nationalisation est survenue à la suite d’un différend avec les exploitants privés (étrangers) des six salles de cinéma que le pays avait à l’époque. Dans la foulée de cette nationalisation, plusieurs mesures seront prises pour accompagner le cinéma burkinabè :
« En 1970, plusieurs mesures sont prises […] : création de la Société nationale du cinéma voltaïque, qui deviendra Société nationale du cinéma burkinabè (Sonacib) ; mise en place d’un fonds de soutien à la promotion des activités cinématographiques […] Le Fespaco sera institutionnalisé en 1972 par l’État, qui le récupérait ainsi du club d’amis qui l’avait créé en 1969. 1972, avec l’appui de l’État, voit les débuts du cinéma burkinabè avec la production d’un film de fiction Le sang des paria, réalisé en 1972 par Mamadou Djim Kolla. » (Zida, 2018, p.149)
Parallèlement à la nationalisation des salles de cinéma et à la création de la Société nationale du cinéma burkinabè, l’État burkinabè a aussi mis en place le Fonds de promotion et d’extension de l’activité cinématographique en 1970. Ce fonds était financé à travers un prélèvement de 15% sur les recettes d’entrées en salles de cinéma, dans le but notamment de soutenir la production cinématographique.
Sous l’impulsion de l’action publique, toutefois avec l’appui de partenaires étrangers dont l’Unesco, le Burkina Faso crée, en 1977, l’Institut africain d’études cinématographiques (Inafec) qui a permis de former pendant dix ans des professionnels originaires de divers pays africains.
L’action publique en matière de cinéma au Burkina Faso est restée forte, d’un régime politique à un autre, parce que chaque régime appréhende le cinéma comme un outil d’engagement politique (surtout pendant la période révolutionnaire de 1983 à 1987) et le Fespaco (présenté comme le plus grand festival de cinéma en Afrique) est perçu comme une des meilleures tribunes pour faire la promotion du Burkina Faso à travers le monde.
Toutes ces actions publiques ont contribué à faire du Burkina Faso :
« un pays de référence du cinéma africain ; une position privilégiée qui s’est consolidée non seulement avec le volume croissant de production de films de divers genres, mais aussi et surtout avec l’organisation régulière des éditions de la biennale du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou »(Yarabatioula, 2018, p.250).
Toutefois, le début des années 2000 a marqué « l’amorce de la fin » de la période glorieuse du cinéma burkinabè du fait de la mauvaise gouvernance de certaines structures publiques qui soutenaient la production et la distribution de films au Burkina Faso (en particulier la Sonacib) et de l’incapacité des professionnels du cinéma burkinabè à trouver un modèle économique viable pour financer leurs productions sans dépendre grandement des aides extérieures ou des subventions de l’État.
Les dysfonctionnements d’organismes publics d’appui au cinéma et la crise du cinéma burkinabè
Le début des années 1990 en Afrique subsaharienne est marqué par l’injonction faite par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) pour que les États africains conduisent des politiques d’ajustement structurel (PAS). Ces politiques étaient caractérisées, entre autres, par un désengagement de l’État dans certains secteurs et une ouverture accrue à l’investissement privé dans divers domaines de la vie économique, culturelle, pour ne citer que ces exemples. Cette nouvelle orientation a favorisé le développement d’initiatives privées dans le secteur des industries culturelles au Burkina Faso, notamment la naissance de maisons de production cinématographique. À ce sujet, Jacob Yarabatioula souligne que :
« Les initiatives privées (dans la perspective marchande de la culture) ne sont apparues que bien plus tard, dans un contexte de conjoncture économique encourageant la dérégulation, et de démission de l’État vis-à-vis de certains secteurs jugés non prioritaires par les institutions de Brettons Woods dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) » (Yarabatioula, 2018, p.113).
Notons que dans les années 1970 et 1980, le développement culturel au Burkina Faso se faisait sous l’impulsion de l’action publique, avec une forte présence de l’État dans les initiatives menées. Comme le soutiennent certains spécialistes du cinéma burkinabè que nous avons interrogés, ce cinéma, jusqu’aux années 1990, n’était pas animé par une visée commerciale. À ce propos, Baba Hama, ancien ministre en charge de la culture, affirme que :
« Le cinéma a commencé au Burkina Faso au début de l’indépendance avec la production de films socio-éducatifs jusqu’aux années 1970, période où les premières fictions burkinabè ont commencé. La production cinématographique n’avait pas une vocation industrielle, commerciale mais une vocation didactique du cinéma. » (Hama, entretien du 4 février 2019)
Quant à Justin Ouoro, enseignant-chercheur spécialiste du cinéma et président de l’association des critiques de cinéma du Burkina Faso, il souligne que :
« Le cinéma burkinabè à son début était un cinéma d’engagement, de combat et non un cinéma à visée commerciale. Cette dimension de l’engagement avait pris le pas sur la dimension industrielle. Et cela s’inscrit dans un contexte où les Burkinabè ne s’étaient pas mis à faire du cinéma dans l’optique de gagner de l’argent. En effet, au début le cinéma (fiction) burkinabè, voire africain, était un cinéma de combat pour la reconnaissance, la revalorisation et l’affirmation de l’identité africaine. La portée idéologique de ce mode d’expression avait pris le pas sur la dimension industrielle. Et cela, jusqu’aux années 1990. » (Ouoro, entretien du 06 février 2019)
Avec les difficultés que la Société nationale du cinéma burkinabè a rencontrées pendant les années 1990, liées à un problème de recouvrement des recettes des salles de cinéma et un investissement de prestige dans la construction de salles de cinéma (notamment le ciné Sagnon de Bobo-Dioulasso considéré par certains acteurs comme un luxe) à un moment où cette société d’État était en difficulté financière, le cinéma burkinabè a perdu son lustre d’antan. Par conséquent, on a assisté à une baisse de la production et les réalisations cinématographiques classées dans la catégorie des œuvres majeures en Afrique sont devenues rares au Burkina Faso. Un des aspects qui symbolise le mieux cette affirmation dans l’opinion publique burkinabè est la critique récurrente en termes de perte de qualité des films burkinabè. En outre, depuis Gaston Kaboré en 1997, aucun réalisateur burkinabè n’a obtenu l’« Étalon d’or de Yennenga », le 1er prix du Fespaco. Or, le pays revendique le titre de capitale du cinéma africain non seulement parce qu’il organise la biennale du Fespaco, mais aussi parce qu’il a joué un rôle majeur pour le cinéma en Afrique dans les années 1980 et 1990. À titre illustratif, l’Institut africain d’études cinématographiques (Inafec) a formé plusieurs professionnels du cinéma africain. En outre, le Burkina Faso a soutenu des co-productions et en matière de distribution de films, la Sonacib a parfois contribué à alimenter des salles de cinéma au Mali et au Niger. De notre entretien avec François Vokouma, ancien directeur général de la Sonacib, il ressort qu’« il y a eu un moment où le Mali et le Niger ne pouvaient pas acheter des films et la Sonacib achetait ses films, puis avec ses droits, elle aidait ces deux pays en leur envoyant les films pour exploitation » (Vokouma, entretien du 2 septembre 2019).
Mais la mauvaise gestion de structures publiques d’appui au cinéma, comme la mauvaise foi de certains cinéastes qui ont bénéficié de subventions publiques qu’ils devaient rembourser en partie, ont contribué à mettre à mal le mécanisme de subvention mis en place. Ce fonds était soutenu par le fonds de promotion et d’extension de l’activité cinématographique alimenté à hauteur de 15% par les recettes d’entrées en salles. Selon le réalisateur Gaston Kaboré :
« […] Une des choses importantes en dehors de la nationalisation des salles, c’est qu’immédiatement a été créé le fonds de promotion et d’extension de l’activité cinématographique. L’État a décidé de mettre 15% des ventes de tickets à la disposition de ce fonds. Cela était déjà révolutionnaire. Ce fonds a permis de rénover des salles de classes pour l’ouverture de l’Inafec, d’acheter de l’équipement en 1979 pour faire des films. » (Kaboré, entretien du 26 septembre 2019)
Au Burkina Faso, le nombre de professionnels dans la branche distribution, qui sont agréés par les autorités compétentes, a significativement baissé depuis les années 2000. À ce sujet, Armel Hien, directeur général du cinéma et de l’audiovisuel (DGCA) que nous avons interrogé, constate :
« La distribution est un secteur qui n’est pas encore bien structuré au Burkina Faso et qui n’est pas professionnel. Ce qui fait que les producteurs et les exploitants de salles de cinéma jouent le rôle de distributeurs parce que ce maillon n’arrive pas à jouer pleinement son rôle. » (Hien, entretien du 07 février 2019)
Or, pour qu’une industrie cinématographique puisse prendre place, il faut un bon fonctionnement des différents segments de la filière. Par exemple, la distribution est importante pour assurer des marges financières qui pourront être réinvesties dans la production d’autres projets de films.
En plus des fonds de l’État burkinabè, une des sources importantes de financement du cinéma de ce pays, jusqu’à la fin des années 1990, est issue de l’apport de guichets étrangers – français, belge, fonds de l’OIF, entre autres – qui soutiennent financièrement des projets de films africains dans le cadre de la coopération culturelle.
Toutefois, la réalité des soutiens au titre de la coopération culturelle internationale au développement d’industries culturelles en Afrique a été remise en cause par certains chercheurs. Après avoir évoqué les problèmes locaux du cinéma d’Afrique francophone (fermetures massives de salles, pour ne citer que cet exemple), Claude Forest considère que l’aide culturelle s’est faite dans une logique qui bénéficie d’abord aux pays apportant leur soutien. Dans le cas français, il indique :
« [cette aide] profitera avant tout à l’image et à l’industrie françaises (la majorité́ des fonds alloués devant notamment être dépensée en France), favorisera quelques réalisateurs africains, produira indéniablement certains films jugés de qualité́, mais empêchera de facto des industries techniques nationales (production, postproduction, studios, laboratoires…) d’émerger » (Forest, 2018, p.6).
Nous constatons là, les limites de ce type de coopération culturelle quand il s’agit par exemple de poser les fondements d’une industrie du cinéma au Burkina Faso. D’aucuns pourraient dire que cela n’est pas le but premier de cette coopération.
Une autre structure publique, dont la disparition a négativement impacté la production de films au Burkina Faso, est l’Inafec. En effet, cet institut a fermé en 1986, créant un vide en matière de formation, alors que le cinéma burkinabè des années 1980 et 1990, qui a parfois reçu des récompenses, a été principalement le fruit de professionnels (réalisateurs, techniciens, entre autres) qui en étaient issus. Le célèbre réalisateur burkinabè Idrissa Ouédraogo, par exemple, a été formé à l’Inafec contrairement à l’autre grand nom de ce cinéma burkinabè, Gaston Kaboré, avec lequel nous nous nous sommes entretenu, formé à l’École Supérieure d’Études Cinématographiques (ESEC) à Paris.
Durant les années 2000, faisant le constat du grand recul du cinéma burkinabè, l’État a pris la résolution d’intervenir dans la filière pour l’aider à se redynamiser. C’est ainsi que plusieurs actions ont été entreprises dont l’ouverture d’un institut de formation. L’Institut supérieur de l’image et de l’audiovisuel (Isis) a été créé pour combler ce vide laissé par la fermeture de l’Inafec. Différents fonds d’appui aux industries culturelles et en particulier au cinéma ont été mis en place, mais leurs effets ont été limités du fait de la faiblesse des subventions attribuées. La conséquence est que, à l’approche de chaque édition du Fespaco, l’État est obligé d’attribuer des subventions spéciales à travers un appel à projets afin de faire produire des films qui seront mis en compétition au festival. En effet, il serait mal perçu que le pays hôte du festival n’ait pas de films en compétition dans la catégorie phare, celle du long métrage. À titre illustratif, à l’occasion du Fespaco 2019 qui correspondait aussi à l’édition du cinquantenaire du festival, l’État burkinabè a octroyé un milliard de francs CFA en subvention pour le tournage de films à mettre en compétition.
« Un milliard de FCFA pour 9 projets de films. Afin de soutenir le cinéma burkinabè et de le rendre plus compétitif lors du Fespaco 2019, le président du Faso, Roch Kaboré, a octroyé une subvention d’un milliard de francs CFA à l’association des cinéastes burkinabè. Les projets retenus sont : 2 longs métrages de fiction, 2 séries télévisées, 1 documentaire, 2 courts métrages de fiction et 2 films en post-production [2] ».
Une telle subvention manifeste la faiblesse du cinéma burkinabè qui a du mal à se structurer et qui est traversé par des discordes entre acteurs de la filière. Ainsi, malgré l’opportunité qu’offre le numérique, la production nationale reste faible. La filière gagnerait donc à être mieux organisée avec des cahiers des charges pour l’exercice des différents métiers et ces cahiers des charges doivent être assortis de sanctions en cas de non-respect. Comme l’indique Antonios Vlassis cité par Vincent Dubois, l’action publique nécessite, outre la mise à disposition de ressources, des sanctions qui soient appliquées :
« Ces « actes d’État » supposent la concentration d’un ensemble de capitaux accumulés tout au long de la genèse de l’État pour être efficacement accomplis, et réalisent en retour la force de l’État. Cette force est matérielle (l’octroi de ressources) ou physique (la coercition, mise en avant notamment par Weber). » (Dubois, 2014, p.2)
Pour que cela fonctionne bien au Burkina Faso, l’État devrait doter les structures en charge de la mise en œuvre de la politique cinématographique de moyens conséquents pour la réalisation de leurs missions. Ce qui n’est pas toujours le cas selon la DGCA. Justin Ouoro soutient aussi que :
« La Direction générale du cinéma et de l’audiovisuel (DGCA) n’est pas suffisamment équipée, notamment sur le plan des ressources humaines spécifiques pour aider à la structuration et à la régulation du milieu. Le secteur du cinéma demande des compétences diversifiées, il faut des juristes, des économistes, des administrateurs, des techniciens avisés. La DGCA doit recruter un personnel compétent au profil adéquat. Il faut ajouter que cette direction a des moyens limités par rapport aux besoins de déplacements sur le terrain, sur les plateaux de tournage pour des contrôles » (Ouoro, entretien du 06 février 2019)
Sans moyens, le volontarisme politique en matière de cinéma sera voué à l’échec et ses résultats seront critiqués comme c’est le cas actuellement.
Les pistes en vue de créer un cadre favorable à plus d’investissements dans le cinéma burkinabè
Selon Claude Forest (2012), dans un contexte où beaucoup de salles de cinéma ont fermé en Afrique, il existe différentes formes de financement de la production, entre autres, l’exploitation de la vidéo, des chaînes de télévision, du sponsoring. Mais pour pouvoir utiliser convenablement ces sources, l’État doit préalablement créer un environnement législatif adéquat et surtout veiller à son respect.
« Les tax-shelters, abris fiscaux qui permettent une exonération totale ou partielle d’impôt, ont permis à des pays (tels l’Irlande, la Belgique ou le Maroc) de redynamiser leur industrie en quelques années. » (Forest, 2012, p.11)
Toutefois, cet auteur pense que cette technique n’est pas applicable en l’état à certains pays d’Afrique subsaharienne, puisqu’elle concerne des industries aux structures existantes et pérennes, dont la crédibilité permet d’attirer des capitaux légaux dans un cadre juridique protégé et fiscalement avantageux. Or la mauvaise gouvernance et la corruption évoquées supra ne favorisent pas une telle attractivité dans des pays comme le Burkina Faso.
Comme l’environnement n’est pas favorable à l’investissement dans le cinéma et que les banques locales sont frileuses pour financer des projets de films, les professionnels de la filière comptent beaucoup sur les aides, subventions et appuis divers de l’État burkinabè, mais le budget alloué n’est pas élevé. Pour Emile Zida :
« Le Burkina Faso a longtemps fonctionné sous la forme d’aides directes octroyées aux acteurs culturels pour la production de leurs œuvres. Les opérateurs culturels ont depuis longtemps reproché à l’État son faible accompagnement financier des projets et initiatives culturels. « Moins de 1% du budget de l’État » est devenu le slogan généralisé pour marquer la modicité des ressources que l’État octroie au secteur de la culture. » (Zida, 2018, p.168),
Même si l’État burkinabè a peu de moyens financiers à allouer à la filière cinématographique, on peut néanmoins noter que son soutien est multiforme. Ainsi, Jacob Yarabatioula affirme :
« Le soutien de l’État s’est illustré de plusieurs manières : la coproduction, l’octroi de subventions, l’aval accordé à certains réalisateurs-producteurs auprès des institutions financières, la prise de textes de lois pour réglementer le secteur, etc. […] Les trois dernières années (2014-2016), l’État a soutenu modestement la production cinématographique et audiovisuelle, à hauteur de 644 millions de francs CFA. Il y a d’autres formes de soutien que l’État consent pour accompagner les acteurs comme la mise à disposition du matériel technique et les facilitations administratives. » (Yarabatioula, 2018, p.271)
Ce point de vue va dans le sens des propos que nous avons recueillis en février 2019 lors de notre entretien avec le directeur général du cinéma et de l’audiovisuel concernant les apports de l’action publique au bénéfice des cinéastes burkinabè :
« Nous essayons tant bien que mal de faire respecter la réglementation dans le secteur du cinéma malgré nos moyens financiers limités. Aussi, au niveau du ministère, on a mis en place un mécanisme de subvention des productions. Il s’agit du fonds de développement culturel et touristique qui fait des prêts et des subventions aux professionnels du cinéma. Les subventions concernent uniquement les structures non marchandes, associatives. Le fonds fait un appel à projets, puis des équipes d’experts analysent les projets pour choisir un nombre de projets à financer. Comme autre appui public, le fonds se porte garant auprès de banques pour permettre à des professionnels du cinéma de prendre des prêts. L’État apporte également des avis conseils, pour accompagner les professionnels qui veulent soumettre des demandes de subventions à l’OIF, quand cet organisme lance des appels à projets pour financement de films. Comme autre action de l’État, on peut aussi noter que le ministère a initié une politique de réhabilitation des salles de cinéma dans les provinces et cela a notamment commencé à Gaoua et Fada N’Gourma. » (Hien, entretien du 7 février 2019)
Selon Jacob Yarabatioula (2018), au vu de l’ensemble des moyens d’action publique, l’environnement institutionnel est globalement favorable au développement d’une industrie du cinéma au Burkina Faso. Pour lui, l’existence même d’une institution comme la DGCA permet de fédérer les actions et de les orienter dans la bonne direction. Mais même si cet auteur présente la DGCA comme une structure de référence, elle manque néanmoins de moyens matériels et financiers pour fonctionner convenablement. Cette insuffisance limite les possibilités réelles de cette direction qui n’arrive pas à jouer pleinement son rôle d’aide à la professionnalisation de la filière cinéma au Burkina Faso.
Conclusion
La volonté politique, l’action publique en matière de cinéma a toujours existé depuis la fin des années 1960 au Burkina Faso. En dehors du soutien au Fespaco qui est l’événement phare du cinéma africain, l’État burkinabè, à travers un ensemble de mesures, de subventions, entre autres, soutient la filière. Après les difficultés financières que la Société nationale du cinéma burkinabè a connues dans les années 1990 et qui ont conduit à sa liquidation en 2004, l’État a perdu un instrument qui lui permettait d’apporter un accompagnement significatif à la production et à la distribution de films dans le pays. Le vide ainsi créé dans une filière peu structurée peine aujourd’hui à convaincre de potentiels investisseurs.
Nous avons présenté dans cet article un ensemble d’initiatives publiques de soutien au cinéma burkinabè, mais nous n’avons pas cherché à être exhaustif dans le recensement et l’identification des fonds ou des formes d’appui de l’État. Notre approche vise à mettre l’accent sur l’importance de l’action publique pour la survie de la filière cinéma au Burkina Faso même si l’apport de l’État représente peu d’argent. Dans ce contexte, l’accompagnement à l’organisation des différentes branches de métiers de la filière cinéma, l’adoption et l’application de textes réglementaires appropriés, la mise en place d’une billetterie sont des leviers importants de l’action publique qui pourraient impacter positivement la filière cinéma dans son cheminement vers l’instauration des bases de son industrialisation.
Références bibliographiques
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Yarabatioula, Jacob (2018), Industries culturelles et créatives au Burkina Faso : analyse des filières au prisme des politiques et stratégies d’acteurs, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, Université Grenoble Alpes.
Zida, Raguidissida Emile (2018), Industries culturelles dans les pays francophones d’Afrique subsaharienne : cas du Burkina Faso, thèse de doctorat en sciences de l’information et de la communication, Université Grenoble Alpes.
Auteur
Evariste Dakouré
.: Evariste Dakouré est enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Aube Nouvelle (Ouagadougou, Burkina Faso) où il dirige l’UFR Lettres langues et sciences humaines. Il est chercheur associé au Groupe de recherche sur les enjeux de la communication/Gresec (Université Grenoble Alpes, France) et membre associé à la chaire Unesco en communication et technologie pour le développement de l’Université du Québec à Montréal (Canada). Il travaille sur les usages sociaux du numérique, sur les stratégies de développement de multinationales des télécoms, sur le thème communication Tic et migrations internationales et sur les concepts de diversité culturelle et industries culturelles.
evaristedakoure@hotmail.com