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Les formes d’appropriation de la transition énergétique par le récit territorial : le cas de la géothermie profonde dans la métropole de Strasbourg

31 Oct, 2018

Résumé

Les politiques publiques de transition énergétique se traduisent en Alsace par une multiplication de projets de centrales de géothermie profonde. Toutefois, leur émergence dans des territoires à forte densité de population va susciter une controverse et de vives discussions notamment quant à la répartition des bénéfices et des risques entre les municipalités. Nous proposons une étude socio-discursive des récits territoriaux, fortement contrastés, produits par deux communes. D’un côté, Illkirch-Graffenstaden met en avant un volontarisme municipal servant un discours promotionnel du territoire. De l’autre, Eckbolsheim appelle à une négociation avec les pouvoirs publics et à la constitution d’une expertise pluraliste. Or, ces deux discours vont mobiliser des contrats relationnels et des imaginaires différenciés à l’endroit des résidents de ces deux villes, variant entre public « profane » et public « citoyen ».

Mots clés

Géothermie profonde, transition énergétique, controverse, publicisation des territoires, récit territorial.

In English

Title

The forms of appropriation of energy transition by the territory narrative: the case of deep geothermal energy in Strasbourg Eurometropolis.

Abstract

Energy transition public policies have led to the multiplication of deep geothermal power plant projects in Alsace. However, their emergence in a densely populated territory has generated controversies. In particular, the distribution of benefits and risks between municipalities of Strasbourg Eurometropolis is discussed. We propose a socio-discursive study of territorial narratives produced by two municipalities that appear strongly contrasted. On the one hand, Illkirch-Graffenstaden highlights a municipal voluntarism aiming at promoting its territory. On the other hand, Eckbolsheim calls for negotiations with public authorities and for the constitution of a pluralist expertise. However, each of these two discourses mobilizes specific relation and imaginary contracts with regards the residents of these two cities, varying between « lay » public and « citizen » public.

Keywords

Deep geothermal energy, energy transition, sociotechnical controversy, science popularisation, territory publicising, territory narrative.

En Español

Título

Las formas de apropiación de la transición energética en la narrativa de las autoridades territoriales: el caso de la energía geotérmica de alta temperatura en la metrópolis de Estrasburgo

Resumen

En Alsacia, las políticas públicas de transición energética se traducen en diversos proyectos de centrales geotérmicas de alta temperatura. Sin embargo, aquellos proyectos previstos en áreas densamente pobladas han generado controversias y acalorados debates, principalmente en torno a la repartición riesgos / beneficios entre las comunas implicadas. Este artículo presenta un análisis socio-discursivo y comparativo de las narrativas territoriales, altamente discordantes, de dos comunas. Por un lado, Illkirch construye un discurso de promoción territorial en torno a la energía geotérmica ; por el otro Eckbolsheim aboga por una negociación con las autoridades públicas y por una valoración pluralista. De esta forma, la narrativa territorial construye contratos relacionales basados en imaginarios de los residentes que varían entre el público « profano » y el público « ciudadano ».

Palabras clave

Geotermia profunda / de alta temperatura, transición energética, controversia, visibilización territorial, narrativa territorial.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Bodin Cyrille, Chavot Philippe, Masseran Anne, Serrano Yeny, Heimlich Christine, Zoungrana Jean, « Les formes d’appropriation de la transition énergétique par le récit territorial : le cas de la géothermie profonde dans la métropole de Strasbourg« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°19/3, , p.69 à 80, consulté le jeudi 21 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2018/supplement-a/05-les-formes-dappropriation-de-la-transition-energetique-par-le-recit-territorial-le-cas-de-la-geothermie-profonde-dans-la-metropole-de-strasbourg/

Introduction

Les mesures et incitations en faveur des énergies renouvelables présentes dans le plan climat national (2004) puis les lois Grenelle I et II ont fait passer le domaine de la géothermie profonde de l’approche expérimentale à une industrie économiquement viable. Située sur le bassin d’effondrement géologique du fossé rhénan, l’Alsace dispose de ressources importantes permettant le déploiement de centrales géothermiques en vue de produire une électricité « propre » et/ou d’alimenter des réseaux urbains de chaleur destinés aux habitations, aux entreprises ou infrastructures publiques.

Toutefois, l’émergence des projets de centrales géothermiques dans le territoire de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), suscite une controverse depuis 2015, où les impératifs d’une transition énergétique sont mis en tension avec les revendications liées à une publicisation des risques. Alors que certains projets comme celui porté par la ville d’Illkirch-Graffenstaden rencontrent peu d’hostilité, trois projets, dont un situé à Eckbolsheim, font l’objet de vives réactions, notamment au moment des enquêtes publiques (EP) menées au printemps 2015. La controverse oppose les riverains aux opérateurs et aux instances de gouvernance locale. En effet, les techniques mobilisées lors des forages et de la mise en œuvre du « doublet géothermique » ne sont pas sans générer une suspicion de certaines associations et élus locaux, opérant parfois des rapprochements avec l’exploitation des gaz de schistes par « fracturation » et leurs lourdes conséquences environnementales. En outre, la sismicité induite lors des phases d’essais sur certains sites de forage peut laisser à penser que la géothermie profonde en milieu urbain est une entreprise risquée.

Dans ce cadre, nous interrogerons les discours portés par la presse des collectivités locales en situation de controverse, permettant une mise en lumière des formes d’appropriation discursive de la géothermie profonde par les municipalités. Nous partons du postulat selon lequel la presse municipale constitue un archétype dans la fabrique du récit territorial, au sens où elle constitue pour les élus locaux une manière « d’habiter » le territoire par le langage (Certeau, 1980). Ainsi, le territoire « c’est, en premier lieu peut-être, de l’espace investi par le langage : autant l’espace peut s’appréhender sans qu’il y ait dénomination préalable (…), autant le territoire a besoin d’être nommé pour être saisi matériellement et symboliquement » (Noyer, Raoul, Pailliart, 2013, p.12). A la fois « lieu propre » de construction du discours de la municipalité et lieu de constitution de celle-ci sur « son territoire », la presse territoriale génère un récit spécifique par lequel est mis en cohésion un espace géographique avec un pouvoir politico-administratif, marquant une certaine emprise structurelle de la représentation politique dans la construction d’un espace culturel et patrimonial.

Néanmoins, les municipalités s’emparent différemment du thème de la géothermie profonde, selon les modalités relevant des configurations politiques locales et des procédures décisionnelles permettant la mise en place des projets, oscillant dans les grandes lignes entre projet « ancré » aux structures de la représentation territoriale et projet « hors sol », décidé en d’autres lieux. De telle sorte que les formes de publicisation et les contrats relationnels (Certeau, 1980) mobilisés par les discours municipaux varient fortement, en embarquant avec eux les modalités d’une construction des représentations du territoire, mais aussi des résidents qui y vivent. « L’énonciation suppose en effet (…) une appropriation de la langue par le locuteur qui la parle [et] l’implantation d’un interlocuteur (réel ou fictif), et donc la constitution d’un contrat relationnel (…) » (Certeau, 1980, p.56).

Nous réaliserons une étude comparée des discours produits par les villes d’Illkirch et d’Eckbolsheim, impliquant les formes d’appropriation sociales et de mise en circulation triviales de la thématique (Jeanneret, 2008 & 2014), tour à tour selon la construction d’un récit mettant en avant un « volontarisme » municipal dans le cadre de la transition énergétique ou à l’inverse l’exercice d’un « devoir de vigilance » relié au principe de précaution. Nous émettons ici l’hypothèse selon laquelle la dynamique propre à chaque projet, la perception et la réflexion autour des risques contribuent à transformer les mises en récit du local et la mobilisation d’une « altérité communicationnelle » (Noyer, Raoul, Pailliart, 2013). Cette dernière est ici conçue sous la forme d’une identité idéale apposée à l’endroit des résidents, permettant une légitimation du discours selon des canons de publicisation différenciés. D’un côté, Illkirch tend à mobiliser une forme de vulgarisation propre aux logiques communicationnelles d’une représentation politique interdépendante avec une expertise réduite à ses considérations techniques. Cette position conduirait ainsi « à sacraliser le représentant » et à considérer comme « profane le représenté » (Fromentin & Wojcik, 2008, p.16). De l’autre, Eckbolsheim adopte les registres de la contestation sociale en situation de controverse, en faisant plutôt appel à un idéal du principe de publicité (Habermas, 62 & 92), renforcé par la dimension locale de la discussion publique (Pailliart, 94 ; Pailliart & Gadras, 2013). Cet agencement discursif repose alors sur l’évocation d’un citoyen appelé à exercer un devoir de vigilance sur son territoire, conduite à partir d’une expertise critique et pluraliste développée localement par la municipalité.

Nous proposons ici de réaliser une analyse socio-discursive pragmatique permettant la comparaison entre les titres des deux municipalités. Nous délimitons notre corpus primaire à une période allant de 2014 à nos jours, et à partir d’une recherche filtrée par le mot-clef « géothermie ». Nous obtenons un total de 24 documents répartis sur 18 numéros mensuels à Illkirch et 17 documents répartis sur 8 numéros trimestriels à Eckbolsheim. Nous complétons cette analyse à partir d’un corpus élargi comprenant les comptes rendus des conseils municipaux et une série d’entretiens qualitatifs menés auprès des équipes municipales constituée préalablement par l’équipe SHS du LabEx G-EAU-thermie profonde. Il s’agira méthodologiquement d’analyser et de tenter de relier le « comment » de l’agencement des textes avec les « pourquoi » polychrésiques de leurs contextes. Dans une première partie, nous expliquerons avec plus de précisions les modes d’implantation des centrales, entre projet « hors sol » et projet « ancré ». Nos deux parties suivantes seront chacune dédiées à l’analyse des discours municipaux replacés dans leurs contextes respectifs.

Dynamiques des projets de géothermie profonde : projets « ancrés » versus projets « hors-sols »

Mise en place du décor, les cintres entrent en action

La région Alsace offre un terrain privilégié pour le développement de la géothermie profonde (GP) : dans son sous-sol, la température peut atteindre près de 140° à 2000 mètres de profondeur. C’est également en Alsace, à Soultz-Sous-Forêts qu’a été expérimenté, grandeur nature, le protocole de la GP. Depuis 2008, cette centrale pilote a été raccordée au réseau électrique. De plus, la centrale de Rittershoffen inaugurée en juin 2016, alimente en eau chaude une usine. Ces deux projets sont développés par ES-Géothermie.

Malgré ces succès et malgré les différentes politiques incitatrices nationales et locales, les projets qui ont vu le jour au sein de l’EMS à partir de la fin des années 2000 ne sont pas accueillis de la même façon. Les liens qui s’établissent entre opérateurs et communes influencent à la fois la perception des projets par les élus et les mesures d’accompagnement qu’ils mettent en œuvre. En outre, les relations qui se tissent – ou non – entre les populations concernées, les opérateurs, les politiques et les élus locaux, sont quant à elles fondamentales dans la manière dont sera appréhendé et mis en sens un projet technologique. Partant de ces constats nous avons opéré la distinction entre projets « ancrés » dans le territoire, d’une part, fruits d’une longue maturation concertée entre différents acteurs, et projets « hors sol », d’autre part, élaborés à la faveur d’avantages économiques et/ou de programmations politiques nationales, ignorant souvent les spécificités du territoire local (Chavot, Masseran, Bodin, Serrano, Zoungrana, 2019).

Ainsi, le projet pionnier d’Illkirch est soutenu par des relations partenariales entre Électricité de Strasbourg (ES, maison mère d’Électricité de Strasbourg géothermie) et la ville, à l’initiative de l’équipe municipale. Il vient appuyer le plan climat volontaire qu’Illkirch a adopté en 2005 et permettra d’alimenter les réseaux de chaleur de la ville et de l’Eurométropole. Il s’agit donc d’un projet ancré et utile localement participant aux évolutions du mix énergétique local. L’opérateur ES-Géothermie joue le rôle de prestataire de service et formalise, au fil des échanges avec la ville, un projet permettant de produire de la chaleur et un peu d’électricité durant la saison estivale. ES laisse à la mairie le soin de communiquer autour du projet tout en répondant positivement aux diverses sollicitations pour venir participer à des réunions.

Deux des trois projets contestés au sein de l’Eurométropole sont le fruit d’une prise d’intérêt de l’entreprise aquitaine Fonroche dans le développement de la géothermie en Alsace. Cette entreprise engage des tractations avec l’Eurométropole dès 2011, en présentant plusieurs projets de forage à Eckbolsheim, à Vendenheim et dans le quartier de Strasbourg dit « Port au pétrole ». Ces trois projets, partagent plusieurs points communs : contrairement à celui d’Illkirch, ils ne sont pas ancrés localement, les communes hôtesses ne sont ni initiatrices ni partenaires de ces projets « hors sol » visant à produire de l’électricité verte et participant de fait au plan national de transition énergétique. De surcroît, ils sont portés par une entreprise privée jusqu’alors inconnue dans la région. Enfin, la mise en œuvre de la géothermie, relevant de l’application du code minier, réduit les prérogatives politiques des élus locaux en la matière. Dans ce cadre, la relation qui se tisse entre opérateur et collectivités locales se trouve inversée : l’EMS joue ici le rôle de prestataire accompagnant Fonroche dans la recherche des sites d’implantation et dans ses échanges avec les différentes communes membres, sommées de participer à ces échanges. Ces trois projets font l’objet d’une vive contestation notamment de la part des élus municipaux. Se pose ainsi la question de l’emboîtement des niveaux politico-administratifs de prise de décision, du national au local, dans le développement des territoires mettant en exergue les nécessités d’un ancrage territorial négocié face à « l’imposition » de projets « hors sol ».

Les politiques environnementales comme récit territorial « volontariste » à Illkirch

Acte un, lever de rideaux

Ville de 27 000 habitants et troisième en population sur l’EMS, Illkirch dispose d’infrastructures importantes à l’échelle de l’agglomération, avec notamment deux lignes de tramway, les récentes extensions de l’Université de Strasbourg et un « parc d’innovation » technologique. Ville au passé industriel métallurgique, elle dispose toutefois de terres agricoles et d’espaces naturels dont la superficie se réduit sous le poids d’une croissance urbaine. Ces ressources spatiales, rares dans la proche périphérie strasbourgeoise, suscitent une certaine convoitise au sein du secteur immobilier.

Le maire PS de la ville de 1995 à 2016, qui sera également président de l’EMS, est allié avec les écologistes lors des élections municipales. Il va impulser de nombreux projets environnementaux à Illkirch, cette dernière se positionnant au travers de la signature « ville naturelle et innovante ». Dans ce cadre, le développement d’une centrale géothermique profonde, en partenariat avec la société ÉS, ambitionne d’alimenter des réseaux de chaleur à destination des infrastructures publiques, des entreprises et des habitations sur le territoire municipal. Il s’agit également, les beaux jours venus, de générer une électricité à faible empreinte carbonée.

Aussi, le mensuel municipal « Infograff » (tirage 14500 ex., 28 pages, 11 numéros) va adopter une position d’accompagnement informationnel et technique des projets.  Le titre mobilise en de multiples occurrences les canons et procédés rédactionnels de la vulgarisation (Jeanneret, 1994), ainsi qu’une économie de la promesse (Caune, 2006 ; Quet, 2012) prolongée par un discours de l’exemplarité municipale à l’endroit de ses administrés. Le titre contribue ainsi à une couverture apologétique et irénique du projet : ses choix et modalités de développement ne semblent jamais relever d’une discussion publique contradictoire, mais bien plutôt d’un accompagnement pédagogique des résidents.

La transition énergétique et le développement durable comme positionnement mercatique municipal

La ville d’Illkirch met en place depuis plusieurs années une politique de certification et/ou de labellisation particulièrement centrée sur l’environnement (plan de « territoire à énergie positive », normes ISO 50001 et 14001…) ; politique de certification largement couverte par le titre Infograff et servant un discours classificatoire entre villes dans le cadre d’une compétition interterritoriale. Ainsi dans la rubrique « Tribunes », la majorité municipale s’exprime en ces termes : « L’heure est à la transition écologique ou à la transition énergétique. (…) notre ville est la deuxième de France à obtenir la certification ISO 50001 » (n°221, oct. 14, p.26). A l’instar des palmarès territoriaux, ces classements contribuent à la médiatisation d’une attractivité territoriale ainsi qu’à une valorisation de l’action publique locale (Cardy, 2013).

Le titre Infograff va largement développer, pour la période étudiée, un discours d’accompagnement des choix politiques préalablement définis par la ville quant aux usages de la géothermie profonde. Il propose sur la période étudiée une vingtaine de documents traitant du sujet, alternant de la simple date portée dans l’agenda municipal au plus volumineux dossier (par exemple « Une politique volontariste de réduction des consommations énergétiques », n°234, déc. 15, p.14), en passant par des encadrés et des brèves. La majorité des documents collectés prend place dans la rubrique « Ville verte et agréable ». Nous relevons également l’annonce en deuxième de couverture d’un promoteur immobilier mobilisant la géothermie aux fins d’une argumentation commerciale.

Au cours de cette période, les occurrences du terme « géothermie » dans les productions demeurent irrégulières, parfois espacées de sept mois, et couvrent les grandes étapes de développement du projet, marquant une volonté d’accompagnement informationnel dans la mise en place de la centrale géothermique avec ÉS. Cette ligne éditoriale emprunte un ton factuel propre à la presse générale d’information, servant toutefois la mise en scène des élus et membres de l’équipe municipale : visite de la centrale de Rittershoffen par les élus locaux (n°219, juil. 14, p.18), réunion de travail – un stammtisch – entre élus et représentants d’entreprises locales sur le thème « Comment mettre en place une démarche de territoire à énergie positive ? » (n°224, janv. 15, p.9), « Visite du Président de l’Eurométropole » des équipements et projets municipaux (n°234, déc. 15, p.4), etc.

Cette logique d’accompagnement informationnel du projet par le discours municipal encadre également la couverture de l’EP dans ses grandes dates : de son annonce prévisionnelle (n°219, juin 14, p.18), en passant par l’article « Géothermie : réunion et enquête publiques » (n°227, avr. 15, p.11), puis avec le document « Géothermie : avis favorable suite à l’enquête publique » (n°231, sept. 15, p.11).

Un accompagnement pédagogique du projet axé selon une économie de la promesse

Cependant, aux côtés des articles rédigés sur un ton factuel réside toute une série de discours performatifs. Le discours d’accompagnement se double ainsi d’une forme de médiation pédagogique envers les résidents, conduite avec l’opérateur : reprise par Infograff des visuels fournis par ÉS explicitant les techniques employées, la couverture d’une exposition des « camions vibreurs » de sondage sismologique prospectif qui sillonneront la ville ou encore la mise en place d’une réunion publique confiée à ÉS. Par conséquent, l’expertise en géothermie profonde ne semble pas relever d’une mise en discussion pluraliste et critique du projet, mais plutôt d’une forme de délégation unique du discours municipal envers ÉS. La réunion publique organisée une semaine avant l’EP doit « permettre à chacun de comprendre ce qu’est la géothermie profonde et de répondre à vos questions » (n°227, avr. 15, p.11).

Les formes d’écriture propres à la vulgarisation sont alors mobilisées, par exemple à l’occasion d’un bref article intitulé « Géothermie profonde – Campagne d’imagerie à partir du 6 juillet ». Le passage des « camions vibreurs » est ainsi présenté : « La méthode d’imagerie du sous-sol fonctionne sur le principe d’une « échographie », mais à l’échelle des couches géologiques. Elle consiste à envoyer dans le sol des ondes acoustiques et à enregistrer en surface le retour de ces ondes » (n°230, juil. 15, p.12). La métaphore employée peut apparaître sous la forme d’une transposition de la géothermie profonde dans un cadre médical, et plus précisément peut-être encore dans celui d’une maternité, porteuse d’une symbolique forte.

Les documents illkirchois recourent fréquemment à une économie discursive de la promesse, souvent au travers de projections chiffrées conjuguées au futur ou au conditionnel. Cette économie discursive demeure l’une des formes triviales de la vulgarisation : « La communication promettante joue ainsi un rôle dans le déroulement de la recherche et de l’innovation mais aussi dans la construction des attentes sociales à l’égard des biens technologiques et dans l’émergence des controverses qui les affectent. En particulier, elle modifie les conditions d’exercice de la contestation autour des sciences et des technologies (…) » (Quet, 2012, p. 276). Aussi, le développement des techniques de géothermie profonde n’est jamais présenté comme relevant d’une thématique controversée présentant des risques, ni même au regard d’une discussion publique concernant l’élaboration du plan local d’urbanisme. Aucune référence n’est ainsi faite à une opposition pourtant perceptible au travers d’autres dispositifs médiatiques locaux, notamment dans la presse quotidienne régionale (PQR) ou les blogs locaux.

Seule exception, l’opposition municipale s’emparera dans la rubrique « Tribunes », dédiée à cet effet, de la thématique sous l’angle de la critique du dispositif de l’EP : « L’un des éléments pointés de façon récurrente par les commissaires enquêteurs a été le manque de communication et de visibilité sur les projets de la part de l’Eurométropole. (…) une lettre adressée aux riverains aurait été la bienvenue ainsi qu’une information claire en amont de l’enquête. (…) nous déplorons que l’enquête publique n’ait duré qu’un seul mois, empêchant ainsi les Illkirchois de se saisir réellement du dossier » (n°232, oct. 15, p.26).

L’appropriation de la géothermie profonde faite par la mairie d’Illkirch sert la construction discursive d’une légitimation de l’équipe municipale au travers de la mise en récit d’une « politique volontariste » en matière de politique environnementale. Redoublant un discours promissif et pédagogique, nous relevons alors une autre forme de discours performatif, celui d’une exemplarité municipale visant à modifier les comportements dans le cadre d’une politique de « conduite du changement » : « Agir en faveur du développement durable, ce n’est pas seulement faire des choix. C’est aussi affirmer une attitude et un état d’esprit autour d’actions concrètes » (n°221, oct. 14, p.26) ; « La ville encourage également ses habitants à réduire leurs consommations énergétiques en octroyant une aide de 300€ pour l’installation de panneaux solaires… » (n°234, déc. 15, p.15).

Ainsi au travers du titre Infograff, la GP n’est pas sujette à discussion publique, et encore moins à controverse. Elle relèverait plutôt d’une décision technique qu’il conviendrait de justifier pédagogiquement aux résidents et administrés selon le modèle d’un public understanding of science (Chavot & Masseran, 2012).

Le récit territorial à Eckbolsheim : un appel à la mobilisation citoyenne et à une expertise pluraliste et contradictoire

Acte deux, nouvelle scène

Démographiquement, Eckbolsheim demeure une ville de petite taille par rapport au « géant » que constitue Strasbourg. Avec ses 7000 habitants, elle ne dispose que d’un représentant au conseil de l’EMS, contre 47 pour Strasbourg et 7 pour Illkirch. Sur le plan politique, le maire est adhérent au parti « Les Républicains », à l’opposé des majorités socialistes et écologistes présentes à Strasbourg, à Illkirch et à l’EMS. Eckbolsheim ne dispose sur son ban communal que de peu d’infrastructures d’échelle métropolitaine, à l’exception du Zénith Strasbourg Europe. La ville plaide d’ailleurs depuis quelques années pour une extension du tramway sur son ban communal, une ligne s’arrêtant dans le quartier voisin de Hautepierre, appartenant à la ville de Strasbourg.

Le projet de centrale géothermique, soutenu par l’entreprise Fonroche, génère un conflit portant sur la répartition des bénéfices et des risques industriels entre les territoires des villes d’Eckbolsheim et de Strasbourg. En effet le projet, situé sur le ban communal de la première, ambitionne prioritairement de desservir un réseau de chaleur destiné aux habitations de la seconde. Aussi se pose le problème d’une concurrence entre structures politiques locales, entre les niveaux de la municipalité et de la métropole. La ville d’Eckbolsheim émet notamment une critique à l’endroit de la représentation politique de l’EMS, les élus de la majorité strasbourgeoise étant suspectés de se réserver les bénéfices tout en faisant porter les risques sur les municipalités voisines, plus petites. S’engage discursivement une lutte des formes de la représentation entre « intérêts particuliers » des élus strasbourgeois pris dans leurs contextes électoraux locaux et « intérêt général » de l’EMS dans son ensemble.

C’est dans ce cadre que le trimestriel municipal « Liaison » (tirage 4000, 40 pages environ, 3 numéros) déploie un discours empruntant aux registres de l’opposition dans le cadre des controverses sociotechniques. Il s’agit ici de positionner la ville comme acteur politique « vigilant », de « porter une attention particulière aux dossiers qui suscitent des inquiétudes légitimes » (n°77, janv. 15, p.3) et aux « impératifs de sécurité, de fiabilité technique et financière, ainsi que sur les considérations environnementales, le tout dans l’intérêt général de la population d’Eckbolsheim » (ibid., p.12).

Une opposition face à l’EMS et à l’État

Les élus de la commune d’Eckbolsheim adoptent lors d’une délibération du Conseil municipal, en mai 2015, la position suivante : « (…) la géothermie profonde suscite l’adhésion dans son principe d’énergie renouvelable, mais l’appréhension dans sa réalisation de proximité. S’il est impossible de garantir l’absence absolue de tout danger, les différents échanges avec les services de l’État et le porteur de projet semblent indiquer que les procédures adaptées ont été identifiées (…) et que les différents risques ont été envisagés (…). Il n’empêche que l’inexpérience sur le terrain de Fonroche Géothermie ne va pas sans renforcer les interrogations légitimes sur le déroulement des opérations (…) ainsi que sur l’anticipation des risques ».

Par conséquent, Eckbolsheim adopte à l’unanimité une réponse en forme de « non, mais… », précisant les conditions d’un ralliement possible des élus au projet. Il s’agit en particulier de fournir des garanties assurantielles aux résidents et à la commune, de négocier « des contreparties pour la commune de la part de la société Fonroche mais aussi de la métropole de Strasbourg », et finalement de garantir l’emploi de techniques de forage permettant une maîtrise des risques, en évitant la « fracturation ». Ce discours va se doubler de revendications structurelles (Kitschelt, 1986) envers l’État : « La géothermie profonde relève du droit minier, de décrets ministériels et d’arrêtés préfectoraux. Le code minier est cependant discret sur une éventuelle redevance au bénéfice des communes hôtes, traversées ou tout simplement voisines, qui sont cependant concernées indirectement par un projet géothermique. (…) si l’État autorise, au niveau ministériel et préfectoral, l’ouverture des travaux miniers et donc la géothermie profonde sur le territoire communal, l’État doit également s’engager formellement (…) à assumer les risques éventuellement encourus par la commune hôtesse et sa population contre tout dommage éventuel ». Et de rappeler que les marges de manœuvre municipales demeurent réduites, la décision finale relevant de la préfecture.

Aussi, contrairement à Illkirch, le discours municipal sur le développement de la géothermie profonde en milieu urbain va rapidement se stabiliser, pour la période couvrant janvier 2015 à janvier 2016, sous la forme d’une rubrique propre et récurrente dans chaque numéro, « Géothermie : un point d’étape », souvent annoncée par « l’Édito » du Maire. Presque systématiquement, lorsqu’il est fait référence à la géothermie profonde à Eckbolsheim, les rédacteurs précisent l’absence de rôle de la mairie dans le développement du projet. « Depuis qu’elle a connaissance de ce projet, qu’elle n’a absolument pas initié, la Municipalité a assisté à de nombreuses réunions et multiplié les demandes d’informations auprès de tous les intervenants concernés (…) » (n°77, janv. 15, p.12), lors de l’édito du maire : « Je pense principalement au projet de géothermie, dont la commune n’est pas à l’initiative, et qui requiert des échanges d’information entre les élus, y compris ceux du groupe minoritaire, et de nombreux interlocuteurs (…) » (ibid., p.3), ou encore : « Il vous avait été rendu compte dans les deux précédentes éditions de la présente publication de l’état d’avancement de la phase préalable à ce projet, dont il convient de rappeler qu’il ne relevait en rien d’une quelconque initiative de la commune » (n°79, sept. 15, p.35).

Le développement d’une expertise contradictoire dans le cadre de l’administration du territoire

Les registres mobilisés, face à ce qui est présenté comme un projet imposé, adoptent un angle de traitement proche du journalisme d’investigation en situation de controverse. Il y est question de « risques », « d’incertitude », « d’inquiétudes légitimes », de « vigilance », « d’acceptabilité », de « sécurité des personnes et des biens », etc. Dans ce sens, nous relevons également une référence aux exemples de géothermie ayant posé problème aux populations, tout en soulignant que les techniques mobilisées diffèrent à Eckbolsheim : « La technique envisagée est différente de celles utilisées sur des sites dont il a été souvent question (Lochwiller, Bâle, Landau, Stauffen, etc.) et ne nécessite pas le recours à la fracturation » (n°77, janv. 15 p.12).

Il s’agit par conséquent d’examiner discursivement les ratés techniques afin de déterminer collectivement un souhaitable parmi les possibles. Ainsi, le récit territorial proposé marque à Eckbolsheim la volonté des élus de constituer une expertise indépendante permettant la défense des intérêts au niveau municipal : « les élus en charge du dossier ont poursuivi leur démarche de collecte d’information sur ce projet complexe : analyses documentaires, discussions avec les parties prenantes du dossier (Préfecture, Eurométropole, DREAL, etc.), participations à des congrès, des colloques et des conférences, mais aussi des déplacements sur des sites de géothermie en France, en Allemagne et en Islande » (n°83, janv. 17, p.11). Il s’agit également d’un récit mettant en scène la municipalité dans un rôle de vigilance face à l’opérateur : « Fonroche devra démontrer qu’elle présente toutes les garanties financières et assurantielles pour ce projet. Aucun risque ne devra peser sur notre commune ni sur ses habitants » (n°75, mai 15, p.35), à l’opposé des discours promissifs portés par la municipalité d’Illkirch.

Néanmoins, l’argumentation développée par le titre « Liaison » ne s’oppose pas au développement de la géothermie profonde dans son ensemble, mais bien plutôt à la manière dont le projet s’est implanté sur le territoire municipal selon des intérêts extérieurs, en dehors des prérogatives décisionnelles de la représentation locale.

Or, cette position semble faire l’objet d’un consensus entre majorité et opposition municipales. Ainsi, cette dernière explique dans la rubrique « Expression libre », l’équivalent de la « Tribune » à Illkirch : « La géothermie est une source d’énergie renouvelable quasi inépuisable et d’avenir. Elle pourrait représenter un atout pour notre commune. Mais ne gâchons pas ce potentiel en nous laissant trop vite emporter dans un tourbillon d’intérêts qui ne sont pas les nôtres » (n°78, mai 15 p.35). De facto, le groupe minoritaire s’associe à la majorité afin de « faire front » : « Tous ensemble, municipalité, élus de la majorité et de la minorité, associations et habitants, nous devons dire à l’État, à l’Eurométropole et à Fonroche notre inquiétude (…) » (ibid.). En retour, le discours produit par les membres de la majorité municipale fait également alliance avec le discours du groupe minoritaire dans la constitution d’une expertise locale et pluraliste : « (…) la municipalité, en relation avec le groupe minoritaire, a en effet multiplié les réunions (…) » (ibid., p.12).

Un appel à l’idéal du principe de publicité semble être mis en pratique au niveau local. Celui-ci sera articulé autour de la mise en récit de l’acquisition d’une expertise par les groupes municipaux, mais aussi dans une forme d’union des groupes pour la défense des intérêts locaux. Cette matérialité discursive s’observe en particulier au travers de l’emploi récurrent des termes « négociation », « dialogue », « débat » et « discussion » mobilisés par les rédacteurs,  et qui vont servir à leur tour à lancer un appel à la mobilisation des citoyens d’Eckbolsheim lors de la mise en place de l’EP : « les semaines à venir vont également être marquées par deux phases de concertation particulièrement importantes, auxquelles je vous invite à prendre part : il s’agit du PLU métropolitain et du projet de géothermie à Eckbolsheim. Vous trouverez dans ce bulletin les informations nécessaires pour vous permettre de participer à ces débats, en gardant tout comme nous à l’esprit que notre commune s’inscrit dans un territoire en mutation et que nous devons veiller ensemble à maîtriser son développement » (n°78, mai 15, p.3).

Et, toujours pour soutenir la comparaison avec Illkirch, la couverture que tiendra Liaison du passage des « camions vibreurs » sera réalisée non-plus selon une vulgarisation, mais plutôt sous l’angle d’un devoir de vigilance face au risque : « Fonroche, qui a été autorisé à réaliser une campagne d’acquisition de données géophysiques par le Préfet, organisera (…) le passage de camion vibrateurs (…). Cette opération sera encadrée par les services de l’État et fera l’objet de constats d’huissier » (ibid., p.12).

Épilogue : deux formes triviales d'appropriation réalisées selon une même logique structurale ?

Le déploiement des projets d’exploitation de la géothermie profonde au sein des municipalités de l’EMS génère un ensemble de conflictualités et de concurrences pour l’énonciation du récit territorial, qui apparaît dans ce cas précis pour le moins fragmenté. Cette compétition, qui est également celle pour un contrôle des conditions de possibilité d’énonciation du récit territorial, place en tension des imaginaires contrastés de la technique, de l’expertise légitime et d’une altérité communicationnelle apposée aux résidents. Les formes d’appropriation de la géothermie profonde par le discours des deux municipalités font ainsi appel à deux normes de publicisation très différentes, que l’on pourrait résumer ici, assez sommairement, à l’opposition entre les deux idéaux d’un « principe de publicité » et d’un « principe de vulgarisation ».

Les logiques sociales d’appropriation de la géothermie profonde, si elles semblent de part et d’autre participer à un agencement de textes fortement différenciés, relèvent en revanche de contextes pluriels et complexes méritant un détour réflexif. Il s’agit ici d’éviter une trop forte surdétermination, réduisant l’agencement des textes à une cause unique. Par exemple, une lecture restreinte aux uniques aspects partisans ne permettrait pas d’aborder la question de la vétusté des structures de la représentation politique et de son appareil idéologique. Le « front commun » des groupes à Eckbolsheim nous rappelle que le problème dépasse parfois la seule question de l’appartenance à un parti. Ainsi, nous pensons plutôt que la convergence de multiples facteurs contextuels participe à l’agencement des textes en permettant, à un moment donné, de répondre à un certain opportunisme discursif.

Toutefois, et dans une dimension plus structurale, il semble que les deux cas présentent un point commun, dans la correspondance des nécessités liées à l’activité symbolique de la représentation politique pesant sur les modes de construction du récit territorial. A Illkirch, l’appropriation de la géothermie profonde sert une mise en scène des élus comme principaux conteurs du récit territorial, en même temps qu’elle permet une valorisation de l’action publique municipale, effaçant la dimension conflictuelle de la controverse. Ainsi, selon « une logique maintes fois analysée, la domination idéologique prend les traits d’une domination en vertu du savoir qui, derrière la raison et la science, tend à invisibiliser les monopoles d’autorité qui assurent de façon effective sa reproduction » (Aldrin & Hube, 2016).

A Eckbolsheim, l’appropriation discursive de la géothermie semble correspondre à la volonté des élus locaux de réaffirmer leurs fonctions territoriales « bafouées » par l’irruption d’un projet décidé en d’autres lieux. Aussi, les registres propres aux contestations sociales ne semblent être mobilisés, avec ce qu’ils impliquent en termes de « participation citoyenne », qu’en ce que le développement de la géothermie profonde contrevient aux prérogatives des agents de la représentation politique locale. D’ailleurs, une fois les demandes municipales satisfaites, le projet ne fera plus l’objet d’une mise en récit dans le titre « Liaison », mais sera exclusivement publicisé sous la forme d’actes administratifs non commentés dans les comptes rendus du Conseil municipal. Comme si la contestation locale s’était éteinte avec la contestation municipale…

Et finalement, les formes du récit territorial en situation de controverse, telles que formulées par la presse des deux collectivités, semblent se rejoindre sur un point : une volonté d’affirmation – ou de réaffirmation – du pouvoir de l’élu sur la vie publique locale.

Références bibliographiques

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Auteurs

Cyrille Bodin

.: Cyrille Bodin est chercheur postdoctoral au LISEC, Université de Strasbourg. Ses travaux portent notamment sur les économies symboliques de la connaissance mobilisées dans le cadre des controverses socio-scientifiques (nanotechnologies, géothermie profonde).

Philippe Chavot

.: LISEC (Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication), Université de Strasbourg

Anne Masseran

.: CREM (Centre de Recherche sur les Médiations), Université de Metz

Yeny Serrano

.: LISEC (Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication), Université de Strasbourg

Christine Heimlich

.: LISEC (Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l’Éducation et de la Communication), Université de Strasbourg

Jean Zoungrana

.: SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe), Université de Strasbourg