La production de l’usager par les algorithmes de Netflix
Résumé
Cet article discute de la stratégie de prescription du service de vidéo à la demande Netflix, que nous proposons de qualifier d’« économie de la jouissance ». Il décrit le mécanisme par lequel on stimule un mode de consommation de contenus particulier sur ce service. Ce mécanisme repose sur l’utilisation d’algorithmes qui sont à la base d’un système de recommandation dont l’efficacité est axée sur un parcours de la prescription cohérent. Cet article explore des propositions de méthodes interdisciplinaires pour fournir de l’intelligibilité aux logiques algorithmiques. L’appareillage conceptuel et méthodologique présenté vise à repérer le parcours de la prescription effectué par les concepteurs des dispositifs techniques. À partir d’une approche compréhensive et critique, cet article présente une analyse des choix techniques réalisés par les concepteurs et de la mise en discours des usages attendus qui servent à argumenter et à encourager certaines pratiques chez les usagers.
Mots clés
Conception, usager, systèmes de recommandation, Netflix, algorithmes, prescription, économie de la jouissance.
In English
Title
The production of user by Netflix algorithms
Abstract
This article discusses the prescription strategy of Netflix, which we propose to call the « enjoyment economy ». It describes the mechanism by which one stimulates a particular mode of consumption of contents on this service. This mechanism is based on the use of algorithms that are the basis of a recommendation system whose effectiveness is based on a coherent prescription pathway. This article explores avenues of interdisciplinary methods to provide intelligibility to algorithmic logic. The conceptual and methodological apparatus presented aims at identifying the path of the prescription made by the designers of the technical devices. Based on a comprehensive and critical approach, this article presents an analysis of the technical choices made by the designers and the presentation of the expected uses. This presentation would serve to argue and encourage certain practices among users.
Keywords
Conception, user, software, recommendation systems, Netflix, algorithms.
En Español
Título
La producción del usuario por los algoritmos de Netflix
Resumen
Este artículo analiza la estrategia de prescripción del servicio de video on demande de Netflix, que proponemos llamar la « economía del disfrute ». Describe el mecanismo por el cual se estimula un modo particular de consumo de contenidos en este servicio. Este mecanismo se basa en el uso de algoritmos que son la base de un sistema de recomendación cuya efectividad se basa en un camino de prescripción coherente. Este artículo explora avenidas de métodos interdisciplinarios para proporcionar inteligibilidad a la lógica algorítmica. El aparato conceptual y metodológico presentado tiene como objetivo identificar el camino de la prescripción hecha por los diseñadores de los dispositivos técnicos. Basado en un enfoque integral y crítico, este artículo presenta un análisis de las elecciones técnicas realizadas por los diseñadores y la presentación de los usos esperados. Esto último serviría para argumentar y alentar ciertas prácticas entre los usuarios.
Palabras clave
Concepción, usuario, programas, sistemas de recomendación, Netflix, algoritmos.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Silva Mota Drumond Gabrielle, Coutant Alexandre, Millerand Florence, « La production de l’usager par les algorithmes de Netflix« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°19/2, 2018, p.29 à 44, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2018/dossier/02-la-production-de-lusager-par-les-algorithmes-de-netflix/
Introduction
La plateforme de vidéo à la demande Netflix a transformé la consommation de contenus audiovisuels en proposant des offres par abonnement dont l’efficacité du modèle tient à sa capacité à fidéliser les usagers (Boullier, 2009; Citton, 2014; Cochoy, 2004) . Pour arriver à ses fins, l’entreprise met en place tout un ensemble de techniques issues de la captologie (1). Développée à Stanford – avec l’objectif de mobiliser des connaissances en sciences sociales et sciences cognitives pour orienter l’attention des usagers des terminaux numériques (Fogg, 2002) – celle-ci est explicitement appropriée par les industries du numérique dans une perspective de contrôle des activités menées sur leurs services (2). Dans le cadre de la consommation de contenus culturels, elle aboutirait à la mise en place de ce que nous avons proposé de nommer « économie de la jouissance » (Drumond, 2016) . Cette expression sur laquelle nous reviendrons décrit le mécanisme par lequel on stimule une consommation effrénée de contenus. La dynamique a notamment été traitée médiatiquement, à travers la qualification du phénomène du binge watching ou écoute en rafale (3). Elle a constitué le principal ressort pour repositionner l’offre des grands acteurs de la distribution de contenus audiovisuels (4).
Il s’avère que ce nouveau mode de consommation est très populaire chez les usagers de Netflix. Comment expliquer cette popularité? À partir de l’étude du système de recommandation mis en place par la plateforme, initialement appelé Cinematch, cet article s’interroge sur le succès de cette offre. Il part de l’hypothèse que ce dernier repose sur une logique de prescription effectuant un parcours cohérent jusqu’aux usagers. Nous tentons donc de mettre à jour comment les attentes du modèle économique de Netflix sont traduites dans un design sociotechnique. Cette question de recherche émerge du constat que la première étape d’un tel design consiste dans l’inscription (Akrich, 1998; Jauréguiberry & Proulx, 2011) , dans les algorithmes, d’un usager-idéal correspondant aux attentes du modèle économique de Netflix. La représentation des caractéristiques et actions attendues de l’usager, que l’on retrouve dans le système de recommandation lui-même, émerge d’un processus de configuration de l’usager (Woolgar, 1991) mené par les concepteurs de ce système. Par conséquent, cet article interroge la façon dont Netflix tente de prescrire les usages et faire adapter l’usager à la logique de fonctionnement du logiciel et, par conséquent, à son modèle d’affaires. Ce niveau de lecture nous apparaît pertinent car la configuration de l’usager peut s’écarter des attentes de l’usager effectif. Elle doit dans tous les cas justifier de la pertinence de ses prescriptions (Hatchuel, 1995; Stenger, 2007) si elle espère être reconnue et inciter à se conformer aux recommandations effectuées (Broudoux, 2007; Quéré, 2001; Verón, 1988). On verra qu’un ensemble de médiateurs sémiotiques est donc mis en place pour présenter les résultats du système au sein de ce dispositif prescriptif (Akrich, 2006a) . Cette mise en discours à visée performative constitue effectivement le principal levier pour accompagner l’usager afin qu’il adopte les comportements attendus par la plateforme (Bonaccorsi, 2013; Candel, Jeanne-Perrier, & Souchier, 2012).
Actuellement, Netflix compte 125 millions d’abonnés distribués dans plus de 190 pays dans le monde(5). Avec un accès illimité à de grandes quantités de contenus comme les séries télé et les films, les abonnés de Netflix visionnent environ 140 millions d’heures de contenus par jour, selon la compagnie. En 2017, le chiffre d’affaires de Netflix avait atteint 11 milliards de dollars américains, ce qui représente une croissance de 33% par rapport à 2016(6). L’entreprise, fondée en 1997, est aussi un phénomène à Wall Street. En mai 2018, la capitalisation de l’entreprise (153,8 milliards de dollars) a dépassé, pendant quelques heures, celle de Disney (152 milliards de dollars) alors que l’entreprise fondée par Walt Disney représentait jusqu’alors le groupe audiovisuel le plus valorisé au monde(7).
Cet article effectue une analyse détaillée de ce parcours au cours duquel les algorithmes de Netflix sélectionnent et traitent les informations recueillies auprès des usagers pour produire des incitatifs à la consommation, pour tenter d’identifier sur quels leviers ils reposent. Après une rapide présentation de la plateforme, une première partie situe cette recherche au sein du courant des Critical Algorithm Studies. Elle spécifie l’approche communicationnelle développée pour effectuer une rétro-ingénierie sociotechnique du dispositif que constitue Netflix. Les enjeux méthodologiques pour développer une telle analyse sont adressés dans une deuxième partie. Les matériaux complémentaires employés sont alors détaillés et mis en correspondance. Une troisième partie analyse le « parcours de la prescription » effectué par Netflix, de son algorithme à sa présentation aux usagers. Une quatrième et dernière partie discute des enjeux soulevés par une telle configuration.
Un cadre théorique pour comprendre les étapes du parcours de la prescription
Une analyse critique des algorithmes sous l’angle communicationnel
Nos activités quotidiennes sont « colonisées » par des technologies numériques auxquelles sont affectées des tâches d’organisation de notre écosystème informationnel (Abiteboul & Dowek, 2017), où l’humain est considéré comme un « nœud » composant les réseaux médiatiques et symboliques qui se modifient constamment (Anderson, 2016). Ceci a donné naissance à un courant d’études critiques des algorithmes (8) interrogeant les enjeux que soulève cette agentivité toujours plus grande des dispositifs sociotechniques (Boyd & Crawford, 2012; Gillespie, 2016; Kitchin & Dodge, 2011; Steiner, 2013). Nous nous inscrivons dans cette volonté de questionner la pertinence et l’acceptabilité de cette délégation, qui a l’intérêt de soulever au moins trois axes de réflexion. Le premier concerne la non neutralité de ces dispositifs. Si toute une perception objectiviste de l’informatique – fortement appuyée par un discours promotionnel accompagnant ces technologies (Robert, 2016) – tend à assimiler automatisation et neutralité, ces recherches ne cessent d’identifier les choix culturels, politiques, économiques, esthétiques, inscrits dans le code lui-même (Beer, 2016; Cardon, 2015). Une fois cette non neutralité démontrée, ces recherches insistent sur la reproduction, voire l’intensification, des inégalités socioéconomiques traversant nos sociétés (Eubanks, 2017; O’Neil, 2016; Rey, 2017). Enfin, cette mise à jour permet de tenir un discours critique sur les intentions de captation directement inscrites dans ces dispositifs sociotechniques et d’autant plus pernicieuses qu’elles visent à opérer avant toute conscience de choix de la part des usagers (Beer, 2013; Rouvroy & Berns, 2013).
Cette approche critique encourage une lecture communicationnelle de ces dispositifs, attentive aux médiations sur lesquelles reposent leur éventuelle efficacité (Beer, 2013; Rouvroy & Berns, 2013). C’est ainsi que nous nous intéressons au cas de Netflix, à travers l’analyse du parcours de la prescription que ce dispositif suit. Ce parcours peut être reconstitué en deux processus, s’influençant mutuellement et chronologiquement, dont la séparation analytique demeure heuristique. Le premier concerne la composition des algorithmes et leur fonctionnement pour aboutir à des prescriptions. Le second concerne la mise en discours de ces résultats sous un format compréhensible, crédible et désirable pour les usagers. Soulignons que notre approche cherche à comprendre la production et la mise discours de ces recommandations et non leur efficacité. La référence à des enquêtes sur les pratiques culturelles nous permettra cependant d’en discuter le succès en fin d’article.
Dans la lignée de la théorie de l’acteur-réseau (Akrich, Callon, & Latour, 2006), Burrell (2015) qualifie de couche « hidden » ou « boîte noire », les algorithmes opérant dans la sélection et la mise en forme des informations auxquelles nous accédons. Il souligne ainsi comment ces espaces opaques condensent des enjeux de pouvoir, qu’un acteur en position de force a fini par rendre non discutables. Décortiquer le dispositif sociotechnique que constituent le système de recommandation Cinematch et ses évolutions permet ainsi de mettre à jour les choix effectués pour les interroger à nouveau. La manière dont cette boîte noire produit des prescriptions peut-être décrite en recourant à la notion de script : « il est possible de décrire un objet technique comme un scénario, un script, définissant un espace, des rôles, des règles d’interaction entre les différents acteurs (humains et non-humains) qui viendront incarner ces rôles » (Akrich et al., 2006). En effet, cette lecture permet d’orienter l’analyse vers la définition de la pratique sociale supposée par le dispositif, les acteurs identifiés, les rôles et comportements qu’ils sont censés adopter, les divers éléments contextuels permettant d’exercer cette pratique et d’évaluer son intérêt. Qu’est-ce que les pratiques culturelles pour Cinematch ? Dans quel contexte et avec quels acteurs s’exerce-t-elle ? Quels rôles sont prévus et quels objets sont valorisés ? Parmi les éléments composant ce script, nous avons accordé une attention particulière à ceux qui renvoient à l’usager. Woolgar (1991) propose la notion d’usager « configuré » pour insister sur le fait que les concepteurs inscrivent, dans la conception même de l’objet, une représentation des comportements des usagers et de leurs besoins. Pas nécessairement consciente chez les concepteurs, cette inscription aurait la précision d’un profil. Cependant, cet usager configuré ne recoupe pas intégralement l’usager effectif. Il en constitue une représentation réduite, incarnée dans le choix de retenir certaines informations et d’en abandonner d’autres. Ces choix s’avèrent essentiels pour reconstruire l’intentionnalité incarnée dans le dispositif sociotechnique : quel usager idéal produit-on, quels comportements doit-il adopter et pour servir quelles fins des producteurs de ce dispositif ou du dispositif lui-même ?
La reconnaissance à travers la mise en discours des prescriptions
Disposer de contenus à prescrire ne constitue que la première étape du parcours de la prescription. Pour que celle-ci ait une chance d’être reconnue comme valable et digne de confiance, encore faut-il qu’elle corresponde à la grammaire de reconnaissance que lui appliquera l’usager (Coutant & Domenget, 2014). Or, ni la décomposition de ce dernier en ensembles de traces d’activités, ni les différents traitements et mises en correspondance qui aboutiront à une sélection de contenus et à leur classement, ne lui sont directement compréhensibles. Plus encore, la divulgation de la masse d’informations accumulée à son sujet tout autant que des critères de sélection, souvent bien éloignés d’un rapport romantique à la consommation culturelle, risqueraient de plonger ces moteurs de recommandation dans une vallée de l’étrange le rebutant(9).
Une opération de traduction est donc nécessaire pour doter ces prescriptions de suffisamment de gages de confiance pour qu’elles soient acceptées (Quéré, 2001). Nous entendons ici la traduction comme « (l’)ensemble des négociations, des intrigues, des actes de persuasion, des calculs, des violences grâce à quoi un acteur ou une force se permet ou se fait attribuer l’autorité de parler ou d’agir au nom d’un autre acteur ou d’une autre force » (Akrich et al., 2006). Il s’agit effectivement de repérer comment l’interface de Netflix incite à déléguer au dispositif le choix des contenus à consommer. C’est ici que la notion de prescription telle que développée par (Hatchuel, 1995) et appliquée au numérique par (Stenger, 2007, 2011) s’avère particulièrement riche. Cette dernière peut effectivement être entendue comme une influence potentielle. Pour qu’elle se réalise, il faut que le prescripteur et le contenu qu’ils proposent soient reconnus comme des aides à la décision. L’intervention doit donc apporter des savoirs qui font défaut à l’usager et faciliter ainsi le processus de consommation. Elle éclaire donc bien comment la mise en discours de Netflix va accumuler les signes la plaçant dans une position de connaissance à l’égard du catalogue disponible et d’experte dans les critères à appliquer pour les évaluer – que ces critères proviennent de ses propres cadres ou de sa connaissance des critères employés par des tiers, notamment les autres usagers. Au-delà des énoncés, la variété des formats énonciatifs encourageant la reconnaissance (Verón, 1988) constitue effectivement une clé essentielle de compréhension des succès variés des moteurs de recommandation selon les contextes (Coutant & Domenget, 2014).
Une méthodologie adaptée à l’analyse du parcours de la prescription
La complexité de l’analyse des réseaux d’acteurs (Akrich, 2006a, 2006b) dans lesquels les algorithmes sont développés apporte des défis méthodologiques inédits(10). D’une part, ces défis renvoient à la complexité technique des logiciels et aux transformations que ces objets ont subi au fil du temps, nécessitant des connaissances différentes de celles accumulées traditionnellement en sciences sociales. D’autre part, l’absence d’outils méthodologiques spécifiques permettant un repérage minutieux du parcours de la prescription réalisé par les concepteurs invite à faire preuve d’innovation méthodologique.
Un premier enjeu concerne la compréhension du système prescriptif lui-même. Compte tenu des transformations des logiciels et de leur composante algorithmique, les « boîtes noires » peuvent se présenter comme des objets d’études opaques. La compréhension minimale des notions en génie logiciel et langage algorithmique s’avère une nécessité dans ce type de recherche. Cependant, la compréhension de ces mécanismes ne doit pas pour autant détourner de leur analyse critique avec les grilles de lecture plus traditionnelles des sciences sociales. Notre solution face à ces difficultés est passée par la coopération de deux chercheurs spécialistes d’informatique. Ils nous ont accompagné dans l’analyse critique des choix techniques de l’algorithme en traduisant ceux-ci en objectifs compréhensibles pour des non experts. Ceci a permis d’assurer la rigueur de la démarche scientifique et d’éviter les méprises d’information (Drumond, 2019). Le second enjeu consiste à se donner le moyen de suivre la mise en discours des résultats obtenus par ce système prescriptif d’une manière qui soit compréhensible et désirable pour l’usager (Grignon, 2016). La « traduction » des informations techniques en des contenus plus vulgarisés joue effectivement un rôle important dans l’analyse des logiques prescriptives inscrites (Akrich, 2006b) dans les logiciels car elle aboutit à une interface à travers laquelle les usagers vont décider de se conformer ou non aux prescriptions du système.
Notre approche repose sur un ensemble mixte de méthodes compréhensives de recherche. Elle rend possible le repérage et l’analyse de ce parcours de la prescription en deux temps : les choix techniques effectués lors de la conception et la mise en discours des usages prescrits (Akrich, 2006a). D’une part, ces choix techniques effectués au sein de l’environnement de production de l’entreprise Netflix collaborent à la construction d’une logique prescriptive bien précise. D’autre part, les usages configurés par les concepteurs du logiciel de ce service sont soigneusement réaffirmés et argumentés dans le discours employé par l’entreprise. Ce discours peut être visualisé à l’interface du logiciel et identifié dans les instructions données par les concepteurs afin de coordonner les usages (Akrich, 2006b).
Les choix techniques des concepteurs : une étude du système de recommandation et du TechBlog de Netflix
Le processus de repérage du parcours de la prescription s’initie par l’analyse des scripts de deux objets d’études : le système de recommandation, que nous qualifierons de boîte noire, et l’interface présentée aux usagers de Netflix. Pour avoir accès à ce service de vidéo à la demande, les personnes intéressées doivent s’abonner au service à partir de la création d’un compte. Les usagers partageant le même compte peuvent créer des profils qui leur permettront d’avoir accès aux listes de contenus de la plateforme (films, séries, etc.). Ces contenus sont organisés en rangées horizontales sur l’interface. L’usager peut dérouler la page verticalement pour découvrir les différentes rangées de contenus recommandés et horizontalement pour explorer les contenus appartenant à la rangée qui l’intéresse.
Puisque les sections de l’interface ne sont composées que de prescriptions, le système de recommandation représente un élément central chez Netflix. Il peut être considéré comme un espace où une représentation de l’usager, fondée sur une sélection de traces, et des contenus sont mis en relation dans un processus de modélisation (data mining). L’emploi de certains critères de classement de contenus au détriment d’autres ainsi que les méthodes de calcul utilisées pour effectuer des appariements entre usagers et contenus potentiellement désirés produiront des effets sur ce qu’on voit à l’écran qu’il s’agit d’expliciter. L’analyse de cet espace de production des prescriptions s’est faite à partir des documents diffusés sur Internet par Netflix entre 2009 et 2015 à propos de son système de recommandation. Précisément, la solution Bellkor, retenue au terme du concours Netflix Prize(11), et des publications du Tech Blog de l’entreprise ont constitué un premier corpus pour cette étude. La grille d’analyse comportait quatre catégories: représentation de l’usager (attributs associés à la version configurée de l’usager), contenus (attributs associés aux contenus présents sur la plateforme), modélisation des résultats (classement et appariement effectué en fonction des attributs associés à la représentation de l’usager et aux contenus) et résultats (ce que produit le système de recommandation). Nous avons ainsi pu identifier et classer par année les critères utilisés par l’entreprise dans la création des recommandations.
La mise en discours des prescriptions à destination des usagers
Le deuxième corpus analysé a été composé de captures d’écran de l’interface du service et du site web. La justification des choix présentés à l’usager et l’encouragement à certains types d’usages peuvent effectivement être repérés sur l’interface de Netflix et sur le site de l’entreprise. Les usages imaginés par les concepteurs y sont encouragés et argumentés, comme dans les titres des rangées de contenus et les conseils donnés sur le site web de l’entreprise et à travers la fonction permettant aux usagers de regarder des épisodes en boucle. Une analyse sémio-communicationnelle (Bonaccorsi, 2013; Candel et al., 2012; Davallon et al., 2013)(12) a été effectuée afin de saisir ces signes. Deux grilles d’analyse nous ont permis de les identifier et les classer.
Au-delà du repérage et de la description des éléments visuels et textuels ainsi que des icônes de l’interface, ces grilles d’analyse rendent intelligibles la représentation de l’usager énoncée dans le discours de l’entreprise et la façon dont le système prescriptif est justifié. Elles nous ont aussi permis d’identifier les actions permises sur le service et celles suggérées par la plateforme. Par exemple, la rangée « Continue Watching » favoriserait la reprise des contenus récemment écoutés et appréciés par les usages, alors que la rangée «Watched by (nom d’un personnage des productions originales Netflix) » justifierait auprès des usagers la mise en avant de cette prescription. La rangée « Because You Watched (titre d’un contenu déjà visionné par l’usager) » met encore plus en évidence les tentatives de Netflix d’expliquer une partie des critères utilisés par ses algorithmes dans la création des recommandations. Ces éléments font partie d’une mise en scène favorisant la confiance des usagers (Quéré, 2001) dans le système et, par conséquent, dans ses prescriptions. Finalement, nous nous sommes penchés sur les éléments textuels et visuels visant à enseigner l’utilisation du service aux usagers.
L’économie de la jouissance : ce que Netflix enseigne à ses usagers
La trajectoire des transformations du système de recommandation, l’interface du service et le site web mettent en évidence les efforts déployés par Netflix pour optimiser les prescriptions de son logiciel. Ces prescriptions participent à produire à la fois l’usage et l’usager de la plateforme en suivant un parcours qui consiste à créer des représentations des usagers à l’intérieur du système, à leur associer des contenus à suggérer, puis à encourager leur consommation. Ce parcours se base sur quatre éléments centraux : la personnalisation, le classement des contenus et des usagers, l’adaptation du logiciel et les feedbacks. Ces éléments sont exposés et expliqués aux usagers par Netflix afin de les inciter à se conformer à son plan d’action. Les modifications du système de recommandation se sont révélées sous différentes formes. La mise en place d’un système de profils en 2013 a contribué à individualiser l’usage du service et, par conséquent, à aiguiller les calculs algorithmiques de son système de recommandation. Ceci a contribué à rendre l’usager plus ou moins conscient des travaux techniques et dans tous les cas acteur du service par son envoi de feedbacks sous la forme de nouvelles données rentrantes. Cette conscience des travaux algorithmiques émerge aussi des recherches de Thoer, Millerand, Vrignaud, Duque, & Gaudet (2015) sur l’appropriation des plateformes de visionnement de contenus. Des entrevues et des focus groupes réalisés auprès de jeunes Québécois montrent que les usagers seraient conscients des travaux de curation des contenus et chercheraient aussi à se conformer à la logique des plateformes afin d’obtenir une meilleure expérience de visionnement.
Pour Netflix, les travaux de personnalisation permettent de mieux cibler les préférences des profils d’usagers et, par conséquent, de leur retourner un meilleur service. Cette personnalisation est rendue visible à plusieurs endroits sur l’interface du service, comme dans les rangées « Top Picks For (nom du profil) » et « My list » ainsi que sur la page « Manage Profile ». Le profil utilisé durant les visionnements est rendu visible dès la connexion au compte. Par ailleurs, la personnalisation est abordée sur le Tech Blog et expliquée sur le site web de l’entreprise. En l’occurrence, on y explique qu’elle calibre le système et rend possible la création des listes de recommandations, qu’elle réduit le temps pour effectuer un choix et qu’elle permet de retenir les usagers sur la plateforme. Ces travaux de personnalisation de la plateforme illustrent la « version configurée » de l’usager effectif. Les calculs algorithmiques sont calibrés par de gros paquets de données rentrant dans le système de recommandation afin d’aligner la « version configurée » sur cet usager effectif.
Le classement des produits et des usagers est ancré dans la conviction que les préférences et les goûts peuvent être mesurés et saisis par les mécanismes de prédiction des logiciels (Beer, 2014). Il s’agit d’identifier des « patterns » de comportements et de faire des appariements. Dans le cas de Netflix, son système de recommandation, relevant du « filtrage collaboratif », compare le profil d’usagers à des groupes d’usagers ayant des comportements semblables afin de produire des listes de recommandations. La représentation de l’usager découle ainsi du pouvoir sémantique et de l’intervention politique qu’exercent les concepteurs sur la catégorisation des publics. Ce travail de classement est mis en évidence tant sur le Tech Blog que sur l’interface du service. Ainsi, plusieurs attributs permettant de classer et de hiérarchiser les contenus et les profils d’usagers, ont été introduits dans le système de 2009 à 2015. Par exemple, dans les textes du Tech Blog publiés en 2012, la prédiction des notes apparaissait comme une mesure importante dans les calculs de Netflix. Le système de recommandation du service cherchait en effet à estimer les notes attribuées aux contenus par les usagers, afin de repérer ceux qui étaient susceptibles de recevoir les plus hauts scores. D’autres attributs, telles que la popularité et la diversité des contenus, ont été intégrés au système au fil du temps.
Les travaux de Netflix se concentrent également sur l’adaptation du logiciel aux différents environnements où l’usage se développe. Dans les textes de 2014 extraits du Tech Blog, l’entreprise relate les développements en matière de « Quality of Experience » (QoE) et de « Quality of Streaming » (QoS). Ceux-ci visent à éviter des « bruits » dans les données et à surveiller la qualité de la connexion et des produits offerts par le service. Concrètement, les données provenant du comportement de visionnement sont comparées aux feedbacks des membres afin de garantir la fiabilité des informations rentrant dans le système de recommandation. Par exemple, les données récoltées durant un visionnement ayant subi une interruption en raison de problèmes de connexion Internet n’étaient plus prises en compte dans les calculs. Netflix justifie ces mesures par le fait que les données ne doivent résulter que des préférences de l’usager.
Les réponses fournies par l’usager aux recommandations de Netflix alimentent le système avec de nouvelles données qui seront utilisées dans la composition des prochaines pages de recommandation. Les traces d’usage, les notes données aux contenus, la rangée « My List », les commentaires laissés par les membres, le bouton de partage de contenus et la fonction « Post-Play » de l’interface participent à la définition de la version configurée de l’usager. La génération de gros volumes de feedbacks est signalée sur le site web de l’entreprise comme étant décisive pour la qualité du service offert. « Plus vous utilisez Netflix, plus le contenu que nous vous suggérons sera pertinent. » (cité dans Drumond, 2016). Sur ce point, la fonction « Post-Play » et le visionnement en boucle des contenus qu’elle permet se présente comme l’une des options fournissant les meilleurs indices sur les préférences de l’usager. Il faut préciser que depuis avril 2017, Netflix a remplacé son système de notation basé sur une échelle d’étoiles par un système de pouce levé/pouce baissé. Selon l’entreprise, le volume d’évaluations des contenus aurait grimpé de 200%(13) grâce à cette méthode plus simple et plus intuitive qui inciterait les usagers à fournir plus fréquemment des feedbacks.
Les éléments visualisés dans l’interface et dans le site web de l’entreprise visent à promouvoir le service et, plus particulièrement, à enseigner les « bons » usages. L’entreprise explique ouvertement les travaux techniques effectués sur son logiciel et l’importance des données personnelles dans la création des recommandations. De plus, la pertinence des recommandations est souvent associée aux gros volumes de données récoltées et à la « bonne qualité » de ces données. Dans le « Centre d’aide », par exemple, les textes suggèrent que l’individualisation de l’usage, c’est-à-dire la création des profils pour chaque usager qui partage un compte, produirait des effets directs sur la pertinence des recommandations, puisque le système s’adapterait aux préférences de chaque profil.
La promotion d’une sorte de « conscience », chez les usagers, de l’existence de leur « version configurée », vise à mettre en lumière les prises qu’ils ont sur le système et ainsi à renforcer les liens de confiance entre les acteurs de ce réseau. Selon Netflix, en connaissant mieux la façon dont les prescriptions sont générées, les usagers feraient davantage confiance au service et collaboreraient davantage à son amélioration : « This not only promotes trust in the system, but encourages members to give feedback that will result in better recommendations. »(14)
Ces relations de confiance nourrissent ce que nous avons nommé économie de la jouissance : plus on s’amuse en visionnant et en évaluant des contenus sur la plateforme, plus le système de recommandation sera en mesure de proposer des contenus qui rendront l’expérience Netflix encore plus « amazing ». Cette économie est axée sur un mouvement en boucle des informations. Autrement dit, elle se base sur l’entrée de gros paquets de données provenant des expériences jouissives des usagers (« input »), sur le traitement de ces informations par une boîte noire bien calibrée et sur la production des listes de contenus qui seront visibles sur l’interface (« output »). En expliquant le fonctionnement de son service de recommandation, l’entreprise enseigne en même temps la façon dont les usagers peuvent adapter leurs pratiques afin de mieux intervenir dans les propositions du système. Ce discours de transparence soigneusement argumenté sur le Tech Blog, l’interface et le site web encourage les usagers à rester connectés sur la plateforme et à produire des réponses « pertinentes » aptes à préciser encore davantage leur version configurée pour, éventuellement, améliorer leur jouissance. En ce sens, les marathons de visionnement, perçus comme l’expression de la satisfaction des usagers envers les contenus consommés, sont interprétés comme des exemples fiables de ce qui fonctionne comme prescription sur la plateforme. Cette pratique très répandue chez les usagers de Netflix (Jenner, 2016) apparaît tout à fait cohérente avec la logique de consommation en excès et de production de données massives qui organise la captation des usagers des services numériques.
Netflix, la jouissance et la politique culturelle
Ces résultats apportent une contribution originale au regard de la littérature critique concernant les algorithmes, d’abord parce qu’ils n’illustrent pas l’opacité traditionnellement reprochée à ces derniers. Au contraire, Netflix explicite son fonctionnement et apporte même un soin particulier à adapter sa pédagogie à ses différents publics : experts en informatiques, prospects et abonnés(15). Sa boîte noire est traversée de persiennes. La relation proposée se veut transparente, afin que l’usager puisse comprendre par lui-même tout l’avantage qu’il tire en se conformant aux prescriptions de la plateforme, à savoir : une expérience continue de la jouissance soulagée de l’embarras du choix (Cochoy, 1999) et des insatisfactions provoquées par le régime d’exploration curieuse qu’Auray (2016) a identifié comme conséquence de contenus culturels pléthoriques en ligne. Ajoutons que la rhétorique de Netflix assume une conception coconstruite de la qualité du service. On s’approche donc davantage de la lecture du rapport de force décrit à propos des sociétés de contrôle (Deleuze, 1992; Hardt & Negri, 2004), où la mise en conformité des usagers repose davantage sur leur acquiescement, à tout le moins passif, plutôt que sur leur manipulation ou leur contrainte. En somme, le meilleur des mondes plutôt qu’Oceania (16).
Si la critique du différentiel entre opacité des systèmes et transparence des usagers ne s’applique pas de la même manière qu’avec d’autres grands acteurs, notamment les GAFAM, la spécificité du secteur dans lequel Netflix opère soulève des enjeux de politique culturelle. Nos résultats montrent la cohérence du parcours de la prescription mis en place par Netflix. Les études sur le divertissement connecté soulignent quant à elles l’efficacité de ces prescriptions auprès des usagers (Thoer, Millerand, Vrignaud, Duque, & Gaudet, 2015). In fine, nos résultats permettent de prendre conscience de l’écart entre une économie de la jouissance et les politiques encadrant usuellement les institutions culturelles (Fleury, 2016; George, Brunelle, & Carbasse, 2015). Les critères qualifiant et classant les contenus prolongent en effet une tradition du plébiscite par les publics. Cette logique de la popularité a déjà été identifiée dans les familles d’algorithmes proposées par Cardon (2015). On peut saisir sa pertinence dans le cadre de finalités de divertissement, mais elle reproduit les enjeux de place accordée aux autres dimensions d’une politique culturelle, traditionnellement regroupées sous les catégories d’informer et cultiver. L’analyse de Cinematch et du TechBlog souligne la conscience de Netflix des risques d’enfermement dans des bulles homogènes de contenus (Pariser, 2011) et ses tentatives d’empêcher leur formation. En revanche, ses engagements qualitatifs se cantonnent à deux dimensions. La première se concentre sur la qualité de la bande passante, reproduisant la traditionnelle focalisation sur la prestation technique, et dont on voit actuellement qu’elle permet de soutenir un refus des plateformes d’assumer une politique éditoriale (Sire, 2015, 2016). La seconde concerne les notes et traces d’intérêt (visionnement complet notamment), sans tenir compte des éléments composant traditionnellement la complexité des genres culturels et leur évaluation. On retrouve ici, appliqué au cadre culturel, la réduction décrite par Le Deuff (2012) lorsque l’on passe de la diversité des modes d’appréhension permise par les tags à l’uniformité du like. L’économie de la jouissance nous paraît ainsi, au-delà de la complexité technique de son fonctionnement, s’inscrire dans une longue histoire de l’appréhension de la culture sous l’angle de son succès populaire, dont on peut émettre la critique lorsqu’elle aboutit à l’exclusion de tout autre critère.
Ce double constat rappelle à quel point l’analyse sociotechnique gagne à se situer toujours au niveau de la pratique sociale et non au seul niveau de l’usage (Jouët, 1993). Le succès de Netflix repose effectivement sur une domestication croisée et non sur une domination : on est satisfait de Netflix si on est actif dans sa configuration (Thoer, Millerand, Vrignaud, Duque, & Gaudet, 2015). Cela nous amène à bien le comprendre et le paramétrer. Il s’agit donc d’un usage plutôt maîtrisé. Cependant, cette maîtrise locale ne change rien aux risques d’uniformisation de l’accès aux contenus culturels et de captation permanente de notre attention qui, paradoxalement, se renforcent avec un usage maîtrisé nourrissant une jouissance toujours plus grande.
Conclusion
Basé sur l’étude des stratégies de prescription des usages mises en place par Netflix, cet article se donnait trois objectifs qu’il espère avoir rempli. Le premier concerne l’argumentation qu’il est possible, au-delà d’une forte prétention du discours technicien à s’approprier la question, de fournir une intelligibilité minutieuse des algorithmes, s’inscrivant dans les traditions compréhensives et critiques des sciences sociales, notamment en information et communication. Le second consiste à fournir des propositions de méthodes interdisciplinaires pour rendre intelligibles ces technologies complexes en cumulant regard critique et compréhension fine de leur fonctionnement. La troisième relève de l’encouragement à multiplier les études de cas afin de ne pas s’en tenir à une position générale face à ces technologies. Les enjeux associés à ces systèmes prescriptifs diffèrent fortement d’un contexte à un autre et selon les usagers auxquels ils s’adressent. La délégation d’une certaine agentivité à une autorité algorithmique ne sera pas aussi sensible lorsqu’il s’agit, par exemple, de sélectionner les contenus les plus susceptibles de nous divertir sur un site humoristique ou de décider de l’actualité à donner à voir sur un site d’information. Les voies par lesquelles le parcours de la prescription réussit ou non à se faire reconnaître varient tout autant. Dans une perspective simondonienne, il s’agit par conséquent de fournir les éléments permettant d’identifier comment le rapport coconstruit, transductif, que nous entretenons avec ces objets, en tant qu’individus et collectifs, contribue à faire advenir des milieux individuant ou aliénant (Guchet, 2010; Simondon, 2007, 2012).
Cardon (2015) a déjà indiqué dans ses travaux que les algorithmes pouvaient être compris par des non experts dès lors que l’on met à jour leur « politique ». De la même manière que le fait de connaître la ligne éditoriale d’un titre de presse nous permet de le qualifier sans nécessairement comprendre les multiples étapes par lesquelles un journal est construit, la mise à jour de cette politique rend possible le positionnement face à ces algorithmes sans pour autant maîtriser les traitements auxquels elle donne lieu. La description minutieuse du parcours de la prescription que nous encourageons complétera cette piste pour une meilleure autonomie des usagers face à ces dispositifs. D’une part, parce qu’elle offre la possibilité de confronter les traces et traitements effectués à la politique de l’algorithme afin d’évaluer leur cohérence. Il devient ainsi possible de distinguer la reconnaissance de la politique, de la reconnaissance des conditions à travers lesquelles elle s’exerce. Ainsi, en santé, par exemple, une politique visant à mieux personnaliser le traitement d’un patient pourra être reconnue comme louable. Cependant, les traces accumulées et les conditions de leur traitement pour réaliser cette politique pourront être davantage discutées. D’autre part parce qu’elle vise à mettre à jour le vaste système rhétorique entourant ces politiques pour les rendre si évidentes qu’elles ne seraient plus soumises à l’interrogation (Robert, 2016).
Notes
(1) Standford Persuasive Tech. (2017). What is Captology? Consulté 16 mars 2018, à l’adresse http://captology.stanford.edu/about/what-is-captology.html
(2) Leslie, I. (2016, octobre). The scientists who make apps addictive. Consulté 16 mars 2018, à l’adresse https://www.1843magazine.com/features/the-scientists-who-make-apps-addictive
(3) Jurgensen, J. (2012, juillet 13). Binge Viewing: TV’s Lost Weekends. Wall Street Journal. Consulté à l’adresse https://www.wsj.com/articles/SB10001424052702303740704577521300806686174
(4) Ramachandran, S., & Sharma, A. (2013, septembre 21). Cable Fights to Feed « Binge » TV Viewers. Wall Street Journal. Consulté à l’adresse https://www.wsj.com/articles/cable-fights-to-feed-binge-tv-viewers-1379718681
(5) Netflix Media Center. (2018, mai 31). À propos de Netflix. Consulté 31 mai 2018, à l’adresse https://media.netflix.com/fr/about-netflix
(6) AFP. (2018, janvier 22). Netflix: nouveau gain record d’abonnés au dernier trimestre. Consulté 31 mai 2018, à l’adresse http://www.journaldemontreal.com/2018/01/22/netflix-nouveau-gain-record-dabonnes-au-dernier-trimestre
(7) CNET France. (2018, mai 25). Hier, Netflix valait plus que Disney en bourse. Consulté 31 mai 2018, à l’adresse http://www.cnetfrance.fr/news/hier-netflix-valait-plus-que-disney-en-bourse-39868648.htm
(8) Voir la bibliothèque Zotero partagée Critical Algorithm Studies pour une recension récente de la littérature sur le sujet : https://www.zotero.org/groups/605005/critical_algorithm_studies
(9) InternetActu.net. (2012, avril 26). Les limites du ciblage publicitaire personnalisé. Consulté 16 mars 2018, à l’adresse http://www.internetactu.net/2012/04/26/les-limites-du-ciblage-publicitaire-personnalise/
(10) Pour une présentation plus exhaustive de ces défis et des manières d’y répondre, voir Drumond (2019, à paraître ; 2016)
(11) En 2006, Netflix a lancé le concours mondial Netflix Prize. Ce dernier visait à récolter des propositions qui pouvaient améliorer de 10% l’efficacité de son système de recommandation, appelée Cinematch à l’époque.
(12) Conformément à l’approche désormais largement employée (Barats, 2017), consistant à analyser un objet communicationnel (Davallon et al. , 2003) en considérant que le système technique et son concepteur, le dispositif servant d’interface et les usagers sont en situation de communication au sein d’un « théâtre figuratif de la communication » (Boutaud & Berthelot-Guiet, 2013, p. 5).
(13) Media Center Netflix. (2017, mai 4). Goodbye Stars, Hello Thumbs. Consulté 4 juin 2018, à l’adresse https://media.netflix.com/en/company-blog/goodbye-stars-hello-thumbs
(14) Netflix Technology Blog. (2012, avril 6). Netflix Recommendations: Beyond the 5 stars (Part 1). Consulté 2 avril 2018, à l’adresse https://medium.com/netflix-techblog/netflix-recommendations-beyond-the-5-stars-part-1-55838468f429
(15) Une récente explicitation de la manière dont les images accompagnant les contenus recommandés permet encore de s’en convaincre : https://medium.com/netflix-techblog/artwork-personalization-c589f074ad76
(16) Des Lettres. (2013, juillet 10). Lettre d’Aldous Huxley à George Orwell : « Suggérer au peuple d’aimer sa servitude. ». Consulté 16 mars 2018, à l’adresse http://www.deslettres.fr/lettredaldous-huxley-a-georgesorwell-la-soif-de-pouvoir-peut-etre-tout-aussi-bien-satisfaite-en-suggerant-au-peuple-daimer-sa-servitude/
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Auteurs
Gabrielle Silva Mota Drumond
.: Gabrielle Silva Mota Drumond est maître de conférences en communication, concentration en médias socionumériques, agente de recherche à l’UQAM, journaliste et gestionnaire de médias sociaux. Elle s’intéresse aux enjeux de la conception des objets technologiques, aux usages des médias sociaux, aux systèmes de recommandation et aux enjeux du traitement de données.
Alexandre Coutant
.: Alexandre Coutant est professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM, directeur du Centre de recherche sur la communication et la santé (ComSanté) et responsable de l’axe « Mutations de la sociabilité et de l’agir politique » du Laboratoire sur la communication et le numérique (LabCMO). Ses travaux portent sur l’appropriation des technologies et les enjeux de confiance dans des environnements sociotechniques. Il s’intéresse particulièrement aux contenus en lien avec la circulation de contenus sensibles.
Florence Millerand
.: Florence Millerand est professeure au Département de communication sociale et publique à l’UQAM, titulaire de la Chaire de recherche sur les usages du numérique et les mutations de la communication, co-directrice du Laboratoire sur la communication et le numérique (LABCMO) et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST). Ses travaux portent sur les aspects sociotechniques des processus de conception et de développement des technologies ainsi que sur leurs usages.
Plan de l’article
Un cadre théorique pour comprendre les étapes du parcours de la prescription
Une méthodologie adaptée à l’analyse du parcours de la prescription
L’économie de la jouissance : ce que Netflix enseigne à ses usagers
Netflix, la jouissance et la politique culturelle
Écrire à Gabrielle Silva Mota Drumond
Écrire à Alexandre Coutant
Écrire à Florence Millerand