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Les journalistes fact-checkers français entre réinvention de la vérification et quête de reconnaissance professionnelle

Article inédit, mis en ligne le 20 Mars, 2018

Résumé

Au sein des médias français, comme ailleurs dans le monde, depuis le début des années 2000, de plus en plus de rédactions disposent de rubriques ou chroniques dédiées au fact-checking. Leurs contenus permettent de vérifier la véracité de propos tenus par des responsables politiques ou d’autres personnalités publiques. Cette pratique, n’est pas nouvelle, puisqu’elle revisite largement une autre version, plus ancienne, du fact-checking, née aux États-Unis dans les années 1920 et qui consistait à vérifier de manière exhaustive et systématique les contenus journalistiques avant parution. Le fact-checking « moderne », lui, incarne à la fois la volonté des rédactions web de renouer avec des contenus vérifiés – en dépit des crises structurelles et conjonctuerelles de la presse – et leur capacité à mettre à profit les nouveaux outils d’accès facilité à l’information. Quite à dépasser leurs prérogatives et bouleverser les logiques professionnelles établies au sein de leur média.

Mots clés

Vérification, fact-checking, politique, journalisme

In English

Title

The French fact-checkers between reinvention of ver ification and quest for professional recognition

Abstract

Since 2000, more and more newsrooms, in France or elsewhere in the world, have established fact-checking headings or rubrics. Their contents make it possible to verify the veracity of claims by politicians and other actors. This practice is not new. It widely revisits an older fact-checking practice, born in the United States in the 1920’s and based on an exhaustive and systematic checking of journalistic contents before publishing. The “modern” fact-checking embodies both the willingness of web newsrooms to reconnect with verified contents (despite the structural and economic crisis of the press) and the ability to capitalize on new tools for easy access to information – at the risk of overcoming their prerogatives and of disrupting the professional logics established within their media.

Keywords

Verification, fact-checking, politics, journalism

En Español

Título

Los periodistas fact-chekers franceses entre reinvención de la verificación y búsqueda de reconocimiento profesional

Resumen

Desde el año 2000, más y más redacciones, en Francia y en todo el mundo, tienen secciones o crónica dedicada al fact-checking. Sus contenidos se utilizan para verificar la veracidad de las declaraciones hechas por los políticos y otras personalidades públicas. Esta práctica no es nueva, ya que en gran medida vuelve a visitar otra versión anterior del fact-checking, nacido en los Estados Unidos en la década de 1920, que esta para comprobar el contenido periodístico antes de su publicación, de forma exhaustiva y sistemática. El fact-checking « moderno » encarna la voluntad de los editores web para volver a conectar con el contenido verificado (a pesar de la crisis y conjonctuerelles estructural de la prensa) y su capacidad de aprovechar nuevo instrumentos de acceso a la información; aunque se exceda en sus prerrogativas e interrumpe lógicas profesionales dentro de sus medios.

Palabras clave

Verificacion, fact-checking, politica, periodismo

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Bigot Laurent, « Les journalistes fact-checkers français entre réinvention de la vérification et quête de reconnaissance professionn elle « , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°18/2, 2017, p.19 à 31, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2017/dossier/02-les-journalistes-fact-checkers-francais-entre-reinvention-de-la-verification-et-quete-de-reconnaissance-professionnelle/

Introduction

Au sein des médias français, comme ailleurs dans le monde, de plus en plus de rédactions disposent aujourd’hui de rubriques ou chroniques dédiées au fact-checking. Depuis une dizaine d’années, ont ainsi été créées, entre autres : « Désintox » pour Libération, « Les Décodeurs » pour Le Monde, « Le Vrai du Faux » sur France Info, « Le Vrai-Faux de l’Info » sur Europe 1, « L’œil du 20 heures » sur France 2, etc. Leurs contenus permettent de vérifier la véracité de propos tenus par des responsables politiques ou d’autres personnalités publiques.

Cette pratique est en réalité apparue aux États-Unis à compter des années 2000. Et elle ne cesse de se développer (Graves et al., 2016, 1) à la faveur, notamment, du travail de réseau effectué par l’International Fact-Checking Network (IFCN) basé à l’institut Poynter, en Floride. Relativement peu étudié par la recherche en Sciences de l’information et de la communication en France, le fact-checking a d’ailleurs été défini dès 2011 par Françoise Laugée, dans la Revue européenne des médias et du numérique (Laugée, 2011, p. 52) en comparaison à ses origines étatsuniennes : « Pratique journalistique qui consiste à contrôler l’exactitude des informations ou la cohérence des propos délivrés par les hommes politiques. (…) Le fact-checking vient des États-Unis. Le site américain PolitiFact.com est un modèle du genre. »

Pourtant, si les premiers sites de fact-checking sont ce que l’on appelle des pure-players, c’est généralement au sein de médias déjà établis qu’officient les fact-checkeurs français. La plupart du temps liés au service web de médias traditionnels, ces journalistes ont souvent été recrutés pour produire à grande vitesse un maximum de contenus gratuits destinés à générer du trafic. Mais ils ont également mis leur maîtrise des outils modernes – multimédia, réseaux sociaux, traitement de données, etc. – au service de nouvelles pratiques de vérification, quitte à s’opposer, ce faisant, avec leurs pairs d’autres services ou d’autres médias.

Ces journalistes fact-checkeurs se sont de plus aventurés sur un terrain qui n’était que rarement celui des jeunes journalistes des rédactions web : le journalisme politique. Là, leur approche factuelle originale des débats et discours politiques, ainsi que le fort impact de telles productions auprès du public, comme du personnel politique, finit par s’opposer à des logiques professionnelles établies, ce qui leur vaut de nombreuses critiques et inimitiés jusqu’à l’intérieur de leur propre média. Pourtant, ils expriment essentiellement leur volonté de renouer avec les fondamentaux de leur métier et de redonnner à leurs médias d’appartenance, une part du crédit qu’ils ont parfois perdu auprès des lecteurs.

Notre objectif est ainsi de décrypter en quoi l’émergence de cette pratique de fact-checking au sein de la communauté des journalistes souligne, à travers la réorganisation des rédactions, une évolution inédite des pratiques professionnelles. Nous souhaitons aussi éclairer comment cette évolution est contestée par une partie des journalistes français, notamment ceux en charge du domaine politique et surtout comment cela se traduit pour les fact-checkeurs eux-mêmes, en termes de reconnaissance des pairs.

Au sein des Sciences de l’information et de la communication, nos travaux s’inscrivent ici dans le champ de la recherche sur les pratiques journalistiquesetdes journalism studies. Ils s’intéressent tout particulièrement à l’activité de production des messages médiatiques (collecte, le traitement et la diffusion de nouvelles), ainsi qu’à leurs contenus et à leurs métamorphoses, en lien avec les transformations technologiques et socioéconomiques. Bien qu’ouverts, ils adoptent essentiellement un point de vue critique pour questionner le journalisme dans son rôle social et citoyen, tout particulièrement en termes de transmission d’informations vérifiées et de relation de faits exacts, mais aussi en tant que domaine soumis récemment à une hyper concurrence (Bonville, Charron, 2004) qui a perdu une partie de sa capacité à « certifier l’information » (Schudson, 2003). Nous n’ignorons pas les travaux étatsuniens récents de recherches sur le fact-checking lui-même (Graves, 2016, 3), bien que nous les considérons avec distance, avec un regard résolument critique. Enfin, ils se situent tout autant dans une approche interactionniste (sources, collaborateurs, publics…), que dans une perspective de sociologie des groupes professionnels (Ruellan, 1993) et du journalisme (Rieffel, 1984).

Fondée sur des études synchroniques et diachroniques des contenus et sur des entretiens semi-directifs, notre recherche prend davantage en compte une vision constructiviste du monde social qu’une vision positiviste et fait appel à des références autocritiques issues de journalistes professionnels ou d’instances critiques sur les médias, voire de l’éducation aux médias. Parmi les théories qui ont irrigué récemment les travaux francophones sur ce point, nous nous inscrivons au carrefour de ce que Nicolas Pélissier et François Demers nomment « l’approche compréhensive du quotidien et des fautes journalistiques (Lemieux, 2000) » et « l’approche pragmatique du système journalistique et ses injonctions paradoxales (Le Bœuf et Pélissier, 2003). Dans cet article, nous exploiterons prioritairement des entretiens semi-directifs auprès d’une trentaine de journalistes fact-checkeurs, c’est-à-dire des professionnels qui ont expérimenté, non pas ponctuellement, mais sur la durée, ce journalisme de vérification de la parole publique. Cela nous permet d’affirmer une forte représentativité de l’échantillon – pour ne pas dire exhaustivité – dans la mesure où, d’après notre recensement, on ne comptabilise aujourd’hui pas plus d’une cinquantaine de journalistes fact-checkeurs en France, sauf à y ajouter des professionnels qui ont à produire très ponctuellement un travail de ce type. Nous précisons que ces entretiens ont tous eu lieu entre juillet 2015 et septembre 2016, pour des durées minimales d’environ une heure, jusqu’à plus de deux heures. Pour ce qui nous concerne ici, nous utiliserons des citations la plupart du temps issues de nos propres échanges avec eux, sur leur parcours, leur mode de travail et leur place tant au sein de leur rédaction que dans le paysage journalistique plus global, en mentionnant la date à laquelle ils ont eu lieu (« Entretien du… ») et en focalisant notre attention sur cinq médias qui, au moment de la réalisation des entretiens, disposaient tous d’une rubrique ou d’un format de fact-checking particulièrement actif (Libération, Le Monde, France Info, Europe 1, France 2).

Dans un premier temps, cela doit nous permettre de mieux définir ce qu’est le fact-checking et en quoi il constitue une nouvelle pratique professionnelle, ou plutôt une pratique réinventée de vérification, que l’appellation relativement ancienne dote d’une forte crédibilité. Puis il s’agira de décrire avec davantage de précision qui sont les fact-checkeurs français, quel est leur profil. Enfin, nous évoquerons les modalités de leur quête de reconnaissance dans leur environnement professionnel au sens restreint (leur propre rédaction), comme dans une acception plus marge (le domaine journalistique dans son ensemble).

Une pratique récente et des origines étatsuniennes

A compter de l’année 2008, de très nombreux médias français, de presse écrite, de radio et de télévision également, ont créé des rubriques ou chroniques de fact-checking. Cette tendance atteindra d’ailleurs un pic conséquent autour de la campagne présidentielle de 2012, avant de s’essouffler, puis de connaître un regain d’intérêt à l’occasion de la campagne de 2017. Entre temps, quelques uns ont maintenu une activité de fact-checking régulière, qu’il s’agisse de Libération avec « Désintox » (2008), du journal Le Monde avec « Les Décodeurs » (2009), de France Info avec « Le Vrai du Faux » (2012), d’ Europe 1 avec « Le Vrai-Faux de l’Info » (2012) ou, enfin, de France 2 avec « L’œil du 20 heures » (2014) notamment.

Dans ces rubriques et chroniques, il s’agit d’extraire une phrase prononcée par un homme politique – ou parfois une autre personnalité publique – pour en vérifier le degré de véracité, à l’aune d’une enquête qui repose sur des données chiffrées ou factuelles. Ce travail entre alors en contradiction avec les principes de relative neutralité d’un journalisme qui retranscrit les points de vue des uns et des autres sur les sujets d’actualité ; il implique une prise de position des professionnels de l’information à propos du contenu même des déclarations, fondée sur les résultats de leur enquête ; il détonne avec les « exercices de style » (Neveu, 2009, p.14) des éditorialistes, critiques et commentateurs politiques, inscrits, eux, dans la tradition d’un journalisme plus littéraire et moins proche du news-gathering.

En France, le quotidien Libération a donc été le premier à consacrer, en 2008, une rubrique au fact-checking stricto sensu, sous l’appellation « Désintox », avec des pages dans la rubrique politique du site Liberation.fr, et la reprise des principaux articles dans la version papier du journal. A compter de septembre 2012, « Désintox » devient également un programme TV dans l’émission d’information « 28 minutes », diffusée sur la chaîne franco-allemande Arte : « Désintox (…) relève les inexactitudes ou les mensonges délibérés dans les discours des politiques. En quatre ans, l’équipe de la rubrique a corrigé des centaines de chiffres ou déclarations, en balayant avec impartialité l’ensemble du spectre politique. » (Libération, lien hypertexte 1)

Le quotidien Le Monde a lui aussi créé une rubrique de fact-checking, en 2009, sous l’appellation « Les Décodeurs ». Depuis le 10 mars 2014, « Les Décodeurs » disposent d’une chaîne spécifique sur le site internet LeMonde.fr :« Les Décodeurs du Monde.fr vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent l’information en forme et la remettent dans son contexte ; ils répondent à vos questions. » (Le Monde, lien hypertexte 2).

Du côté des médias audiovisuels, la chaîne de radio France Info a également à l’antenne, depuis 2012, une chronique intitulée « Le Vrai du Faux ». La station spécialisée dans le suivi de l’information en continu décrivait ainsi, en 2016, son projet : « Le Vrai du Faux est un rendez-vous d’actualité qui passe au crible petites et grandes approximations qui émaillent le discours politique, économique, syndical… » (FranceTVInfo, lien hypertexte 4). Quant à Europe 1, elle a le même objectif lorsqu’elle lance, en 2012 également, une chronique intitulée « Le Vrai-Faux de l’Info », diffusée au sein de sa tranche d’information matinale.

Enfin, le fact-checking télévisé est développé, depuis septembre 2014, par la rédaction de France 2. Sur la chaîne de service public, la rubrique « L’œil du 20 Heures » fait ainsi partie des formats utilisés quotidiennement par le journal télévisé, « pour aller davantage encore au-delà des apparences et du ronron des discours publics. »(FranceTVInfo lien hypertexte 5) Cette rubrique du journal télévisé, diffusée chaque soir du lundi au jeudi et qui promet « un autre regard sur l’actualité », dispose aussi d’un blog dédié sur le site Internet de France 2.

Ce mode de fonctionnement, tel que le valorisent et le promeuvent dans leurs présentations les principales rubriques et chroniques de fact-checking en France, n’est toutefois pas totalement original, dans la mesure où il est calqué sur la pratique de sites – essentiellement pure-players – américains, ainsi que l’indique la définition de Françoise Laugée, pour la Revue européenne des médias et du numérique (Laugée, 2011, p. 52). Elle y évoque PolitiFact, site de référence créé en 2007 par le Tampa Bay Times, qui multiplie les échelles de mesure pour établir la véracité des citations politiques (un compteur appelé « Truth-O-Meter »), mais aussi pour contrôler si les promesses de campagne des présidents Obama, puis Trump, ont été tenues ou non (« Obameter », « Trump-O-Meter »). Ce site a en effet été lauréat du prix Pulitzer en 2009 et, telle une franchise, il a vocation à créer des déclinaisons pour chaque État américain (une vingtaine en 2017).

PolitiFact est donc né la même année que le blog « Fact Checker » du site internet du « Washington Post ». Ce dernier est lui-même issu d’une rubrique ponctuelle dans la version papier du journal avant de devenir permanent, sur le web, à compter de 2011. Il doit sa renommée à son mode d’évaluation de la véracité des propos : à chaque citation est attribuée un nombre de Pinocchios (entre un et quatre), voire un Geppetto lorsque la citation ne contient que la vérité : « The purpose of this Web site, and an accompanying column in the Sunday print edition of The Washington Post, is to “truth squad” the statements of political figures regarding issues of great importance, be they national, international or local. » (Washington Post, lien hypertexte 6)

Toutefois, c’est dès le début des années 2000 que le fact-checking, destiné à vérifier la parole publique, apparaît aux États-Unis, d’abord dans quelques blogs puis avec le site généralement cité en référence historique en matière de fact-checking « politique » : FactCheck.org, lancé en 2003 par le Annenberg Public Policy Center de l’université de Pennsylvanie. Il sera le premier d’une très longue série, puisque bien d’autres initiatives ont succédé à ces trois sites pionniers, notamment depuis la présidentielle 2016. Leur nombre était même évalué à environ 50, début 2016 (Stencel, 2016). Et de récentes études sur le sujet ne font d’ailleurs aucun mystère de l’ampleur qu’est en train de prendre, outre-Atlantique, ce phénomène de vérification des faits et y voient une des innovations récentes majeures du secteur : « Fact-checking is one of the most significant innovations in journalistic practice in recent years. (It) gained new prominence during the 2004 U.S. presidential race. (…) During this period, fact-checking has gained traction rapidly among journalists in the United States and, increasingly, overseas. » (Graves et al., 2016, 2, p. 106)

La réinvention et la spécialisation thématique d’une pratique ancienne

En réalité, si le fact-checking constitue réellement une innovation parmi les plus significatives dans le journalisme de ces dernières années, il procède aussi, selon nous, d’une réinvention. Ou, tout du moins, cette innovation se réapproprie l’appellation « fact-checking », beaucoup plus ancienne et qui désigne, dès le début du XXe siècle, le travail accompli par des journalistes dédiés à la vérification exhaustive et systématique des contenus journalistiques avant publication, afin de garantir la qualité et la véracité des contenus pour les lecteurs.

Ce fact-checking là, est apparu aux États-Unis, dès 1923, quand Briton Hadden et Henry Luce créent le magazine Time et recrutent des fact-checkeurs, suivis par la plupart des magazines, du The New Yorker au Reader’s Digest (Harrison Smith, 2004, p. 11). Ce fact-checking des origines consiste ainsi à vérifier noms, dates, chiffres et faits dans l’ensemble des productions, mais aussi à vérifier et à recontacter les sources énonciatrices de telle ou telle citation alimentant le récit, voire des sources complémentaires avant d’échanger à nouveau avec le rédacteur à l’origine de l’article. Ce dernier est quoi qu’il en soit invité à transmettre ses notes, preuves et autres éléments à sa disposition afin que le fact-checkeur puisse s’y référer ou en vérifier la validité (Harrison Smith, 2004, p. 12). L’objectif principal de ce travail consiste à crédibiliser les contenus des journaux et magazines.

Toutefois, ces équipes de fact-checkeurs constituées à partir des années 1920 (souvent appelées research departments) vont connaître des coupes sombres à la toute fin du XXe siècle, alors que les effectifs sont menacés de toute part. En 1996 et 1997, Time puis Newsweek vont alors créer des postes mixtes de « reporters-researchers » et abandonner le fact-checking classique. Il en sera de même pour Fortune, Vogue, Village Voice, Esquire et bien d’autres plus récemment (Silverman, 2007, p. 286-292).

Il est dès lors intéressant d’observer, à travers les différents avatars du fact-checking au gré des évolutions du journalisme dans l’histoire, que le procédé conserve un lien étroit avec la vérification pointue des contenus. Il ne s’agit bien évidemment pas de la même pratique, mais d’une autre, peut-être plus en phase avec les nouvelles contraintes et les nouvelles opportunités de diffusion et d’investigation de son époque, à la faveur du développement des médias sur Internet, mais aussi de l’aggravation de la crise économique qui touche durement les médias. A titre d’exemple, aux États-Unis, les rédactions se sont séparées de près de 40% de leur effectif au cours des 20 dernières années recensées, passant de 53 800 personnes à 32 900 entre 1994 et 2004 (Pew Research Center, 2016, p. 4).

Certes, ce fact-checking moderne a abandonné, faute de moyens, l’examen exhaustif et systématique des contenus journalistiques a priori (avant publication) pour un contrôle ponctuel et a posteriori des propos tenus par des responsables politiques ou d’autres personnalités dans le champ public (interviews radio ou télévisées, meetings, etc.), mais il en a conservé le nom, doté, dans la profession, d’une très forte crédibilité, en particulier aux États-Unis, compte-tenu de la nature des missions auquel il faisait traditionnellment référence.

Il recouvre finalement une sorte de double spécialisation : après la spécialisation fonctionnelle de la vérification au sein des rédactions, qu’il a semblé incarné à compter de 1920, il fait l’objet d’une spécialisation thématique (Neveu et al., 2002, p. 11), puisque ses contenus sont aujourd’hui plus particulièrement consacrés à la politique ou, en tout cas, à la parole de personnalités publiques.

Une adaptation aux contraintes et opportunités des professionnels des années 2000

Federico Guerrini, dans son article « From traditional to online fact-checking », paru en 2013, explique assez bien cette évolution : « Fact-checking is an old journalistic practice now being brought into considerably greater prominence due to the possibilities offered by the Internet. » (Guerrini, 2013, p. 5) De fait, l’éclosion de ce « modern-day fact-checking » (Dobbs, 2012, p. 1) dans l’histoire du journalisme américain serait la résultante de plusieurs phénomènes conjugués : une ambition de vérification pointue de l’information (liée au fact-checking des origines, dont il a consacré davantage que l’appellation donc) ; une opportunité technologique (l’environnement d’Internet, des blogs et des réseaux sociaux et l’accès facilité aux données) ; une forte contrainte économique (crises structurelle et conjoncturelle de la presse, baisse des effectifs) ; et des mises en cause professionnelles profondes (critique des médias). Cet exercice revisité semble ainsi relever d’une réelle adaptation, d’une réponse d’une partie des journalistes à l’ensemble de ces phénomènes, afin de redonner aujourd’hui aux médias un crédit qu’ils auraient perdu.

Très concrètement, le format classique d’un article ou d’une chronique de fact-checking est généralement le suivant : « Untel a déclaré tel jour dans tel média, telle information… Eh bien c’est vrai/faux/plutôt vrai/plutôt faux, etc. » Est systématiquement associé à la citation, ainsi qu’au « verdict » donné par le journaliste, un long développement, fondé sur des données (souvent chiffrées) issues de rapports et de statistiques officielles, ainsi que sur des avis d’experts, le tout afin de proposer l’information la plus précise et juste possible.

Pour parvenir à leurs fins, les journalistes fact-checkeurs, en charge de la production de ces contenus, sont missionnés pour repérer, au sein des tribunes offertes à ces personnalités, les affirmations qui semblent se prêter le mieux à un travail de vérification, en fonction de leur intérêt propre (sujet d’actualité, polémique, etc.) et en fonction, également, de leur intérêt journalistique (occasion de faire le point sur un thème donné, thématique jugée accrocheuse, etc.). Ils doivent aussi prêter attention à leur caractère « vérifiable » : s’assurer qu’ils sont en mesure de trouver, dans le temps imparti à ce travail au sein de la rédaction, un rapport officiel, des données ou des archives, par exemple, qui permettront de confirmer ou d’infirmer la citation retenue.

En cela, ils ont adapté leur volonté de vérification aux contraintes et opportunités des années 2000. En effet, du côté des contraintes, la crise structurelle du secteur des médias a connu à cette période une amplification majeure, en se doublant d’une crise conjoncturelle créée par l’avènement d’Internet et des nouvelles technologies de l’information. L’accélération du tempo médiatique, la « synchronisation du monde » (Rieffel, 2005, p. 95), à l’œuvre de longue date, a alors abouti à la transmission instantanée des nouvelles via un nombre de canaux en forte croissance, puisqu’à la télévision, la radio et la presse écrite se sont ajoutés les sites web, les applications mobiles et les réseaux sociaux.

Ainsi, avec davantage de contenus à diffuser via davantage de canaux dans un secteur resté hyperconcurrentiel (Bonville, Charon 2004), il est rapidement devenu difficile de prétendre fournir aux citoyens une information sérieusement et, en tout cas, entièrement vérifiée. D’autant que la majorité des médias concernés a opté pour une diffusion gratuite de ses contenus via Internet et les réseaux sociaux (Antheaume, 2013). Sans ressources supplémentaires, la contrainte de vérification des contenus journalistiques devenait définitivement intenable, laissant parfois la place, dans les rédactions, au concept d’information « semi-vérifiée » (Degand, 2011, p. 6).

Toutefois, dans la même période, ces médias accédaient à des outils particulièrement innovants en termes de recherche et de recoupement d’informations. Nous pouvons reprendre ici la formule de Julien Pain, ancien responsable d’émission sur la chaîne France 24 et désormais rédacteur en chef au sein de la chaîne France Info : « Internet, qu’on dit malade de ses fausses informations, porte souvent en lui-même son antidote. » (Pain, 2012, p. 60) En effet, Internet a rendu accessible en ligne une masse jusqu’alors inégalée de données à l’échelle mondiale, qu’elles soient publiques ou « privées ». Des données pour lesquelles, auparavant l’accès nécessitait des jours, des mois voire des années. Ne serait-ce qu’en matière de données issues des institutions, le mouvement – encore en marche – d’open data (données mises à disposition sous licence ouverte), permet à n’importe quel citoyen, journaliste ou non d’ailleurs, de se procurer rapports d’activités, statistiques, études issues des principales administrations notamment.

C’est aussi en ligne, via les sites web des organisations (entreprise, administration, État, association, collectivité, etc.), que les journalistes trouvent souvent de quoi vérifier ou recouper le point de vue ou la position officielle de tel ou tel interlocuteur, la fonction de telle ou telle personnalité, l’actionnariat ou l’implantation de telle ou telle multinationale, etc. Le tout en quelques minutes. En ce sens, l’accélération du rythme de la diffusion de l’information peut sembler en partie compensée par la rapidité d’accès sans précédent à une masse d’informations utiles à toute vérification.

D’autant que les réseaux sociaux contribuent eux-aussi à la progression rapide d’une recherche d’informations (Mercier, Pignard-Cheynel, 2014). Facebook et Twitter, les plus développés à ce jour en France, y compris auprès de la population des journalistes, sont devenus des annuaires géants et mondiaux. Non seulement il est possible d’y apprendre des nouvelles (l’assassinat de Benazir Bhutto en 2007, la mort de Michael Jackson ou l’atterrissage d’un Airbus sur l’Hudson River en 2009), mais il est également possible d’y identifier des interlocuteurs potentiels spécialistes ou aficionados d’un thème donné ou bien témoins d’une actualité brûlante pour laquelle le média ne dispose pas encore de journalistes sur place. L’usage du hashtag ou mot-dièse est de ce point de vue intéressant, puisqu’il fédère très vite une communauté autour d’un sujet en rattachant chaque tweet à un tag, étiquette ou mot-clé partagé (#attentat, #Euro, #presidentielle, etc.). Or une population toujours plus nombreuse utilise ces réseaux et y transmet indifféremment du texte et de l’image, qu’elle soit fixe ou animée.

Ces réseaux sont enfin les outils de la mise en place de stratégies de journalisme collaboratif, du crowdsourcing et du crowdchecking auxquels toujours plus de rédactions ont recours, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de vérifier des informations spécifiques telles que des citations de personnalités.

De jeunes journalistes en porte-à-faux

Cette adaptation du fact-checking aux contraintes et opportunités des professionnels des années 2000, c’est le plus souvent au sein de services web des médias qu’elle s’est produite. Nous avons ainsi constaté, à travers les entretiens que nous avons menés, que la plupart des expériences de fact-checking conduites dans les médias français l’ont été principalement sur le site Internet des journaux, voire également sur l’initiative de journalistes rattachés à ces services web. Ce qui signifie aussi qu’elles sont le fait de professionnels plutôt jeunes, dont l’âge moyen dépasse exceptionnellement 40 ans et descend fréquemment en-deçà des 30 ans, puisque nombre d’entre eux ont été recrutés pour effectuer de telles missions dès leur sortie d’école de journalisme. A titre d’exemple, Baptiste Bouthier a intégré « Désintox » en 2012, après être sorti diplômé du CFJ Paris en 2011 ; même chose pour Alexandre Pouchard, son camarade de promotion, entré, lui, aux « Décodeurs » la même année sous la responsabilité de Samuel Laurent, aujourd’hui âgé de 37 ans.

Que cette initiative soit ainsi portée par de jeunes journalistes exerçant sur Internet pourrait sembler paradoxal, à plusieurs titres. D’une part, ces services sont précisément ceux auxquels il est souvent reproché de produire des contenus à la chaîne, en grand nombre, avec des objectifs de quantité plutôt que de qualité, condamnés au rendement et également à la connivence avec l’audience, ainsi que nous l’avons exposé plus haut. Ces articles pas toujours dotés de plus-value informationnelle peuvent n’avoir d’autre finalité que de générer du trafic sur les sites web pour espérer obtenir des ressources issues de la publicité en ligne.

Nous convoquons là les critiques qui ont parfois conduit à des scissions au sein des mêmes médias, entre les rédactions web et les rédactions historiques. Ces dernières ont pu refuser de se voir mêler à ceux qui ont été appelés les « forçats de l’info » (Ternisien, 2009), bien que leur travail sur Internet a été, par ailleurs, largement documenté et décrit à travers plusieurs ouvrages académiques, évoquant certes un journalisme « dominé », mais également « laboratoire » pour le renouvellement des pratiques journalistiques (Estienne, 2008), voire un « terrain journalistique à part entière » (Antheaume, 2013, p. 12).

Autrement dit : les productions de fact-checking, qui nécessitent un travail de vérification pointu et beaucoup de temps passé avant de publier chaque information naissent plus ou moins dans les même services (ou des entités annexes aux services web) qui ont été pointés du doigt pour leur manque de rigueur et leur ambition de productivité pour alimenter des fils d’information en continu. Il s’agit donc bien d’un premier paradoxe.

D’autre part – et il s’agit selon nous d’un second paradoxe – le champ de compétence dans lequel s’exerce cette vérification n’est pas, a priori, celui dans lequel évolue les jeunes journalistes des rédactions web. Nous l’avons dit, la spécialisation fonctionnelle du fact-checking s’est doublée, au fil du temps, d’une spécialisation thématique orientée vers la politique. Or ce domaine est celui qui est généralement confié aux journalistes les plus chevronnés dans les rédactions, toujours liés, eux, au journal, à la station de radio ou de télévision historique et quasiment jamais à leur équipe web. Tout se passe donc comme si les fact-checkeurs court-circuitaient, en quelque sorte, la hiérarchie des médias en question pour s’autoriser des incursions dans un domaine jusqu’alors réservé. Ils semblent s’opposer, ce faisant, à des logiques professionnelles établies, ce qui leur vaut souvent, d’ailleurs, de nombreuses critiques et inimitiés, non seulement de la part du personnel politique, mais également de leurs propres confrères et collègues. Baptiste Bouthier, journaliste de la rubrique « Désintox » de Libération de 2013 à 2015, résume ainsi son expérience, en livrant à demi-mots le côté clivant de cette pratique dans les rédactions :

« Il y a eu des débats internes complexes, au début, mais désormais la rubrique est bien considérée. Les problèmes du début étaient surtout avec les gens de la politique, qui étaient contre le côté « poujado » du tous pourris. Finalement, je crois qu’ils sont contents de ne pas le faire eux-mêmes. Il y a une sorte de côté « good cop » chez eux et « bad cop » chez nous… » (Entretien du 30 juillet 2015)

Et ces relations compliquées, tant avec les hommes politiques qu’avec les confrères, sont traduites par Damien Brunon, 27 ans, membre de l’équipe de « L’Œil du 20 Heures », sur France 2 :

« Nous sommes un service à part. Nous n’avons pas vraiment d’échange avec nos collègues. Si on allume un politique, ça peut être difficile en termes de relation avec eux. Il arrive que des choses se passent sans que cela leur convienne… Ils protègent leurs contacts, leurs infos (…). Les journalistes politiques connaissent très bien les politiques, boivent, sortent avec eux, s’écrivent, etc. On ne peut pas les allumer et prendre le petit-déjeuner avec eux le lendemain. Du coup, nous, on passe un peu pour les emmerdeurs, les bœufs-carottes… » (Entretien du 2 avril 2016)

Le vocabulaire policier employé par ces deux journalistes indique que le positionnement des fact-checkeurs peut être vécu comme celui d’empêcheurs de tourner en rond dans le monde du journalisme politique.

Ces jeunes journalistes peuvent donner l’impression, grâce à leur maîtrise des nouveaux outils, en pointe sur les questions de vérification et tout particulièrement de fact-checking, de brûler les étapes, en quelque sorte, avant de proposer, en outre, une nouvelle approche méthodologique de la matière journalistique qu’ils s’approprient. En creux, ils semblent faire chaque jour la démonstration des dysfonctionnements et manquements répandus dans les autres rédactions et parfois aussi dans les autres rubriques et spécialités de leur propre média. D’où de nombreuses critiques à leur égard et quelques difficultés sur le chemin de la reconnaissance professionnelle de leurs pairs notamment.

Une délicate quête de reconnaissance

Nous citerons en particulier ici la difficulté, pour les médias qui disposent d’une rubrique ou chronique de fact-checking, de répondre aux critiques de ceux qui les accusent de promouvoir simulatnément une pratique pointue de vérification, sur un champ très restreint, aux côtés d’autres contenus partiellement ou pas vérifiés. Ainsi, même des médias d’information générale qui affichent une rubrique de fact-checking peuvent relayer, aux côtés de propos très précautionneusement inspectés, des rumeurs et fausses informations, des nouvelles peu ou pas du tout vérifiées. Les exemples, malheureusement, ne manquent pas, de l’annonce du décès de Martin Bouygues, en février 2015, suite à la diffusion d’une dépêche AFP erronée à la découverte d’une cité maya par un adolescent canadien (Guégan, 2016).

Et pour cause : l’essentiel du fact-checking effectué aujourd’hui en France concerne la vérification de phrases prononcées par des personnalités politiques dans d’autres médias (les fact-checkeurs choisissent rarement ce qui a été dit à leur antenne ou dans leurs propres colonnes), le tout à contretemps, une fois que ladite phrase a déjà été publiée, diffusée. Le fort travail de crédibilisation de cette pratique ne vaut donc pas – les journalistes le reconnaissent – pour l’ensemble d’une interview, encore moins à l’ensemble d’une rubrique ou à l’ensemble des articles produits par une rédaction. Cela peut donc dérouter le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur du média fact-checkeur.

Nous citerons également la manière dont les journalistes fact-checkeurs risquent de se retrouver en porte-à-faux vis-à-vis de nombre de leurs confrères, que ce soit dans les médias concurrents ou au sein de leur propre rédaction. Cela pour plusieurs raisons. En premier lieu, ces jeunes journalistes, qui ont créé et se sont appropriés cette pratique du fact-checking se retrouvent régulièrement en position de corriger leurs homologues généralement plus aguerris. En outre, ils ont pris une place qui ne leur était pas forcément destinée, en devenant les porte-drapeau et les garants de l’information vérifiée au sein de leur rédaction. Enfin ils ont osé s’attaquer (nous l’avons dit), à peine recrutés, au pré-carré des professionnels de l’information les plus expérimentés : le journalisme politique. Cette susceptibilité professionnelle, parfois génératrice de mépris, que réveillent les fact-checkeurs, explique en grande partie pourquoi ils se refusent à vérifier les contenus politiques diffusés par leurs propres médias.

Nous évoquerons par exemple les mots de Gérald Roux, fact-checkeur de France Info, confronté à l’émoi de la présentatrice de la tranche d’information matinale et à une mise au point du directeur de la station après avoir voulu vérifier une interview réalisée sur sa propre antenne : « Selon elle, je donnais l’impression qu’elle se faisait balader et que moi je passais ensuite derrière pour réparer… » (Entretien du 21 octobre 2015)

Ces critiques sont d’autant plus fortes que le fact-checking que pratiquent ces jeunes journalistes est par ailleurs très largement utilisé comme outil de communication par les entreprises de presse, afin de redonner de la crédibilité à l’ensemble de leur travail, dans une période où les médias souffrent globalement d’un manque de confiance de la part de la population. C’est en tout cas ce que mesure le sondage annuel TNS Sofres pour le quotidien La Croix, selon lequel la moitié des Français ou moins considèrent que les choses ne se passent pas exactement comme les médias le disent (La Croix, 2017).

En témoignent les moyens souvent mis en place pour que ces formats soient clairement identifiés et reconnus par le grand public. « Désintox », « Les Décodeurs », « Le Vrai-Faux de l’Info », « Le Vrai du Faux », « L’œil du 20 heures » non seulement disposent de blogs dédiés ou de rubriques spécifiques sur le site de leur média d’appartenance, mais, de surcroît, ils sont souvent associés à une identité graphique propre, un logo, ou tout du moins une dénomination qui finit par s’apparenter à une marque. La démarche des médias en question s’apparente alors à du marketing, ce que reconnaissent parfois les fact-checkeurs, comme Jean-Philippe Balasse, présentateur du « Vrai-Faux de l’Info » sur Europe 1 jusqu’en 2016 :

« Bien sûr que dans le fact-checking il y a un aspect cosmétique. Nous faisons tous de la vérification, même s’il y a là un exercice à part. L’aspect marketing ne fait aucun doute, bien sûr. Mais le journalisme ce n’est que ça ; la forme compte autant que le fond. » (Entretien du 31 juillet 2015)

Ce dernier voit son point de vue confirmé par de nombreux confrères fact-checkeurs, comme Hugo Plagnard, de France 2, qui, ainsi, se dit « fier d’avoir créé des marques dans le « 20 heures », car c’est aussi ce qui le distingue de la concurrence ». (Entretien du 8 juillet 2016)

Ces médias sont engagés, selon nous, dans un processus de vérification ostentatoire destiné à créer, de fait, une sorte de label pour le travail de l’ensemble des rédactions concernées, de type : « Chez nous, nous vérifions. » ; tandis que, dans le même temps, les journalistes qui en sont les auteurs restent prisonniers, eux, d’une quête de reconnaissance professionnelle vis-à-vis de leurs pairs. Un paradoxe, là encore, qui montre combien la réinvention de la vérification à l’œuvre dans ces entreprises reste d’une ampleur toute relative, tant pour le champ auquel elle s’applique que pour la considération qu’elle obtient de la part des professionnels de l’information.

Liens hypertextes

Libération, lien hypertexte 1
http://sites.arte.tv/28minutes/fr (page non consultable depuis la rénovation du site en 2016),
remplacée par http://sites.arte.tv/28minutes/fr/desintox-28minutes (page consultée le 21 décembre 2016)

Le Monde, lien hypertexte 2
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs (page consultée le 21 décembre 2016)

Le Monde, lien hypertexte 3
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/03/10/la-charte-des-decodeurs_4365106_4355770.html (page consultée le 21 décembre 2016)

FranceTVInfo, lien hypertexte 4
http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux (page consultée le 21 décembre 2016)

FranceTVInfo lien hypertexte 5
http://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-mercredi-9-juillet-2014_637841.html (à 10’) (page consultée le 21 décembre 2016)

Washington Post, lien hypertexte 6
https://www.washingtonpost.com/news/fact-checker/about-the-fact-checker/?utm_term=.f223fb44a384 (page consultée le 30 décembre 2016)

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Auteurs

Laurent Bigot

.: Laurent Bigot est doctorant en Sciences de l’information et de la communication au sein du Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaires sur les médias (CARISM), centre de recherche de l’Institut français de presse (IFP) – Paris II / Assas. Il prépare, sous la direction du Pr. Rémy Rieffel, une thèse consacrée au fact-checking. Il est par ailleurs journaliste depuis 17 ans et a collaboré avec de nombreux journaux et magazines avant de devenir, en 2013, maître de conférences associé à l’École publique de journalisme de Tours (EPJT), où il enseigne les genres journalistiques et est responsable de l’ensemble des enseignements de presse écrite.