Un renouveau des structures éditoriales en Argentine, au Chili et en Colombie ? Parcours de créateurs, modes d’action et questionnements sur l’indépendance
Résumé
Cet article porte sur les nouveaux éditeurs indépendants littéraires qui sont apparus en Argentine, au Chili et en Colombie notamment depuis la fin des années 1990. Ces petits éditeurs, dominés par les mêmes acteurs transnationaux, subsistent dans un contexte où les aides publiques sont faibles en s’inscrivant du côté du pôle de production restreinte pour affirmer leur valeur symbolique et le caractère passionnel et vocationnel de leur profession.
A partir d’une enquête réalisée auprès de 24 maisons d’édition des trois pays, nous interrogeons en premier lieu les conditions d’émergence des structures éditoriales. De cette analyse découle l’étude de l’articulation de la notion d’indépendance éditoriale à l’égard des actions des créateurs des maisons d’édition ainsi que les modes d’action employés pour pérenniser l’activité de ces entités, menacées par d’importantes difficultés économiques et des problèmes d’insertion sur le marché éditorial.
Mots clés
Socio-économie de l’édition, industries culturelles, édition en Amérique du Sud, modalités de l’indépendance, sociologie de la culture, biens symboliques
In English
Title
A Revival of Young « Indie » Presses in Argentina, Chile, and Colombia? Publisher’s Profiles, Courses of Action, Independent Publishing
Abstract
This paper examines small independent literary presses that have emerged in Argentina, Chili, and Colombia mainly since the 1990’s. These presses, dominated by the same transnational publishing corporations, subsist in a context where public subsidies are scarce. They are characterized by their conception of books being primarily cultural goods and by the vocational aspects of their profession.
Based on the analysis of 24 small presses from the three countries mentioned above, this work aims to examine how theoretical principles — like the concepts editorial independence, for instance — help articulate the idea that the book, understood as a cultural and symbolic good, has to draw away from economic financialization. Above all, this research analyses the conditions of emergence of small presses and the courses of action and strategies used to perennialize their publishing activity.
Keywords
Socio-economic model, cultural industries, publishing in South America, independent publishing, sociology of culture, symbolic goods.
En Español
Título
¿Nuevas editoriales en Argentina, Chile y Colombia? Trayectorias profesionales, estrategias editoriales y análisis de la in dependencia editorial
Resumen
Las pequeñas editoriales literarias que han sido creadas en Argentina, Chile y Colombia a partir de los años 1990 subsisten en un contexto marcado por la dominación de grandes conglomerados transnacionales y por la ausencia generalizada de subsidios públicos. Al mismo tiempo, suelen caracterizarse por su concepción del libro principalmente como un bien simbólico y por los aspectos vocacionales de su profesión.
Este artículo se centra en el estudio de 24 editoriales de los tres países ya mencionados y examina, en primer lugar, las condiciones de emergencia y de proliferación de este tipo de estructuras. Más adelante, se propone un análisis de las estrategias editoriales de los fundadores de los sellos para contrarrestar las dificultades económicas y los problemas de inserción en el mercado así como una observación de las diferentes maneras de articular la noción de independencia editorial.
Palabras clave
Socio-economía de la edición, industrias culturales, edición en América del Sur, análisis de la independencia, sociología de la cultura, bienes simbólicos.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Rodríguez Galvis Nicolás, «Un renouveau des structures éditoriales en Argentine, au Chili et en Colombie ? Parcours de créateurs, modes d’action et questionnements sur l’indépendance», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°17/1, 2016, p.75 à 92, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2016/varia/06-renouveau-structures-editoriales-argentine-chili-colombie-parcours-de-createurs-modes-daction-questionnements-lindependance/
Introduction
En Amérique latine, tout comme en Europe et en Amérique du Nord, le secteur éditorial est largement constitué par des acteurs puissants, concentrés et souvent à caractère transnational qui contrôlent une partie considérable du marché. Mais le fait que le secteur soit dominé par une poignée de grands groupes ne veut pourtant pas dire, comme le souligne John B. Thompson au sujet des éditeurs anglo-saxons, qu’il y a actuellement « une pénurie de petits éditeurs — au contraire, la montée des grands groupes éditoriaux est allée de pair avec la prolifération de petites entreprises éditoriales » (Thompson, 2010 : 152). David Hesmondhalgh parvient au même constat et affirme que les petites entreprises culturelles ont continué, de manière générale, à se multiplier même au moment où les grands groupes affirmaient le plus leur position dominante (Hesmondhalgh, 2012).
Ces constats, qui peuvent paraître paradoxaux au premier abord, conduisent à soulever deux questions. La première est de savoir dans quelle mesure ce phénomène se reproduit aussi en Argentine, en Colombie et au Chili et comment ces mouvements de création se sont déroulés. La seconde interroge le paradoxe qui fait que les petits éditeurs, au lieu d’être repoussés du champ par des groupes de plus en plus puissants, se sont au contraire multipliés. Pour reprendre les termes de Thompson, quels facteurs liés au fonctionnement du secteur éditorial « ont permis, voire encouragé, la prolifération des petites structures éditoriales ? » (Thompson, 2010, p. 152)
Afin de pouvoir répondre à ces questions nous analyserons d’abord le phénomène de prolifération des petits éditeurs dans ces trois pays pour analyser ensuite les parcours des éditeurs au fondement de structures indépendantes et leurs modes d’action. Tous ces éléments nous aideront également à considérer comment les créateurs des maisons d’édition étudiées articulent la notion d’indépendance éditoriale à l’égard de leurs actions et leurs stratégies de positionnement à l’intérieur du secteur éditorial.
Les indices d’un renouveau
Quatre indices nous permettent de remarquer la prolifération de maisons dites indépendantes dès la fin des années 1990 en Colombie, au Chili et en Argentine.
En premier lieu, diverses rencontres internationales autour des éditeurs indépendants se sont tenues dans différents pays et n’ont pas cessé de se multiplier tout au long des années 2000. Ces rencontres, auxquelles des éditeurs souvent affiliés à l’Alliance internationale des éditeurs indépendants participaient, nous ont permis de recenser un certain nombre de maisons d’édition issues de cette vague de créations et qui revendiquaient la nécessité de l’indépendance éditoriale et de la « bibliodiversité ». La notion de bibliodiversité est intimement liée à la conception de la diversité culturelle développée depuis les années 1990 notamment par l’UNESCO. En ce sens, la diversité culturelle, entendue comme « facteur d’identité sociale, de richesse culturelle et comme promoteur de l’universalité des valeurs » (Ibañez Soler, 2008), constitue un des sujets fondamentaux « des politiques culturelles car, de plus en plus, les organismes étatiques liés à la culture, les organismes internationaux et les secteurs privés l’utilisent comme un ‘petit cheval (sic) de bataille’, en même temps qu’ils font appel [à cette notion] comme une ‘ressource’ qui comporte de la valeur économique et politique » (Mihal, 2013 : p. 124). Dans ce cadre, principalement sous l’impulsion de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, on voit apparaître dès le début des années 2000 la notion de bibliodiversité qui est, d’après ses défenseurs, la déclinaison de la diversité culturelle dans le monde du livre.
Deuxièmement, la publication de plusieurs travaux académiques sur ce sujet – hélas, encore peu nombreux et surtout en Argentine –a permis de voir que l’éclosion de nouvelles maisons indépendantes était désormais un élément à prendre en compte lorsque l’on s’intéresse aux dynamiques actuelles du secteur de l’édition dans les pays qui nous concernent.
Troisièmement, la création de nouvelles foires du livre alternatives comme la Foire du livre indépendante et autogérée, FLIA (depuis 2006 à Buenos Aires, 2011 à Bogotá et 2013 à Santiago) ou la Furia del libro (depuis 2008 à Santiago) nous a permis de noter une volonté fédératrice partagée par des dizaines des maisons, de la « micro-édition » à caractère artisanal à des petites et moyennes maisons plus professionnalisées. Ces nouvelles foires du livre ont également mis en évidence d’une part le fait que le champ éditorial dans ces trois pays était en effet en train de s’étendre, dans la mesure où ces foires constituent un mode d’accès privilégié pour de petites maisons d’édition jusque-là difficilement visibles, d’autre part, l’émergence d’un nouveau public. De même, le fait que les foires du livre de Bogotá, de Buenos Aires et de Santiago (FILBo, FILBa et FILSa respectivement) ouvrent désormais des espaces consacrés exclusivement aux éditeurs indépendants est révélateur de la plus grande visibilité, teintée d’une nouvelle légitimité, que certaines de ces maisons ont gagnée ces dernières années.
Le quatrième indice est la parution de nombreux articles, notamment depuis 2010, sur le « phénomène des indépendants » dans les médias. Un dépouillement de la presse culturelle nous a permis de percevoir la pluralité de nouvelles maisons – de toutes les tailles, proposant tous types de genres, liées aux associations d’indépendants ou pas – dont certaines continuent à naître et d’autres qui commencent à jouir d’une couverture médiatique quasiment inexistante auparavant, en tout cas auprès du grand public.
Remarques méthodologiques et données
Si ces indices tendent bien à attester l’existence de nouveaux projets éditoriaux, ils ne nous permettent pas pour autant de mesurer efficacement l’ampleur du phénomène. De même, nous avons constaté, comme le mentionne Thompson, qu’il est très difficile de recueillir des informations sur les petits éditeurs dans les pays que nous étudions :
« Rendre compte de cette partie du champ n’est jamais aussi facile que d’identifier les éditeurs de plus grande taille parce que les plus petites structures éditoriales restent invisibles aux organisations gouvernementales et aux associations professionnelles d’éditeurs : elles sont ‘sous le radar’ » (Hesmondhalgh, 2012, p. 152).
À notre connaissance, il n’existe pas de source fiable qui établisse un état des lieux de ce type d’édition et qui, en même temps, tienne compte de l’évolution de la démographie et des pratiques de ces nouveaux éditeurs. Par exemple, les registres du commerce sont rarement accessibles dans les pays étudiés. À cet égard, nous ne proposerons pas de données chiffrées sur les finances et les budgets des maisons d’édition analysées. Lors des entretiens réalisés, une partie des éditeurs ont fait de la rétention d’information sur leur chiffre d’affaires, soit pour ne pas diffuser l’évolution de leur CA, soit pour masquer le fait qu’ils n’en ont qu’une idée très approximative, a fortiori si l’on cherche à en obtenir l’historique. Ainsi, l’inexistence, selon nous, de telles sources, nous a conduit à élaborer nos propres données en croisant diverses informations disponibles (voir les graphiques 1 à 3, ci-dessous). Bien qu’incomplets, les repères ainsi établis permettent de comprendre les flux de création des maisons d’édition depuis les années 1980.
En ce sens, l’une des limites fondamentales du recueil de ces données est justement de savoir comment ces différentes sources utilisent la notion d’indépendance. Mais, d’un autre point de vue, cela nous permet de montrer que chaque source, de façon plus ou moins explicite, investit de significations différentes la même notion pour parler néanmoins d’un tout apparemment homogène. Pour l’instant (nous y reviendrons), nous estimons que cette indéfinition n’est pas un problème car il s’agit de prendre en compte les maisons qui sont perçues et cataloguées comme indépendantes par d’autres.
Une autre limite est qu’il y a certainement plus de maisons indépendantes dans chaque pays que celles que nous avons identifiées. Comme nous l’avons mentionné, du fait de leur configuration, un grand nombre de ces maisons passe « sous le radar » même lorsqu’on s’intéresse de près au sujet. Ainsi, à l’exception de notre source sur le Chili, qui a une vocation d’exhaustivité, les autres sources utilisées peinent à nous révéler une partie importante du champ, notamment en ce qui concerne les plus petites structures à caractère surtout artisanal.
Une dernière limite importante est que ces sources recensent des données des maisons opérationnelles à un moment spécifique, ce qui veut dire qu’il est possible qu’au moment où nos sources ont été mobilisées, plusieurs maisons créées dans les années précédentes aient déjà disparu. Ainsi, nos sources nous ont permis de repérer uniquement les maisons créées depuis les années 1980 et qui sont toujours en activité, ce qui a comme conséquence directe qu’un grand nombre de maisons d’édition créées et disparues entretemps ne sont pas identifiables et qu’il y a une surreprésentation des maisons plus récentes car le taux de survie des maisons augmente fortement avec leur âge (Legendre et Abensour, 2007). Malgré cela, comme nous le verrons ci-dessous, nous pensons que le mouvement de création s’est tout de même fortement intensifié depuis les années 2000 et montre un fort renouvellement démographique des éditeurs en comparaison aux décennies précédentes. En fait, cela nous permet d’aborder un sujet plus large mais très important : si nous essayons de créer des données approximatives sur les mouvements de création avec les sources disponibles, nous n’avons malheureusement pas d’outils disponibles pour faire de même avec les mouvements de disparition, ce qui nous empêche de montrer l’évolution des maisons disparues et des maisons survivantes afin de mieux comprendre les processus de pérennisation des petites structures.
Graphique 1
Sources : Catalogue 2010 de la REIC ; Gómez, 2014 ; Catalogue Antimateria ; Catalogue La Diligencia
Graphique 2
Source : Catalogue d’éditeurs indépendants de Buenos Aires 2015
Source argentine la plus complète que nous avons trouvée, elle ne rend compte que des maisons situées dans la ville de Buenos Aires. Cependant, face au manque de données générales, nous avons estimé que ce catalogue était tout de même un indicateur suffisamment large pour rendre compte d’une partie importante des créations des maisons argentines surtout en sachant qu’en 2014, 86% des éditeurs argentins se situaient à Buenos Aires.
Graphique 3
Source : Fuentes et Ferretti ; inédit
Un mouvement de création au début des années 2000
Tandis que la période de 1980 (1983, en ce qui concerne le Chili) à 1999 est marquée par un faible nombre de créations de nouvelles maisons d’édition (en Colombie, 4 maisons toujours en activité ont vu le jour pendant ces deux décennies, au Chili il y en a eu 8 et 18 en Argentine), la période de 2000 à 2015 montre, dans les trois pays, une phase importante d’intensification des créations : 34 maisons toujours en activité ont été créées en Colombie, 118 au Chili et 81 en Argentine.
Sur la période des années 1990, nous dirons seulement que deux facteurs ont bouleversé notamment le secteur éditorial des trois pays. Le premier est la fin du processus de concentration éditoriale en Espagne. Cette dynamique, accélérée par l’arrivée d’un concurrent redoutable comme le groupe Bertelsmann, a poussé les grands groupes éditoriaux espagnols à se globaliser afin de pouvoir affronter la concurrence de plus en plus forte dans le secteur. Le deuxième facteur de bouleversement est celui de l’expansion de ces grands groupes, qui se sont tout naturellement dirigés vers l’Amérique latine. En ce qui concerne l’édition argentine, qui est largement représentative de la situation latino-américaine, il est intéressant de noter que les grands groupes concentraient 75% du marché du livre argentin en 2010 (De Diego, 2010). Cette expansion entraine des changements dans la gestion des maisons d’édition traditionnelles latino-américaines avec l’entrée des capitaux issus de secteurs étrangers au secteur éditorial.
L’une de principales conséquences de ce contexte économique dans les trois pays que nous étudions est qu’un grand nombre de petites et de moyennes maisons d’édition, fragilisées par des difficultés principalement financières dans un contexte néolibéral(1) où elles devaient faire face à des multinationales sans pouvoir bénéficier de la protection de politiques culturelles, presque inexistantes, ont disparu, tandis que d’autres, en général les plus performantes, ont été rachetées par les grands groupes. Ainsi :
« La sophistication du marché a fait quasiment entièrement disparaître le concept de ce que nous appellerions aujourd’hui ‘‘éditeur indépendant’’ car il était pratiquement impossible pour une petite entreprise d’affronter, toute seule, les coûts de production de l’activité éditoriale dans les années 1990. La nécessité de produire des nouveautés, la démesure des à-valoirs [et] le coût financier de la production, ne pouvaient être satisfaits que par le capital que les grands groupes concentraient de plus en plus. » (Ruiz ; 2005)
En fait, l’omniprésence des grands groupes en Argentine, Colombie et au Chili a eu comme conséquence, comme ce fut aussi le cas en Europe et en Amérique du Nord, un changement général des pratiques dans les choix de publication, lié à la volonté, suivant des critères entrepreneuriaux, de prendre moins de risques commerciaux. Si à la fin des années 1990, l’objectif de certaines grandes maisons en Argentine, par exemple, était de publier « dix livres d’auteurs argentins [par an], dont deux d’auteurs pas très connus, [postérieurement, le plan était de publier] cinq auteurs argentins, dont seulement un peu connu ; vers 2002-2003, le plan de publication était de publier trois auteurs nationaux et aucun inconnu. Ainsi, le cercle se ferme jusqu’à l’asphyxie : les grandes maisons d’édition exigent des écrivains, comme critère de publication, d’avoir au moins, un premier roman publié, ce qui constitue une contradiction […]. Afin de dissiper les doutes, à l’entrée de la maison Sudamericana il y avait une affiche qui avertissait : ‘Nous ne recevons pas de [manuscrits] originaux’ ». (Ruiz ; 2005)
Cette réduction drastique du nombre de publications a fait que quelques « maisons ‘indépendantes’ ou ‘alternatives’ ont commencé à se positionner dans le champ culturel des années 1990 » (Ruiz ; 2005) et une partie importante de la production littéraire de cette décennie ne peut pas se comprendre sans regarder les catalogues de quelques maisons indépendantes (Botto, 2012), comme Lom, au Chili, Beatriz Viterbo et Adriana Hidalgo, en Argentine et El Áncora, en Colombie.
Dans ce contexte la notion d’indépendance éditoriale apparaît dès la fin des années 1990 (Pinhas, 2011) en Amérique latine et commence à prendre forme surtout sous l’impulsion des collectifs d’éditeurs indépendants qui surgissent progressivement tout au long des années 2000 (2003 au Chili, 2006 en Argentine et 2008 en Colombie) et qui sont en lien et partagent les convictions et les revendications de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants. Ces convictions et revendications mettent en avant des considérations culturelles notamment lorsqu’elles décrivent l’éditeur comme un « éditeur de création », promoteur de la « bibliodiversité », qui redonne de l’importance au livre comme produit culturel plus que comme produit marchand. Mais, surtout, celles-ci sont d’ordre politique et engagé (Douyère, Pinhas, 2008). L’indépendance est mise en avant comme un engagement anti-néolibéral et un activisme politique transnational, qui se traduit dans chaque pays par un militantisme qui vise notamment le développement des politiques publiques culturelles, et qui donne une vision relativement homogène des indépendants comme des maisons qui s’opposent aux grands groupes et à leurs pratiques, créant ainsi de la diversité éditoriale.
Mais l’intensification de créations de petites maisons des années 2000 et 2010, va faire entrer dans le champ des éditeurs indépendants de nombreux éditeurs avec des positionnements très divers. Trois facteurs distincts peuvent nous permettre de comprendre cette prolifération sans précédents.
Le premier est une appropriation de nouveaux moyens de production éditoriaux par les entrants dans le secteur de l’édition. En effet, des nouveaux outils de traitement de texte, de mise en page et d’image (surtout InDesign, Photoshop et Illustrator), les réseaux sociaux, les modes de transmission numérique, l’impression numérique et la POD (Printing on demand) facilitent le travail de l’éditeur et abaissent considérablement les coûts de production. Ce que nous avons observé confirme bien que « la fonction éditoriale est aujourd’hui à la portée du plus grand nombre et pour un investissement modique » (Abensour, Legendre ; 2007) ce qui favorise la création de nouvelles maisons. En somme, comme le dit l’éditeur de Clase Turista : « Depuis quelques années, il n’est plus nécessaire d’être Mondadori pour publier un livre. » (Entretien Clase turista, 2013)
Le deuxième est que le modèle des grandes maisons laisse libres des espaces qui ont effectivement favorisé l’implantation des petits éditeurs. En fait, un manque de production de contenus diversifiés, le coût excessif des livres importés, la réduction considérable des tirages (Vanoli, 2010) et surtout, « l’envie de remettre en question des modèles éditoriaux traditionnels » (Entretien Robot, 2013), c’est-à-dire de créer des maisons de petite taille avec des systèmes opératifs peu coûteux et souhaitant exploiter des niches éditoriales spécifiques, a favorisé la « coexistence entre les filiales locales des grands groupes étrangers et un nombre de plus en plus important de petites maisons d’édition nationales qui contribuent à l’enrichissement de ‘l’écosystème’ de l’édition commerciale ». (Gómez, 2014) Ainsi, plus que dire que les grandes maisons perdent un poids symbolique important, il serait peut-être plus judicieux de dire que c’est la petite édition qui gagne un poids symbolique qu’elle n’avait pas auparavant.
Le troisième facteur est l’évolution de certaines pratiques de consommation culturelle qui seraient influencées par le mouvement slow, où le consommateur serait de moins en moins sensible aux produits « qui renvoient à la globalisation qui standardise » (Siniscalchi, 2013) et de plus en plus sensible aux modes de production non industriels, c’est-à-dire plus « humains », plus « locaux ».
L’édition indépendante : questionner une catégorie
L’une des conséquences les plus importantes de cette prolifération est qu’elle nous permet de poser la question de la catégorisation des petites maisons comme maisons indépendantes.
À ce propos, Federico Bietti et al. (2010) estiment que la catégorisation de maisons d’édition en indépendantes tend à homogénéiser l’organisation et le type des structures éditoriales. Cependant, cette catégorisation, en réunissant des entreprises éditoriales petites et moyennes qui, de plus, utilisent le circuit du livre de manières très différentes (quelques-unes intègrent le circuit traditionnel du livre en matière de distribution et de librairies et d’autres font appel aux circuits alternatifs et ne sont parfois même pas présentes en librairie), peut faire oublier l’hétérogénéité d’un champ éditorial qui comporte des variantes multiples. Ainsi, il faudrait problématiser autrement la notion d’indépendance « afin de ne pas oublier que toutes les maisons dites indépendantes ne fonctionnent pas de la même manière » (Idem ; 2010) et ne se placent pas de la même façon face aux défis du marché éditorial. En somme, il ne faut pas oublier que lorsqu’on étudie les mouvements d’indépendance, les acteurs indépendants, peu importe la décennie dans laquelle ils ont apparu, ont toujours été « extrêmement divers en termes de taille, de logiques de production et de motivations. » (Hesmondalhg, Meier ; 2015)
Il est important de dire que l’adjectif d’indépendant, pour une maison d’édition, n’a pas de valeur en soi mais représente plutôt une articulation complexe de discours qui influent sur les représentations des divers acteurs constituant un groupe apparemment homogène, cette articulation multiforme ne pouvant se réduire simplement au « bon sens », comme le mentionnent Szpilbarg et Saferstein (2010), qui voudrait que « l’indépendant est ce qui s’oppose au mainstream. »
En ce sens, nous croyons que poser la question de savoir qui sont les créateurs des nouvelles maisons d’édition dites indépendantes – car la ligne éditoriale choisie par ces structures est souvent en rapport avec le parcours des créateurs -, est un élément de grand intérêt pour mieux comprendre cette hétérogénéité. Analyser quel a été le parcours universitaire et professionnel des éditeurs avant de créer leur propre maison permettrait d’élaborer une première grille de lecture des modes d’action retenus par ces éditeurs pour assurer la survie, voire la pérennisation de leur activité.
Nous verrons donc quels sont les parcours universitaires des créateurs et ensuite nous nous attarderons sur les expériences professionnelles antérieures des éditeurs pour comprendre leurs modes d’action.
Critères de sélection de la population étudiée
La population étudiée est composé de 24 maisons d’édition (11 argentines, 7 colombiennes et 6 chiliennes). Nos critères de sélection sont les mêmes que ceux d’Abensour et Legendre (2007) : les maisons doivent avoir une politique éditoriale et de la valeur ajoutée. Ainsi, nous ne retenons pas les structures d’auto-édition, ni celles de publication à la demande. Par contre, nous n’avons pas pris en compte le troisième critère que ces derniers stipulent, le respect de droit d’auteur, car un certain nombre de petites maisons d’édition ne le respectent pas et nous avons considéré qu’il était intéressant d’analyser ce positionnement. Dans notre choix, nous n’avons pas non plus retenu le nombre de titres annuels, les effectifs ou le mode de commercialisation car cela exclurait les maisons débutantes ou à fonctionnement réduit. En revanche, les traits caractéristiques communs retenus sont les suivants : une relative jeunesse dans le champ éditorial (depuis 1997), une indépendance économique (les éditeurs doivent détenir la majorité de leur capital) et le développement d’une ligne éditoriale reconnaissable. Finalement, l’échantillon a été conçu de manière à prendre en compte des structures engagées dans différents secteurs de la production éditoriale (littérature, jeunesse, livres d’art, BD et sciences humaines). Ainsi, nous avons écarté des maisons publiant des livres religieux, techniques, scientifiques et professionnels car nous considérons que ces secteurs correspondent à des dynamiques éditoriales particulières.
Maison d’édition |
Année de |
Implantation |
Statut |
Lom (Chi) |
1990 |
Santiago (Chili) | SA |
La calabaza del diablo (Chi) |
1997 |
Santiago (Chili) | Sociedad limitada |
Tácitas (Chi) |
2003 |
Santiago (Chili) | Sociedad limitada |
Entropía (Arg) |
2004 |
Buenos Aires (Arg) | SRL |
Mansalva (Arg) |
2005 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Clase turista (Arg) |
2005 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Babel (Col) |
2005 |
Bogotá (Col) | SAS |
Tragaluz (Col) |
2005 |
Medellín (Col) | SAS |
El 8vo. Loco (Arg) |
2006 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Funesiana (Arg) |
2007 |
Buenos Aires (Arg) |
Pas de registre |
La silueta (Col) |
2007 |
Bogotá (Col) | Sociedad limitada |
Laguna (Col) |
2007 |
Bogotá (Col) | SAS |
Luna (Col) |
2008 |
Bogotá (Col) | SAS |
Eterna cadencia (Arg) |
2008 |
Buenos Aires (Arg) | SRL |
La bestia equilatera (Arg) |
2008 |
Buenos Aires (Arg) | SRL |
Planta (Arg) |
2008 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Cuneta (Chi) |
2009 |
Santiago (Chi) | Sociedad limitada |
Emergencia narrativa (Chi) |
2009 |
Valparaíso (Chi) | Société en nom propre |
Narrativa punto aparte (Chi) |
2009 |
Valparaíso (Chi) | Société en nom propre |
Mardulce (Arg) |
2010 |
Buenos Aires (Arg) | SRL |
Rey + Naranjo (Col) |
2010 |
Bogotá (Col) | SAS |
Editorial Robot (Col) |
2011 |
Manizalez / Medellín (Col) |
– |
La vaca mariposa (Arg) |
2011 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Fiordo (Arg) |
2011 |
Buenos Aires (Arg) | Société en nom propre |
Parcours universitaire des créateurs
L’examen du parcours universitaire des créateurs nous permet de constater notamment quatre points : 1) La plupart des créateurs ont au moins un diplôme universitaire – seuls deux d’entre eux n’en ont pas – ; 2) la grande majorité sont issus des filières de sciences humaines ; 3) aucun des créateurs n’a fait d’études d’édition et 4) aucun des créateurs n’a déclaré avoir choisi son parcours universitaire en pensant aux possibilités que celui-ci lui donnerait pour devenir éditeur.
Le premier constat aurait pu être prolongé par une analyse en termes d’héritage, mais cela aurait demandé une investigation spécifique qui n’aurait pu se faire qu’au détriment d’autres parties de l’enquête. Néanmoins, dans le contexte latino-américain, le fait que quasiment tous les interviewés possèdent au moins un diplôme universitaire, nous permet de supposer que la plupart de ces éditeurs sont d’origine sociale relativement élevée mais il est pourtant délicat de tirer des conclusions fiables car d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays, les conditions d’accès à l’université diffèrent énormément. Ainsi, nombreux sont les éditeurs argentins qui ont fait leurs études à l’UBA, université prestigieuse et publique argentine, par exemple, tandis que la plupart des éditeurs colombiens ont fréquenté des universités privées (comme l’Université de los Andes), aussi prestigieuses mais avec des frais d’inscription très élevés. À notre connaissance il n’existe pas d’étude détaillée sur les parcours universitaires des éditeurs dans les pays qui nous concernent. Afin de comprendre de manière générale la situation de l’enseignement supérieur et la différence entre universités publiques et privées dans ces pays, se référer à (Brovetto, 2000) et (Trindade, 2000).
Le deuxième constat est que la très grande majorité des créateurs sont issus de filières relevant des sciences humaines, notamment des parcours de communication et de journalisme. Viennent ensuite la filière artistique, puis la filière littéraire. Ce constat relatif à la formation d’origine des éditeurs n’est pas une surprise et fait écho à celui que Bertrand Legendre a établi dans un article sur les motivations des candidats au DESS d’édition de Paris 13, montrant que 80% des candidats au master sont issus de ces filières (Legendre, 2002).
Le troisième constat est qu’aucun d’entre eux n’a fait d’études d’édition ou suivi de formation universitaire liée directement aux métiers du livre. Cela peut s’expliquer, en partie, parce que les formations en édition sont très récentes (moins de dix ans pour la plupart des masters et des diplômes d’instituts professionnels, à l’exception de la filière technique de l’UBA) et ne sont pas très nombreuses dans les pays auxquels nous nous intéressons. En fait, il est difficile de savoir si les formations en édition constituent une véritable porte d’entrée pour le secteur de l’édition. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude du type de celle de Bertrand Legendre (2002),qui se soit intéressée à ce type de formations dans les pays qui nous concernent et qui pourrait nous indiquer quel est le profil, quels sont les horizons d’attente (Berrest, 2005) et, surtout, quels sont leurs débouchés professionnels. À cet égard, il semble bien qu’une grande partie de ces étudiants dans les pays que nous étudions se destinent à travailler pour des grands groupes ou leurs filiales car la précarité de la majorité des maisons indépendantes ne leur permet d’embaucher que très rarement. Aussi, l’édition universitaire, la presse, la communication institutionnelle et d’entreprise et les diverses agences de graphisme peuvent être des débouchés possibles si nous pensons aux offres d’emploi disponibles dans le secteur de l’édition.
Plus marquant est selon nous le fait qu’aucun des créateurs de notre corpus n’a déclaré avoir choisi son parcours universitaire en pensant aux possibilités que celui-ci lui donnerait pour devenir éditeur.
Ainsi, les formations universitaires ne paraissent pas jouer le rôle d’instances institutionnelles et reconnues nécessaires pour donner la reconnaissance d’une compétence théorique et pratique à tous ceux qui souhaiteraient travailler dans l’édition. En d’autres termes, les parcours universitaires des éditeurs que nous étudions n’octroient pas aux dites formations l’importance nécessaire pour qu’on les considère comme « instruments de légitimation préalable à la reconnaissance d’un statut professionnel » (Coulangeon, 2009) et n’exercent donc pas un rôle important de filtre préalable au métier. Cela a comme conséquence, en principe, que le métier d’éditeur dans les maisons indépendantes peut être ouvert à des individus divers qui n’ont pas a priori de liens avec le secteur de l’édition. Puisqu’il n’y aurait pas de « systématisation des apprentissages » que les formations spécialisées prétendent fournir aux éditeurs, il n’y aurait pas non plus, « la maîtrise d’une compétence standardisée et convertible d’un compartiment à l’autre du marché qui produit, de facto, une certaine uniformisation » (Idem, 2009).
Nous pouvons donc penser que les mécanismes de régulation du métier d’éditeur indépendant restent primordialement informels ; ceci peut, d’une part élargir et diversifier la profession, car il n’y a pas de véritable porte d’entrée légitime au métier, d’autre part, en l’absence d’une véritable cohésion liée à la systématisation de l’apprentissage d’un nombre de compétences requises, les singularités des nouveaux entrants dans le secteur ne sont pas neutralisées, ce qui peut être revendiqué, d’ailleurs, par certains éditeurs comme un avantage ou, en tout cas, comme une stratégie de différenciation.
Pourtant, si cette absence de droits d’entrée peut en effet diversifier le profil des éditeurs indépendants, elle peut aussi engendrer des obstacles importants pour des créateurs novices qui ne connaitraient que très peu le secteur de l’édition. En tout cas, un grand nombre d’éditeurs n’affirme leur vocation qu’à partir du moment où ils commencent à exercer le métier. À cet égard, il est intéressant de noter que si leur vocation ne paraît pas guider le choix de leur formation, nous pensons en revanche que leurs expériences antérieures à la création de leurs propres maisons – pour certains déjà liées à l’édition – orientent leur pratique du métier d’éditeur indépendant.
Les maisons d’édition créées : proposition de typologie
Trois types de structures peuvent être distingués d’après les expériences professionnelles précédentes et les modes d’action mis en œuvre par leurs fondateurs dès la création des maisons : des maisons créées par des professionnels du secteur de l’édition ; des maisons créées par des professionnels venus d’une activité proche de la spécialité choisie et par des autodidactes passionnés. Cette typologie s’inspire de celle créée par Abensour et Legendre (2007), utilisée pour analyser les politiques éditoriales et modes de fonctionnement des nouveaux éditeurs qu’ils analysent. Cependant, nous avons adapté leur analyse pour rendre compte des caractéristiques principales de notre échantillon en nuançant certains constats et en créant de nouvelles sous-catégories.
1) Des maisons créées par des professionnels du secteur de l’édition
En ce qui concerne les maisons créées par ceux qui avaient une expérience dans les fonctions éditoriales, nous constatons qu’ils se divisent notamment en deux types de créateurs différents. En premier lieu, il y a les créateurs qui n’avaient pas précédemment une grande expérience professionnelle dans le secteur de l’édition mais qui se sont entourés d’éditeurs qui avaient exercé dans de moyennes ou grosses structures. Ensuite, il y a les créateurs qui avaient acquis eux-mêmes une expérience professionnelle dans le secteur.
A – Des créateurs qui font appel à des éditeurs chevronnés
Cette stratégie vise une logique de fonctionnement professionnel dès le départ et la participation d’un éditeur expérimenté est l’une des bases du projet. Compter avec des éditeurs ayant une expérience importante dans le secteur donne à ces nouveaux projets un fonctionnement moins artisanal, malgré la petite taille des structures, de même qu’une légitimité à l’entrée dans le secteur qui est très difficile à acquérir pour la grande majorité d’autres créateurs.
En fait, les parcours précédents de ces éditeurs confèrent à ces maisons une triple légitimité liée premièrement à leur parcours professionnel antérieur, deuxièmement à la reconnaissance de ce parcours par leurs pairs, les acteurs de la chaîne du livre et les auteurs et, troisièmement, au fait qu’ils véhiculent cette reconnaissance pour lancer un nouveau projet éditorial qui se veut indépendant des considérations plus commerciales et mercantiles des structures dans lesquelles ils avaient travaillé auparavant. Ainsi, lorsqu’ils intègrent les nouvelles maisons, les éditeurs y apportent les capitaux relationnels et culturels qu’ils ont consolidés durant leur parcours professionnel. Leur connaissance du métier, des rouages du marché éditorial, voire leur carnet d’adresses sont des ressources dont ils disposent et qui font d’eux des « entrepreneurs intellectuels [et qui leur] permettent d’exister et d’occuper leur position ». (Serry, 2005).
Les cas de ces maisons d’édition nous permettent de conclure que l’un des modes d’action de l’édition indépendante réside dans la capacité de concevoir un projet éditorial attractif pour des professionnels issus des grandes ou moyennes structures éditoriales. L’inclusion d’éditeurs avec de l’expérience dès la naissance des maisons permet aux créateurs d’apporter du professionnalisme dans les manières d’agir, de compter avec une légitimité importante dans le milieu et de posséder un réseau, très utile notamment pour sa capacité d’attraction d’auteurs et des liens préalables avec les médias culturels. À cet égard, ce type des maisons possède un pas d’avance par rapport aux autres nouvelles maisons dont les créateurs découvrent le métier ou le milieu. Ces maisons se caractérisent donc pour avoir une production éditoriale stable dès le départ et une conception du métier très pragmatique où le professionnalisme, malgré la petite taille des structures, est mis en avant. Cependant, pouvoir compter avec un directeur éditorial avec de l’expérience dès la création nécessite une injection de capital importante dès le début du projet, ce qui n’est pas possible, pour la plupart des nouvelles maisons qui se créent. Ce capital initial du départ qui permet d’attirer et de recruter un éditeur expérimenté, voire d’autres employés, dès le début, est un fait qui contribue aussi à l’envie de professionnalisme de ces maisons. Ainsi, ce type de maisons arrive à attirer des éditeurs avec de l’expérience car, en plus du projet éditorial, la maison est conçue comme un projet organisé et avec des ressources mises à disposition dès la création. Finalement, pour ce type de créateurs (peu nombreux, nous en avons identifié 3 en Argentine et 1 en Colombie), être perçus comme indépendants n’est pas une fin en soi. Comme l’affirme l’éditrice argentine d’Eterna Cadencia, le plus important est d’arriver à pérenniser les choix éditoriaux :
« Pour moi il est indispensable d’être professionnels. Nous pouvons être petits, moyens, indépendants, peu importe comment tu veux appeler tout cela, mais nous devons être absolument professionnels pour continuer à publier ce que nous souhaitons. »
B – Des créateurs avec une expérience propre dans le secteur de l’édition
Les professionnels du secteur de l’édition sont responsables d’un nombre important de créations de maisons. Nous trouvons ici notamment des personnes ayant travaillé dans l’édition comme freelance, dans la promotion de la lecture, dans l’édition de presse, dans l’édition universitaire, dans la librairie et aussi dans la petite édition. La plupart d’entre eux ont décidé de créer leur entreprise par ce qu’ils voulaient se lancer en indépendant.
Si leur expérience dans le secteur est souvent importante en nombre d’années, la reconnaissance en tant qu’éditeurs dans le milieu et l’expertise acquise n’est pas vraiment la même, au point que beaucoup d’entre eux estiment, comme le mentionne l’éditrice colombienne de Babel, que le fait de gérer leur propre structure « a été une expérience déboussolante qui m’a obligée à presque tout réapprendre ». En fait, beaucoup de ces créateurs, qui ont travaillé dans le secteur mais qui ne se souciaient généralement que d’un maillon de la chaîne du livre, se rendent compte que la petite taille et le fonctionnement a minima de la plupart de petites maisons peuvent, contrairement au souhait initial de créer sa propre structure pour se consacrer exclusivement à l’élaboration de son propre catalogue, éloigner les créateurs de ces maisons de leur fonction purement éditoriale car tous les autres aspects de la maison – économiques, administratifs, commerciaux, communicationnels – peuvent être extrêmement chronophages et donc aussi finalement très frustrants.
Mais un mode d’action de ce type de créateurs que nous avons identifié consiste à donner un support financier parallèle à leurs maisons en créant d’autres structures liées à la chaîne du livre ou en s’appuyant sur des structures qu’ils avaient créées préalablement. Ainsi, par exemple, des maisons comme Cuneta ou Babel ont créé dès le départ des plateformes de distribution. Emergencia Narrativa, Lom et La Calabaza del diablo possédaient une imprimerie. Et, particularité tout à fait colombienne, cinq des six maisons étudiées, créent dès l’ouverture des studios de conception ou de design éditorial.
Si certaines de ces structures ont été éphémères – les projets ont échoué, ou dans le cas de certains studios, les créateurs ont décidé que cette activité les éloignait de leur activité éditoriale –, elles ont tout de même contribué à la création d’un projet culturel qui dépassait la maison d’édition. Mais d’autres se maintiennent toujours et sont une partie structurante du projet, voire des nouvelles structures ont été créées.
Si certains de ces créateurs ont revendiqué haut et fort leur indépendance au moment de leur création, notamment avec un objectif communicationnel, nous avons constaté qu’au fur et à mesure que le projet éditorial se consolide et acquiert une certaine visibilité – ce qui n’est pas, bien sûr, le cas de tous –, ils préfèrent être identifiés « juste comme éditeurs ». Ce point de vue est clairement illustré par l’éditeur colombien de Tragaluz :
« S’identifier comme éditeur indépendant peut être utile, bien sûr, mais nous pensons que parfois ce n’est plus indispensable. Je pense que nous avons le droit aujourd’hui de parler de nous comme d’une maison d’édition, un point c’est tout. Nous sommes une maison d’édition comme peut l’être Random ou Planeta, nous faisons le même travail, c’est juste que nous ne sommes pas millionnaires et nous ne devons rendre des comptes à personne. Nous sommes une entreprise, une petite entreprise, avec une conception personnelle et culturelle de l’édition mais, au fond, nous faisons le même métier. » (Entretien Tragaluz, 2013)
2) Des maisons créées par des professionnels venus d’une activité proche de la spécialité choisie
Le deuxième cas de figure est celui des créateurs dont le parcours professionnel antérieur est lié à la spécialité qu’ils choisissent pour la maison qu’ils créent. Ces créateurs ont une expertise considérable dans leur spécialité et sont motivés primordialement par le manque éditorial dans leur domaine, mais ils n’ont généralement pas d’expérience dans l’édition. Il est à noter que les spécialités les plus représentatives de cette catégorie, d’après notre terrain, sont la BD et les livres d’art, deux secteurs éditoriaux profondément absents des secteurs éditoriaux de nos trois pays et qui arrivent à attirer, depuis peu, des lecteurs de niche. Quant à leur conception de la notion d’indépendance éditoriale, nous mentionnerons juste cette remarque édifiante de l’éditeur colombien de Robot, maison dédiée principalement aux BD et aux romans graphiques :
« En ce qui concerne la BD en Colombie, la notion d’indépendance est, pour le moins, capricieuse. Il existe, bien sûr, des maisons au fonctionnement indépendant qui publient des BD, mais il n’y a pas de mainstream. Jusqu’il y a très peu d’années, personne ne publiait ici des BD d’auteur. Ainsi, malgré toutes nos difficultés, nous sommes le mainsteam. » (Entretien Robot, 2013)
3) Des maisons créées par des autodidactes passionnés
Le dernier cas de figure est le plus hétérodoxe, celui des autodidactes passionnés. Contrairement aux professionnels du livre et aux spécialistes, qui disposent de savoirs et de compétences qui légitiment le lancement d’une maison, les autodidactes n’ont généralement pas d’expérience professionnelle particulière à véhiculer si ce n’est leur passion pour les livres. Cette catégorie est la plus hasardeuse de toutes et celle qui parvient le moins souvent à se pérenniser. La méconnaissance des différents maillons de la filière, notamment les aspects commerciaux, mais aussi un manque de cohérence et un rythme éditorial aléatoire, sont souvent les facteurs majeurs de risque (Abensour , Legendre, 2007).
La plupart des autodidactes affirment qu’ils sont arrivés dans le monde éditorial par hasard, malgré leur amour pour la littérature ou les livres. Cette posture est une caractéristique des métiers intellectuels et elle est particulièrement utile pour affirmer une vocation. En effet, la naissance d’une vocation peut se fonder sur la dénégation d’un apprentissage ou d’un parcours antérieur, ce qui illustre le paradigme de l’idéologie du don (Sapiro, 2007). Le fait que beaucoup d’entre eux aient bifurqué de leurs métiers précédents, souvent plus confortables matériellement et plus stables en termes d’emploi et de niveau de revenus, pour se lancer dans l’édition, n’est pas perçu par eux comme une erreur mais, au contraire, comme un choix personnel porteur d’épanouissement (Dubois, 2013). Ainsi, « l’incertitude et la précarité, sous une forme ‘élective’, en viennent à devenir l’horizon normal, voire souhaitable d’un travail ‘enrichissant’ » (Noël, 2012).
Pourtant, ces créateurs subissent énormément de difficultés en créant leurs maisons, notamment liées aux aspects économiques et commerciaux de l’édition. Comme le dit Anne Berest (2005) « beaucoup [d’entre eux] prennent la mesure de ce que j’appellerai une ‘symétrie contradictoire’ entre des responsabilités et l’éloignement du métier d’éditeur. Plus on s’approche de la fonction d’éditeur et de ses responsabilités, plus les activités qu’ils recherchaient (à savoir la lecture, la sensation de découvrir des nouveaux écrivains, etc.) s’éloignent. » De plus, cette frustration peut s’accentuer car beaucoup d’entre eux ne réussissent pas à vivre de leur activité éditoriale et doivent jongler avec d’autres activités rémunératrices.
Chez les autodidactes, nous avons repéré notamment trois types d’évolutions de leurs structures dès leur création : des maisons qui optent pour une professionnalisation progressive ; des maisons qui mettent en avant un éloignement du modèle éditorial traditionnel et revendiquent des circuits alternatifs, c’est-à-dire d’autres formes de production et de circulation des livres ; des maisons qui commencent par vouloir intégrer le circuit traditionnel du livre et qui, face à leur échec, se tournent vers des circuits alternatifs. Ces trois types d’évolutions se caractérisent successivement ainsi.
Que leurs débuts soient artisanaux – avec des livres faits à la main – ou qu’ils publient sans autorisation des auteurs reconnus, ou bien qu’ils aient eu une volonté de professionnalisation malgré une absence quasi totale de moyens, ces maisons se caractérisent par leur volonté progressive de professionnalisation. Leur objectif est de se faire une petite part dans le marché du livre, d’aller vers des formes de production plus traditionnelles et d’intégrer les circuits de distribution. Même si ces maisons maintiennent souvent leur fonctionnement a minima et restent précaires, leurs créateurs aspirent à vivre éventuellement de l’édition ou en tout cas à rester à l’équilibre.
Dès le départ, ces créateurs mettent en avant le caractère artisanal des maisons et prônent même une posture de « déprofessionalisation » anticapitaliste (Botto ; 2012). Ils refusent d’intégrer les circuits du livre (ne vendent pas leur livres en librairie), ont des tirages limités (les livres sont souvent faits à la main), ont une vision « territorialisée » de l’édition (Botto ; 2012) (ils vendent leurs livres notamment lors des présentations ou des foires alternatives) et proposent parfois leurs contenus en téléchargement libre. Ces maisons ne se considèrent souvent pas comme indépendantes (« Moi, je ne suis indépendant de rien, je suis dépendant de tout » (Entretien Funesiana, 2013)), mais se considèrent plus indépendantes que les autres maisons dites indépendantes qui intègrent les circuits les plus traditionnels, même si l’étiquette d’autogérées ou alternatives est plus souvent revendiquée.
Enfin, le cas de ces créateurs s’explique notamment par l’abandon d’une professionnalisation progressive notamment suite à une accumulation de mauvais résultats commerciaux. Comme l’explique l’éditrice de 8vo loco : « Notre premier livre s’est bien vendu et nous nous sentions comme Gardel avec une guitare électrique [Brel avec une guitare électrique, pourrait-on dire]. Puis, plus rien pendant 2 ans. Mais il était hors de question d’arrêter de publier. Nous avons compris à temps que nos lecteurs n’allaient pas trouver nos livres dans des librairies où nous n’avions aucune visibilité. » Ainsi, plutôt que de fermer leurs maisons, ces créateurs préfèrent changer de stratégie éditoriale et optent pour des modèles alternatifs comme ceux que nous venons d’exposer. Le point positif est qu’ils maintiennent une activité éditoriale (l’une de leurs dernières publications est une traduction d’Aimé Césaire), mais le point négatif, comme nous le raconte cette même éditrice est que « dans mon temps libre, j’essaie de dynamiter le système éditorial traditionnel que j’abhorre, mais de 9h à 17h, je paie mes factures en travaillant pour la filiale d’un grand groupe. L’ironie de l’édition indépendante. » (Entretien 8vo loco, 2013).
Conclusion
Afin de mieux comprendre les spécificités de cet ensemble hétérogène qu’est l’édition indépendante, il nous paraît intéressant de penser le « surgissement de l’imaginaire de ‘l’indépendance’ » (Szpilbarg et Saferstein, 2010) comme le résultat d’une articulation de discours qui conforment et recréent des pratiques qui conditionnent leurs actions, leurs tactiques et leurs stratégies de positionnement à l’intérieur du champ éditorial. À cet égard, l’analyse, d’une part, des facteurs de prolifération des nouvelles petites maisons depuis le début du XXIe siècle et, d’autre part, des parcours et des expériences professionnelles antérieures des créateurs des maisons peut être utiles pour comprendre l’instabilité des champ éditoriaux argentin, chilien et colombien, liés à la volatilité de changements sociaux, culturels et macroéconomiques qui peuvent radicalement changer les logiques du marché éditorial, de son noyau comme des marges. Nous avons par ailleurs prolongé cette analyse en examinant les politiques éditoriales, les modes de commercialisation, les groupements d’éditeurs et leur organisation interne afin de comprendre plus clairement leurs modes d’action, leurs promesses et leurs fragilités (Rodriguez Galvis, 2016).
Au final, même si la critique des phénomènes de concentration, de financiarisation et d’industrialisation de l’édition produit un a priori favorable à l’idée de l’indépendance éditoriale, nous pouvons nous demander jusqu’à quel point cette labellisation peut être durable lorsqu’il s’agit de décrire un ensemble d’éditeurs qui, malgré le fait de se situer dans le marges et de partager une conception non exclusivement économique du livre, ne constitue pas un groupement homogène. Ainsi, il est apparu un manque d’homogénéité discursive entre les éditeurs de notre échantillon sur la notion et la revendication de l’indépendance : certains éditeurs considérant l’indépendance comme une notion utile mais floue, d’autres l’utilisant notamment pour des raisons pratiques et communicationnelles, enfin certains s’en détachant progressivement au profit d’autres idées. En somme, nous pourrions nous demander si l’adjectif d’indépendant, suffit à créer une source de valeur ajoutée qui pourrait s’inscrire dans le temps pour épauler les projets éditoriaux des diverses maisons ou si ce n’est qu’un outil de différenciation utile mais incongru.
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Note
(1) Les gouvernements de Menem (1989-1999) en Argentine, les gouvernements de Aylwin et de Frei (1990-2000) au Chili et la présidence de Gaviria (1990-1994), en Colombie, sont considérés comme des gouvernements très libéraux avec des afflux de capitaux étrangers importants et des mouvements de privatisation.
Auteur
Nicolás Rodríguez Galvis
.: Nicolás Rodríguez Galvis est docteur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Paris 13. Parmi ses publications : « Rire et réfléchir, le cas de l’émission américaine de satire politique The Daily Show » (Télévision, N°4, 2013) et « Ce qui a commencé comme un blog peut devenir n’importe quelle autre chose : spécificités et pratiques éditoriales de la revue-livre Orsai », (Actes du colloque « Les revues-livres ou mooks : espaces de renouveau du journalisme littéraire, 2014 », à paraître en 2017).