L’expérimentation SmartCity à la Cité internationale : une réactualisation du paradigme de la participation dans le secteur patrimonial
Résumé
Cet article se propose d’étudier le déploiement de dispositifs numériques de médiation du patrimoine urbain en confrontant les dispositifs et leurs promesses. Les imaginaires du numérique se traduisent en paradigmes identifiés comme autant d’injonctions dans le milieu culturel : ceux de participation, de visiteur/spectateur co-créateur de contenus et de transmedia. Nous confrontons ces discours circulants qui « promettent » une nouvelle expérience patrimoniale (plus proche du public) à la réalité des dispositifs numériques de médiation proposés aux visiteurs. Pour ce faire, nous avons choisi une méthodologie socio-sémiotique appliquée à deux dispositifs de médiation de la Cité internationale universitaire de Paris afin de comprendre comment ces terrains peuvent réactualiser le paradigme de la participation.
Mots clés
Médiation participative, dispositif numérique, dispositif de médiation, patrimoine urbain.
In English
Title
The experimentation Smart City at the Cité Internationale: an updating of the paradigm of participation in cultural heritage field
Abstract
This paper aims at studying the deployment of digital devices in urban heritage mediation (promise versus device). The digital imagination raises three paradigms in the cultural community: those of participation, visitor / spectator co-creator of content and transmedia. Therefore, we compare these discourses that « promise » a new heritage experience (closer to the public) to the reality of digital devices proposed to visitors. To do this, we chose a socio-semiotic methodology applied to two devices of the Cité Internationale Universitaire de Paris in order to understand how these fields can update the paradigm of participation.
Keywords
Participatory mediation, digital device, mediation device, urban heritage.
En Español
Título
La experimentación SmartCity en la Cité Internationale : una actualización del paradigma de la participación en el sector del patrimonio
Resumen
Este artículo tiene como objetivo estudiar el despliegue de dispositivos digitales de mediación del patrimonio urbano (dispositivos vs promesas). Los innombrables conceptos imaginados a propósito del digital se traducen en otros tantos paradigmas en la comunidad cultural: participación, visitante / espectador co-creador de contenido y transmedia. Por lo tanto, enfrentamos estos discursos que « prometen » una nueva experiencia del patrimonio (más cercana al público) a la realidad de los dispositivos digitales de mediación. Por eso, hemos eligido una metodología socio-semiótica aplicada a dos dispositivos de mediación de la Cité Internationale Universitaire de París con el fin de entender cómo estos soportes numéricos (sitios web) pueden actualizar el paradigma de la participación.
Palabras clave
Mediación participativa, dispositivo digital, dispositivo de mediación, patrimonio urbano.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Cambone Marie, «L’expérimentation SmartCity à la Cité internationale : une réactualisation du paradigme de la participation dans le secteur patrimonial», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°17/3A, 2016, p.61 à 72, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2016/supplement-a/04-lexperimentation-smartcity-a-cite-internationale-reactualisation-paradigme-de-participation-secteur-patrimonial/
Introduction
Cet article se propose d’étudier le déploiement de dispositifs numériques de médiation du patrimoine urbain et plus spécialement de dispositifs participatifs. Nous avons choisi le patrimoine urbain car la ville représente un terreau favorable pour l’analyse de dispositifs participatifs : en tant qu’espace public, elle est associée à des valeurs de liberté, de circulation, de démocratie, de participation et à un imaginaire, celui d’un monde où chaque citoyen « participe » à l’action culturelle de sa ville (Miège, 2010 ; Denis, Pontille, 2010). Les dispositifs numériques renvoient sensiblement aux mêmes valeurs et, dans un contexte culturel, favoriseraient un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine. Ces expérimentations se concentrent autour d’une notion, celle de « smartcity » — terme d’ailleurs repris par le projet étudié ici – traduite en français par « ville intelligente ». Elle peut être définie ainsi : une ville dans laquelle un certain nombre de technologies et services numériques sont mis en œuvre pour permettre la création de nouveaux usages urbains, dans un objectif de synthèse d’un territoire physique et d’un territoire numérique, c’est-à-dire la création d’un « territoire enrichi ».
Nous avons choisi d’étudier ici l’une de ces expérimentations numériques, le projet SmartCity développé à la Cité internationale universitaire de Paris. Les dispositifs conçus dans le cadre de ce projet sont représentatifs d’un type de dispositifs numériques, les dispositifs cartographiques tels que Google Maps sur lesquels sont spatialisés des contenus médiatiques : photographies, vidéos, textes, etc. Si ces dispositifs constituent le terrain principal de cette recherche, nous les comparerons avec d’autres dispositifs développés à la même époque.
En 2007, L/oblique, centre de valorisation de la Cité internationale universitaire de Paris, en partenariat avec l’agence Dédale(1), a mis au point des expérimentations artistiques sur le territoire – projet SmartCity – et deux dispositifs numériques : un site web sous forme de carte interactive SmartMap et une application mobile Heritage Experience. Notre objectif est ici de confronter trois éléments :
- les discours d’escorte de ces dispositifs qui « promettent » une nouvelle expérience patrimoniale (plus en phase avec les attentes du public, plus proche du public, etc.) ;
- les programmes d’usages anticipés des dispositifs, c’est-à-dire les potentialités du dispositif offertes aux utilisateurs (Le Marec, Souchier, Jeanneret, 2003) ;
- et les usages réels de ces dispositifs.
Nous avons choisi une méthodologie en deux axes : l’analyse des discours d’escorte et l’analyse socio-sémiotique de ces deux dispositifs (Jeanneret, Souchier, 2009 ; Bonaccorsi, 2013) afin de comprendre comment ce terrain vient réactualiser les imaginaires du numérique et notamment le paradigme de la participation. Ces imaginaires sont intériorisés par les concepteurs et s’incarnent dans les choix éditoriaux et fonctionnels. Par « réactualiser » nous entendons faire passer de la puissance ou virtualité des discours et imaginaires du numérique à leur mise en œuvre – pas toujours intentionnelle – dans des dispositifs. Cette méthode nous permet de dépasser la simple analyse des discours et donne à voir des pratiques, celles de la médiation patrimoniale.
Cette analyse a mis en évidence que l’expérimentation à la Cité internationale mobilise particulièrement le paradigme du participatif. L’analyse de son actualisation nous permet ensuite, à travers l’étude des deux dispositifs numériques du projet SmartCity, de voir quelles conceptions de la médiation numérique en milieu culturel sont ici manifestes.
Le paradigme de la participation dans les dispositifs numériques de médiation du patrimoine urbain
Cette première partie est l’occasion de questionner le paradigme de la participation des visiteurs dans le secteur patrimonial et sa mise en œuvre dans des dispositifs numériques, ici SmartCity et Heritage Experience. Si nous concentrons notre analyse sur ce paradigme, c’est parce qu’il est prépondérant dans les discours d’escorte du projet SmartCity.
Les injonctions et prescriptions au numérique – qu’elles viennent du politique, des professionnels des musées, des publics ou des acteurs économiques – conduisent les institutions patrimoniales à développer de nouvelles médiations culturelles et à l’inverse, permettent à ces dernières de donner une image moderne et performante de l’institution qui les met en place. Dans ce contexte, de nombreuses institutions patrimoniales ont conçu des expérimentations, dont certaines ont été pérennisées et sont encore accessibles aujourd’hui. La carte étant une forme privilégiée de médiation du patrimoine urbain (Flon, Jeanneret, 2012 ; Cambone, 2013), les institutions culturelles en charge de ces patrimoines ont pour la plupart choisi de développer sur le web des plateformes cartographiques, parfois participatives. C’est le cas de l’expérimentation SmartCity et notamment de son volet « ville numérique » à la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP).
La Cité internationale se situe au sud de Paris et accueille chaque année 10 000 étudiants, chercheurs et artistes représentant 140 nationalités dans les quarante maisons représentant un État ou une grande école. Se situant dans l’un des plus grands parcs paysagers de Paris, la CIUP se caractérise par son éclectisme architectural : de nombreux architectes reconnus ont été sollicités pour les concevoir, ce qui explique la renommée internationale du site et son caractère patrimonial.
Le projet SmartCity, initié en 2007, est un programme européen de recherche et de production artistique sur le thème de la ville intelligente, créative et durable, conçu par deux partenaires : la Cité internationale et Dédale. L’objectif est double pour son volet « ville numérique » : « proposer des actions de médiation du patrimoine innovantes par le biais d’actions artistiques et favoriser l’appropriation du territoire par ceux qui le pratiquent »(2). Deux dispositifs numériques ont été mis en place dans le cadre du volet « ville numérique » : la plateforme web SmartMap, « Cartographie sensible et collaborative » : http://www.smartcity.fr/smartmap/ et l’application mobile Heritage Experience, « Dispositif mobile de médiation du patrimoine ». SmartMap est composé d’un fond de carte, celui de Google Maps, sur lequel l’internaute peut faire apparaître des documents de différentes natures médiatiques – photographies, vidéos, texte, etc. – qui surgissent en phylactère. Il peut choisir de faire varier le fond de carte, le niveau de zoom et l’apparition des documents. Active depuis 2008, la plate-forme web est un dispositif qui « donne accès à une multitude de contenus multimédias inédits, relatifs aux actions artistiques menées sur le territoire de la Cité internationale, aux nouveaux usages à l’œuvre, ainsi qu’à ceux appartenant au passé. Elle permet d’en révéler toute la mémoire audiovisuelle. ». L’application mobile propose d’aller à la découverte du territoire de la Cité internationale et de « créer, muni d’un Iphone, des films uniques à partir d’images d’archives et actuelles »(3). Plus précisément, le visiteur est invité à déambuler sur le territoire de la CIUP. Par sa déambulation, il déclenche la lecture de vidéos géolocalisées. Durant sa déambulation, seul l’audio est activé, le visiteur se déplace alors en écoutant des extraits de vidéos. Par ailleurs, un film composé des extraits entendus est généré, enregistré et est ensuite disponible en ligne pour une consultation ultérieure sur le site internet Heritage Experience(4). Ces dispositifs numériques fonctionnent à partir d’une même base de données de 533 médias – 362 vidéos et 171 images – géolocalisés sur la carte et classés en différentes thématiques.
Le paradigme de la participation est très présent dans les discours d’escorte du projet SmartCity. En effet, quatre des objectifs énoncés du projet SmartCity s’inscrivent dans le champ sémantique du participatif :
- « Permettre à l’usager de laisser une trace de son passage sur le territoire, de partager son expérience et de réagir à celles des autres. »
- « Permettre au public de découvrir, réagir et participer au projet SmartCity. »
- « Donner à voir des impressions et témoignages sur le vécu des usagers, les dysfonctionnements du site, ses pratiques méconnues. »
- « Proposer au public de créer des films uniques et surprenants grâce à l’application mobile. »
Cela s’explique notamment par le fait que le format numérique est souvent vu comme particulièrement propice à la mise en œuvre de dispositifs participatifs. En effet, toute technologie est porteuse de valeurs, véhicule des imaginaires et offre des potentialités technologiques et sociales (Jeanneret, 2007). Depuis plusieurs années, le numérique dans le secteur culturel donne lieu à une très grande production discursive notamment sur des blogs de ceux qui s’appellent eux-mêmes les MuseoGeeks ou lors de rencontres professionnelles (Couillard, 2013 ; Sandri, 2015). Dans le secteur patrimonial, ces imaginaires se traduisent en paradigmes identifiés comme autant d’injonctions faites aux musées et sites patrimoniaux à « basculer » dans le numérique ou au moins à adopter le numérique dans leurs pratiques de communication et de médiation. Dans une précédente recherche, nous avons identifié trois paradigmes : celui de la participation, celui de visiteurs co-créateurs de contenus et celui du transmedia qui permettraient un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine (Cambone, 2015). En effet, dans un premier temps, de nombreux discours portent sur les évolutions technologiques que l’on appelle couramment le web 2.0 et qui donneraient la possibilité aux internautes de produire et de diffuser des contenus sur le web. Dans un deuxième temps, les discours portent sur le pouvoir qui est prêté à l’internet et au numérique dans la révolution des savoirs, les internautes participant activement à la production de savoirs ou tout du moins de contenus ensuite disponibles sur le web. Enfin, dans un troisième temps, ce sont les discours autour du transmedia qui émergent : « il donne à rêver d’un récit qui circulerait d’un support médiatique à un autre en étant assez largement orchestré par une organisation qui gérerait la dissémination permanente du sens au profit d’une stratégie centralisée. » (Maigret, 2013, p. 8). Dans le cas du projet SmartCity, le paradigme de la participation est prépondérant, celui de la co-construction de contenus lui étant subordonné et celui du transmedia absent.
Bien que ne poursuivant pas les mêmes objectifs que la participation en ligne(5), dans le secteur culturel, et notamment patrimonial, la participation des publics est recherchée depuis des décennies dans un objectif de démocratisation et diffusion culturelle. Dans le domaine muséal, la démarche de muséologie participative est née dans les années 1970 avec les éco-musées grâce à l’initiative de Hugues de Varines et de Georges-Henri Rivière qui ont proposé aux habitants de participer à l’élaboration de leur musée et de ses activités. Comparant les musées traditionnels aux cours magistraux de l’université, ils voulaient proposer un autre modèle de transmission des connaissances selon lequel le public était invité à faire entendre sa voix (Merleau-Ponty, 2007, p. 239). Ce mouvement est appelé « muséologie participative », nous pouvons le définir comme étant une démarche visant à associer des publics à la conception d’une exposition. En tant que muséologue et travaillant sur des dispositifs de médiation du patrimoine, nous reprenons la définition donnée ci-dessus pour la muséologie participative et l’adaptons à la médiation participative : associer les publics à la conception d’un dispositif ou d’une action de médiation(6).
L’analyse socio-sémiotique des dispositifs SmartCity et Heritage Experience a permis de distinguer une participation à deux niveaux :
- La participation des visiteurs à la création de contenus,
- Leur participation à la médiation, ou médiation pro-active.
Sur la SmartMap, les concepteurs ont donné aux internautes la possibilité d’ajouter du contenu en le publiant sur l’un des trois médias sociaux suivant : Twitter, Flickr et Youtube. Il est ensuite possible de faire apparaître sur le fond de carte ces « contenus collaboratifs »(7). Le principe initial est qu’un internaute, lors de son passage sur le territoire de la Cité internationale, peut laisser une trace de son passage, non pas sur le territoire mais une trace médiatisée sur le dispositif numérique. Sur Heritage Experience, le visiteur crée un film qui peut être ensuite mis en ligne et partagé avec les autres internautes. Les concepteurs, en médiatisant sur ces deux dispositifs les contenus produits par les visiteurs, ont donc entamé une démarche de médiation participative en donnant la possibilité de créer des contenus et de les donner à voir.
De même, en proposant aux internautes de créer leurs propres parcours de médiation, l’institution patrimoniale est dans une démarche de médiation pro-active et donc participative. Que ce soit sur l’un ou l’autre des dispositifs, le visiteur est invité à concevoir son propre parcours de médiation, parcours de navigation sur la plateforme web, parcours de déambulation/promenade avec l’application mobile. En utilisant cette dernière, le visiteur crée, en fonction de son parcours sur le territoire, une production, audio dans un premier temps et audiovisuelle lors de la mise en ligne. Chaque vidéo est donc unique et dépend du parcours physique du visiteur. Sur le site web, le visiteur personnalise également son parcours de navigation en choisissant le contenu visionné de manière spatiale, thématique, aléatoire, etc. L’internaute est donc très libre dans sa découverte du territoire, ce qui lui donne alors l’occasion d’être pro-actif.
La volonté des concepteurs de faire participer les internautes témoigne d’un certain nombre de valeurs et potentialités qu’ils attribuent au format numérique. C’est en confrontant les discours qui « promettent » une nouvelle expérience patrimoniale (plus proche du public) à la réalité des usages de ces dispositifs numériques du projet SmartCity que nous avons pu comprendre ce que ce terrain réactualise de l’imaginaire participatif du numérique.
Entre imaginaires du numérique et médiation culturelle : la mise en œuvre d’un projet de médiation numérique participative
Les discours d’escorte des dispositifs numériques SmartMap et Heritage Experience ont révélé un imaginaire, celui d’un format numérique qui favoriserait un nouveau rapport à la connaissance et au patrimoine, et ce notamment par la mise en œuvre de dispositifs participatifs. Cet imaginaire repose sur deux présupposés : le numérique est un format privilégié pour une médiation participative des visiteurs et la participation des visiteurs permet une appropriation du territoire.
Faire participer les publics en ligne : une problématique de médiation culturelle
L’analyse de la participation des visiteurs dans la création de contenus fait ici émerger trois principaux résultats qui remettent en cause l’évidente adéquation du format numérique (en tout cas dans la proposition formulée ici) et de la participation dans un objectif de médiation culturelle : les visiteurs et internautes n’ont pas saisi l’opportunité qui leur était donnée de participer ; la participation se fait sur le site physique de la Cité internationale lors d’événements et est surtout médiatisée sur ces dispositifs numériques ; enfin, l’institution patrimoniale joue le rôle d’énonciateur des contenus participatifs en distribuant et encadrant les prises de parole.
Tout d’abord, contrairement à certains discours marketing, les plateformes web n’offrent pas un cadre que les utilisateurs s’approprient librement (Bouquillion, Matthews, 2010, p. 90). En effet, la mise à disposition de l’outil participatif n’est pas une incitation suffisante à la participation. Bien que la possibilité leur soit donnée de participer, les internautes n’ont pas ajouté de contenu sur la SmartMap. Lors de notre dernier relevé en avril 2015, 11 twitts, un peu plus de 300 photographies provenant de Flickr et 7 vidéos provenant de Youtube avaient été postés. Cependant, l’analyse de ces contenus collaboratifs a montré qu’ils n’ont pas été publiés intentionnellement par des internautes. En effet, aucun ne correspond à la ligne éditoriale du dispositif : aucun des twitts ne parle de la Cité internationale ou de SmartCity ; les vidéos ont été ajoutées par les compagnies et artistes invités dans le cadre du projet et non par des visiteurs ; seules les photographies de Flickr représentent pour la plupart la Cité internationale. Pour autant, ces photographies sont la résultante d’un processus liant Flickr à Google Maps qui géocalise automatiquement les photographies de ce média social sur le service cartographique sans action délibérée de l’auteur. Dès lors, bien que la possibilité ait été donnée de participer, les internautes n’ont pas saisi cette opportunité. En effet, une précédente étude menée sur plusieurs plateformes numériques participatives de médiation du patrimoine a montré que si la participation n’est pas encouragée par un moyen incitatif – événementiel, jeu-concours, etc. – elle n’est pas forcément au rendez-vous (Cambone, 2013). En 2013, nous avions analysé un corpus de cinq plateformes participatives(8). Nous avions alors mis en évidence trois points qui favorisaient l’engagement des internautes :
- mener des actions engagées avec des objectifs clairs,
- mener des actions en lien avec le territoire,
- suggérer des actions qui reflètent un usage préexistant.
Ce constat entraîne un certain nombre de questionnements concernant dans un premier temps les droits à l’image des contenus des participants et dans un second temps les politiques de filtre ou de modération à mettre en place lors de ces actions de médiation participative.
Ensuite, nous avons remarqué que la participation au niveau de la co-création de contenus s’est faite en dehors des dispositifs numériques qui ne deviennent que des dispositifs de valorisation et de monstration de ces actions. Deux exemples illustrent ceci. Différents ateliers participatifs ont été menés avec les habitants et les résidents de la Cité internationale, ces ateliers ayant par ailleurs donné lieu à des captations vidéo. De plus, dans le cadre d’un projet également nommé Heritage Experience, une série d’interviews semi-dirigées de pratiquants de la Cité internationale ont été réalisées. Des extraits de ces captations et interviews sont disponibles sur les deux dispositifs numériques. Nous voyons que s’il y a eu co-création de contenus entre l’institution patrimoniale et les publics, elle s’est faite en dehors du dispositif numérique, ce dernier ayant surtout servi à médiatiser ces actions. Il y a donc surtout médiatisation des traces de participation plutôt que co-création de contenus en ligne : trace des parcours produits avec l’application mobile, trace des ateliers participatifs, etc.
Enfin, l’éditorialisation des contenus collaboratifs sur la SmartMap montre également des différences de statut entre les contenus produits par les internautes et ceux produits ou sélectionnés par l’institution patrimoniale. Bien que souhaitant donner la parole aux visiteurs, L/oblique ne leur accorde pas le même poids ni la même légitimité que les documents sélectionnés ou produits par le centre de valorisation de la CIUP. La participation telle qu’elle apparaît dans les programmes d’usages des dispositifs est encadrée par les concepteurs. Ces derniers organisent l’espace et le contenu des discours, ils jouent le rôle d’énonciateurs distribuant les paroles – dont celles des visiteurs – et les encadrant. Le discours des visiteurs vient alors compléter celui des concepteurs mais n’est pas mis en scène de la même manière. En effet, sur les deux plateformes les contenus géolocalisés et représentés par le pictogramme en noir et blanc sont tous ajoutés par les concepteurs alors qu’un autre pictogramme est utilisé pour signaler les contenus provenant des médias sociaux : Twitter, Youtube et Flickr (fig. 1). Ces derniers sont regroupés dans une thématique à part nommée « contenus collaboratifs ». Ainsi, les contenus collaboratifs ne subissent pas le même traitement que les contenus des concepteurs, donc, bien que présents sur ces dispositifs, ils n’ont pas la même légitimité. De plus, nous remarquons qu’aucun travail éditorial n’est fait à propos de leurs métadonnées. Il n’y a pas de classification, d’identification et d’authentification de leur source. Enfin, ces contenus ne sont pas disponibles sur Heritage Experience. Nous voyons bien que les contenus collaboratifs ne subissent pas le même traitement documentaire, signe d’une différence de légitimité avec les contenus produits et/ou sélectionnés par L/oblique.
Figure. 1 : Capture d’écran de la page d’accueil de la SmartMap faisant apparaître les contenus disponibles
Ces résultats ne sont pas surprenants pour une action de médiation patrimoniale. Comme l’a montré Joëlle Le Marec (Le Marec, 2007), les visiteurs de sites patrimoniaux reconnaissent une grande légitimité au savoir délivré par une institution patrimoniale. Il devient donc difficile de faire co-exister dans un même espace – numérique ou non – les discours scientifiques et les discours non experts.
Lors d’une précédente étude, nous avions analysé la place dévolue à la participation des publics dans l’exposition Tous connectés ? au CCSTI de Grenoble (Cambone, 2015). Encore une fois, l’institution culturelle et scientifique avait joué le rôle d’énonciateur distribuant les paroles et encadrant les discours et la participation. La parole profane était présente dans l’exposition sous forme de vidéos produites dans le cadre d’un atelier participatif, mais ces vidéos étaient exposées en fin de parcours et non mêlées aux savoirs et objets de l’exposition. Il en est de même sur les dispositifs numériques du projet SmartCity, la participation est fortement encadrée par l’institution patrimoniale, la rendant marginale.
Nous voyons alors que les questionnements et enjeux de la mise en place de dispositifs participatifs de médiation du patrimoine restent les mêmes, que le dispositif soit numérique ou non. Dans les deux cas, il est nécessaire d’accompagner le visiteur dans l’appropriation du dispositif afin d’encourager sa participation.
L’imaginaire d’une participation des visiteurs permettant l’appropriation du patrimoine : une médiation des usages mais pas des pratiques
Le projet SmartCity propose aux internautes de participer à la création de parcours de médiation. Dans les discours des concepteurs, la participation des visiteurs devient un moyen pour s’approprier l’espace urbain patrimonial et avoir ainsi une « lecture sensible du territoire » (discours d’escorte du dispositif Heritage Experience), « participer à la construction de l’identité du territoire » (discours d’escorte de la SmartMap), dresser des « portraits singuliers du territoire » (discours d’escorte de Heritage Experience). La médiation ici proposée passe ensuite par l’appropriation de ces dispositifs par les visiteurs.
En effet, sur ces deux dispositifs, le visiteur est invité à participer activement à la création de son propre parcours de médiation. Les autres dispositifs de médiation tels que les expositions ou les documents papier (et notamment ceux conçus par L/oblique à la Cité internationale) laissent souvent aux visiteurs une grande liberté dans leur découverte du patrimoine mais dans les deux cas, un/des programme(s) et scénario(s) d’usage ont été anticipés par les concepteurs. Dans le cas de la SmartMap ou de Heritage Experience, le parcours est libre et très peu guidé : il n’y a pas de programme d’usage anticipé. Dès lors, ce dispositif repose sur une conception particulière de la médiation : la mise à disposition d’une très riche banque de données : 533 médias spatialisés sur la SmartMap, 362 vidéos disponibles sur Heritage Experience. Cette proposition est caractéristique des technologies numériques dans la mesure où elles sont envisagées comme devant « permettre de délivrer une information sous une forme plus variée, plus séduisante. On se situe alors dans l’ordre de l’efficacité et de la quantité : image haute définition, image en relief… » (Martin, 2011). Devant la grande quantité de médias spatialisés, l’internaute est amené à créer à chaque fois un nouveau parcours de médiation. En effet, il lui est presque impossible de reproduire deux fois le même parcours de navigation sur la SmartMap ou le même film sur Heritage Experience.
Ces premières conclusions nous amènent à un autre résultat : ces deux dispositifs proposent une médiation des usages plutôt qu’une médiation culturelle. Chacun des 533 médias spatialisés est accompagné de métadonnées : auteur, date, crédits, titre. En revanche, aucun texte n’explique le choix de cette sélection ou ne permet de mieux comprendre la vidéo ou l’image. Ils sont présentés avec comme seul descriptif leurs métadonnées. Il n’y a pas non plus de texte de présentation de la Cité internationale universitaire de Paris ou du centre de valorisation du patrimoine. Les seuls textes présents sont ceux présentant le projet SmartCity et un mode d’emploi de chaque dispositif. Ces textes proposent une médiation de l’usage de ce dispositif – comment l’utiliser, les potentialités fonctionnelles et techniques, etc. – et non une médiation culturelle de l’espace urbain patrimonial.
Nous recourons ici à deux acceptions du concept de médiation. Dans un premier temps, nous parlons de la médiation technique, éditoriale et sémiotique (Jeanneret, 2014) des deux dispositifs qui relève de la médiation des usages de ces dispositifs. En d’autres termes, il s’agit de voir comment l’institution patrimoniale accompagne l’internaute dans son usage des dispositifs. Dans un second temps, le concept est employé dans l’expression « médiation culturelle ». Cette dernière repose sur des normes d’action ou des valeurs, des représentations socio-symboliques, des imaginaires (Gellereau, 2005 ; Caillet, Jacobi, 2004) :
- produire de la connaissance,
- impliquer le visiteur dans une médiation pro-active,
- lui proposer des lectures, interprétation du territoire et/ou du patrimoine urbain,
c’est-à-dire une médiation des pratiques patrimoniales. Il s’agit alors de voir comment l’institution accompagne l’internaute dans sa découverte de l’espace urbain patrimonial.
En laissant l’internaute créer ses propres parcours de navigation sur ces dispositifs, L/obliquene propose pas véritablement de médiation culturelle au sens où l’institution patrimoniale n’accompagne pas l’internaute visiteur dans sa découverte du patrimoine. Il y a bien médiation technique, éditoriale et sémiotique permettant d’utiliser le dispositif mais pas de médiation culturelle. En d’autres termes, ces deux dispositifs proposent une médiation des usages plutôt qu’une médiation des pratiques.
Sur la SmartMap, l’action de l’institution patrimoniale est manifeste dans le travail de sélection et de présentation des médias spatialisés, mais aucun travail de médiation culturelle n’a été produit. Le dispositif agit comme un site ressource où la priorité est la mise à disposition d’une riche documentation à propos de la Cité internationale universitaire de Paris. Dès lors, ce dispositif se rapproche plus du modèle de la banque de données dans un objectif de médiation documentaire que d’un dispositif de médiation culturelle, c’est-à-dire une médiation des savoirs mettant en place des interfaces qui accompagnent l’usager et facilitent des usages de l’information et de la documentation (Gardiès, Fabre, 2012).
Ce même travail de médiation documentaire a été mis en place pour l’application Heritage Experience, même si la médiatisation des métadonnées n’est pas systématique. Si l’institution patrimoniale n’a pas créé de contenu particulier, elle propose néanmoins au visiteur de produire un film. Ainsi, une partie de la fonction de médiation culturelle est déléguée au visiteur qui crée son propre parcours à partir des documents médiatiques publiés sur le dispositif.
Un certain pouvoir a été délégué au dispositif, celui de proposer une médiation culturelle du patrimoine urbain de la Cité internationale universitaire de Paris. Il y a, derrière ce projet de médiation numérique participative, l’idée que la participation des visiteurs devient un moyen pour s’approprier le patrimoine urbain. Or la médiation ici proposée est une médiation de l’usage du dispositif. Nous rejoignons Geneviève Vidal qui parle d’utopie du pouvoir de l’internaute qui, par sa participation, assurerait l’indépendance des individus (Vidal, 2013). Si nous utilisons le terme d’utopie en faisant référence au numérique c’est que les concepteurs, en mettant en place ces dispositifs participatifs de médiation du patrimoine le font dans l’objectif de proposer une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun, et ce notamment par la participation de tous. Pourtant, nous l’avons vu, la médiation des usages du dispositif ne remplace pas la médiation culturelle du patrimoine. L’appropriation du dispositif ne permet pas l’appropriation du patrimoine urbain.
Conclusion
Nous avons analysé la mise en œuvre d’un projet de médiation participative en contexte urbain sur deux dispositifs numériques. Si les potentialités technologiques et fonctionnelles du format numérique ont été exploitées par les concepteurs, il est apparu, lors de notre étude, que la question de la médiation culturelle via un dispositif technologique a été négligée. En effet, concevoir un dispositif participatif en présentiel ou médié par un outil implique de penser la place et le rôle dévolus à ce dernier, c’est-à-dire aborder la question des médiations. Les analyses des discours d’escorte et socio-sémiotique des dispositifs a mis au jour un certain nombre d’imaginaires liés au numérique : la mise à disposition d’un volet participatif serait suffisante pour susciter la participation des internautes ; l’appropriation du dispositif permettrait l’appropriation du patrimoine urbain ; ces imaginaires provenant d’un impensé du média. Dès lors, la médiation proposée par ces deux dispositifs repose sur une médiation des usages et sur une médiation documentaire mais pas sur une médiation culturelle. Si la médiation patrimoniale peut être médiée par un dispositif, il est important que l’institution patrimoniale s’interroge sur son rôle et sa place au sein du dispositif.
Notes
(1) Dédale est une agence européenne consacrée à la culture, aux technologies et à l’innovation sociale. Elle se veut « à la pointe des nouveaux usages et de l’innovation technologique ».
(2) Les extraits des discours d’escorte sont en italiques. Source : Dédale, http://www.smartcity.fr/ciup/projet/smartmap-cartographie-sensible-et-collaborative.html, consulté la première fois le 10 avril 2012.
(3) Dédale, http://www.smartcity.fr/ciup/blog-47, consulté le 14 juin 2013, Dédale, http://www.smartcity.fr/ciup/projet/heritage-experience-dispositif-mobile-de-mediation-du-patrimoine.html, consulté le 14 juin 2013.
(4) Dédale, http://heritage-experience.fr/fr/ciup/, consulté le 23 avril 2015.
(5) Si nous rapprochons ici les actions de participation numériques aux actions de muséologie participative, il convient de rappeler que toutes ces actions ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Ces derniers sont spécifiques à chaque projet.
(6) Nous appelons « publics » ceux à qui s’adressent ces dispositifs et « visiteurs » ceux qui les utilisent.
(7) Nous reprenons ici l’expression utilisée pour désigner la catégorie dans lesquels ces médias apparaissent sur la SmartMap.
(8) Montreal sound map, http://www.montrealsoundmap.com/?lang=f, consulté le 15 novembre 2013 ; Wiki loves monuments, http://wikilovesmonuments.fr/, consulté le 15 novembre 2013; Les petites urbanités libres, http://pul.ktha.org/, consulté le 15 novembre 2013 ; Vis(le) en terrasse, http://visle-en-terrasse.blogspot.fr/, consulté le 15 novembre 2013 ; Les chercheurs du midi, http://www.mp2013.fr/chercheursdemidi/, consulté le 15 novembre 2013.
Références bibliographiques
Bonaccorsi, Julia (2013), « Approches sémiologiques du web » (p. 125-146), in Barats, Christine (dir), Manuel d’analyse du web, Paris : Armand Colin (collection « U Sciences humaines et sociales »).
Bouquillion, Philippe, Matthews, Jacob T. (2010), Le web collaboratif, mutations des industries de la culture et de la communication, Grenoble : PUF.
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Auteur
Marie Cambone
.: Marie Cambone est doctorante en sciences de l’information et de la communication au Centre Norbert Elias (UMR 8562) et en muséologie à l’UQAM, ATER à l’IUT Infocom Lyon 3. Elle axe ses recherches sur les dispositifs numériques de médiation du patrimoine urbain et a participé, en tant qu’ingénieur de recherche à des évaluations et à des conceptions de dispositifs numériques dans le domaine culturel.