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Contribuez ! Participez ! Co-créez ! Mise en œuvre d’un circuit court culturel

20 Déc, 2015

Résumé

Quand des artistes émettent l’idée d’un circuit-court de la culture pour faire face à différents enjeux du secteur culturel, les injonctions à la créativité opèrent à plusieurs niveaux. Une première injonction vient des médias et des collectivités locales pour faire écho et/ou soutenir la démarche : une injonction à mettre en avant ce qui est novateur et différent pour faire évènement. Un deuxième niveau renvoie à l’injonction à l’innovation sociale. En effet, derrière les injonctions à la contribution et à la participation, les artistes fondateurs du projet invitent les citoyens à inventer de nouvelles modalités d’encastrement du social aux différentes étapes de l’activité artistique. Enfin, une injonction posée par les contributeurs aux artistes afin qu’ils proposent des biens artistiques qui sortent des formats imposés par les industries culturelles.

Mots clés

Culture, circuit court, innovation sociale, imaginaire.

In English

Title

Contribute! Participate! Co-create! Setting up a cultural short supply chain

Abstract

When artists issue the idea of a cultural short supply chain to cope with various challenges of the cultural sector, the injunctions to creativity operate on several levels. A first level comes from media and local government agencies which echo and/or support the approach: it is an injunction to create event by putting forward innovation and difference. The second level implies an injunction to social innovation. Indeed, behind injunctions to contribution and participation, the founders of the project, the artists, invite citizens to invent new methods of embedding social values, at the various stages of their artistic activity. Lastly, a third injunction posed by contributors, requires the artists to propose artistic goods which abandon the formats imposed by the cultural industry.

Keywords

Culture, cultural short supply-chain, social innovation, imaginary.

En Español

Título

¡Contribuya! ¡Participe! ¡Co-cree! Aplicación de un circuito-corto cultural

Resumen

Cuando artistas emiten la idea de un circuito-corto de la cultura para hacer frente a distinto lo que está en juego del sector cultural, las prescripciones a la creatividad operan a varios niveles. Una primera prescripción viene a de los medios de comunicación y colectividades locales para hacer eco y/o apoyar el planteamiento: una prescripción que debe alegarse lo que es innovador y diferente para hacer acontecimiento. Un segundo nivel devuelve a la prescripción a la innovación social. En efecto, detrás de las prescripciones a la contribución y a la participación, los artistas fundadores del proyecto invitan a los ciudadanos a inventar nuevas modalidades de ajuste del social a las distintas etapas de la actividad artística. Por fin, una prescripción colocada por los contribuidores a los artistas para que propongan bienes artísticos que salen de los formatos impuestos por las industrias culturales.

Palabras clave

Cultura, circuito-corto de la cultura, innovación social, imaginaria.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Kogan Anne-France, « Contribuez ! Participez ! Co-créez ! Mise en œuvre d’un circuit court culturel« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°16/3B, , p.121 à 132, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2015/supplement-b/09-contribuez-participez-co-creez-mise-en-oeuvre-dun-circuit-court-culturel

Introduction

Le monde de l’art est un secteur particulièrement fertile pour expérimenter de nouvelles formes de participation. Dès les années soixante, celle-ci était déjà mise en œuvre sous différentes formes, particulièrement dans le monde du théâtre où la participation de l’audience fut recherchée. Si la question de la participation des publics reste d’actualité, le secteur culturel se trouve aujourd’hui confronté à d’autres enjeux : celui de la place et du statut des artistes dans la société ; l’augmentation de leur précarité ; la légitimité et le rôle de l’intervention publique ; les usages du numérique, le brouillage des statuts et contributions des professionnels et amateurs; la prolifération des intermédiaires (Donnat, 2008, Poirrier, 2006 ; Urfalino, 2011, Jeanpierre & Roueff, 2014).

Ces enjeux sont le plus souvent portés par les institutions qui jouent un rôle d’intermédiaire entre artistes et publics. Dans le cadre des politiques de démocratisation culturelle, cette intermédiation suit une logique descendante soutenue par l’idée d’une indépendance entre offre et demande culturelles. Des approches alternatives tentent de mettre en place d’autres logiques en interrogeant les rôles de chacun et la place des publics au sein du secteur culturel.

L’arrivée d’Internet a réactivé la popularité de la participation dans les années 90, que certains ont appelé « the second wave of do-it-yourself practices » (Carpentier, 2006, p126). Il s’agissait dans un premier temps, de jouer sur les possibilités des formes d’arts interactives. Elle fut suivie par d’autres formes de participation où le statut de spectateur alterne entre celui de consommateur passif, de client, de co-producteur ou de protagoniste (ibid, p162)

Au-delà du champ culturel, Internet en appelle également à la participation en vue d’un renouveau démocratique. Cet enjeu démocratique est au cœur même du projet d’Internet public des premiers temps qui devait réactiver « le rêve néo-communaliste d’une société non hiérarchique et faite d’intimités interpersonnelles ». L’idée était de produire une sphère sociale qui « ne serait pas gouvernée par les décisions politiques agonistiques, mais s’en détournerait pour suivre le chemin de la prise de pouvoir individuelle assistée par les technologies et l’établissement d’agoras en pair à pair. » (Turner, 2012, p. 378). L’imaginaire qui accompagne la diffusion d’internet s’inspire donc des valeurs de la contre-culture américaine dont le mouvement hippie a été l’avant-garde (Flichy 2001, Cardon 2010). Le premier trait de ces valeurs dont hérite la culture politique d’Internet dans le contexte de massification des usages est l’incessante injonction à la participation créative. « Nous le devons au désir de libération et d’authenticité qu’a élevé la contre culture américaine contre les disciplines du fordisme industriel afin d’échapper à une vie subordonnée à l’autorité des maîtres et au corset familial des années soixante » (Cardon, 2012, p29).

Dans cet imaginaire d’Internet, revient aussi l’idée que ce media fait émerger de nouvelles communautés et contribue à organiser de nouvelles pratiques collaboratives qui s’affranchissent des institutions existantes.

Dès lors, en s’inspirant de l’imaginaire d’Internet pour répondre aux différents enjeux du secteur culturel, de nouvelles sources de création et de diffusion artistiques s’expérimentent et de nouvelles façons de créer, de diffuser les œuvres et de coopérer émergent. Ainsi, lorsque des artistes explorent de nouvelles manières de diffuser leurs œuvres et d’aller à la rencontre du public et/ou d’autres artistes, émerge l’idée d’un circuit-court culturel inspiré par le modèle des AMAP(1). Ce projet en appelle à la participation citoyenne et s’inspire des représentations qui accompagnent la diffusion d’Internet comme celle de faire émerger des « communautés ». Il s’affranchit alors des institutions existantes pour créer « une autre façon de vivre et faire vivre la culture ».

C’est l’une de ces expérimentations que nous nous proposons de présenter ici. Dans une première partie, nous présenterons l’origine et les principes de ce « panier-culture », puis la méthodologie de recherche mise en œuvre. Dans une deuxième partie, nous présenterons les trois niveaux d’injonction à la création qui se déclinent en :

  • Une injonction à faire du nouveau, à être différent. Cette injonction est celle imposée par les médias et les collectivités locales pour s’en faire l’écho et/ou soutenir la démarche.
  • Une injonction à l’innovation sociale. Derrière les injonctions à la contribution et à la participation, les artistes fondateurs du projet invitent les citoyens à inventer de nouvelles modalités d’encastrement du social aux différentes étapes de l’activité artistique.
  • Une injonction faite par les contributeurs aux artistes, pour proposer des biens artistiques qui sortent des formats imposés par les industries culturelles.

Pour conclure nous présenterons les effets de ces différentes injonctions à la créativité.

Vers une nouvelle proximité entre artistes et citoyens : le panier culture

Origine et principes

Début 2010, dans un contexte de crise du secteur culturel, l’association Trempolino (Nantes), qui œuvre pour l’accompagnement et le développement des pratiques musicales, a engagé avec des membres de son bureau, des salariés et des usagers, une réflexion sur le soutien aux initiatives et solidarités économiques. Elle a généré plusieurs décisions, dont notamment la constitution d’un groupe de travail « artistes et entraide ». Y est née la volonté de construire un circuit-court culturel permettant plus d’échanges entre les artistes et avec le public. Son objectif est de faire émerger une communauté qui participe et s’engage à soutenir une production culturelle locale et variée (théâtre, bande dessinée, musiques actuelles, arts plastiques…) en désintermédiant la diffusion culturelle et en développant des relations durables entre publics et artistes.

Il est alors décidé que le support de ces échanges serait un panier culturel construit selon le modèle des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) car celui-ci est exemplaire de l’auto-organisation d’une consommation désintermédiée. Sont mis en avant dans l’expérimentation culturelle les enjeux de co-création artistique, de coopération entre toutes les parties prenantes dans une logique horizontale, d’innovation et d’apprentissage par essai-erreur. Ces enjeux concernent moins le processus artistique – qui contient de fait cette logique mais reste majoritairement laissé à la discrétion des artistes – que la gouvernance collective du projet. Elle est au départ volontairement peu définie et très ouverte, pour permettre son évolution en fonction des envies et attentes de tous les participants qui rejoignent le projet.

C’est dans cette incertitude fondatrice du mode de gouvernance que réside tout le pari et le caractère novateur de ce projet. Le choix a été fait de ne pas proposer aux contributeurs intéressés un produit fini qu’ils “n’auraient plus qu’à” acheter. Il leur est au contraire demandé de s’investir dans le processus d’élaboration de l’offre, non pas tant en termes artistiques qu’en termes opérationnels et de constitution/programmation des futurs paniers. Cet investissement, qui permet à chacun de prendre position pour définir le projet collectif, rejoint les enjeux de démocratie culturelle. L’idée également présente est que les liens qui se construisent dans l’échange, contribuent à donner un sens au projet dans lequel chacun puisse se retrouver (en sortant du “c’est pas pour nous” associé à la culture savante) et favorise ainsi la démocratisation.

Néanmoins, pour communiquer autour du projet, le collectif d’artistes à l’origine du panier culture a élaboré une proposition assez précise pour pouvoir être présentée de façon convaincante aux potentiels membres de l’association. Il a ainsi retenu la forme d’une distribution d’un panier par trimestre soit quatre par an. L’année devient la période contractuelle d’engagement des consommateurs, appelés contributeurs.

Quatre propositions artistiques sont faites dans chaque panier. Elles doivent présenter une certaine diversité de genre, d’esthétique et de maturité. Il y a donc à la fois des propositions physiques (livre, CD, photographies…) et immatérielles (spectacle de théâtre, concert, conférence…) ainsi que des propositions achevées, d’autres à co-construire.

Chaque personne qui reçoit un panier peut y retrouver des propositions dont elle est déjà familière mais également d’autres qui lui sont totalement étrangères. Le panier est donc susceptible de jouer un rôle de sensibilisation à des disciplines et des styles artistiques que ses contributeurs ne fréquenteraient pas par ailleurs.

Afin de considérer une « juste rémunération des artistes », il a été prévu une moyenne de 750€ par proposition artistique ce qui se traduit par une valorisation de chaque panier à 60€ (soit 240€ sur l’année pour chaque contributeur) avec un objectif de mobiliser 50 contributeurs.

A partir de la deuxième saison (septembre 2013), il fut décidé de réduire à trois paniers contenant chacun trois biens culturels distribués sur une année. Ainsi, d’avril 2012 à mai 2015, dix paniers ont été distribués. Pour les membres de l’association, chaque distribution correspond à la réalisation du projet collectif et donne forme et consistance aux principes qui ne relevaient jusqu’alors que du discours. Les distributions réunissent la majorité des contributeurs, y compris ceux ayant renoncé à s’engager dans la gestion de l’association et la construction des paniers. Elles sont des événements festifs qui permettent de se retrouver et de découvrir des œuvres culturelles locales et de rencontrer les artistes.

Méthodologie de recherche

Dans le cadre du projet de recherche régional Valeur(s) (www.valeurs.org), plusieurs chercheurs ont suivi dès le départ la constitution du projet du panier culture. S’agissant d’un projet innovant et singulier, qui se construit chemin faisant, les méthodes de recherche-action semblaient tout à fait convenir à son observation. En effet, le caractère novateur du projet amène deux réalités :

  • les méthodes ethnographiques sont celles qui s’adapte le mieux à la situation d’émergence et de redéfinition permanente qui caractérise le projet ;
  • les questions qu’il permet d’étudier émergent au fur et à mesure de son développement, à la fois sur des enjeux théoriques et pratiques, ce qui est un des fondements de la recherche action.

C’est donc en ayant à l’esprit cette pertinence de la recherche-action que les chercheurs ont pris contact avec les acteurs du projet. Dans ce cadre, le rôle des chercheurs est l’observation participante et le partage de leurs interrogations et pistes de réponse au fur et à mesure qu’ils les élaborent.

Lors de la première présentation en septembre 2011, il été annoncé un équilibre économique à 50 contributeurs et un démarrage pour janvier 2012. Dans les faits, les premiers paniers ont été distribués en avril 2012 à environ 30 personnes. Au fur et à mesure de l’année des personnes ont rejoint l’aventure pour atteindre l’objectif de 50 contributeurs lors de la distribution du dernier panier en avril 2013.

Pour mettre en œuvre ce projet, l’association ne dispose d’aucun salarié. Ce sont les membres qui doivent prendre en charge toute l’organisation et la logistique. Sur le principe d’un fonctionnement démocratique, des groupes de travail ouverts à tous les membres ont été établis, avec des missions précises : trouver des participants supplémentaires pour atteindre le seuil critique estimé à 50 personnes (groupe communication) ; contractualiser les engagements respectifs des artistes et des récepteurs (groupe contrats) ; choisir le contenu des paniers et mettre en œuvre leur distribution (groupe distribution) ; coordonner l’ensemble de la vie associative (groupe coordination).

Au départ chaque groupe est constitué de trois à six personnes. Cependant, ces effectifs vont se réduire au fur et à mesure de l’avancée du projet. Certains membres qui se désengagent ne seront pas ou peu remplacés par des nouveaux venus.

Dans les premiers temps du projet, l’accent a été mis sur sa mise en œuvre concrète, et pour assurer une cohérence avec le fonctionnement qui se construisait, sa logique horizontale et d’implication de chacun, les chercheurs ne devaient pas avoir un rôle différent de celui des autres membres : tous s’impliquaient dans les réflexions théoriques liées au projet, tous s’impliquaient dans sa mise en œuvre pratique. En réponse à cela, deux chercheuses sont devenues membres de l’association et y ont assumé des responsabilités : trésorière et membre du groupe « coordination » pour l’une, responsable du groupe « communication » pour l’autre. Cela leur a permis de recueillir de nombreux matériaux auxquels autrement elles n’auraient pas eu accès de la même façon : participation aux réunions générales et à celles des deux groupes coordination et communication, comptes-rendus des autres réunions, échanges d’e-mails, discussions spontanées, etc.

En parallèle de ce travail direct avec l’association, des rencontres régulières entre les deux chercheurs impliquées et deux autres chercheurs plus “distants” ont favorisé la prise de recul et l’avancée des réflexions.

Au total, c’est donc sur un travail de quatre ans de présence au sein de l’association (juin 2011 – juin 2015), de recueil de matériaux et d’analyses que se fondent nos observations. Celles-ci nous amènent à distinguer trois différentes modalités d’injonction à la créativité.

Panier culture : les différentes injonctions à la créativité

Les médias : une autre injonction à la créativité : faire évènement

Pour porter à la connaissance d’un public élargi l’initiative du panier culture, un premier groupe d’artistes, avec l’association Trempolino, fait appel à plusieurs médias pour annoncer la première réunion publique qui a lieu en septembre 2011 : réseaux sociaux, mailing listes et presses locales sont mobilisées. La logique d’audience de ces médias est sollicitée dans le but de constituer un public de personnes impliquées.

C’est à ce moment que la forme du panier culture est mobilisée car elle semble la plus évocatrice pour faire comprendre l’objectif premier : construire un circuit-court de la culture sur le modèle des AMAP.

Les cinq membres du groupe communication vont se charger de trouver 50 contributeurs pour le lancement prévu en janvier 20112. Ils reprennent, entre autre, la main sur un blog ouvert par l’un des artistes (www.panierculture-nantes.fr). L’objectif est de réaliser une vitrine pour informer des réunions suivantes et des différentes rencontres à venir.

Cette vitrine sera beaucoup reprise par les autres média locaux qui souhaitent également couvrir l’évènement : PQR, magazines, radios et télévisions locales prennent le relais et s’informent, outre sur le blog, en demandant des interviews. Ils se font ainsi l’écho de l’annonce du projet en mettant en avant, non pas ses principes fondateurs, mais sa dimension innovante et de rupture en matière de pratiques culturelles.

Ouest-France, le 8 octobre 2011 titre « Une autre façon de vivre et faire vivre la culture ».

Dans Télérama, en février 2012, dans sa rubrique « La rédaction tire son chapeau » en titrant « Avec un DVD, ça sera quoi ? » pour présenter le projet.

Cette visibilité donnée au projet révèle la nécessité de le mettre en mouvement, de passer des réflexions à l’action. Ainsi, le rythme perçu par les contributeurs s’accélère. Il semble de plus en plus important de tenir l’objectif fixé de distribuer le premier panier en janvier pour ne pas perdre en crédibilité. Les discussions sur les principes et la philosophie du projet s’estompent au profit de questions opérationnelles.

L’évènement médiatique se prolonge auprès des médias nationaux (La Croix, Télérama, France Inter, Le Mouv’, TF1, etc.), en jouant toujours sur l’aspect pionnier du projet.

« Ils réinventent la culture » avec en chapeau, « Acheter ses légumes en mode participatif est courant, le faire pour un disque, un spectacle, un livre l’est moins. Clin d’œil à ses nouveaux réseaux » Plein Vie, Septembre 2013

Ainsi, malgré une forte mise en résonance du projet dans l’espace public du fait de son côté novateur, les trois mois que s’étaient accordés les initiateurs avant de distribuer le premier panier, n’ont pas suffit pour réunir 50 contributeurs. Il démarrera en avril 2012 avec trente contributeurs.

La mise en visibilité du projet par les différents médias se fait en jouant sur la logique de l’audience, de la multitude et des liens faibles pour construire l’évènement, mais ne permet pas de développer la confiance nécessaire pour s’investir et s’impliquer dans un projet où tout est encore à construire. On retrouve ici les limites d’Internet, dues aux difficultés qui tiennent notamment « à la manière dont les collectifs se forment sur Internet. Il est difficile d’y recruter un corps de citoyens engagés, concernés et partageant préalablement des valeurs communes pour participer à un débat thématique » (Cardon, 2010, p. 84), et encore moins pour s’impliquer réellement dans une démarche démocratique innovante de consommation engagée dans le domaine culturel.

On retrouve cette injonction à l’originalité des projets dans les attentes des collectivités locales. Lors d’une réunion organisée en février 2013 par des membres du panier culture en vue de constituer un « groupe d’appui », un des agents de Nantes Metropole, en charge des projets relevant de l’économie sociale et solidaire, insiste pour savoir si, à Nantes, le projet est bien inédit :

« Vous êtes biens les premiers ? Vous êtes sure qu’il n’y en a pas d’autres dans d’autres villes ? »

Si l’argument du nouveau, de l’original est une des conditions pour faire exister l’évènement dans les médias, il semble l’être également pour susciter l’intérêt et le soutien des collectivités locales.

Injonction à expérimenter pour faire société autrement

Le credo participatif apparaît comme la nouvelle injonction qui accompagne les nouvelles formes de consommations collaboratives dont les AMAP sont exemplaires et ont inspiré largement le panier culture nantais.

Au cœur du projet « panier culture » s’exprime aussi clairement cette volonté de « Faire société autrement » comme il l’est écrit dans la charte : « une autre façon de vivre et faire vivre la culture ensemble. »

Charte du PANIER CULTURE – AP3C Nantes
12 Janvier 2012
Les adhérents, artistes coopérateurs et contributeurs d’AP3C Nantes adhèrent à l’éthique culturelle suivante :
Le Panier Culture, c’est avant tout :

  • une aventure humaine et artistique partagée ;
  • des biens culturels de qualité et originaux ;
  • des contributeurs qui s’engagent pour une année ;
  • des artistes coopérateurs locaux qui s’entraident et se co-développent  dans leurs démarches professionnelles ;
  • des rencontres régulières et conviviales permettant des échanges entre artistes et contributeurs ;
  • une juste rémunération des artistes ;
  • de la diversité culturelle soutenue et revendiquée ;
  • l’autonomie et la liberté des artistes coopérateurs dans le respect des droits et de la dignité des personnes ;
  • une expérimentation d’un circuit court de la culture inscrite dans l’économie plurielle et l’économie solidaire ;
  • une démarche participative et transparente fondée sur la logique de co-construction des paniers et du dispositif ;
  • des liens de proximité et de coopération tissés entre acteurs culturels de Nantes et sa grande périphérie ;
  • une administration associative, démocratique et rigoureuse ;
  • une organisation apprenante et une responsabilité partagée d’évaluer et de partager avec ses partenaires les bonnes pratiques coopératives développées au sein d’AP3C Nantes afin notamment de permettre la pérennisation de la démarche et de faciliter l’essaimage et l’émergence d’autres circuits courts sur le territoire et au-delà ;
  • une autre façon de vivre et faire vivre la culture ensemble.

Le Panier Culture n’est pas :

  • un catalogue de biens culturels exclusivement marchands ;
  • une coopérative d’achats groupés ;
  • une offre culturelle prête à consommer et à prix compétitif ;
  • un collectif d’artistes ;
  • un casting ou un tremplin de notoriété pour les artistes.

Par ailleurs, (Bouquillion et al. 2013) s’interrogent sur les raisons et les conditions pour lesquelles la référence à la créativité devient, depuis la fin des années 1990, l’un des maîtres mots des politiques publiques et stratégies des entreprises. Ces auteurs avancent que cette injonction repose sure une triple conversion : celle de l’artiste en créateur-entrepreneur ; celle du travailleur culturel en travailleur indépendant de l’immatériel et des biens symboliques ; celle de l’usager en auto-producteur culturel.

L’offre artistique, s’est accompagnée d’une élévation générale des compétences et la diffusion est saturée. Dans l’industrie du disque, par exemple, le marché ne peut absorber toutes les offres, il y a donc beaucoup d’appelés et peu d’élus. D’autre part, les filières artistiques sont organisées de manière cloisonnée avec peu de rencontres entre artistes eux-mêmes. La première conversion s’impose à de nombreux artistes qui sont aujourd’hui, pour une grande majorité, en situation précaire et doivent diversifier leurs activités pour vivre d’une manière acceptable

Les publics de leur côté, vont sur des offres déjà existantes et ne peuvent participer à la programmation, aux choix des artistes et plus globalement entretenir des liens avec eux.

Face à cette situation deux associations nantaises, Trempolino et les Ecossolies, accompagnent les artistes dans la recherche de nouvelles façons de diffuser en direction des publics, mais aussi de travailler avec d’autres artistes, d’avoir du temps pour préparer leur production, etc.

C’est ainsi qu’est née l’idée du panier culture. Il s’agit d’un circuit-court inspiré de l’expérience des AMAP. Celles-ci sont apparues en France dans les années 2000, et sont souvent présentées comme une innovation socio-économique par sa façon de se réapproprier le travail d’« évaluation » des produits, que les consommateurs délèguent généralement à d’autres acteurs (Dubuisson-Quellier, 2008). Dans le cas des AMAP, cette délégation va en outre de pair avec une implication des consommateurs.

Dans le cas du panier culture, cette volonté de créer du lien pour expérimenter est très présente car nécessaire. En effet, le travail d’évaluation et de diffusion de l’offre culturelle va de pair avec la nécessité de ménager un espace pour des négociations sur la qualité des produits, l’organisation des distributions et des spectacles et le rôle de la culture. Ce type de circuit-court opère ainsi un déplacement de la délégation plus en amont et amène les consommateurs à s’impliquer dans le processus de production et de distribution. Mais il existe de nombreuses modalités pour mettre en œuvre ce projet. Celles-ci ne sont pas définis a priori, et c’est pourquoi, dans le projet revient souvent ce credo participatif, cette injonction à « co-créer » le modèle. Ce volet du projet est sans cesse rappeler par les artistes fondateurs.

« Nous peinons à faire comprendre aux journalistes que la proposition du PANIER CULTURE n’est pas une offre commerciale originale prête à consommer et pas vraiment une AMAP culturelle. Un des enjeux forts de notre expérimentation est de tisser des liens forts et d’inviter à s’engager dans une aventure humaine et artistique. Il s’agit d’un processus de coopération et de co-construction en rapprochement d’artistes et de contributeurs-citoyens » (mail de POL, musicien, membre fondateur, décembre 2011).

L’idée est bien de reconsidérer l’aspect démocratique des choix culturels. Ainsi, lors d’une soirée, l’association « le cinéma invisible » fait découvrir aux contributeurs les méandres de la diffusion des films et comment certains d’entre eux, pourtant considérés de qualité par ces cinéphiles, échappent au circuit de la distribution en salle. Nous devions ensuite choisir un de ces films « invisibles » à voir. Une dizaine de films nous est présentée et chacun y allait de son avis. Mais rapidement quelqu’un, peu impliqué par ailleurs dans l’association panier-culture, est intervenue pour remettre en question le processus de décision du choix collectif d’un film. Il a donc fallu discuter préalablement pour se mettre d’accord sur la façon dont on allait choisir le film à regarder ensemble.

Les espaces de rencontres que sont les réunions quasi-mensuelles et les assemblées générales, permettent aussi de négocier des réaménagements. Il a ainsi été convenu de revoir le modèle économique après la première année, car il s’avérait être un frein pour trouver de nouveaux contributeurs et exigeait trop de temps et d’investissement pour une implication bénévole. Il a été néanmoins décidé de garder le même financement pour les propositions artistiques. Dorénavant, lors d’une saison d’une durée d’un an, le collectif propose seulement trois paniers, contenant trois propositions artistiques, soit (3×45€=145€ pour l’année pour chaque contributeur). En décembre 2014, lors des discussions à propos de la troisième saison, il est convenu de conserver ce modèle économique, mais en ajoutant la possibilité d’un contrat trimestriel pour un « panier découverte » à 45€. Car plusieurs contributeurs souhaitaient offrir un panier à des proches.

L’injonction à la création artistique

Le groupe distribution rassemble les propositions des artistes et composent un panier en respectant les principes de la charte. Les biens culturels, doivent ainsi «  être de qualité et originaux ». Toutes les formes culturelles déjà bien rodées, que ce soit au niveau de la forme, ou du contenu sont ainsi écartées. Il ne s’agit pas seulement de proposer un spectacle, mais de demander aux artistes de présenter « un projet artistique ». De plus, au sein d’un même panier, les propositions doivent répondre aux objectifs de la diversité culturelle, ainsi s’y côtoient souvent un livre présenté par son auteur, un concert, et une participation avec des artistes plasticiens.

Pour favoriser les liens entre les artistes et le public, chaque panier doit contenir des biens à « co-construire ». Il est donc demandé aux artistes de trouver des modalités d’intervention qui fassent participer le public.

Ainsi, des plasticiennes ont fait réaliser une fresque, une danseuse une chorégraphie semi-improvisée autour du thème du lien, tout en étant accompagnés par un pianiste qui improvisait.


Figure 1 : Fresque co-créée par les contributeurs et La Luna, collectif de plasticiennes.
Nantes. Juin 2012

Cette injonction posée à certains artistes pour « être dans le panier » exige de nombreux échanges pour trouver le format adapté. Ainsi, quand une équipe de jeunes sérigraphes font faire aux contributeurs une affiche illustrant un spectacle également proposé dans le panier, en utilisant un procédé traditionnel, de nombreux échanges à propos du lieu, de sa capacité à recevoir plusieurs dizaines de personnes, du budget, permettent ainsi aux contributeurs/organisateurs de mieux appréhender les contraintes vécues par les artistes.

Ces espaces de co-création avec le public opèrent comme un moyen d’encastrement du social dans les différentes étapes – création, production diffusion – de la culture.

L’injonction à la création faite aux artistes, se traduit également par le fait qu’il est convenu, en vertu de la charte, de ne pas choisir un bien culturel déjà intégré dans la filière des industries culturelles. Cela est particulièrement vrai pour les disques et les livres. Les écrivains choisis sont publiés dans de petites maisons d’édition locales. Ils proposent des livres, bandes dessinées, nouvelles ou romans, aux formats souvent atypiques. Il ne s’agit en aucun cas de proposer un livre qui aurait déjà une couverture médiatique mais de découvrir des auteurs, et/ou un projet éditorial alternatif et qui tentent également cet encastrement du social dans leur projet culturel.

On retrouve la même démarche pour les CD qui sont, soit un premier CD d’une formation musicale, soit auto-produit, soit issu d’un label indépendant.

Autrement dit, l’injonction à la création faite aux artistes se traduit par la possibilité de proposer des produits culturels iconoclastes qui ne se trouvent pas leur place dans les « bacs de la FNAC» !

Par exemple, à la suite d’un concert donné aux « Transformeurs », association qui a pour objectif de sensibiliser à la création artistique issue du recyclage, un de musiciens a présenté des pochettes de disque avec des paysages en relief qu’il réalisait avec des techniques de pliage.

Au moment de la distribution des paniers, il est aussi demandé aux artistes de trouver un format original pour présenter leur bien culturel lors de la distribution des paniers. Il est demandé aux écrivains de « mettre en scène » ou du moins de rendre vivant, d’incarner leur œuvre. Cela passe par une présentation de leur travail, d’une lecture accompagnée.

Cette injonction à la créativité, incite ainsi à de nouvelles interactions entre les artistes qui se retrouvent au moment de la distribution d’un panier. Ainsi, lorsqu’un auteur présentait par la lecture quelques morceaux choisis de son livre, un violoncelliste s’est mis à improviser pour l’accompagner.

Cependant, parmi les 10 distributions des trois années étudiées, toutes n’ont pas amené leur lot d’expériences co-créatives réussies. Un collectif d’artistes qui transforment de vielles caravanes ont proposé une présentation du lieu, aussi insolite soit-il, qui a beaucoup déçu car il relevait plus de « l’animation socio-culturelle » selon la plupart des contributeurs.

Conclusion

Comment ce discours à l’injonction à la créativité, à la participation, à la contribution, à la co-création performe t-il les acteurs ?

Le premier niveau d’injonction porté par les médias et les collectivités locales, qui exige un projet novateur, va dans un premier temps inciter les premiers contributeurs à passer rapidement du discours aux actes en concrétisant le projet pour être en concordance avec les annonces médiatiques. Ensuite, l’écho produit par les différents médias va enclencher d’autres projets de même nature dans d’autres villes. Ainsi, en 2015, des « panier-culture » existent dans d’autres grandes villes : Toulouse, Rennes, Lille, etc. Ainsi, les principes et valeurs du projet traduisent un désir d’innovation sociale dans le secteur culturel qui va bien au-delà de la cinquantaine de contributeurs engagés à Nantes.

Concernant l’injonction à la créativité dans l’organisation du projet, celle-ci performe les modalités de la participation des contributeurs et des artistes dans le fonctionnement du collectif. Les membres ont déployé une grande vigilance quand au respect de la parole de chacun lors des processus de décisions et ce, pour tous les niveaux du fonctionnement du collectif : répartition des responsabilités, choix des œuvres, choix des projets artistiques. Cette injonction opère donc par une vigilance collective portée au volet démocratique de la décision au sein du projet en donnant aux contributeurs la possibilité de le questionner en permanence.

L’injonction à la créativité faite aux artistes par les contributeurs porte sur les modalités de présentation des œuvres et non sur les œuvres elles-mêmes. Elle permet à des artistes locaux de diffuser, malgré le fait d’être en dehors des standards imposés par les industries culturelles. De plus, le collectif du panier-culture n’ayant pas de lieu dédié, les artistes sont sollicités pour trouver des lieux de scènes. Et là encore, la diversité est recherchée et plusieurs types de lieux ont été sollicités : habitations privées, salles de spectacles, arrière-salles de cafés, locaux associatifs, etc. La plupart d’entre eux ont des activités et une programmation en dehors du panier qui sont présentées aux contributeurs. Le panier contribue ainsi à ouvrir leurs possibilités d’activités et de sorties culturelles.

Lors des distributions, tous les artistes d’un même panier sont présents. Cela favorise les rencontres entre artistes, et, éventuellement la possibilité de monter une création commune. Ce type de démarche s’inscrit sur le temps long des rencontres car un projet de ce type porté par un des artistes fondateur du panier est en cours pour 2016.

Toutes ces rencontres entre artistes contribuent au tissage d’une scène « off » nantaise, toute discipline artistique confondue.

En revenant sur le mouvement de la contre-culture américaine à l’origine de cette incessante injonction à la participation créative qui accompagne la diffusion d’Internet, celle-ci est issue de deux mouvements que Fred Turner observe dans l’après guerre américain (Turner, 2012). Le premier renvoie à la « critique artiste » décrite par (Boltanski et Chiapello, 1999), dont le mouvement hippie a été l’avant-garde : « C’est lui qui va favoriser la greffe du numérique, non seulement avec la jeunesse californienne, mais aussi avec les transformations du capitalisme qui se font alors jour à travers la critique de l’industrialisme fordien » (Cardon, 2012, p17). Le second mouvement renvoie à la « critique sociale » post 68 qui « cherche partout à établir des principes de justice plus égalitaire et entretiendra la plus grande méfiance à l’égard des technologies » (ibid). Aujourd’hui, dans un contexte de massification des usages d’Internet, on observe un rapprochement de ces deux mouvements : l’analyse de la mise en œuvre du « panier-culture », par les différentes injonctions créatives qu’il incorpore, serait une modalité de la convergence entre la « critique artiste » et la « critiques sociale ».

Les usages d’Internet y sont déployés au service du fonctionnement du collectif « panier-culture » (Kogan et al., 2014) qui est, in fine, bien éloigné de l’idée d’une « communauté virtuelle » véhiculée par l’imaginaire d’Internet. Néanmoins, cet imaginaire opère comme un catalyseur d’innovations sociales sans s’affranchir des contraintes temporelles et spatiales, mais au contraire, en intégrant celles imposées par toute activité en société.

Note

(1) AMAP : Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne. Ces associations se sont largement diffusées en France depuis les années 2000

Références bibliographiques

Boltanski L.; Chiapello E.; Le nouvel esprit du capitalisme, éd. Gallimard, 1999, 843p.

Bouquillion Ph., Miège, B., Moeglin P., (2013), L’industrialisation des biens symboliques. Les industries créatives en regard des industries culturelles, Grenoble, PUG.

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Cardon, D. (2012). Préface. in F.Turner « Aux sources de l’utopie numérique. De la contre-culture à la cyberculture, Stewart Brand un homme d’influence ». Trad. de l’anglais par Laurent Vannini, Caen, C&F Éd., pp11-32.

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Poirrier, P. (2006). Démocratie et culture. L’évolution du référentiel des politiques culturelles en France, 1959-2004 (version disponible sur HAL). In A. Bleton-Ruget & J.-P. Sylvestre (Éd.), La démocratie, patrimoine et projet (p. 105-129). Dijon: Editions universitaires de Dijon.

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Urfalino, P. (2011). L’invention de la politique culturelle. Paris: Pluriel.

Auteur

Anne-France Kogan

.: Anne-France Kogan est maître de conférences (HDR) en SIC à l’Ecole des Mines de Nantes et chercheure au LEMNA. Elle y enseigne et mène ses recherches sur le triptyque : modalités de diffusion du numérique – mutations des organisations – évolutions des compétences. Ce triptyque est interrogé dans la sphère professionnelle mais aussi dans le cadre des nouvelles modalités de pratiques collaboratives.