Entre innovation et séduction ? Management culturel versus management conventionnel
Résumé
En recherche de formes de management plus compatibles avec les nouvelles contraintes de créativité et d’innovation permanente, le monde du travail traditionnel s’empare des compétences « créatives » du secteur culturel et institue l’artiste créateur en modèle, non sans ambiguïté. Parallèlement, en France, le secteur culturel, en perte de repères dans son évolution, s’intéresse aux formes standards de management, non sans risques notamment vis à vis des formes spécifiques qu’il a développées par ailleurs. Nous détaillons les évolutions et les mécanismes menant à cette attirance réciproque, puis nous interprétons et clarifions les effets et risques de ces deux processus en radicalisant leurs logiques sous-jacentes.
Mots clés
Management culturel ; créativité ; management conventionnel ; innovation en management ; paradoxe ; France.
In English
Title
Between innovation and seduction? Cultural management versus conventional management
Abstract
Looking for forms of management dealing better with the new constraints of creativity and constant innovation, the world of traditional work seizes upon the « creative » skills of the cultural sector and establishes the creative artist as a model, not without ambiguity. In parallel, in France, the cultural sector, facing heavy changes, loses its bearings and shows a growing interest for standard forms of management, but not without risk for the specific forms he has developed on his side. We detail the evolutions and the mechanisms leading to this mutual attraction, and we then interpret and clarify the effects and risks associated to each processes while radicalizing the logics at work.
Keywords
Cultural Management; Creativity; Conventional Management; Innovation in Management; Paradox; France.
En Español
Título
Entre innovación y seducción? Gestión cultural versus gestión convencional
Resumen
El mundo laboral tradicional busca formas de gestión más acordes con las exigencias contemporáneas de creatividad e innovación permanente. Para ello, se apropia de competencias “creativas” del sector cultural, y erige al artista creador como modelo, no exento de ambigüedad. Paralelamente, el sector cultural en Francia vive una pérdida de referencias en su evolución. Se interesa entonces por las formas estándares de gestión, lo que contiene ciertos riesgos particularmente con respecto a las formas específicas que, por otra parte, ha desarrollado. Detallamos la evolución y los mecanismos que conducen a esta atracción mutua. Seguidamente interpretamos y aclaramos las consecuencias y riesgos de estos dos procesos, radicalizando sus lógicas subyacentes.
Palabras clave
Gestión cultural; creatividad; gestión convencional; innovación en la gestión; paradoja; Francia.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Lecoutre Marc, « Entre innovation et séduction ? Management culturel versus management conventionnel« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°16/3B, 2015, p.95 à 109, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2015/supplement-b/07-entre-innovation-et-seduction-management-culturel-versus-management-conventionnel
Introduction
La contribution s’inscrit dans un questionnement issu des sciences de gestion. Elle interroge l’appel croissant à la créativité dans les secteurs conventionnels, en rapport avec les évolutions spécifiques du secteur culturel en France. Poussé par les impératifs d’innovation auxquels il doit faire face, le secteur conventionnel s’intéresse aux pratiques du secteur culturel qui semblent avoir fait la preuve de leur efficacité. Parallèlement, le secteur culturel en France est en quête de professionnalisation et se tourne vers les formes traditionnelles de management. Les implications de ces deux mouvements ne sont pas univoques et mènent au paradoxe suivant : chacun pense trouver chez l’autre les clés de sa propre survie au risque d’une dégradation des formes d’emploi ou de management qui s’y sont historiquement construites.
Nous proposons un état des lieux de cette problématique en passant en revue les apports de la littérature variée disponible aujourd’hui, montrant les points de convergences et de divergences, et les paradoxes auxquels cela mène. D’un point de vue méthodologique il ne s’agit pas d’un travail de terrain particulier, mais d’une synthèse d’ensemble, s’appuyant sur une recension des nombreux travaux épars qui aujourd’hui jalonnent ce champ, et de ce qu’ils disent au plan théorique sur le sujet des injonctions créatives.
Rechercher des formes nouvelles de management pour anticiper ou faire face aux évolutions continues de l’environnement des entreprises ou des modes de pensée est une activité fondatrice en gestion. Ces évolutions peuvent être plus ou moins rapides et sont loin d’être linéaires. Par secteur conventionnel, nous entendons ici un secteur dont le fonctionnement est fondé sur les règles standards du corpus codifié des sciences de gestion, telles qu’elles sont apparues avec Fayol et se sont affinées parallèlement au développement des sociétés modernes et à la quête continue de rationalisation de leurs activités économiques. Ce secteur est aujourd’hui à la recherche de formes nouvelles de management compatibles avec l’injonction à la créativité qu’impose le nouveau régime d’innovation permanente auquel il doit faire face (Alter, 2000 ; Foray, 2000). La phase de créativité caractérise en effet le moment initial du processus d’innovation, lors duquel les idées apparaissent (Cohendet, 2013) et sans lequel aucune innovation ne pourrait voir le jour. Injonction à la créativité et injonction à l’innovation sont donc étroitement liées. Innover est un principe fondateur des activités économiques (Schumpeter, 1942), voire sociales (Alter, 2000 ; Klein et al, 2014). Cela devient aujourd’hui un mot d’ordre incontournable qui transforme considérablement les formes de pilotage des entreprises. En quête de modèle, celles-ci se tournent aujourd’hui vers le secteur culturel considéré comme une source d’inspiration pour le renouvellement de ces pratiques (DeFilippi et al, 2007 ; Paris, 2010 ; Lampel et al, 2000).
Parallèlement, le secteur culturel(1) en France est lui aussi à la recherche d’un nouveau souffle. Il est confronté à une phase de maturité, organisationnelle, institutionnelle et démographique (Dubois, 2013 ; Le Rendu-Lizée, 2005). Il doit de surcroît composer avec une certaine exigence de rationalisation de ses activités dans un contexte de raréfaction des ressources. Ce secteur a développé des formes de management particulières, à l’écart du corpus conventionnel des sciences de gestion, que Chiapello qualifie d’« indigènes » (1998) même si ces pratiques ne sont pas reconnues ou identifiées comme telles. Pourtant, le secteur culturel, en perte de repères, regarde avec intérêt les processus managériaux classiques qu’il maintenait jusqu’à présent à distance et qui paraissent dorénavant porteurs de qualités. Qu’en est-il des effets de ces attirances croisées entre secteur conventionnel et secteur culturel ? S’agit-il pour le premier d’une source d’innovation séduisante et pertinente au vu de son nouveau contexte, ou d’un mécanisme d’appropriation visant à légitimer des objectifs moins nobles en matière managériale ? S’agit-il pour le second d’une démarche raisonnée dans un contexte de ressources raréfiées imposant de repenser ses processus de fonctionnement, ou d’une séduction potentiellement destructrice des pratiques indigènes qui s’y sont développées ? Répondre à ces questions tel est l’objet de la présente contribution.
Nous analysons dans un premier temps le secteur conventionnel et sa recherche de modèles, inspirés du secteur culturel. Dans un second temps, nous détaillons les évolutions du secteur culturel et son intérêt réciproque pour certains aspects du management conventionnel. Nous revenons à chaque fois sur les raisons de cette attirance mutuelle, puis tentons d’interpréter et de clarifier leurs effets en radicalisant les logiques à l’œuvre pour en montrer l’ambivalence possible. Nous concluons enfin sur le paradoxe que révèle la mise en évidence de ces deux mouvements, conduisant à moduler l’engouement actuel pour l’injonction généralisée à la créativité et à proposer une observation plus systématique des pratiques de management propres au secteur culturel.
Nouvelles règles du jeu concurrentiel : les entreprises du secteur conventionnel à la recherche de nouveaux modèles
Les entreprises des secteurs conventionnels doivent faire face aujourd’hui à de nouvelles conditions d’exercice de leur activité. L’injonction à l’innovation est devenue la marque de cette nouvelle situation. Elle incite les directions d’entreprise à se tourner vers le secteur culturel, jugé de nouveau pourvoyeur de pratiques innovantes, même si ce n’est pas sans risques pour les formes traditionnelles d’emploi.
S’organiser pour innover
Pour les entreprises, les nouvelles conditions d’exercice de leur activité sont aujourd’hui bien connues (Beaumol, 2004). En radicalisant certes le point de vue, on peut considérer qu’elles diffèrent classiquement de la situation des années cinquante, marquées par la stabilité et ses corollaires : la planification, la standardisation et la répétition, l’optimisation par les coûts, l’exploitation des savoirs acquis, etc. A l’opposé on trouve l’incertitude et l’instabilité, la volatilité des marchés, la flexibilité des organisations, l’adaptation et l’innovation permanente, la création et l’apprentissage de nouvelles connaissances, la production par projet, la nécessité d’explorer au-delà de ce que l’on sait faire (March, 1991 ; Alter, 2000 ; Lazega, 2006). Au final, le contexte actuel exigerait une capacité à articuler les deux de manière optimale (O’Reilly, Tushman, 2013). Tout cela n’est pas nouveau, mais peut être brièvement rappelé.
Les organisations actuelles sont soumises à des impératifs d’innovation intensive et à des exigences accrues en matière de gestion des connaissances. L’émergence d’une économie fondée sur la connaissance est attestée depuis les années quatre-vingt-dix (Foray, 2000 ; Amin, Cohendet, 2004). Pour Foray, ce qui caractérise cette nouvelle période, c’est la généralisation des activités intensives en connaissances à tous les secteurs d’activité, en réaction à la fois à l’injonction à innover et à la transformation rapide des savoirs et technologies utilisées. Ceci modifie sensiblement les règles du jeu concurrentiel en mettant les organisations en tension et en plaçant au centre des préoccupations des entreprises leur capacité à apprendre rapidement et à générer des innovations à un rythme accéléré, et à repenser leurs formes d’organisation et de management en conséquence. Enfin, l’innovation n’est plus simplement l’apanage des services R&D ou des milieux technologiques. Elle s’étend à tous les niveaux, de l’opérateur à l’ingénieur ou au cadre. Elle concerne toutes les fonctions de l’entreprise : production, fonctions supports, management, relation-client, etc. (Alter, 2000).
L’organisation du travail se modifie aussi sensiblement. Il n’y a pas si longtemps, le secteur conventionnel se caractérisait par des postes de travail définis de façon claire, des tâches prescrites et un organigramme très formalisé. Si ces attributs sont toujours présents au moins formellement, le travail aujourd’hui se réalise dans un contexte d’autonomisation et d’incertitude croissante. L’organisation ne peut plus dire à l’avance comment le travail doit être mené, ni avec qui. L’accent n’est plus mis sur le respect de process établis en amont et hors des collectifs de travail qui le réalisent. Chacun est de plus en plus souvent confronté à des situations inédites, non prévues et doit inventer son travail en permanence (Hatchuel, Weill, 1992). Les systèmes hiérarchiques prescriptifs s’effacent progressivement, sans disparaître totalement et sont remplacés par des collaborations temporaires et non prescrites, à l’issue toujours incertaine (Benghozi et al, 2002 ; Alter, 2000 ; Lazega, 2006 ; Lallement, 2007).
Cela se traduit par des organisations qui s’aplatissent, par une circulation horizontale de l’information et par des constellations de travaux autour d’un pivot régulateur (Mintzberg, 1982 ; Aoki, 1986). La connaissance du fonctionnement de ce type d’organisations s’affine à travers la notion de communauté autonome, fondée sur des engagements collectifs forts ou sur des régulations procédurales (Cohendet, Diani, 2003). Les collaborations temporaires et non prescrites se réalisent au sein de ces communautés comme échelon intermédiaire pour assurer la coopération entre les individus. Par opposition aux modes de production standardisés, ces activités, menées sous le mode projet et en lien avec l’innovation, se généralisent (Garel, 2003 ; Lièvre et al, 2006). Elles sembleraient modifier le régime des carrières classiques et initier des carrières nomades, sans frontières (Cadin et al, 1999) ou par projet (De Verdalle, Jouvenet, 2012), comme gages d’une capacité d’innovation. Les ressources relationnelles deviennent alors cruciales pour l’action collective. C’est la cité par projet telle qu’identifiée par Boltanski et Chiapello (1999).
L’enjeu des capacités relationnelles
Le fil rouge commun à tous ces mouvements est représenté pour de nombreux auteurs par l’importance et le rôle croissant des capacités et ressources relationnelles (Lecoutre, Lièvre, 2008). Dans un monde où le travail est de moins en moins prévisible, de moins en moins prescrit (Alter, 2000), l’organisation ne dit plus à l’avance comment il doit être mené ni avec qui. Chacun est alors renvoyé à sa propre capacité à identifier les partenaires nécessaires pour réaliser son travail au mieux, et donc à générer, à entretenir et à faire évoluer son réseau relationnel. Celui-ci devient un préalable pour : réaliser son travail au quotidien (Burt, 1992 ; McPherson et al, 2001 ; Lazega, 2006 ; Lallement, 2007 ; Alter, 2009), explorer des champs nouveaux (Cohendet, Diani, 2003), stimuler la créativité (Burt, 2004 ; Perry-Smith, 2006) ou encore réussir ses projets dans des regroupements temporaires de personnes engagées dans une activité commune et à durée limitée. L’exemple du chef de projet est bien connu en sciences de gestion. Il n’est plus un manuel de management de projet qui ne mentionne la détention d’un capital social et les capacités relationnelles du chef de projet pour la réussite de ses activités (Garel, 2003 ; Lecoutre, Lièvre, 2010). L’efficience des individus est conditionnée de façon croissante à leurs pratiques relationnelles. Cela impose dans le même temps aux organisations de ne plus les ignorer, voire de les incorporer dans leurs réflexions stratégiques et organisationnelles (DeFillippi et al, 2007 ; Lazega, 2006 ; Alter, 2000), avec toute l’ambiguïté de l’intentionnalité en matière réticulaire (Boltanski, Chiapello, 1999 ; Alter, 2009). De nombreuses questions se posent à propos de la genèse de la coopération, sur la façon dont naissent et se nouent ces coopérations dans des univers incertains et nouveaux, loin des espaces usuels (Lecoutre, Lièvre 2010).
S’inspirer du secteur culturel
Où rechercher de nouvelles idées, repérer ce qui fonctionne afin d’inventer de nouveaux modèles ? Qu’il soit considéré comme laboratoire de pratiques managériales innovantes (Chiapello, 1998) ou de flexibilité créative (Menger, 2002), le secteur culturel fait de nouveau l’objet de convoitise. Les économies occidentales ont toujours su se réapproprier et tirer parti de la critique « artiste » qu’elles généraient pour réinventer les modèles leur permettant de continuer à se développer (Chiapello, 1998). Des formes de management(2) que Chiapello qualifie d’indigène (1998) s’y sont en effet développées à l’écart des méthodes de gestion traditionnelles. Quel secteur est ainsi entrainé en permanence à réinventer des prototypes, à livrer en temps et en heure des projets toujours nouveaux, à s’appuyer sur des engagements individuels et collectifs forts, à stimuler la créativité et la capacité d’innovation de ses membres, à leur procurer autant de satisfaction ?
De nombreux travaux rendent compte de cela. Le mode de fonctionnement du secteur culturel préfigure en effet des situations de plus en plus fréquentes dans le secteur conventionnel (Benghozi, Paris, 2000). Présentée comme un exemple à méditer pour des organisations plus classiques (Benghozi, Driencourt, 1990), l’organisation du travail dans la production cinématographique, avec son producteur saltimbanque et gestionnaire, est emblématique de l’industrie de prototype organisée par projets. Celle-ci réussit à articuler d’une manière pertinente d’un coté standardisation et routines organisationnelles, et de l’autre créativité (DeFillippi, Arthur, 1998). Au-delà de ce secteur, l’organisation par projets et l’industrie de prototype sont des standards du secteur culturel (Benghozi, 2006). La régulation horizontale d’équipes projets composées de manière ad-hoc et sans cesse renouvelées, et la gestion des carrières de façon autonome via l’intermittence sont des règles de base du spectacle vivant et au-delà (Menger, 2002). Ces recompositions permanentes s’appuient sur des pratiques relationnelles institutionnalisées permettant souplesse et réactivité dans les process de production, ou sur des communautés assurant fidélité et son corollaire, promesses de réengagement, comme dans le théâtre ou l’audiovisuel (Rannou, 1997 ; Paradeise, 1998). Des formes de management comme la relation d’un éditeur à ses écrivains peuvent fournir un excellent modèle de coaching (Chiapello, 1998).
L’emploi artiste comme modèle idéal du travailleur futur
D’autres travaux ont montré toute la séduction du modèle de l’emploi artiste, et par extension de l’emploi culturel. Le mythe romantique de l’artiste créateur exerce en effet une fonction performatrice (Béra, Lamy, 2003, p. 104-107) et génère un modèle vocationnel se diffusant par cercles concentriques à l’ensemble des emplois du secteur culturel. Entrer dans ce secteur a toujours été porté par la recherche de satisfactions symboliques plus que matérielles, c’est le principe de l’engagement vocationnel (Béra, Lamy, 2003 ; Dubois, 2013) ou des bénéfices non monétaires de la vie d’artiste selon Menger (2002). Chacun vit son engagement comme un don participant à l’acte créateur, ceci expliquant les sacrifices consentis. Ce phénomène est accentué par le développement rapide des trajectoires professionnelles des artistes, techniciens, administratifs, circulant d’un champ culturel à un autre (Menger, 1997). Il semble que ce modèle ne soit plus aujourd’hui l’apanage du seul secteur culturel. L’emploi artiste peut en effet être analysé comme le modèle de l’emploi expressif, autonome, intermittent, créatif, source d’accomplissement et offrant les plus grandes satisfactions (Menger, 2002 ; 2009). Ce sont des motifs puissants, au fondement de « l’enchantement idéologique » du travail artiste (Menger, 2002, p. 52). Selon les critères définissant la satisfaction et l’engagement au travail, ces professions correspondent au prototype de l’emploi socialement prestigieux, situé au sommet de l’échelle des professions : nature et variété des tâches, mise en valeur de toutes les compétences individuelles, sentiment de responsabilité, considération, reconnaissance du mérite individuel, conditions de travail, rôle de la compétence technique pour l’exercice hiérarchique, degré d’autonomie, formes des relations avec les supérieurs et collègues, prestige social de ceux qui réussissent. L’exercice d’une activité se réalise ici pour elle-même, en tant que « passion », plutôt que par intérêt matériel, et ces critères qualifient l’employé idéal, recherché par les employeurs aujourd’hui.
Les risques de la séduction
On peut s’interroger sur le sens possible de l’attrait envers ces pratiques séduisantes, certes potentiellement fécondes, mais pas tout à fait anodines. Du point de vue des salariés, il est difficile de ne pas adhérer à un modèle d’emploi aussi enrichissant, réalisateur de soi, et procurant autant de satisfactions ; et du point de vue des employeurs, la capacité d’agir en toute autonomie et en intégrant les buts de l’entreprise sont tout aussi intéressants. Mais cela comporte des risques. Selon Menger, si l’incertain est le moteur de la créativité et de l’innovation, il est aussi la source d’inégalités de réputations fondées sur des compétences difficilement mesurables (donc évaluables) et de l’exposition potentielle et inégalitaire à une précarisation sans assurance sur la sécurité du parcours individuel. De même pour Boltanski et Chiapello (1999), un nouveau mode de fonctionnement se met en place à travers la cité par projet, qualifié de connexionniste, organisé en réseau, mobile, flexible, avec des salariés créatifs et tellement autonomes qu’ils produisent leur propre autocontrôle. D’un coté, des emplois qui font miroiter autonomie, responsabilisation, accomplissement, prestige et satisfaction ; de l’autre, une indépendance, une individualisation extrême, une flexibilisation poussée et sans contrepartie autre que des récompenses symboliques, faisant de l’individu son propre superviseur, son propre « bourreau ». L’emploi artiste serait alors le parangon du modèle néolibéral, hyperflexible rendant chaque individu responsable autant de son autonomie et de ses compétences créatives, que des risques encourus lorsque le succès ou la reconnaissance ne sont pas au rendez-vous.
Les limites mêmes du modèle idéologique de la gestion individualisée des risques contractuels peuvent être observées au niveau organisationnel. Selon Courpasson (2000), l’individualisation, l’autonomie et la décentralisation revendiquées dans les organisations sont porteuses d’éclatement. Elles ne pourraient se réaliser sans une centralisation poussée et une gouvernance autoritaire, mises en place en parallèle, par les entreprises afin de faire tenir ensemble la « communauté individualiste » (individualistic community) qui les caractérise. Alors même que le modèle de l’autonomie est mis en avant, le modèle artiste transposé dans les organisations actuelles ne serait donc qu’un miroir aux alouettes permettant de faire accepter cette domination douce produite par des organisations certes flexibilisées mais par ailleurs très recentralisées et contraignantes.
Professionnalisation et maturité dans le secteur culturel en France
Le secteur culturel en France a subi des évolutions fortes depuis les années quatre-vingt et s’institutionnalise de façon croissante. Il en résulte que, malgré sa méfiance historique à l’égard des formes canoniques de la gestion, il devient aujourd’hui sensible aux attraits de ces dispositifs gestionnaires classiques développés dans le secteur conventionnel, et cela tout en ignorant en partie ses propres formes indigènes de management qui font pourtant sa spécificité. Ainsi, les organisations culturelles en France sont aujourd’hui confrontées à des enjeux majeurs transformant profondément leur mode de gestion, pour au moins deux raisons.
Des transformations conséquentes
Premier point, ce secteur s’est fortement structuré et professionnalisé ces dernières années. Comme dans toute organisation sociale de profession (Dubar, Tripier, 1998), certains indicateurs sont révélateurs de cela :
- Le développement d’organismes régulateurs ou de soutien pour tenter une couverture de tous les champs, comme par exemple : commission paritaire du spectacle vivant (CPNESV, 1993) ; fédération de salles de musique (Fédurock, 1993, devenue récemment Fedelima) ; organismes de soutien (CNV, centre national des variétés, 1986)…
- L’exemple le plus frappant est sans doute celui du champ de la formation. Traditionnellement, les métiers de ce secteur étaient appris sur le tas. Depuis une trentaine d’années, nombre d’entre eux ont été reconnus par des diplômes nationaux (des CAP aux Bac pro ou BTS, techniques ou artistes), tandis que de nombreuses écoles auparavant portées par des professionnels ont été incorporées dans le système de l’Éducation Nationale (ENS Louis Lumière ; Femis, 1986, ex IDHEC ; etc.).
- L’apparition systématique dans les organigrammes des organisations culturelles de salariés assurant des fonctions d’administration, de gestion, de management ou de médiation culturels. Les tâches de promotion et de présentation de la création artistique jusqu’à présent prises en charge par les artistes eux-mêmes (metteurs en scène, musiciens…) incombent dorénavant à des gestionnaires, des managers, des ingénieurs ou des médiateurs culturels (Dubois, 2013).
- La mutation des formes de financement : l’argent public se fait rare et son mode de distribution se transforme. Il bascule d’une logique de subvention à l’organisation vers une logique d’affectation contractuelle de ressources à des projets dont les objectifs sont soumis à négociation (Chabrillat, 2007). Ceci entraine une hybridation croissante des ressources via la sollicitation de financeurs privés (mécénat) et la recherche de rationalisation.
L’essoufflement du modèle vocationnel
Second point, un élément marque la vie du secteur, dans le spectacle vivant certes, mais bien au-delà aussi. L’arrivée à maturité des générations entrées en nombre dans les années 1986-2000 suscite une sorte de désenchantement du métier d’artiste et une demande croissante de gestion de la part des salariés. Le processus a débuté dans les années 1985-1986 (3) avec l’ouverture des financements aux industries culturelles et l’explosion du nombre de personnes qui y travaillent (tableaux 1 et 2 ci-dessous). Cela se traduit par une forte augmentation de la masse de travail, et par une augmentation encore plus forte du nombre de personnes se la partageant, entrainant une paupérisation relative pour une grande partie des artistes ou intermittents (y compris techniques). Mais l’entrée dans le secteur se fait alors massivement sur le mode de la vocation, tel qu’évoquée plus haut, assurant un engagement fort dans ces activités.
Tableau 1. Source Menger (2002)
Tableau 2. Evolution du travail intermittent 1987–2003
(DEPS/Ministère de la Culture, 2006)
Ce modèle vocationnel semble cependant s’essouffler aujourd’hui, à la suite de l’arrivée à un âge mature des générations entrées au début du boom. Dans des organisations où la GRH et les process de gestion étaient peu formalisés, des questions surgissent du coté des salariés comme des employeurs ou des personnels encadrants. Elles concernent les désirs explicites de « carrière » (salaires, retraite) et de formation (concurrence des nouveaux entrants diplômés, demande de formation continue de rattrapage, validation a posteriori des places occupées). Les engagements du début ne suffisent plus, une certaine désillusion s’installe entre revendication d’autonomie et désir de sécurité matérielle (Grégoire, 2009). L’essoufflement du modèle vocationnel se traduit aussi par un désir de plus de règles « de sécurité », de garanties à moyen et long terme, révélant un rapport ambigu vis-à-vis du mythe fondateur de l’artiste libre et autonome. Pour les encadrants, les ressorts de la motivation et de l’engagement au travail, du rapport aux temps de travail peu conventionnels (soirs, week-ends) se modifient. Les réorganisations ne sont plus taboues, et sont mises en rapport avec des essais de rationalisation et de compression des coûts. Tout ceci impose alors de repenser les modes d’organisation et la gestion des personnes, pris autant individuellement (qu’en est-il des carrières que chacun anticipe ?), que collectivement (comment combiner meilleure organisation et préservation des engagements collectifs ?).
Un intérêt récent et périlleux pour les pratiques standardisées de gestion
Les entreprises artistiques et culturelles prennent conscience qu’elles sont des organisations, certes avec des finalités propres, mais pouvant rechercher du coté du management conventionnel une efficacité accrue pour atteindre leurs objectifs. D’un coté, le désenchantement pour les métiers artiste et culturel implique de nouvelles attentes en matière de GRH de la part des individus, dont l’engagement et la bonne volonté ne suffisent plus à assurer le bon fonctionnement des structures. De l’autre, ceci se combine avec une raréfaction des ressources et des tentatives de rationalisation qui incitent à miser sur des compétences techniques et organisationnelles issues du management classique, même si c’est parfois à contrecœur. La distance à l’égard des méthodes traditionnelles de gestion (Chiapello, 1997 ; 1998) est pourtant toujours là. Mais la tentation de chercher des solutions du coté du secteur conventionnel se fait malgré tout, par exemple en gestion financière (Chabrillat, 2007), en GRH (Chiapello, 1998), en marketing (Agid, Tarondeau, 2003 ; Filser, 2005)…
Les acteurs du secteur culturel eux-mêmes se projettent dans une évolution qu’ils considèrent comme devant concerner l’ensemble de leur secteur, une tendance de fond qui les amène à identifier l’artiste à un entrepreneur, et à en valoriser l’image. Emblématique de ce mouvement, un ouvrage collectif, intitulé L’artiste un entrepreneur ?(4) vise ainsi à défendre l’idée que l’artiste peut tout à fait être assimilé à un entrepreneur avec sa panoplie d’outils correspondante. L’artiste y est défini ainsi : « Travailleur au projet, créateur de son propre emploi, chef d’équipe quand il doit réunir autour de lui des collaborateurs aux talents divers, agent de son propre succès commercial ou médiatique, inventeur de structures nouvelles (…) » (Collectif SmartBe, 2011, p. 12). Dans un parallèle saisissant, toutes les activités de l’artiste créateur et des travailleurs et collaborateurs engagés dans la réalisation de celles-ci sont concernées, plaçant de plein pied le monde artiste dans le monde de l’entreprise conventionnelle(5).
Ce mouvement n’est cependant pas exempt de dangers. L’examen des méthodes issues de la gestion classique est en soi défendable et le secteur nécessite sans nul doute de repenser ses outils et de s’équiper plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Mais le pouvoir structurant des méthodes de gestion classique est considérable et surtout porteur d’une légitimité extrêmement puissante, car elle est soutenue par une science. L’importation et la généralisation de ces méthodes classiques comportent des risques déjà identifiés (Paris, 2010). D’un coté, les spécialistes de la gestion trouvent ici un nouveau champ pour déployer après des années de résistance les différentes panoplies élaborées au fil des ans, quelle que soit l’école de pensée dont chacun se revendique. De l’autre, les responsables du secteur culturel autrefois incrédules, apparaissent parfois fascinés par l’apparente rigueur de l’appareillage gestionnaire et pourraient céder facilement aux sirènes de cette nouveauté, en ignorant (sans le savoir ?) les formes indigènes au développement desquelles ils ont contribué. Leur application directe, sans nuance, et sans reconnaissance des pratiques préexistantes propres au secteur courrait le risque de détruire celles-ci à plus ou moins court terme tant la pression est forte pour l’apport de nouveautés. Et leur disparition ferait perdre paradoxalement la principale source d’énergie de ce secteur, à savoir cet engagement vocationnel essentiel pour son fonctionnement.
Conclusion : une attirance paradoxale
Nous pouvons maintenant synthétiser les principales évolutions que nous avons repérées à partir de la littérature scientifique aussi bien en gestion qu’en sociologie. Nous avons rendu compte de deux mouvements se produisant parallèlement dans les secteurs conventionnel et culturel. Chacun de ces mouvements est ambivalent : ils offrent des perspectives intéressantes en proposant des réponses à des évolutions lourdes, tout en incluant chacun sa part de risques. Ainsi, en radicalisant leurs logiques, l’identification de ces deux mouvements nous révèle finalement un paradoxe. Tout d’abord, le secteur conventionnel est confronté à des transformations fortes affectant la définition et l’organisation du travail en réponse à la généralisation d’une économie de l’innovation. Celui-ci cherche alors à s’éloigner du modèle de la grande industrie standardisée. L’emploi artistique et culturel, avec ses formes correspondantes de management indigène, est alors identifié comme une ressource possible, pertinente et bien sûr très valorisante. Mais l’idéalisation de ce modèle d’emploi autonome, très flexible, intermittent, source d’accomplissement, etc. emporte avec lui le risque non négligeable d’un accaparement de ces critères au profit d’un « néo-managérialisme » survalorisant le modèle du travail expressif comme système idéologique pour mieux justifier les nouvelles formes d’exploitation et d’injonction à la productivité (Boltanski, Chiapello, 1999). Ensuite, le secteur culturel en France est certes en professionnalisation croissante, mais il est parallèlement à la recherche d’un nouveau souffle dans la gestion des organisations et des individus tout en étant confronté à la raréfaction de ses ressources. Les règles de gestion du secteur conventionnel, ignorées jusqu’à présent, semblent alors parées des vertus les plus nobles, car déjà éprouvées et en apparence rassurantes. Il est certes difficile d’ignorer leur intérêt comme une ressource possible. Mais le risque devient alors celui de l’importation sans négociation, sans appropriation possible, « insensée » selon de Gaulejac (2005), d’une logique calculatoire à même de détruire les formes indigènes de management et les capacités d’innovation qui lui sont propres. Le paradoxe, l’ironie de ce double mouvement, est qu’au moment même où le secteur culturel recherche des solutions dans les méthodes du secteur classique, celui-ci ferait tant d’efforts pour s’inspirer de son côté du modèle du secteur culturel en développant des formes d’engagement spécifiques qui semblent tellement lui faire défaut.
Quelles tendances vont l’emporter ? Une injonction généralisée à la créativité dans le secteur conventionnel, ou du moins une partie de celui-ci ? C’est ce que pourrait laisser croire le développement rapide des notions de « ville créative » et d’« économie créative » (Burger-Helmchen, 2013). Nous ne prétendons pas avoir fait le tour de la question et il est difficile de se lancer dans un exercice de prospective qui serait hasardeux. Les paradoxes sont une part essentielle du fonctionnement des organisations et des systèmes sociaux. Ils constituent une source féconde (Poole, Van de Ven, 1989 ; Perret, Josserand, 2003), voire une condition de leur renouvellement (Barel, 1989). Si toute organisation vit en permanence un conflit dialectique entre universalisation et spécialisation, l’articulation à venir entre les deux mouvements présentés ici résultera des capacités stratégiques des différents groupes d’acteurs intéressés et porteurs de ces dynamiques.
Pourrait-il y avoir une dissolution des frontières entre secteur culturel et secteur conventionnel à partir d’une diffusion sans nuance des formes canoniques de la gestion propres à une économie standard ? Il est certes facile d’imaginer la fragilité des formes indigènes de management du secteur culturel, comme on l’a vu plus haut. Cependant, les capacités d’innovation des acteurs du secteur culturel sont réelles, y compris en matière managériale. Un travail récent d’identification et de mise à jour de telles innovations managériales le montre. Dans le cas présenté par Chabrillat et alii (2015), le directeur d’une salle de spectacle (scène de musique actuelle) est soumis à une nouvelle règle publique plus contraignante lui faisant anticiper une baisse substantielle de son niveau de financement public. Faisant preuve de créativité donc (et sans injonction), il a été capable d’inventer un nouvel outil de gestion en dehors des logiques de gestion conventionnelle, lui permettant de maintenir ce niveau de financement public. La construction de cet outil a été entièrement guidée par la volonté explicite de respecter son système de valeur (indigène) : ne pas augmenter le prix de vente des places. La logique gestionnaire standard suggérée -et attendue- par le financeur public aurait voulu que cette baisse de ressource pèse sur le public fréquentant la salle, ce que son directeur a in fine réussi à éviter. Les acteurs sont capables d’inventer de nouvelles manières de faire sans subir passivement les évolutions, ni sacrifier leur style de management et encore moins leur système de valeur (Daigle, Rouleau, 2010).
Dans la continuité de ce travail réflexif sur les parallèles entre secteur culturel et secteur conventionnel, nous défendons le projet d’un travail d’observation de ces innovations, dont la recherche ayant mené à cet exemple est un premier pas. Ce programme consiste à identifier et rendre compte des savoirs pratiques de management indigènes inventés jour après jour par des acteurs du secteur culturel. Dans le travail que nous avons entamé (Chabrillat et al, 2015), trois autres innovations, outre celle présentée ci-dessus au plan budgétaire et comptable, ont d’ores et déjà été identifiées dans des domaines aussi divers que la GRH (définition des grilles salariales, constitution de « fiches de postes ») ou l’élaboration stratégique (modèle économique). D’autres pistes pourraient être envisagées, par exemple dans les usages du réseau relationnel comme forme de régulation de l’urgence et d’initiation de la coopération. Ce travail d’observation, déjà amorcé par Chiapello (1998) et par Paris (2010), s’inscrit pour notre part dans les approches d’ethnographie organisationnelle telles que défendues par Van Maanen (2006). Sa finalité serait de matérialiser concrètement le maintien d’une diversité des approches en matière de gestion c’est-à-dire défendre ces pratiques indigènes et leur contribution au renouvellement des formes conventionnelles.
Notes
(1) Dans la mesure où notre propos porte sur les formes de management de l’action collective, nous considérons que la caractéristique générique de ce secteur est qu’il est organisé autour d’un mode de production spécifique, l’industrie de prototype, initié par un acte créatif qui occupe une place centrale dans le processus. Nous retenons donc la composition proposée par Busson et Evrard (2013) : patrimoine, spectacle vivant, industrie du livre, industrie de la musique, cinéma, télévision et jeux vidéo.
(2) En accord avec Chiapello (1998), nous considérons que dès lors qu’une action collective s’organise autour d’un but et quelle que soit la nature des contraintes auxquelles elle doit faire face, des formes de pilotage et de régulation, donc de management, se mettent en place, et ceci quels que soient leurs degrés de formalisation (Friedberg, 1993), et cela même si ces pratiques ne sont pas reconnues ou identifiées comme telles.
(3) Faisant suite à l’annonce faite par F. Mitterrand à Avignon, le 13 février 1983 : « Les industries de la culture sont les industries de l’avenir. Industries de la communication ou industries du savoir, industries de programme ou industries de loisir, nous pensons, j’y insiste, qu’investir dans la culture, c’est investir dans l’économie, que c’est du même coup dégager l’avenir et contribuer de la sorte à rendre à la vie tout son sens »
(4) Edité par SmartBe, association professionnelle des métiers de la création (Bruxelles).
(5) L’une des définitions de l’artiste retenue par Menger dans son analyse critique de 2005 (Portrait de l’artiste en travailleur) est aussi révélatrice de cela : celle de l »entrepreneur de soi« . Dans la même veine, on peut aussi se référer au discours prononcé le 25 juin 2014 par Aurélie Filippetti, ministre de le Culture et de la Communication à l’époque, lors de la remise du rapport de Steven Hearn « Sur le développement de l’entrepreneuriat dans le secteur culturel en France », voire au rapport lui-même.
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Auteur
Marc Lecoutre
.: Marc Lecoutre est professeur ESC Clermont Auvergne et chercheur CRCGM EA3849 / LISE UMR3320. Ses recherches portent sur les dimensions relationnelles de l’action collective et du pilotage des organisations, et sur les formes de management innovantes propres aux industries culturelles et créatives.