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Régulation des pratiques amateurs et accompagnement de la professionnalisation : la stratégie de YouTube dans la course aux contenus exclusifs

20 Déc, 2015

Résumé

Face à un environnement économique en pleine mutation, YouTube, héraut du « Web collaboratif » et de la production de contenus réalisée par des usagers, est en train de modifier partiellement sa stratégie. Si le site continue de proposer une multitude de vidéos réalisées hors de toutes considérations commerciales, la firme cherche désormais à maximiser la valorisation des productions en amateur les plus plébiscitées. Pour ce faire, elle a mis en place une régulation spécifique qui résulte de la conjonction de trois moyens : la définition et l’application de normes socio-esthétiques, le design et l’architecture technique du site, des discours d’accompagnement censément performatifs. Il s’agit ainsi de favoriser la professionnalisation d’amateurs « prometteurs », c’est-à-dire renforcer leur productivité comme la marchandisation de leurs contenus.

Mots clés

YouTube, « Web collaboratif », User-Generated Contents (UGC), Digital Labor, régulation, marchandisation.

In English

Title

Regulation of amateur practices and professional coaching: YouTube’s strategy in the race for exclusive contents

Abstract

Confronted to a fast-changing economic environment, YouTube, one of the biggest user generated contents platforms, is modifying partially its strategy. If the site keeps on broadcasting a large number of videos made without any commercial concerns, the Californian firm is currently seeking to maximize the valuation of the most acclaimed amateur productions. In this perspective, the firm has set up a specific regulation that results from the combination of three elements: the definition and implementation of socio-aesthetic standards, the design and technical architecture of the site, various speeches produced by the firm in order to support and legitimate its policy. The aim is to promote the professionalization of « promising » amateurs, by enhancing their productivity and the commodification of their contents.

Keywords

YouTube, “Web 2.0”, User-Generated Contents (UGC), Digital Labor, regulation, commodification.

En Español

Título

La regulación de las prácticas de los aficionados y el acompañamiento de la profesionalización: la estrategia de YouTube en la carrera a los contenidos exclusivos

Resumen

Frente a un entorno económico en rápida evolución, YouTube, una de las mayores plataformas del “Web 2.0” y de la difusión de contenidos realizados por los usuarios, está modificando parcialmente su estrategia. Si el sitio sigue proponiendo una multitud de vídeos realizados sin ninguna consideración comercial, la empresa está tratando de maximizar la valorización de las producciones de los aficionados más aclamados. Para hacerlo, se ha establecido una regulación específica que resulta de la combinación de tres elementos: la definición y la aplicación de normas socio-estéticas, el diseño y la arquitectura técnica del sitio, los discursos de acompañamiento. Se trata así de favorecer la profesionalización de los aficionados « prometedores », es decir reforzar su productividad y la mercantilización de sus videos.

Palabras clave

YouTube, “Web 2.0”, User-Generated Contents (UGC), Digital Labor, regulación, mercantilización.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Bullich Vincent, « Régulation des pratiques amateurs et accompagnement de la professionnalisation : la stratégie de YouTube dans la course aux contenus exclusifs« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°16/3B, , p.27 à 42, consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2015/supplement-b/02-regulation-des-pratiques-amateurs-et-accompagnement-de-la-professionnalisation-la-strategie-de-youtube-dans-la-course-aux-contenus-exclusifs

Introduction

Parangon du « web collaboratif », YouTube a très tôt scindé la communauté des analystes en deux camps irréconciliables. Pour les uns, la plate-forme constitue un puissant outil conduisant vers une « culture participative » (Jenkins, 2006) qui consacrerait l’amateur (Flichy, 2010) dans une nouvelle « économie hybride » (Lessig, 2008). A l’inverse, elle apparaît comme un avatar d’un « système productif en mutation » (Bouquillion, Matthews, 2010) à même de désormais valoriser l’expression de la « médiocrité égotiste » (Keen, 2007), accentuant, ce faisant, la marchandisation des audiences et l’industrialisation du travail non payé (Hesmondhalgh, 2010) pour les autres. Malgré l’antagonisme de leurs résultats, les études des auteurs cités ci-dessus s’accordent sur le rôle capital de l’internaute en tant que producteur de contenus dans la réussite de l’entreprise. Dans le prolongement de cette assertion, d’autres travaux ont montré comment le site donnait une visibilité inédite à une « créativité vernaculaire » (Burgess, 2006) et comment se définissaient en son sein des normes tout à la fois sociales, techniques et esthétiques (Müller, 2009) permettant l’émergence « d’une créativité située » (Potts et alii, 2008) se manifestant dans les contenus non professionnels (User-Generated Contents – UGC) disponibles sur le site. Cependant, ainsi que le souligne un troisième ensemble de travaux, ces contenus sont, d’une part, le fait d’une très infime minorité d’utilisateurs (Van Djick, 2009) et, d’autre part, nettement moins consultés que les contenus produits par les industries du cinéma et de l’audiovisuel (Andrejevitch, 2009). De plus, le rachat de YouTube par Google a favorisé un changement de stratégie de la part de l’entreprise : les objectifs de rentabilité imposés par la maison mère l’ont conduite à renforcer les partenariats avec des fournisseurs de contenus à même de satisfaire les exigences des annonceurs, ceux-ci se montrant en effet généralement réticents à s’associer à des contenus non professionnels potentiellement de mauvaise qualité et parfois jugés immoraux ou en infraction avec le droit de propriété artistique (Mc Donald, 2009). Cette tendance est d’autant plus marquée que l’entreprise doit désormais faire face à la concurrence d’autres plates-formes de vidéos over-the-top (e.g. le site Hulu – voir Kim, 2012 – ou Facebook qui dispose de son propre service d’hébergement de vidéos en pleine croissance). L’enjeu est donc de disposer de contenus qui soient à la fois formatés pour la publicité et, si possible, exclusifs.

Dans cette perspective, YouTube a développé trois stratégies : la première consiste en la mise en place de partenariats étroits avec des fournisseurs de contenus professionnels et est illustrée, notamment, par Vevo, chaîne musicale du site principalement financée par des majors phonographiques ; la seconde porte sur l’investissement direct dans la production de contenus originaux (plus de 100 millions de dollars auraient été investis dans des courts métrages, séries télévisées et émissions depuis 2012) ; la troisième – qui retient ici notre attention – s’inscrit dans le prolongement de la « vocation » initiale du site et consiste en l’encadrement de la production des contenus non (originellement) professionnels. C’est précisément cet encadrement qui fait l’objet du présent texte et que nous abordons comme une forme de régulation, régulation comprise comme à la fois l’action de « faire des règles » (Reynaud, 2004) et l’ajustement d’une pluralité d’actions éparses en fonction de ces mêmes règles (Canguilhem, 1995). Pour le dire autrement : production d’un principe organisateur et mise en conformité avec celui-ci. La régulation des UGC résulte de la conjonction de trois moyens : des normes d’action, une architecture technique et des discours d’accompagnement (également normatifs). Cette conjonction, que nous qualifierons de « dispositif » en raison de l’hétérogénéité de ses éléments ainsi que de leur commune finalité de contrôle(1), vise donc, d’une part, au développement – tant quantitatif que qualitatif – des productions à visée professionnelle afin d’attirer et conserver des audiences et, d’autre part, à leur mise en compatibilité avec les exigences des annonceurs.

Cette proposition qui constitue le fil rouge de l’article s’appuie sur une enquête menée de septembre 2013 à avril 2014 et s’inscrivant dans une recherche de plus grande ampleur portant sur les différents systèmes de TV connectées et le « modèle de plates-formes » (Bullich, Guignard, 2014 a & b). L’enquête s’est concentrée sur les multiples lieux d’énonciation que présente la plate-forme YouTube et a consisté, concomitamment, en l’élaboration d’une monographie de la firme californienne à partir de données recueillies principalement dans la presse spécialisée en économie et technologies numériques. Il s’agissait moins de mener une analyse sémio-discursive du site que d’appréhender, dans une perspective d’économie politique de la communication, les stratégies de la firme en articulant deux focales : la première – macro – se centrant sur les acteurs industriels ainsi que sur leur environnement économique et légal ; la seconde – micro – reposant sur les outils que la plate-forme propose aux internautes désireux de « monétiser » leurs productions audiovisuelles. En outre, bien que nous nous soyons concentrés sur la production d’UGC à visée professionnelle (i. e. contenus réalisés dans une perspective de rémunération pérenne), il ne s’agissait pas non plus d’adopter une démarche inspirée de la sociologie des professions. Pour cette raison, nous avons volontairement renoncé à une étude approfondie des pratiques des internautes, privilégiant l’identification des modalités de soutien technique que propose la firme californienne et l’analyse du cadre idéel qu’elle construit, cadre au sein duquel ces pratiques se déploient. Au final, notre démarche a ainsi cherché à éclairer une partie des enjeux en termes de travail et de rapports de production que révèle ce nouveau modèle d’organisation industrielle que sont les plates-formes d’UGC. Nous développerons ces points dans les quatrième et dernière parties de cet article. Nous exposerons, au préalable, les aspects saillants du dispositif de YouTube en envisageant, premièrement, les modalités de productions des normes d’actions mises en avant par la firme californienne, deuxièmement, les formes de contraintes et d’habilitations induites par le design et l’architecture technique de la plate-forme et, troisièmement, le cadre idéel promu par les discours des gestionnaires de celle-ci. En conclusion, nous reviendrons brièvement sur la portée d’une telle stratégie et les propositions formulées au cours de l’article.

La co-production de normes d’action

Les responsables de la firme californienne se sont initialement appuyés sur deux catégories d’utilisateurs – très minoritaires mais très actifs (Van Djick, 2009) – pour la production et la diffusion de normes d’action en vigueur sur la plate-forme. Les premiers sont les auteurs de vidéoblogues (« vloggers ») les plus assidus qui vont rapidement définir un ensemble de conventions tout à la fois esthétiques, sociales et communicationnelles influencées tant par les clips vidéos musicaux (durée réduite), le « stand-up » (plan fixes, type de sujets abordés et ton) que par les blogs (adresse directe au spectateur, régularité de diffusion), par les forums (commentaires en continu et recherche d’interaction directe) ou par les classements/palmarès médiatiques (influence décisive des « 10 most »). Les seconds sont les « techniciens » (c’est-à-dire des producteurs de contenus focalisés sur les aspects formels de ceux-ci) dont les plus actifs vont non seulement définir les canons audiovisuels des UGC accessibles depuis la plate-forme, mais, en outre, fournir un ensemble de conseils en proposantdes tutoriels techniques largement consultés, voire une assistance personnalisée via le forum (Müller, 2009). Emergent ainsi, initialement de façon endogène, non concertée et non coordonnée, les caractéristiques qui font que, selon G. Lovink (2008), YouTube constitue un média à part entière, puisqu’articulant une technique, des contenus et pratiques spécifiques.

A partir de 2007, la société étend le « programme de partenariat » des utilisateurs professionnels aux amateurs « stars » et cherche par ce biais à leur offrir un soutien principalement technique (tant au niveau de leurs productions que de la mise en visibilité et de la valorisation de celles-ci) d’autant, qu’à partir de cette époque, les caractéristiques formelles de certains contenus de la plate-forme commencent à s’imposer auprès des professionnels du marketing et de la télévision (Jakobbson, 2010). Par la suite, les outils de publicisation des normes d’action de la plate-forme se multiplient dans une logique de professionnalisation croissante :

  • Le « Guide du Créateur » présente ainsi les principes de fonctionnement de la plate-forme dans une didactique proche de celle des recettes de cuisine (niveau de difficulté, temps nécessaire, équipement requis, effets escomptés, etc.) et abondamment illustrée à partir de pratiques effectives d’internautes (qui sont eux-mêmes généralement des professionnels).
  • Le « Club Créa » constitue le prolongement du « Guide » en direction des internautes souhaitant se professionnaliser et met à disposition des tutoriels dits avancés, il offre la possibilité de participer à des ateliers et cours en ligne, fournit un ensemble de ressources informatiques permettant d’évaluer et de gérer les « performances » de sa chaîne personnelle ainsi qu’une assistance via un centre d’aide et un forum dédié.  
  • Des blogs, destinés à chaque catégorie d’utilisateurs professionnels ou désireux de l’être (« créateurs », informaticiens, éditeurs, publicitaires), recensent en temps réel toutes les informations en provenance de la plate-forme et susceptibles de leur être pertinentes.
  • Les « YouTube Spaces », lieux d’enseignement et de production présents sur les continents où la firme est le mieux implantée (Amérique du Nord et du Sud, Europe, Asie), représentent le « sommet de la pyramide » puisqu’ils sont à destination exclusive des internautes sélectionnés par la plate-forme (sur demande de leur part et après évaluation de la qualité de leurs productions et examen du nombre de visionnages) ; le programme a été amorcé en 2011 avec la création du « YouTube Next Lab ». Cette division avait pour objet de sélectionner et d’assister des producteurs de contenus dans la promotion de leur chaîne. Une série de cours a ainsi été mise en place et dispensée par des « coachs » en marketing, spécialistes des médias et de l’Internet, afin d’aider les utilisateurs de la plate-forme à produire de « l’attention », de la « visibilité » et du « trafic » sur leur chaîne grâce à notamment des techniques de synergie multi-médiatique. En 2012, la firme californienne généralise cette expérimentation en créant les « YouTube Spaces ». Ceux-ci proposent des programmes intensifs de formation via des ateliers pratiques, des cours ainsi que des conférences, et mettent à disposition des équipements haut de gamme ainsi que l’assistance d’experts dans un but explicite de pérennisation de l’activité professionnelle des internautes.

Pour chaque outil, les normes énoncées concernent tout à la fois :

  • la réalisation (production et postproduction) : conseils techniques, esthétiques et éditoriaux (durée optimale des vidéos pour retenir l’attention des internautes, choix des sujets, édition des métadonnées, etc.)
  • la programmation de sa propre chaîne : calendrier de diffusion, construction des listes de diffusion, techniques de promotion, suivi des audiences, etc.
  • la gestion de l’activité professionnelle : édition des droits de propriété intellectuelle, adéquation des formats publicitaires aux formats des contenus, modalités de contrôle de gestion et de suivi de la production.

Ainsi l’ensemble des activités relatives à ce que l’on pourrait nommer la « proto-filière » est-il abordé par les gestionnaires de la plate-forme.

Deux aspects ont particulièrement retenu notre attention. Le premier concerne un phénomène que nous qualifierons de « dépendance au chemin » observable dans les pratiques liées à l’utilisation du site. Certaines normes d’actions socio-esthétiques semblent ainsi être stabilisées (e.g. le principe d’appropriation productive, mettant l’accent sur l’intertextualité et la référencialité, dans la production des UGC, Shifman, 2014) ; celles-ci sont produites initialement par les internautes puis reprises, largement diffusés et amplifiées par la firme au travers de ses outils(2) (ce qui, dans une certaine mesure, abonde dans le sens de la proposition de G. Lovink, voir supra). Le second est relatif à la porosité croissante entre le monde de l’audiovisuel dit traditionnel et la « communauté YouTube » et ce, bien qu’elle soit généralement occultée dans les discours des gestionnaires de la plate-forme qui mettent en avant la différence plus que la ressemblance (voir infra). En effet, on a par exemple assisté en France à la constitution de « collectifs » d’artistes à l’initiative de sociétés de production audiovisuelle – comme par exemple leStudio Bagel ou Golden Moustache rattachés respectivement aux groupes Canal+ et M6 – proposant des chaînes sur la plate-forme ce qui permet de tester à moindre coût certains formats qui seront, pour les plus plébiscités, inclus dans les programmes télévisuels des deux sociétés. Le mouvement croissant de professionnalisation qui s’observe parmi les utilisateurs de la plate-forme (bien que, encore une fois, il ne concerne qu’une infime minorité d’individus) est donc le résultat de la convergence d’une pluralité de stratégies et d’intérêts que cherche à coordonner, plus que diriger, la firme californienne.

La régulation par le design et l’architecture technique

Le second moyen de régulation de la créativité repose sur les caractéristiques techniques de la plate-forme. Une des forces de ses gestionnaires est précisément d’avoir su configurer une interface de programmation peu exigeante pour l’internaute mais extrêmement sophistiquée : alors que l’architecture technique apparaît quasi-transparente aux yeux des utilisateurs (audience comme fournisseurs de contenus), de nombreuses applications permettent une gestion qui se veut optimale des flux de données et de métadonnées sur les contenus et « traces » des internautes. La clé de voute de cette architecture est donc le système de gestion de l’information, ce qui explique notamment pour quelle raison les tutoriels relatifs à l’édition de métadonnées sur les contenus sont si développés et mis en avant. L’enjeu est en effet de première importance tant pour les utilisateurs de la plate-forme (liens sémantiques sur lesquels reposent les algorithmes de recommandation) que pour ses gestionnaires qui fondent une partie de leur modèle économique sur, premièrement, la pertinence des réponses apportées à une requête ainsi que leur couplage à des publicités contextuelles (en fonction de la navigation de l’internaute ou en fonction des contenus visionnés) et, deuxièmement, l’acquisition de données sur les utilisateurs. En outre, ce système est à même d’affiner automatiquement les identifiants relatifs aux contenus en fonction des requêtes, mais également les parcours de visionnage, les commentaires et liens en surimpression. Il permet ainsi aux gestionnaires de la plate-forme une prescription continue et censément stimulante en direction des producteurs d’UGC : (1) en leur proposant des contenus proches des leurs, (2) en insistant sur les stratégies de collaboration pour améliorer la qualité de leurs productions ainsi que sur les stratégies de promotion croisées pour améliorer leur visibilité, (3) par le recours aux palmarès semi-automatisés (couplant nombre de visionnage et procédure de plébiscite actif de la part des audiences).

Ensuite, le design et l’architecture technique se font également très discrets mais très performants en matière de gestion des revenus financiers. La valorisation des UGC s’avère en effet très simple puisqu’elle s’active par un simple clic de l’internaute (sous réserve de respect du règlement de la société ainsi que des lois sur la propriété intellectuelle) qui choisit lui-même le type de publicité qui sera associé à chacun de ses contenus tels des bandeaux en surimpression, messages « pre-roll », coupures publicitaires, etc. Un compte « Adsense » (géré par la régie publicitaire de Google, qui permet un partage des recettes publicitaires suivant le ratio 45% pour la firme, 55% pour l’internaute) est automatiquement créé par cette procédure et associé au compte YouTube du producteur, compte auquel va également être associé un ensemble de ressources destinées à la création (outils de capture d’images et montage), à la promotion (en lien notamment avec le moteur de recherche de la maison mère et son réseau socio-numérique « Google+ ») ainsi qu’à l’acquisition et au traitement de données statistiques sur le visionnage des contenus proposés (analyse automatisée des performances par « YouTube Analytics »), suivant une logique de complémentarité systématique et supposée synergétique entre les outils de Google et visant à rendre l’internaute captif de l’environnement numérique lié à la marque. Les revenus publicitaires (calculés pour mille visionnages – RPM qui équivaut à un euro cinquante en France en moyenne) varient en fonction des terminaux de visionnage (pour des raisons techniques, les visionnages sur appareils mobiles ne génèrent pas encore de revenus ; de même, l’utilisation de modules de blocage des publicités est détectée et empêche la comptabilisation du visionnage comme visionnage « monétisable ») mais également de la saisonnalité et du lieu de réception des contenus (territorialité des revenus) ; ils varient en outre en fonction de la présence de sponsors visibles ou de placements de produits (qui font augmenter le RPM) mais également selon une loi de puissance qui fait que les revenus s’accroissent exponentiellement après un million de visionnages enregistrés. Ces deux dernières variables incitent les producteurs de contenus – amateurs comme professionnels – à mettre en œuvre des stratégies de rationalisation tant dans la définition des plans de financement et la collectivisation de leur production (les partenariats commerciaux étant considérés comme un gage de qualité) que dans les méthodes de promotion. Par l’application du principe d’une « prime au gagnant », la firme californienne cherche ainsi foncièrement à favoriser une montée en gamme des vidéos proposées sur son site.

Enfin, depuis 2007, la firme, aidée de sa maison mère, développe un système de gestion et d’identification automatique de contenus audios et vidéos (sous l’appellation Content ID) afin de garantir le respect des droits de propriété intellectuelle. Par le biais d’une technique d’empreinte numérique et d’un logiciel de reconnaissance automatique, la firme est à même de comparer tout nouveau contenu mis à disposition sur la plate-forme avec des contenus préalablement déclarés afin de détecter les contrefaçons (Kim, 2012). Il s’agit par ce biais à la fois de s’assurer de la confiance des annonceurs qui répugnent à s’associer à des contenus illicites et de stimuler – supposément – la création en garantissant le monopole d’exploitation accordée par la loi pour les ayants-droits.

Les discours d’accompagnement et la production d’un cadre idéel

Dans le prolongement de l’approche foucaldienne (Foucault, 1975, 1977) annoncée en introduction et manifestée par l’usage du concept de « dispositif », nous abordons les discours d’accompagnement comme visant fondamentalement à installer de façon pérenne des représentations sociales. Celles-ci légitiment les normes d’actions promues et les configurations techniques reflétant les choix stratégiques l’acteur organisant le dispositif. La firme californienne a ainsi produit un ensemble de textes destinés, d’une part, à valoriser et à orienter la créativité de chacun (selon le principe de « l’empowerment » – ou « encapacitation » – de l’internaute, principe dont le caractère idéologique a largement critiqué par, entre autres, P. Bouquillion & J. Matthews, 2010) et, d’autre part, à réduire les tensions idéelles entre création et commerce, entre « communauté » et marché, entre passion et professionnalisation et entre gratuité et marchandisation.

Pour ce faire, elle a premièrement choisi d’occulter, dans ses documents de communication à destination des producteurs d’UGC, la dimension économique de son activité ainsi que l’existence de ses intérêts propres. Dans ce but, elle a adopté une ambiguïté sémantique prégnante dans les messages à destination des utilisateurs. Celle-ci repose tout d’abord sur la polysémie – encouragée – du terme « YouTube » qui désigne dans la terminologie de la firme – terminologie reprise par les internautes – tout à la fois un site internet, une plate-forme/service de diffusion audiovisuelle, une société, une marque commerciale, mais également une « communauté » (nommée par la suite les « YouTubers » pour distinguer le site des acteurs du site), voire une pratique suivant un usage métonymique transformant le substantif en verbe (Cha et alii, 2007). A cette première équivoque s’en ajoute une seconde liée à l’utilisation récurrente du terme « plate-forme ». Ainsi que l’indique T. Gillepsie (2010), cet élément de langage à l’acception flottante(3) offre un quadruple bénéfice à la firme : (1) il confère au service une idée de neutralité, d’ouverture et d’impartialité à même de séduire les internautes tenants de la culture gratuite, libre et participative ; (2) il présente la firme comme avant tout un prestataire/partenaire technique hors de toute considération économique (par opposition aux médias de masse) ; (3) il est cependant à même de séduire les « partenaires » professionnels en suggérant une grande latitude, soit une faible présence de la firme californienne dans les stratégies de ceux-ci (là aussi, en contraste avec ce que l’on trouve sur les médias de masse) ; (4) il produit une connotation positive d’un point de vue juridique en caractérisant l’activité de la firme comme la mise à disposition de solutions techniques, et non comme la production, l’édition ou la diffusion de contenus ce qui la déresponsabilise en partie de ce qui est visible sur son site.

Cette rhétorique qui cherche à masquer les enjeux et les intérêts financiers de la société est donc censée maintenir les idéaux originels de celle-ci qui se fit connaître avec le slogan « Broadcast Yourself » en référence directe au mouvement du « Do it Yourself » et ainsi lui conserver une image « alternative » aux acteurs traditionnels de l’économie médiatique qui siérait parfaitement aux individus les plus « créatifs » mais encore à la marge des circuits professionnels (si l’on en croit, par exemple, les thuriféraires de la « créativité » comme composante identitaire cardinale au fondement d’une catégorie sociale relativement homogène, Florida, 2002). On a cependant assisté au cours des dernières années à la valorisation croissante dans les discours officiels de la firme californienne d’une figure que nous nommerons, par un emprunt à J. Burgess et J. Green (2009), le « vlogger auto-entrepreneur » (notre traduction de « entrepreneurial vlogger »). Cette attitude semble paradoxale si l’on considère les racines et la rhétorique initiale de la firme ; celle-ci réalise néanmoins cette coincidentia oppositorum en séparant les lieux d’énonciation : si le « Guide du Créateur » se veut convivial, accessible voire ludique, le « Club Créa » adopte, quant à lui, un changement de ton sensible et met en avant les notions de « métier », de « performances », de « stratégie », de « production » et surtout de « monétisation ». Le remplacement du terme de « communauté » – omniprésent sur le premier lieu et suggérant l’ouverture et les idéaux démocratiques de la « culture participative » – par celui, sur le second, de « club » – qui par définition dénote une restriction de l’accès, un « membership » – est en soi révélateur des deux attitudes que fait coexister la firme californienne dans ses discours d’accompagnement. La première, que nous qualifierons de « distante », favorise l’émergence d’une « régulation autonome »(4) de la part des principaux contributeurs non professionnels au site, l’action de la firme restant discrète, moins contraignante que stimulante par le biais de procédures incitatives (par plébiscite ou de manière automatisée). La seconde, qualifié « d’engagée », consiste en la mise en place d’une « régulation de contrôle » destinée moins à écarter les productions non conformes qu’à valoriser, symboliquement (via par exemple les « YouTube Awards » ou la sélection de contenus proposée par la chaîne « YouTube Nation », fruit d’une alliance entre YouTube, DreamWorks et Verizon) et économiquement (facilité des procédures de rémunérations et mise en avant dans les discours des « success stories », internautes ayant perçu des montants de rémunération dépassant le millions de dollars pour la diffusion de leurs vidéos), les UGC répondant pleinement aux critères créatifs et commerciaux de la société.

Mutations du travail dans l’économie de la culture médiatisée

Le dispositif que nous venons succinctement de présenter contribue ainsi à la définition d’un type nouveau de rapports de production. Les mutations du travail au sein des secteurs des industries de la culture, de l’information et de la communication ont fait l’objet d’une attention soutenue depuis la publication en 2000 du texte fondateur de T. Terranova qui mettait en lumière, premièrement, l’indistinction croissante parmi les activités que menaient quotidiennement les internautes entre activités marchandes et non marchandes, professionnelles et de loisirs, et, secondement, la capacité des acteurs industriels de « l’économie numérique » à valoriser pour leur profit exclusif ces mêmes activités (Terranova, 2000). Depuis, la thématique du « travail numérique (« Digital Labor ») est devenue majeure, objet d’un vaste ensemble de recherches présentant, toutefois, des approches très différentes. Cette dernière partie se propose donc de mettre en perspective l’objet de notre propre enquête avec les principaux apports et théories issus de ces travaux. Il s’agit, par cette démarche, de soutenir la caractérisation d’un rapport de production s’apparentant au « métayage », rapport de production qui tend à se généraliser entre les plates-formes d’UGC et des internautes soucieux de se rémunérer grâce à leurs productions. Nous développerons ce point dans la partie suivante.

Ainsi que nous l’avancions en introduction, il existe une dichotomie marquée dans les études portant sur les plates-formes d’UGC et les activités qui leur sont liées. On peut schématiquement résumer celle-ci en considérant, d’une part, les tenants d’une critique qui mobilise principalement les catégories marxiennes « d’exploitation » et « d’aliénation » pour analyser la production et la valorisation des UGC (voir par exemple Allmer et alii, 2012) et, d’autre part, une approche plus compréhensive centrée sur le producteur amateur et qui met en avant les catégories de « créativité », « d’expression » et de « réalisation de soi » (les travaux d’H. Jenkins étant probablement les plus emblématiques de cette démarche). Au terme de notre propre étude, il nous est apparu que ces deux perspectives étaient difficilement applicables à notre objet (même si stimulantes, voir infra). En effet, selon l’approche en termes d’économie politique de la communication qui est la nôtre, la stratégie de YouTube s’inscrit incontestablement dans le mouvement long d’industrialisation et de marchandisation des œuvres du « vivier d’artistes » (Huet et alii, 1978), qui n’est donc désormais plus l’apanage des industries culturelles. Pour autant, il nous apparaît que bien loin d’une simple logique d’exploitation d’un travail non rémunéré (critique récurrente dont la société a fait l’objet), un des piliers du succès de YouTube (succès à disposer de contenus exclusifs, non professionnels mais séduisant à la fois les audiences et les annonceurs) repose sur l’intrication de l’enrôlement, stimulé mais librement consenti de producteurs amateurs cherchant avant tout à percer dans le milieu attractif mais hautement concurrentiels de l’entertainment (au sens le plus large du terme) et d’un dispositif adapté permettant une régulation qui apparait efficiente. Bien que notre étude ne dispose pas de données précises quant à la performativité de celui-ci, les audiences record des chaînes des « vloggers auto-entrepreneurs stars » au cours des deux dernières années vont dans le sens de cette intuition. Par conséquent, la notion même « d’exploitation » (dans son acception marxienne) d’une « économie médiatique informelle » (Lobato et alii, 2012) apparait comme impropre à refléter la situation. Nous rejoignons ici pleinement l’argumentation de D. Hesmondhalgh (2010) qui considère comme galvaudé l’usage de ce concept pour caractériser le rapport social entre les producteurs d’UGC et YouTube : en premier lieu parce que le travail fourni par les producteurs amateurs n’est pas (initialement) une conséquence de la nécessité, ni un moyen de subsistance ; en deuxième lieu parce qu’il n’existe pas d’opposition structurelle entre les gains réalisés par YouTube et ceux réalisés par les producteurs de contenus ; en troisième lieu parce que la firme ne contrôle ni ne s’approprie pleinement ce travail. En outre, ce qui est valorisé n’est pas le contenu pour lui-même mais l’audience que ce contenu est à même de générer, audience qui, elle, est valorisée de façon directe via la vente d’espaces publicitaires et indirecte par la récolte et par le traitement des traces de navigation.

À l’opposé de ces approches empreintes d’un certain économisme, les perspectives qui se focalisent sur le caractère potentiellement émancipatoire et « encapacitant », des pratiques expressives amputent généralement le fait que celles-ci sont largement conditionnées par des enjeux d’ordre économiques, conditionnement en soi producteur de tensions et d’antinomies. Nous rejoignons ici les propositions d’Y. Jeanneret (2014) sur les nouvelles formes du « capitalisme médiatique » lié à l’émergence de ces « industries médiatisantes » du « Web 2.0 ». Il est, en effet, indéniable que la frontière séparant production et consommation médiatiques est devenue singulièrement poreuse depuis une décennie, que les dispositifs de type plate-forme ont favorisé un accroissement de la « participation » et de la « collaboration » des internautes dans la production de contenus ou, tout du moins, dans leur mise en visibilité, et que, de leur fait, de nouveaux objets et pratiques communicationnels ont vu le jour (les « remix » et « mash-ups », le transmédia, etc.). Ce serait toutefois une erreur de déconnecter ces phénomènes de la capacité des industriels (en l’occurrence YouTube) à « parvenir à optimiser, jusqu’à un certain point, l’instrumentation, l’anticipation et la standardisation des formes de la culture tout en laissant libre cours à la différenciation radicale des conduites » ainsi que le souligne Y. Jeanneret (2014, p. 586). Cette nouvelle vague d’industrialisation de la culture et de la communication consiste ainsi moins à produire des « œuvres achevées » que des « moyens d’écritures » et des « techniques de contrôle de la circulation des textes » (lato sensu) ; elle « repose largement sur la mise au travail des amateurs et l’exploitation de la plus-value ainsi produite » (ibid., p. 605 et sq.) et fonctionne sur le principe de la « réquisition », en faisant en sorte que « les sujets s’estiment obligés de passer par ces outils que proposent ces firmes pour exister socialement et communiquer » (ibid., p. 643).

La capacité qu’ont certains dispositifs communicationnels à se présenter comme indispensables à la vie sociale des individus et qui, par un processus de l’ordre de la prophétie auto-réalisatrice, tendent à le devenir (sous certaines conditions), a très tôt été identifiée par un ensemble d’auteurs qui, se réclamant d’un marxisme hétérodoxe, proposent une critique radicale en abordant d’emblée ces dispositifs et les pratiques productives qui leurs sont associées (envisagées comme une forme de « travail immatériel ») en référence à la « biopolitique » de M. Foucault (et non pas uniquement en référence à la théorie de la valeur-travail et à son appropriation abusive par les détenteurs des moyens de production). Dans cette perspective, ces dispositifs participent de la construction des sujets contemporains en ce qu’ils manifestent les stratégies opératoires du capitalisme destinées à capter les désirs et à informer les capacités d’action, tant par l’efficacité de leurs caractéristiques techniques que par la performativité exceptionnelle des discours qui accompagnent leur inscription sociale (voir entre autres Virno, 2004 ; Lazzarato, 2004 ; Negri ; Hardt, 2012). Il en découle, selon ces auteurs, une profonde mutation du travail qu’illustrent pleinement les UGC dont la production peut être qualifiée de « playbor » (de play, jeu et labor, travail), selon la formule T. Scholtz (2013a) qui a connu un certain succès dans les cercles académiques et journalistiques, soit une activité qui serait à la fois travail et jeu ou, plutôt, tout l’inverse : c’est-à-dire une activité qui consisterait à travailler sans travailler (absence de règles formelles, de hiérarchie, etc.) mais également à jouer sans jouer puisque la finalité de l’activité n’est pas immanente à celle-ci, comme dans un jeu, mais est, pour un nombre croissant d’internautes, liée aux possibilités de rémunérations (Dean, 2010). Cette notion de « playbor », au-delà de son caractère séduisant et de sa force évocatrice proche de celle d’un slogan, vise à souligner la convergence qui se réalise par le truchement de ces dispositifs entre l’activité professionnelle et le loisir, la sphère publique et la sphère privée, l’ostensible et l’intime. Elle suggère également la place centrale qu’occuperaient désormais l’émotion, les sentiments et les sensations dans le capitalisme contemporain, comme à la fois moteurs de l’action (en l’occurrence d’un type particulier de travail) et ressources rares que chercheraient à capter et valoriser les industries du « web collaboratif » (Hearn, 2010, l’idée d’une « économie de l’émotion » – « affective economics » – est également avancée par H. Jenkins, 2006). Enoncé initialement par M. Lazzarato et A. Negri au tout début des années 1990, ce couple « travail immatériel » (sous forme de « playbor ») et « production de subjectivité » au cœur de la nouvelle logique productive du capitalisme se généraliserait donc via ces dispositifs communicationnels. Si, de prime abord, ces propositions peuvent apparaître comme hautement spéculatives, elles trouvent néanmoins un écho empirique dans les études récentes sur les UGC (voir entre autres Scholtz, 2013b ; Hunter et alii, 2012). Celles-ci montrent en effet clairement que les logiques « d’autonomie » et d’extrême polyvalence dans l’activité de production médiatique sont pleinement intériorisées par les amateurs : « autoproduction », autopromotion », « autocommercialisation », ils sont ainsi mobilisés par la conduite d’une multitude d’activités autrefois distribuées au sein d’une organisation dans l’espoir d’une rémunération directe ou indirecte (c’est-à-dire en termes de « capital réputationnel » valorisable ultérieurement). Ils incarnent en cela un avatar de « l’artiste-entrepreneur », figure modèle du capitalisme contemporain récemment portée au pinacle et présentée comme le nec plus ultra du travailleur par les « gourous du net » et managers de la Silicon Valley (Taylor, 2014) à la suite des promoteurs de la « classe créative » (Florida, 2002). On assiste par conséquent bel et bien à une « production de soi » d’un type particulier, que conditionnent partiellement ces dispositifs qui participent ainsi de l’inculcation d’une « discipline » (selon la terminologie foucaldienne) à laquelle se plie sciemment nombre de producteurs non professionnels (et désireux de le devenir). Celle-ci exige un engagement intense de leur part en raison de leur pleine et entière responsabilité quant à la production, de renoncer à la sécurité et aux avantages sociaux liés au salariat, d’adapter l’intégralité de leur mode de vie aux caractéristiques de leur activité (gestion particulière en raison notamment d’une rémunération ex post). Au final, et selon une perspective plus sociologique, la production d’UGC à visée professionnelle telle que stimulée, en l’occurrence, par le dispositif de YouTube manifeste donc une énième extension du mode de travail et de l’ethos artistiques aux activités productives, ce mode de travail dont l’extrême flexibilité et la mobilisation personnelle incomparable sied adéquatement au cadre néolibéral de l’économie contemporaine (Boltanski, Chiapello, 1999 ; Menger, 2003). Si le rapprochement avec le monde artistique va ici de soi, il nous semble toutefois devoir nous tourner vers un autre secteur d’activité afin de caractériser les rapports de production qui se dessinent entre les plates-formes d’UGC et les internautes : celui de l’agriculture.

Une proposition : le « métayage numérique » comme rapport de production

Pour conclure et clore ce panorama des différentes conceptualisations de l’activité de production médiatique menée par des usagers à des fins professionnelles, nous souhaiterions souligner à nouveau le caractère indispensable, d’un point de vue méthodologique, d’une analyse qui envisage de concert cette activité avec l’activité propre des plates-formes à partir desquelles elle se réalise. Suivant cette perspective, il nous parait pertinent de parler d’une forme de « métayage » appliquée à l’Internet afin de caractériser la logique économique au fondement des plates-formes de type YouTube. Cette métaphore a originellement été énoncée par le journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies, N. Carr (2006), dans un très court article sur son blog afin de décrire ce qui lui semblait être « le phénomène économique le plus intéressant et déconcertant produit par Internet », à savoir la dichotomie entre la production de contenus, désormais réalisée par les internautes, et la capacité à valoriser ces mêmes contenus, qui est l’aptitude exclusive des industriels du « Web 2.0 » (il rejoint en cela la perspective de T. Terranova, 2000).

De façon surprenante, les analogies entre les activités numériques et agraires sont relativement habituelles dans les discours des professionnels comme des universitaires : certains dénoncent ainsi l’appropriation des « terres numériques » et l’émergence d’un « féodalisme informationnel » (e.g. Drahos, Braithwaite, 2002 ; Losey et alii, 2011 ; Pasquale, 2014), la mise en place de « barrières » et la production « d’enclosures » sur les « territoires communs » de la communication (e.g. May, 2000, Boyle, 2003) ainsi que la multiplication des « fermes » de données et de contenus détenus par une minorité d’acteurs industriels (e.g. Taylor, 2014). Toutefois, au-delà des rapprochements sémantiques, ce qui manifeste le caractère heuristique de l’analogie réside dans la forme d’extraction de la valeur par la plate-forme,  qui, comme dans le cas du métayage, est de l’ordre de la rente. En économie politique, la rente (généralement foncière ou financière) se distingue traditionnellement du profit et « repose sur des formes de propriété et de positions de force de type monopolistique qui permettent de créer une rareté et d’imposer des prix plus élevés que ne le justifieraient leurs coûts de production. » […] « La rente se présente [ainsi] comme une créance ou un droit de propriété sur des ressources matérielles et immatérielles donnant droit à un prélèvement sur la valeur à partir d’une position d’extériorité à la production  » (Vercellone, 2007, p. 49-50).

Or, ces définitions peuvent parfaitement s’appliquer au mode de fonctionnement de YouTube : la firme californienne met en effet à disposition des espaces de visibilité et des outils dont elle a la propriété et qui sont utilisés par les internautes pour produire et pour diffuser leurs contenus. Elle reste en cela dans une « position d’extériorité » par rapport à cette phase de la production (qui constitue un premier versant de la plate-forme, (Bullich & Guignard, 2014b)), bien que cette position soit en train de changer, la firme s’impliquant de plus en plus dans les activités « d’encadrement » et de « management » des amateurs comme nous l’avons vu. En revanche, la position de quasi-monopole de la plate-forme quant à l’accès aux deux autres versants — les audiences et les annonceurs — lui permet non seulement de réaliser un prélèvement sur les recettes publicitaires dont le taux est particulièrement élevé (45%) mais, de surcroit, une exploitation commerciale exclusive des données personnelles et traces de navigation des producteurs de contenus comme des audiences. C’est donc toute la force des industries du « Web 2.0 », de susciter et de capter « de l’extérieur » ces activités et ces pratiques des amateurs et d’être en mesure, en raison d’un monopole de l’accès aux sources de rémunération savamment construit et préservé, de s’approprier un surplus suivant une logique de rente. Selon plusieurs auteurs d’inspiration marxistes, l’affirmation d’un « capitalisme de rente » ou d’un « devenir rente du capital » serait une caractéristique prégnante du régime économique contemporain (voir entre autres Harvey, 2002 ; Multitudes, 2008). Ces auteurs considèrent en effet qu’une profonde transformation du rapport entre capital et travail est en train de s’opérer par une « privatisation progressive des conditions sociales de la production » (Vercellone, 2007, p. 61). L’exemple de YouTube que nous qualifions ici par analogie de « métayage numérique » s’inscrit donc pleinement dans ce mouvement.

Conclusion

YouTube est actuellement à une période charnière de son histoire. L’entreprise ne cesse en effet de mettre en avant des chiffres de fréquentation impressionnants : plusieurs milliards de vidéos seraient ainsi visionnées chaque jour, 300 heures de vidéo seraient mises en ligne chaque minute sur la plate-forme, plus d’un milliards d’individus utiliseraient mensuellement le site. Ce trafic considérable serait en mesure d’attirer annuellement plus d’un million d’annonceurs qui utiliseraient la régie publicitaire de Google pour être présents sur la plate-forme (chiffres disponibles sur le site http://www.YouTube.com/yt/press/fr/statistics.html, consulté le 17/02/2015).

Malgré cela, les résultats économiques de YouTube sont considérés comme décevants par la plupart des observateurs : en 2014, ceux-ci s’élèveraient à 4 milliards de dollars, ce qui apparait bien en deçà des prévisions annoncées par la firme  et, surtout, permet tout juste à la société de se maintenir à l’équilibre (d’après le Wall Street Journal du 25/02/2015). Pour répondre à la faiblesse de sa rentabilité, celle-ci tente, outre les stratégies énoncées en introduction (développement des partenariats avec les fournisseurs de contenus professionnel, édition/production en interne), de multiplier les modèles économiques en mettant notamment en place un accès payant à certaines chaînes depuis 2013 et en affinant sa stratégie de ciblage publicitaire. Toutefois, et ainsi que nous avons cherché à le montrer succinctement dans le présent article, la stratégie principale de YouTube réside dans ce qui a fait la spécificité de la plate-forme : la valorisation des productions audiovisuelles amateurs. Celle-ci fait d’ailleurs l’objet d’une communication qui s’est intensifiée depuis 2014 et qui met clairement en avant les perspectives de carrières et de rémunération : on peut ainsi lire sur le site de la firme que les gains réalisés par les millions de « partenaires éditoriaux » auraient globalement vu leurs revenus augmenter de 50% sur la période 2013/2014 et que des milliers de chaînes généreraient plus de 100000 dollars de revenus publicitaires par an grâce au « programme partenaire YouTube ». Le caractère ostentatoire de ces annonces peut néanmoins sembler paradoxal quand on sait que, par ailleurs, la firme impose contractuellement le silence aux producteurs de contenus sur leur rémunération. Quoi qu’il en soit, le programme de professionnalisation de la firme californienne présente d’indéniables atouts dans la lutte avivée pour l’obtention de contenus exclusifs. Le premier repose sur le principe même de l’organisation en plate-forme. En effet, cette organisation favorise le « transfert d’une partie de l’incertitude de la valorisation de la production vers les producteurs de contenus qui assument seuls les investissements et sont rétribués ex post » (Bullich, Guignard, 2014b, p. 208). Contrairement à ses concurrents des secteurs de l’audiovisuel « traditionnel » et « over-the-top », la firme n’a donc pas à financer l’achat de droits de diffusion pour une grande partie de son catalogue. Le second atout de la stratégie de YouTube réside évidemment dans sa capacité à mobiliser les « foules » (la fameuse stratégie de « crowdsourcing » – externalisation ouverte), c’est-à-dire à bénéficier non seulement des productions d’un nombre inégalable de contributeurs, mais en outre, parmi eux, d’un personnel de conception « de réserve » qui n’a pas (ou peu) d’autres possibilités pour publiciser ses œuvres. Il en découle une extrême variété des productions visibles sur la plate-forme qui permet à la firme californienne de jouer la logique de complétude du catalogue. Se pose alors le problème de « visibilité dans l’abondance » des productions numériques, mais la plate-forme est en mesure d’y répondre en partie grâce à son système de recommandations personnalisées.

Il en découle également, ainsi que nous l’avons évoqué en fin d’article, l’institution progressive au sein des secteurs de la culture, de l’information et de la communication, de rapports de production que nous avons caractérisés comme étant de l’ordre du métayage. Comme indiqué précédemment, la stratégie de régulation et d’accompagnement des pratiques, mise en place par YouTube s’inscrit dans le mouvement long d’industrialisation et de marchandisation des œuvres du « vivier d’artistes » (Huet et alii, 1978 ; Miège 2000). Ce mouvement est au fondement de l’économie des industries culturelles au sein de laquelle la forme salariale n’a toujours que marginalement concerné le personnel « créatif ». Il a, de surcroît, connu depuis une dizaine d’années un regain d’intensité sous l’effet des multiples opérations de ces plates-formes d’UGC, celles-ci contribuant ainsi à l’émergence d’une phase nouvelle du « capitalisme médiatique » (selon l’expression d’Y. Jeanneret, 2014). Or, ce caractère inédit réside précisément dans la mutation de « ce qui vaut » et dans la mutation des rapports de production : l’accès aux techniques de production et de diffusion des contenus s’est désormais substitué aux œuvres achevées comme source de valeur prépondérante dans l’économie de la culture médiatisée, le « travail », abondant, d’une multitude d’internautes produisant plus de valeur que celui, rare, de l’auteur (lato sensu) institutionnellement reconnu. L’analogie avec le métayage demande, bien entendu, à être validée par des travaux ultérieurs et ne constitue en l’état que la formulation, probablement imparfaite, d’une intuition. Cependant, son emploi permet de souligner synthétiquement le fait que la production de contenus médiatiques marchandisables n’est plus désormais uniquement régis par les rapports contractuels entre auteurs et producteurs tels qu’ils se trouvaient dans les industries culturelles traditionnelles mais que s’affirme un type de rapports de production dont la forme s’apparente à ceux qui ont prévalu antérieurement entre propriétaires fonciers, possédant terre et outils, et exploitants agricoles, proposant leur force de travail. Quelle que soit son appellation, ce type de rapport présente des caractères tout à fait particuliers et, considérant son essor actuel, sa compréhension constitue un enjeu de première importance pour l’économie politique de la communication.

Notes

(1) « Dispositif » a ainsi ici une acception dérivée du concept foucaldien et largement usitée en sciences de la communication (Appel, Boulanger, Massou, 2010).

(2) Il s’agit de relever ici les demandes de suggestions/propositions que l’on trouve sur les différents lieux d’énonciation présentés ci-avant et que la firme californienne adresse systématiquement aux internautes.

(3) Indiquons ici que le dispositif de « plate-forme » est un objet de recherches depuis une douzaine années. Différentes études ont en effet visé à identifier les traits structurant de ce dispositif : par l’analyse empirique de cas considérés a priori comme exemplaires, il s’est agi de procéder à la spécification d’un concept, de définir précisément un idéaltype à même de se substituer aux usages notionnels, acceptions larges et vagues du terme visibles dans de nombreux discours et travaux portant sur les outils numériques. En synthétisant les apports de ces différentes études, un ensemble de caractères propres de la plate-forme apparaissent à même de fonder la singularité du dispositif, caractères observables, d’une part, au niveau de l’action de médiation spécifique du dispositif (appariement entre une offre et une demande mais servant généralement une finalité dépassant le cadre de la simple médiation commerciale)et, d’autre part, au niveau de son architecture technique et organisationnelle (pour une synthèse, voir Bullich, Guignard, 2014b).

(4) Selon les catégories de J. D. Reynaud (2004) qui, dans le cadre de sa théorie de la régulation sociale, distingue une « régulation autonome », c’est-à-dire un processus normatif endogène, propre aux pratiquants d’une activité et une « régulation de contrôle », quand les règles sont imposées et sanctionnées par une instance extérieure à l’activité et supérieure d’un point de vue hiérarchique et/ou légal aux pratiquants de celle-ci.

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Auteur

Vincent Bullich

.: Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication – UFR des sciences de la communication Paris-Nord 13 et membre du LabSic (laboratoire des sciences de l’information et de la communication) et de l’OMIC de la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord. Ses travaux concernent principalement l’analyse socio-économique des industries culturelles et communicationnelles ainsi que l’économie politique de la propriété intellectuelle.