Éditorial 2012
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Miège Bernard, « Éditorial 2012« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°13/2, 2012, p. à , consulté le lundi 30 décembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2012/varia/00-editorial-2012/
Introduction
Au moment où s’arrête pour moi la responsabilité éditoriale de fait des varia de la revue que j’assurais depuis plusieurs années (et à laquelle Dominique Cartellier me remplace d’ores et déjà), et au moment où je m’apprête à quitter celle de Directeur éditorial et donc d’animateur de l’équipe éditoriale (la décision de mon remplacement par Isabelle Pailliart en mai prochain est déjà prise par l’A.G. du Gresec), la tentation est grande de procéder à un bilan, ou plutôt de dégager quelques enseignements –qui n’engagent que moi- de cette douzaine d’années d’activités fort diverses, allant du lancement de la revue en 2000 (fortement suggéré par l’instance d’évaluation d’alors) jusqu’à la maturité maintenant acquise mais exigeante d’aujourd’hui. Je m’intéresserai assez peu au back office (dont on a déjà entretenu les lecteurs, par exemple par le biais des lettres aux abonnés ou dans des éditos précédents) et me centrerai sur le front office, c’est à dire sur la production des articles, ce qui est évidemment l’essentiel : plus de 230 articles publiés en 12 ans, y compris les dossiers et les suppléments, ce qui n’est pas mince et était loin d’être envisagé lorsque l’entreprise a débuté.
Une revue scientifique comme toute autre, c’est d’abord le respect d’une publication à temps, de textes répondant aux normes avancées ou implicites (d’abord des normes éditoriales qui ont été de mieux en mieux précisées, mais également des normes scientifiques et rédactionnelles, littéraires mêmes). Et à cet égard, les différences paraissent minces avec une revue –papier ; on peut même se demander si le bon à tirer des secondes n’est pas un avantage, un couperet bénéfique qui en rythmant l’activité, oblige à s’en tenir au calendrier annoncé. Et finalement, une revue numérique, cela requiert une activité permanente, qui suppose tout autant, de répondre aux questionnements des auteurs ayant hâte de voir publier leurs textes que de procéder sans cesse à des relances, et le lecteur serait sans doute surpris de la place prise par celles-ci, de leur nombre, jusqu’à la mise en ligne. L’auteur, me semble-t-il, est à la fois pressé d’être publié (et pour lui, avec le numérique cela devrait aller vite, et grâce au logiciel tout devrait se régler au-to-ma-ti-que-ment !), et souvent négligent dans la mise au point de son texte ; sans doute de plus en plus négligent, et aussi fort peu attentif au temps qui s’écoule. Avec une revue numérique, incontestablement, l’individualisation de la production s’est accrue, mais pas seulement celle concernant la mise en ligne, mais en fait …tout ce qui précède. Dans ces conditions c’est le rapport à l’édition et à la publication qui change, et l’auteur, universitaire, post-doctorant et doctorant, a tendance à mettre la revue à son service, dans les conditions fixées par lui. En ce sens, le fonctionnement d’une revue est comme un révélateur des pratiques universitaires, celles-ci ayant connu au cours de la dernière décennie des mutations importantes notamment sous l’effet d’une forte injonction à publier selon des modalités de plus en plus étroitement définies. Le résultat est, on s’en doute, une forte hausse de l’offre d’articles, ainsi que des modifications du contenu de cette offre et des changements dans les relations entre les auteurs et les comités éditoriaux, ainsi que dans les modes de faire.
C’est évidemment aux dérives et aux travers que je pense en priorité, et qu’il m’est peut-être plus aisé de citer, alors que, bien sûr, il m’est aussi facile de décrire les situations inverses, là où cela s’est passé sans difficulté aucune, de façon toute fluide ; et nous n’aurions pas pu publier autant d’articles respectant les orientations choisies et obtenir le satisfecit des instances d’évaluation sans le concours actif de nombreux auteurs accordant leur confiance à Les Enjeux de l’Information et de la Communication, ainsi que d’évaluateurs dévoués.
Le fait est cependant qu’une revue scientifique, désormais, n’est pas à l’abri de pratiques que dans les milieux universitaires l’on a coutume de réprouver et même de condamner, textes réglementaires à l’appui : reprise exagérée de longs extraits non référencés, proposition d’articles préparés pour d’autres et refusés sans que le refus soit signalé, mise en concurrence dissimulée de supports de publication permettant de bénéficier des conseils et de choisir en fonction des opportunités, co-signature de l’article par le directeur de Thèse sans aucun apport rédactionnel identifiable, etc. A contrario, des articles de notre revuese sont trouvés repris dans d’autres cadres sans qu’il ait été aisé d’en appeler au respect de la réglementation. Ce n’est pas sans raison que je mets ici sur le même plan ces diverses situations, car au plan éditorial, toutes appellent à une réelle vigilance.
Mais ce qui mobilise le plus un comité éditorial, à partir du moment où les évaluations ont été effectuées et les modifications apportées, c’est la mise à niveau rédactionnelle indispensable dans les revues de SHS, et à plus forte raison en Information – Communication (du moins continue-je à le croire). Trop de textes, non seulement ne prennent pas en compte les consignes éditoriales proposées (et qui n’ont rien de spécifique, elles se rattachent en quelque sorte au fonds commun de prescriptions souvent internationalisées), mais surtout 1° les textes nécessitent parfois des corrections orthographiques, lexicales ou syntaxiques nombreuses (On continue à faire une confiance aveugle aux correcteurs orthographiques !), et 2° ils ne sont pas l’objet d’un travail rédactionnel suffisant et trop souvent ne sont pas animés par un souci –un plaisir- d’écriture marqué. Serait-ce la contrepartie de l’exigence de publication aujourd’hui contrôlée et de la fébrilité dans laquelle les textes sont aujourd’hui préparés ? Sans doute, mais pour partie seulement. Et ce qui se comprend pour des auteurs dont le français n’est pas la langue maternelle (collègues étrangers ou post-doctorants ayant soutenu leur recherche doctorale dans des universités françaises) n’est pas acceptable pour d’autres. Et ceci ne concerne pas les seuls doctorants ou post-doctorants (catégories que Les Enjeux se sont toujours attaché à voir représentées parmi les auteurs), ce qui se vérifie encore dans les dernières livraisons ; avec certains auteurs plus confirmés ; il n’est pas rare que les retours d’évaluation soient reçus avec difficultés. Comme si la « loi du genre » n’était pas admise.
La vérification du respect des normes bibliographiques mobilise plus qu’il ne faudrait les membres de l’équipe éditoriale. Certes, il n’est pas de normes universellement reconnues, et elles varient d’un titre à l’autre, d’un pays à l’autre. Mais comment des auteurs peuvent-ils rester insensibles à la nécessité pour une revue de maintenir une cohérence, d’un article à l’autre, donc à faire en sorte que ses propres prescriptions soient suivies ? En outre, il en est toujours qui présentent des bibliographies ne répondant à aucune logique, ou qui s’évertuent à accumuler les notes en bas de page, sans la moindre préoccupation des contraintes du numérique (Eh oui ! il en est).
Plus généralement, le respect des prescriptions éditoriales, expressément proposées par la revue, faciliterait grandement le passage de la version finale corrigée à la mise en ligne, celle-ci supposant une reprise du texte brut pour respecter polices, styles, règles typographiques dans les moindres détails ; ce formalisme, est nécessaire pour produite à la fois la version pdf qui peut être imprimée, et la version html qui implique un traitement différent.
Au bout du compte, ces questions nouvelles ne sont, très certainement, pas spécifiques aux SIC, mais elles doivent être prises en compte dans la perspective de la poursuite de l’édification de cette discipline. A la place qui était la mienne dans une revue, je me suis trouvé en position de les voir émerger ; je puis en témoigner et il me semble qu’elles concernent de près toutes les revues publiant des articles de la discipline.
Se terminera bientôt pour moi ma participation à une aventure collective de plus de douze ans, à laquelle pour des raisons personnelles j’ai souhaité voici déjà plus d’un an qu’il soit mis fin. Je sais ce que je dois à celles et ceux qui ont été, à un moment ou un autre, de cette aventure collective, sans laquelle une revue ne peut durer, se développer et se diversifier. Longue vie aux Enjeux !
Auteur
Bernard Miège
.: Directeur de la publication, Professeur émérite de Sciences de l’Information – communication