Les pure players d’information générale : support technologique, idéal journalistique, structure et discours économiques
Résumé
Le journalisme pratiqué par les pure players d’information générale est de plus en plus étudié. Cet article se propose d’analyser ce « cyberjournalisme » selon un angle principalement économique. Cette grille d’analyse ne fait que se calquer sur une dynamique plus globale qui affecte au premier chef le journalisme : l’économisation du politique. Une économisation que l’on retrouve, entre autres, dans l’importance accordée aux sujets économiques et à la structure financière du journal. La démarche ici développée se propose de combiner trois grilles de lecture : celle de G. Mulhmann pour comprendre les idéaux, celle de J. Duval qui se focalise sur la place de l’économie dans le traitement de l’information et enfin un éclairage de M. Foucault à travers ses concepts de bioéconomie et de biopouvoir. En proposant une analyse originale des pure players, l’objectif est d’apporter un éclairage supplémentaire aux nombreux travaux en cours sur ce sujet plus que jamais d’actualité.
In English
Abstract
Journalism practiced by the pure players is increasingly studied. This article aims to analyze this « online journalism » from a primarily economic perspective. The model only reports a dynamic that affects primarily journalism: the economization of politics. An economization that can be seen / observed, among other things, in the emphasis on economic issues and the financial structure of the newspaper. The approach developed here seeks to combine three frames of reference: G. Mulhmann to understand the ideals, J. Duval, which focuses on the role of the economy in the processing of information and finally Foucault through his concepts of biopower and bioeconomy. By offering an original analysis of pure players, the objective is to shed additional light on the many ongoing works on this topical subject.
En Español
Resumen
Se estudia cada vez más el periodismo practicado por los pure players de información general. El presente artículo se propone analizar este « cyberperiodismo » desde un punto de vista principalmente económico. Esta grilla de lectura sólo se calca sobre una dinámica más global que afecta en primer lugar al periodismo : la economización de lo político. Una economización que se nota, entre otros, a través de la importancia otorgada a los temas económicos y a la estructura financiera del periódico. El procedimiento aquí adoptado se propone combinar tres grillas de lectura: la de G. Mulhmann para comprender los ideales, la de J. Duval que se enfoca en el lugar de la economía en el tratamiento de la información y por fin la de M. Foucault a través de sus conceptos de bioeconomía y de biopoder. Proponiendo un análisis original de los pure players, el objetivo es aportar un enfoque suplementario a los numerosos estudios en curso sobre el tema, más actual que nunca.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Ramrajsingh Athissingh, « Les pure players d’information générale : support technologique, idéal journalistique, structure et discours économiques« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°12/1, 2011, p.143 à 161, consulté le samedi 9 novembre 2024, [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2011/varia/10-les-pure-players-dinformation-generale-support-technologique-ideal-journalistique-structure-et-discours-economiques/
Introduction
Dans les années 90, lorsque le journalisme s’est dirigé pour la première fois vers Internet, l’on pouvait encore entendre que le Web serait l’ultime média, celui qui annoncerait la fin de tous les autres. On lui attribuait le déclin de la presse papier, la fin du cloisonnement de l’information, une ubiquité totale… Plus de dix ans après l’émergence des premiers sites Web d’information générale, nombre de mythes fondateurs avaient disparu avec quelques études approfondies sur les profils et les comportements des utilisateurs.
Avec l’émergence du concept de « Web 2.0 », formulé par Tim O’Reilly (O’Reilly, 2005), nous avons assisté à une sorte de résurgence des mythes fondateurs du réseau. L’arrivée de certaines nouveautés technologiques semble toujours propice à une démesure analytique (Rebillard, 2007). La naissance de nouveaux médias d’information générale, existant uniquement sur internet, sans lien d’aucune sorte avec un média préexistant, c’est-à-dire des pure players ou « journaux 100 % Web », n’échappe pas à cette précipitation. Pourtant, certains travaux montrent clairement qu’une approche mesurée semble nécessaire, à l’instar de F. Rebillard (Rebillard, 2006) qui met en lumière que l’information sur Internet favorise davantage la circulation de l’information (et son « retraitement ») que les créations originales.
Le « cyberjournalisme », qui ne signifie pas nécessairement l’existence d’une pratique fondamentalement différente du journalisme « traditionnel », constitue avant tout un terme rappelant la spécificité du support technologique de diffusion, déjà étudié par ailleurs (Canu & Datchary, 2010 ou encore Aubert, 2008 pour ne donner que deux exemples français récents.)
Dans notre démarche, nous nous concentrerons sur le journalisme pratiqué et revendiqué par les pure players français d’information générale apparus après 2005, à partir de trois ouvrages principaux : celui de Géraldine Muhlmann, intitulé Du journalisme en démocratie, Naissance de la biopolitique de Michel Foucault et Critique de la raison journalistique de Julien Duval. Le livre de Géraldine Muhlmann interroge les idéaux-types du journalisme en mettant en avant le lien entre cette pratique et le régime dans lequel elle évolue, la démocratie. Ces pure players d’information générale évoluent eux aussi au sein d’un univers particulier, un univers technologique, politique et économique. De plus à partir de 2008, ils commençaient à être reconnus par la profession, à « sortir des affaires » et à faire de plus en plus parler d’eux. Il nous a paru intéressant de confronter leur discours critique, envers les médias traditionnels et notamment la presse écrite, avec leur propre projet journalistique. A cette fin, nous nous sommes basés sur deux principaux ouvrages.
Naissance de la biopolitique de Foucault offre un examen précis des changements récents (du XVIIIe au XXe siècle) du régime démocratique libéral en s’intéressant à la nouvelle place de l’économie dans la politique. Une économie qui servirait désormais à constituer « un tribunal permanent face au politique » (Foucault, 2004, p 253), c’est-à-dire à poser des critères d’évaluation économique pour l’efficience de telle ou telle politique et ainsi valider ou non sa légitimité. Mais aussi une économie gagnant du terrain au sein même du politique avec un gouvernement qui orienterait l’interface de son pouvoir sur l’individu, ou la surface de contact entre le pouvoir et les individus gouvernés, vers une interface purement économique. Foucault parle de l’émergence d’un homo oeconomicus pour qualifier l’évolution de cette interface du pouvoir gouvernemental sur des individus. Cette approche permet d’actualiser « l’environnement » dans lequel évoluent les pure players tout en s’intéressant aux échos de ces changements au sein du discours journalistique : l’économie est-elle devenue l’unique clé d’interprétation des changements sociétaux ? Accorde-t-on une place particulière à l’économie ? Les idéaux revendiqués par les pure players sont-ils empreints de cette grille économique ? Pour le comprendre, le recours à un troisième ouvrage nous a semblé précieux.
Critique de la raison journalistique de Julien Duval concentre son objet d’analyse sur lemonde du journalisme et les évolutions qui l’ont affecté ces vingt dernières années.
J. Duval perçoit un changement de discours des journalistes qu’il nomme «économisation» de la vision journalistique. Il rejoint Foucault sur l’arrivée de critères économiques au sein de la profession journalistique, pour juger et évaluer la société dans son ensemble. Cette « économisation » de la vision journalistique touche pour Duval tous les domaines : politique, économique, culturel, environnemental, sportif… La structure financière constituait également, pour l’auteur, un facteur de cette « économisation » du journalisme, car le journaliste se penserait aussi comme un acteur économique dans une entreprise privée.
La dernière étape qui finalisa définitivement notre orientation fut la disponibilité des journalistes de ces nouveaux médias. Trois entretiens furent programmés auprès de trois membres de pure players, dans leur rédaction respective : avec Martine Orange, une journaliste économique de Mediapart, avec Xavier Monnier, rédacteur en chef adjoint de Bakchich info et, enfin, avec Arnaud Aubron, fondateur et Webmaster de Rue89.
La première partie comportait des questions relatives au nouveau support choisi et ce qu’il apportait comme modifications pour les pratiques professionnelles du journalisme. La seconde étape insistait sur la structure économique choisie et son éventuel lien avec le projet journalistique du pure player. Les dernières questions portaient sur la place accordée à l’économie en tant que sujet et sur le prisme rédactionnel du journal. Cette structure principale était logiquement évolutive en fonction de la personne et du type de pure player visité.
Notons que notre examen des pure players se concentre en priorité sur la démarche journalistique revendiquée par ces journaux et non une étude en tant que telle de ces derniers.
L’objectif reste en effet d’analyser la tension entre théorie et pratique, entre projet journalistique, prisme rédactionnel, idéal affiché et techniques journalistiques, entre structures financières et sociologie des journalistes. Cette méthode est définie par Foucault comme un passage des pratiques observées « à la grille analytique » des idéaux types. Non pas pour valider ou infirmer définitivement ces idéaux, ni pour critiquer les « séries de pratiques » quand elles ne correspondent pas à l’idéal formulé, mais pour mesurer, évaluer, pondérer et comprendre différemment le journalisme produit par ces pure players.
En fin de compte, Les pure players d’information générale ont-ils trouvé un support et une structure économique permettant la réalisation d’un nouvel idéal journalistique ?
Les pure players étudiés sont récents. Mais les nouveaux projets journalistiques et rédactionnels qu’ils ont créés, associés à un succès rapide et reconnu quantitativement comme qualitativement en ont fait des nouveaux acteurs du journalisme à part entière. Nous verrons que la réponse à la question qui est de savoir s’ils sont « alternatifs » ou non, comme leur histoire et leur nom le laisseraient supposer, n’est pas si évidente qu’il y parait. Par exemple, la majorité des « cyberjournalistes » fondateurs de ces nouveaux supports proviennent de la presse écrite. De surcroît, pour ceux qui désiraient se lancer sur Internet à la conquête d’un renouveau de leur idéal journalistique, nous constaterons que le manque de recul temporel et matériel relativise un tel projet.
Cependant, appréhender dans sa globalité un tel projet nécessite une approche plurielle : comprendre l’idéal journalistique affiché par les acteurs ainsi que leur ligne éditoriale, analyser la structure économique du journal et enfin appréhender le contexte global dans lequel évoluent ces « nouveaux » supports. C’est pourquoi nous proposons d’apporter des éléments de réponse à deux niveaux.
Dans un premier temps nous interrogerons les idéaux types de ces pure players en fonction du projet journalistique proposé. Leur lien avec le régime démocratique libéral, c’est-à-dire avec « la politique » et « l’économie », sera au centre du raisonnement. Nous définirons et nous confronterons ces idéaux-types avec une esquisse des structures financières de ces pure players pour comprendre quelles dépendances ou libertés nouvelles semblent se dégager.
Dans un second temps, nous essaierons de comprendre la relation entre ces journaux et leurs lecteurs pour voir si, in fine, nous pouvons parler d’un « nouvel idéal journalistique. »
Le journalisme : un idéal en lien avec son régime politique
Lier le projet du journalisme avec son système politique
Début 1979, Michel Foucault dispensait un de ses cours les plus célèbres du Collège de France, Naissance de la biopolitique (Cours au Collège de France. 1978-1979). La première leçon dispensée le 10 janvier commençait avec quelques clarifications d’ordre méthodologique : « Autrement dit, au lieu de partir des universaux pour en déduire des phénomènes concrets, ou plutôt de partir d’universaux comme grille d’intelligibilité obligatoire pour un certain nombre de pratiques concrètes, je voudrais partir de ces pratiques concrètes et passer en quelque sorte les universaux à la grille de ces pratiques.» (Foucault, 2004, p.4-5)
Nous allons nous efforcer d’adopter une démarche similaire pour les pure players. C’est-à-dire, non pas partir des idéaux types (ou universaux) du journalisme pour voir s’ils se réalisent à l’intérieur de tel ou tel projet journalistique, non pas partir des quelques cas étudiés pour créer de nouveaux universaux, mais, au contraire, analyser ce lien existant entre l’idéal et le réel, pour l’évaluer et le mesurer. La première étape de cette démarche consiste donc à tenter de définir quels sont les « régimes de vérité » ou croyances existant derrière chaque projet journalistique.
Géraldine Muhlmann a justement tenté de définir « un idéal-critique satisfaisant » pour le journalisme dans son livre Du journalisme en démocratie. Ces idéaux-critiques correspondent à ce que Foucault nommait « universaux », qui sont des idéaux-types s’inscrivant dans une perspective critique. Une fois formulés pour les pure players ils seront « passés à la grille » des pratiques observées dans ce type de « cyberjournalisme. »
Trois idéaux-critiques du journalisme
Trois chapitres de l’ouvrage Du journalisme en démocratie, cherchent à dépasser les critiques positives et négatives pour proposer trois idéaux-types que Muhlmann nomme « idéaux-critiques » afin de rappeler leur fonction première.
Le premier idéal type est celui du « journalisme flâneur ». Ce concept du flâneur, Muhlmann le tire de la définition faite par Baudelaire : une attitude double et ambigüe, active et passive à la fois. En somme, la curiosité « tous azimuts » correspondrait à une disponibilité passive qui permet l’étonnement. Tandis que dans cette « flânerie parfaite » vient se greffer à cette sensibilité « passive », une volonté « active » d’analyse. Baudelaire parlait de l’attitude de modernité comme d’une dynamique permettant de tirer « l’éternel du transitoire ». C’est cette attitude du flâneur baudelairien, mêlant observation et action, que Muhlmann juge nécessaire pour le journaliste. Mais il y a un paradoxe dans cette attitude pour Walter Benjamin. En effet « la figure du détective et du badaud représente la double action : observation/investigation, curiosité/passivité » (Mulhmann, 2004, p. 138). Pour W. Benjamin le problème principal est que cette attitudebaudelairienne se veut antibourgeoise, mais elle est dans le même temps totalementempreinte de caractéristiques bourgeoises. Muhlmann veut ainsi montrer que cemélange de rébellion et de conformisme, d’action et d’inaction porte en lui-même uneambigüité, propre au journalisme.
Le deuxième « idéal critique » est « le journalisme en lutte. » Muhlmann cherche ici à démontrer que le marxisme était en lutte, mais qu’il utilisait les relais de son temps. Il était ancré dans le présent. Marx a notamment beaucoup écrit sur la guerre d’Indépendance des Etats-Unis en voulant démontrer que les arguments de l’Angleterre pour intervenir militairement n’étaient que des restes d’impérialisme. C’est la méthode journalistique de Marx qui intéresse ici Muhlmann : prendre au sérieux les arguments idéologiques, décortiquer chaque argument et son mode de production, puis mettre en évidence les contradictions du discours des dominants. Marx ne déserte donc pas l’espace public, mais il le pense comme fondamentalement soumis à des dominations, d’où la nécessité d’un « journaliste en lutte. »
Le troisième et dernier idéal critique est « le journalisme comme rassemblement conflictuel de la communauté démocratique. » La question que se poseici Muhlmann est la suivante : le journalisme tisse un véritable lien intégrateur au seindu système démocratique, mais donne-t-il réellement sa chance au conflit ? Ce dernier idéal-critique apporte la figure de ce que Muhlmann nomme « le journaliste décentreur. » Pour Muhlmann l’existence de ce type dejournalisme témoigne du fait qu’il y a la place pour le conflit et le rassemblement endémocratie, une lutte permanente entre un mouvement émancipateur et unmouvement qui crée du commun. Il y a doncun lien indissociable entre le journalisme et l’environnement dans lequel il évolue.
Dans le cas des pure players, l’environnement technologique et économique a largement compté dans la définition de leurs idéaux-critiques respectifs
Comment les idéaux-critiques de Muhlmann se traduisent-ils à travers les pure players ?
L’idéal type du flâneur correspondrait au projet journalistique de Bakchich info. C’est en effet ce pure player qui représente le plus cette ambigüité de l’observateur impertinent, qui se veut à la fois passif et actif. C’est également le seul des trois pure players étudiés qui ne prétend pas « réinventer » un certain type de journalisme ou tout au moins qui ne fait aucun lien entre Internet et la liberté de ton. Xavier Monnier disait :
« On ferait un journal en kiosque on ferait la même chose. Et j’ai peur que ce soit un gros sophisme que de dire « comme on ne le fait pas en kiosque à cause du coût on a une plus grande liberté sur Internet » ».
L’ »esprit rédactionnel » de Bakchich possèdesa vision du journalisme et n’affiche pas une perception « révolutionnaire » du supportutilisé. Cette attitude de retrait et de prudence par rapport à leurs confrères est une descaractéristiques de cet idéal-critique du flâneur. On vérifie cette attitude à la foispassive et active dans le non-engagement du journal dans l’Appel de la Colline. Cemouvement de « résistance » fut initié par certains médias comme Mediapart, Reporter sans frontière (RSF), le Nouvel Obs., Marianne et Rue89 contre les états–généraux de la presse et la réforme gouvernementale de l’audiovisuel fin 2008. L’Appel de la Colline doit son nom à la réunion du 24 novembre 2008 qui a vu le lancement decet appel depuis le théâtre de la Colline.
Bakchich info, qui a précisé ne pas avoir été invité à la troisième réunion (ni aux deux premières) qui se tenait au théâtre du Châtelet, critiquait à travers la plume de Xavier Monnier les raisons de ce rassemblement médiatique et « bien pensant. » Les principaux arguments qui expliquaient selon lui que Bakchich n’avait pas sa place dans ces « réunions parisiennes » résidaient dans les raisons mêmes invoquées par ses confrères : « En cause, l’interventionnisme présidentiel, les pressions politiques, bref les menaces venues d’en haut, grande nouveauté de la Sarkozie… Et pas du tout le copinage, l’amitié de certains hommes politiques avec des rédacteurs en chef, des directeurs de publication ou tout bonnement des journalistes. »
En somme, Bakchich pense qu’une autocritique de la part de la profession n’aurait pas été importune. C’est ce qu’explique Xavier Monnier, non sans provocation : « Pour la crise de la presse j’ai un avis de petit con : ce sont des journalistes qui se donnent des gros salaires et qui écrivent des trucs pas intéressants. Si la presse crève c’est sa faute, la faute des journalistes. » Ce schéma correspond parfaitement au « public innocent / journalistes malfaiteurs » que Muhlmann reprochait à certaines critiques. C’est toute l’attitude de ce journal pure player qui se veut satirique, apolitique et qui ne veut pas prendre parti. Demeure une volonté de faire du journalisme de qualité et d’enquête même sur le sport et les « people », mais pas d’engagement en dehors de ses articles : « Nous sur le choix satirique c’est qu’on se marre bien. Mais on est moins à gauche que le Canard Enchainé, on n’est pas marqué politiquement, on ne fera jamais campagne pour quelqu’un. »
L’idéal-critique du flâneur correspond relativement bien à Bakchich qui possède une volonté active et assidue d’enquêter, mais uniquement pour ses lecteurs. Le journal perçoit tout engagement comme ne relevant pas de son domaine, c’est son côté passif. Enfin, cette attitude se retrouve dans la volonté du journal de ne pas considérer le support Internet comme un « refuge » (soit pour être « en lutte » ou en tant que « lieu permettant le rassemblement conflictuel »), mais bien comme un autre mode d’exercice de la profession, permettant de retrouver cet idéal du « flâneur. »
Le second idéal-critique du « journalisme en lutte » serait incarné, toujours partiellement, par Mediapart. Le pure player se définit, depuis le lancement du projet le 2 décembre 2007, comme un journal entré en résistance. La date de sa création faisait déjà référence au coup d’Etat bonapartiste de 1851 qui mit fin à la République. Edwy Plenel annonçait solennellement : « De Napoléon le petit à Sarkozy l’hyperprésident, nous disions clairement vouloir réinstaller le journalisme dans son rôle de contre-pouvoir face à un pouvoir présidentiel démesuré, envahissant et étouffant. » L’ambition ne se cantonne plus du tout comme Bakchich à juste appliquer le concept du journalisme, mais l’idée dominante est de redonner souffle à la démocratie française qui serait à la dérive. Le rapprochement avec le journalisme de Marx (à ne pas confondre avec le marxisme) est d’autant plus naturel que Mediapart revendique la démarche consistant à se battre contre l’idéologie ambiante en retournant contre elle-même ses propres arguments.
Martine Orange nous confirmait cette perception à l’égard du discours sur l’économie, qui avait pour la journaliste clairement failli à l’aube de la crise des subprimes : « On nous a présenté l’économie dans un monde idéologique très dur de manière d’autant plus pernicieuse qu’il se considérait comme non idéologique. Et que l’économie nous était présentée comme la loi de la gravitation universelle, c’est-à-dire des phénomènes naturels sur lesquels nous n’avions pas à discuter puisque de toute façon la pomme tombe. »
Mediapart confirme ainsi son projet initial qui affiche une ambition idéaliste dépassant le cadre du simple journal d’information générale. « Un journalisme en lutte » qui désire dépasser en influence le chiffre modeste de son lectorat. Cette position est d’ailleurs revendiquée dès le lancement du projet sur le pré-site du journal, dans une tribune d’E. Plenel, le prix de la liberté :
« Nous avons besoin d’une nouvelle presse en France, et MediaPart est ce projet. […]. Né de la rencontre entre des professionnels du journalisme et des spécialistes du Web, il cherche à inventer une réponse aux trois crises – démocratique, économique, morale – qui minent l’information en France, sa qualité et son utilité, son honnêteté et sa liberté. […]
Dans cette culture politique-là, un(e) journaliste est forcément un adversaire qu’il faut séduire ou réduire, vaincre dans tous les cas. »
Le champ sémantique de la révolution, ici « la lutte », se retrouve ainsi dans le projet même du journal, notamment à travers cette opposition entre la « culture politique », qui est une référence explicite à la pratique politique du président N. Sarkozy et « un(e) journaliste. »
Dans ce contexte, tel qu’il est présenté par Médiapart, le projet journalistique tente bel et bien de (re)créer un idéal journalistique en se présentant en lutte contre la « culture politique » dans un contexte miné « par trois crises. » En somme, une lutte contre les puissants.
Un exemple pertinent qui illustre cet aspect idéaliste de Mediapart est sa référence assumée au journal imaginaire inventé par Stieg Larsson dans sa trilogie Millenium. Ce journal imaginaire est un journal économique qui a deux activités principales : chercher des fonds pour subsister et sortir des affaires sur des grands scandales financiers. Le journalisme est idéalisé comme une lutte permanente, nécessaire à la démocratie : « Il était d’avis que la vraie mission journalistique était d’examiner les chefs d’entreprise avec le même zèle impitoyable que les journalistes politiques surveillent le moindre faux pas chez les ministres et les parlementaires…
Cette attitude quelque peu atypique dans le monde du journalisme économique l’avait plus d’une fois mené aux conflits ouverts avec des collègues » (Larsson, 2008, p 71).
Ce « journalisme en lutte » en partie incarné par Mediapart ne se contente pas de « faire du journalisme » sur Internet à l’instar de Bakchich. Le support Internet est bien considéré ici comme un « refuge » permettant d’intervenir dans l’espace public sans être « étouffé » par une idéologie dominante et de réinstaller le journalisme dans « son rôle de contre-pouvoir. »
Le dernier idéal-critique de Muhlmann pourrait chercher son incarnation partielle dans le troisième pure player d’information générale étudié, Rue89 : « le journalisme comme rassemblement conflictuel de la communauté démocratique. »
L’idéal prôné par Rue89 est une « révolution de l’information » qui passerait par son approche du système « à trois voix : experts, internautes et journalistes. » Mais Pierre Haski, l’un des fondateurs du site, précisait dans son entretien :
« Aujourd’hui, un tiers de l’information [en 2009] que nous publions provient de non professionnels (internautes et experts) ce qui est à la fois beaucoup, si l’on considère que nous sommes un site d’information animé par des professionnels et très peu compte tenu du volume des contributions qui nous parviennent chaque jour. » L’idéalde Rue89 s’est recentré depuis son lancement (les journalistes produisant désormaisdeux tiers des contenus), mais ceci sans complexe puisque, Pierre Haski le rappelait, ila bien fallu une phase d’adaptation. Rue89 préfère désormais parler de « participation encadrée ». Pour être précis et ne pas étirer le concept de Muhlmann au-delà de ce quele pure player représente, on peut noter une certaine absence de « journalismedécentreur. » C’est-à-dire qu’il n’y a pas un mélange équitable entre une informationcherchant « à porter la plume dans la plaie » (Albert Londres) et une information quia tendance, pour ce site, à sélectionner des sujets prétendant à l’originalité, mais non àl’exhaustivité.
Ce « rassemblement conflictuel » se retrouve à deux niveaux :
- d’une part, dans la structure même du journal qui produit de l’information à partir de sources « professionnelles » (c’est-à-dire des journalistes « de métier ») et des internautes susceptibles d’apporter un témoignage ou un éclairage sur une actualité.
- D’autre part, dans le traitement même de l’information avec une frontière poreuse entre les « news » (articles d’actualité) et les human interest stories, qui relèvent davantage d’un traitement local de l’information. L’article « Razzak, vendeur de roses dans la rue « Ces fleurs je les hais » » publié le 14 février 2009 en est une bonne illustration. En effet, l’histoire personnelle de Razzak sert à produire un article qui fournit un état des lieux (et non une enquête) sur la situation des réfugiés du Bangladesh en France en opérant un petit rappel politique sur le pays et en interrogeant une responsable d’une association spécialisée sur leur situation. Le réseau des vendeurs de roses est décrit et analysé depuis l’achat des fameuses fleurs à Rungis jusqu’à leur vente dans les restaurants, sans oublier le rôle des différents intermédiaires. Mais Rue89, contrairement à Bakchich info et Mediapart, ne prétend pas faire du journalisme d’enquête.
Ainsi que nous le mentionnions, confronter le discours des acteurs des pure players avec les idéaux critiques de G. Mulhmann permet à la fois de nuancer la grille de lecture de ces idéaux, tout en apportant un éclairage sur les projets défendus par ces journaux.
Par ailleurs, mentionnons le rôle du déterminisme technologique à défaut de l’analyser : s’il ne semble pas présent dans le projet de Bakchich info, il apparaît clairement dans les discours de Mediapart (« Internet comme refuge pour la résistance ») et Rue89 (« Internet comme point de rassemblement. »)
Après avoir établi un premier éclairage sur le projet journalistique nous allons, dans une deuxième partie, tenter de comprendre comment ces idéaux se traduisent concrètement dans le traitement journalistique de la thématique économique afin de compléter notre analyse.
Le traitement journalistique de l’économie par les pure players : une forme de bioeconomie ?
Dans Naissance de la biopolitique, Foucault conclut sa dernière leçon par une constatation étonnante. Si l’homo juridicus (ou le sujet de droits) limitait le pouvoir du gouvernement, l’homo oeconomicus, lui, le défie et lui révèle ses faiblesses : « Il le déchoit dans la mesure où il fait apparaitre chez le souverain une incapacité essentielle… une incapacité à dominer la totalité du sujet économique. » (Foucault, 2004, p. 296)
En clair, cette interface économique (l’homo oeconomicus) de gouvernabilité de tout sujet soumis au pouvoir d’un gouvernement n’est pas entièrement dominée par le pouvoir central. Elle crée en son sein un espace de liberté qui rentre directement en confrontation avec ce biopouvoir. La biopolitique cherche à investir le champ des comportements individuels et collectifs pour renforcer son efficience, mais dans le même temps, elle le fait en s’autolimitant constamment. Son principe est d’être la plus efficace possible tout en posant régulièrement la question de son déploiement et de son retrait.
Cette conception du pouvoir économique se retrouve-t-elle chez les Pure Players ?
L’ « économisation » de la vision journalistique
Dans Critique de la raison journalistique, paru en 2004, le chercheur au CNRS Julien Duval ne se place pas dans une perspective de critique structurale bourdieusienne du champ journalistique. A la manière de Muhlmann il commence son livre en critiquant ces approches qui se focalisent sur les pressions, les manipulations ou la mainmise de grands groupes sur les titres de presse. En effet pour lui cette approche ne permet pas de saisir un mouvement plus général qui est la propension croissante des médias à relayer une vision totalement conforme au système économico-politique : la démocratie libérale. « Les journalistes économiques (et dans une mesure à peine moindre l’ensemble du champ journalistique) ont une forte propension à porter, dans leurs articles et reportages, un regard économique sur le monde » (Duval, 2004, p.18) annonce-t-il en introduction de son ouvrage.
Cette vision, qui sera développée en 2004, est toutefois déjà présente sous la plume du chercheur en 2000 dans l’article « Concessions et conversions à l’économie » (Duval, 2000).
C’est cette vision que Martine Orange dénonçait comme pernicieuse et en partie responsable de la crise des subprimes car justement présentée comme « non idéologique. » En analysant les transformations de la presse économique en France (Duval, 2000, Op. Cit.), Duval cherche à dégager des pistes de réflexion pour les transformations ayant affecté la presse en général (Duval, 2004, Op.cit.). Pour lui, les transformations du journalisme économique contemporain se sont principalement produites dans les années 1980 et 1990. Ces transformations se sont matérialisées principalement par le développement dans toute la presse (Il cite notamment Le Monde, le Figaro, Le Nouvel Observateur, Libération,…) d’ « une dynamique des cadres », c’est-à-dire la production d’une information de plus en plus économique à destination d’une population plus au fait des changements économiques. « Au début des années 2000, le Monde aspire à produire des scoops en matière économique, comme les journaux spécialisés, voire mieux qu’eux ». Et le rédacteur en chef du Monde à cette époque, qui a grandement impulsé ce changement, n’était autre qu’un certain Edwy Plenel, actuel rédacteur en chef de Mediapart. Nous constaterons que nous retrouvons cette tendance au sein de ce pure player.
Pour Duval, la presse française se définit par une forte professionnalisation de ses journalistes, un cadre économique en forme d’entreprise privée très dépendante du champ économique, et sa proximité avec le milieu anglo-saxon. De même, il décrit « les consommateurs des médias… non pas comme une population indifférenciée de lecteurs égaux et interchangeables, mais comme un ensemble de segments à la valeur publicitaire très inégale ». Pour Duval ce mouvement d’ « économisation » de la vision journalistique « procède d’une certaine forme de dépolitisation ». L’exemple qui illustre le mieux sa thèse est l’étude détaillée du succès de l’émission télévisée grand public de M6 : Capital. Il part du constat que cette émission crée en 1988, c’est-à-dire pendant la période de changements majeurs du champ journalistique selon lui, conjugue réussite commerciale et reconnaissance des pairs. Cette émission serait l’incarnation de cette vision économique du journalisme qui s’attaque à toutes sortes de sujets en prétendant posséder la vision la plus neutre qui soit. « On a une non-idéologie qui fait d’ailleurs qu’on nous accuse d’en avoir une, d’être un peu les valets du capital » disait Emmanuel Chain (février 2000).
Mais comment les pure players traitent-ils l’Economie ? Est-elle omniprésente, au-delà des problématiques purement économiques ? Et quels liens peut-on trouver entre la place accordée à l’économie et l’idéal affiché par chaque pure player ?
Chaque pure player consacre une place particulière à l’économie en tant que thème ou rubrique
Quand on interroge Xavier Monnier sur la place de la thématique économique dans la presse en général, il fait ce constat : « L’économie on en a fait le noyau dur de l’analyse, il ne faut pas que ce soit le prisme par lequel on voit tout… Car dans la presse ça devient des cours d’économie ». Pour le rédacteur en chef adjoint de Bakchich info, les spécialistes ont pris le pas sur les journalistes et parlent aux spécialistes. Pour lui le problème est de nouveau en relation avec l’attitude des journalistes.
La première étape serait de commencer, pour les journalistes, par admettre qu’il y a des choses qu’ils ne comprennent pas : « le souci c’est que les journalistes ont un tel égo qu’ils n’osent pas dire qu’ils n’y comprennent rien ». Il nous confirme qu’il y en a qui sont spécialisés à Bakchich en économie, cela peut être un professeur d’économie ou un pigiste. Mais lui ne rentre dans ce type de sujet que par le biais des « affaires » : « Car le but de bakchich ce n’est pas de reproduire ce que disent les Echos. Donc on cherche des éclairages qui sont différents ». Le pure player reste sur ce point cohérent avec son projet journalistique d’enquête au service de ses lecteurs. L’économie est effectivement reconnue comme un problème particulier et qui a pris une place majeure parmi les différents thèmes. Cependant, Bakchich s’efforce de ne pas se spécialiser particulièrement dans les enquêtes économiques. Il accorde notamment une place prépondérante aux enquêtes sur le sport et les sujets « people« . Et même si l’international s’est de plus en plus développé depuis sa naissance, le sujet principal reste la politique intérieure française. L’économie ne tient pas une place différente pour le journal, mais se voit au contraire traitée de la même façon que tout autre sujet : « Le risque c’est de démissionner parce qu’on y comprend rien. Donc il ne faut pas laisser la parole qu’aux experts. Il faut que les journalistes se remettent à bosser en allant sur le terrain ».
De plus, les journalistes qui travaillent à Bakchich viennent de tous les horizons et ne sont pas spécialisés dans tel ou tel domaine, Xavier Monnier nous affirmait même que beaucoup sortaient directement de « l’école ». Il y a peut-être le rédacteur en chef, Nicolas Bau, qui est un ancien du Canard Enchainé et journaliste d’investigation, mais la plupart de ses enquêtes abordent également l’économie à travers les « affaires ». D’ailleurs, la rubrique économique du site possède un nom évocateur, « BIG BIZNESS » qui confirme l’approche économique évoquée : « Ici, nous auscultons les coulisses du monde des affaires, la face cachée du business, des mammouths du CAC 40 ou des entreprises et intermédiaires en tous genres. Un plongeon dans la trépidante vie des grands patrons ».
Nous remarquons ainsi que le discours lié au projet journalistique relatif à la catégorie du « flâneur », se trouve ici pleinement conforté : un journalisme d’enquête de fond, sur des sujets qui ne sont pas forcément en rapport avec l’actualité « chaude » afin de produire de l’information pour ses lecteurs en minimisant la part idéologique, mais qui va privilégier la piste du scoop (ou des « affaires » le cas échéant.)
Les journalistes de Bakchich ne reproduisent pas le discours dominant sur l’économie car ses journalistes ne sont pas des spécialistes en économie et ne désirent pas le devenir. La sociologie des journalistes, le projet du pure player et la spécificité de la rubrique économique convergent : un journalisme d’enquête cherchant à révéler des affaires, mais qui ne revendique aucune approche économique particulière.
Mediapart est très différent de Bakchich info en ce qui concerne la thématique économique. Avant de rappeler l’enjeu du projet journalistique du pure player, il semble primordial de commencer par un petit rappel sociologique de ses journalistes. Laurent Martin dans son livre Le Canard Enchainé, Histoire d’un journal satirique (1915-2005)*, rappelait que durant les « années Edwy Plenel » le Monde s’était donné pour objectif de concurrencer le Canard Enchainé sur le terrain des affaires : « Pour des raisons à la fois commerciales (le public était demandeur) et éthiques ou politiques (Le Monde se devait d’être le fer de lance de la lutte contre la corruption des élites), Plenel, alors pleinement soutenu par Jean Marie Colombani (directeur du journal à l’époque), avait musclé l’équipe d’investigateurs du Monde… » (Martin, 2001, p 575).
Laurent Martin nous rappelait notamment que l’arrivée du journaliste d’investigation spécialiste des affaires judiciaires, Fabrice Lhomme, faisait partie intégrante de cette stratégie. Ce journaliste travaille d’ailleurs désormais pour Mediapart. De même, Laurent Mauduit, journaliste économique au Monde et responsable de l’ancienne rubrique Entreprise, avait quitté le quotidien national suite à une « coupe », que lui nomme « censure », dans l’un de ses articles sur les Caisses d’Epargne. Martine Orange a également travaillé dans la rubrique Entreprises du Monde, puis dans le magazine Challenges et elle a été également rédactrice en chef de La Tribune pour finalement rejoindre la rubrique Economie de Mediapart.
Martine Orange nous précisait qu’il y a « quatre journalistes et demie » (car un journaliste a le statut d’associé et non d’employé) qui travaillent pour la rubrique économique du pure player. Ce qui est un nombre relativement important au regard du parcours journalistique de chacun d’entre eux. Quant à la place de l’économie en tant que sujet, Martine Orange ajoutait : « on veut parler d’économie, mais autrement. Il y a eu un glissement depuis 25 ans, le pouvoir a glissé du politique vers l’économique avec des systèmes qui n’ont pas été vus et perçus : la prise de pouvoir de certains groupes sur des pans entiers de la vie publique. Et il est important d’en parler de façon non manichéenne, ce ne sont pas les horribles méchants, mais quand ils abusent il faut le dire ».
Pour Mediapart on n’entre pas dans l’économie uniquement par le biais des affaires.
L’économie est un sujet qui s’est imposé justement du fait de ce glissement du politique vers l’économie. L’économie est considérée un peu à la manière du journal imaginaire Millenium, comme un nouveau pouvoir (en partie politique) sans réel contre-pouvoir. Les journalistes ont donc le devoir de jouer ce rôle. Mais la journaliste économique nous rappelait, à l’instar de Xavier Monnier, que toute l’équipe avait le sentiment d’être journaliste avant d’être journaliste économique. Et elle relevait également le problème du dialogue entre spécialiste « qui vous donnera un discours non pour les citoyens, mais pour les personnes de la bourse et leurs pairs. Ils se parlent entre eux ».
Cette conception du traitement journalistique de l’économie renvoie, en grande partie, au projet journalistique du journal qui se veut « en lutte » contre une certaine conception de la politique (étant entendu que les membres de Mediapart considèrent l’économie aujourd’hui comme une forme de pouvoir politique).
Pour autant, relevons ici un paradoxe : si le journal se présente comme un « résistant » face au pouvoir politique actuellement en place, Martine Orange considère qu’il faille traiter la thématique « économique » de façon « non manichéenne » alors que la rédaction considère l’économie comme une forme de pouvoir politique. Le traitement effectif de la thématique économique ne semble donc pas relever totalement de l’idéal journalistique que nous avions au préalable relevé.
Il y a donc une volonté de parler d’économie et de « sortir des affaires » tout comme Bakchich info, mais pour le site fondé par Edwy Plenel, l’économie nécessite une équipe relativement spécialisée dans le domaine et qui perçoit largement cette thématique sur un pied d’égalité avec la politique.
Nous retrouvons ici l’idéal du journalisme « en lutte » contre une forme d’élitisme (de certains discours économiques) afin de mieux sensibiliser les citoyens à cette question. Toutefois, l’approche semble davantage pédagogique que révolutionnaire avec, en trame, une certaine « économisation » de la vision journalistique, notamment en plaçant la thématique économique sur le même plan que la politique.
Rue89 cherche encore une fois à « être ailleurs » en ce qui concerne l’économie.
L’unique point commun avec les autres pure players réside sans doute dans la prise en compte de cette rubrique comme l’une des plus importantes. C’est notamment pour cette raison que dans le développement du site, le premier « nouveau né » fut Eco89.
Arnaud Aubron nous confirmait cette « priorité » pour l’économie : « Si on a crée Eco89, c’est parce qu’on voulait se diversifier et approfondir le sujet. Plus tard on a vocation à s’élargir sur tous les fronts. On a commencé par l’économie car je crois que c’est l’endroit où il y a le plus de demande et où il y a le moins de réponse… Et il y a une autre raison pratique, c’est que deux des quatre fondateurs étaient chefs du service éco à Libé. Donc c’est pour toutes ces raisons qu’on a commencé par l’éco. »
Arnaud Aubron, en considérant que la thématique économique est celle qui suscite le plus d’attente, admet ainsi explicitement un traitement particulier à cette dernière, comme en témoigne la création d’Eco89.
Cependant, Rue89 ne désire pas traiter d’économie comme les autres, en somme ne pas seulement faire comme Bakchich info et Mediapart qui veulent que les journalistes se réapproprient le sujet pour mieux l’expliciter. Avec Eco89, Rue89 veut aller plus loin et aborder l’économie comme un sujet touchant tout le monde au quotidien : « A part Les Echos ou la Tribune qui sont destinés aux chefs d’entreprises et aux cadres, il n’y avait pas de magazine dont le but était d’expliquer aux gens en quoi l’économie les concerne au quotidien. La plupart de ton temps éveillé est consacré à des activités économiques ». Une nouvelle fois, nous retrouvons une analyse convergeant vers cette vision d’ »économisation » de la vision journalistique, ce besoin de traiter le plus de sujets possibles à travers des critères et une thématique économiques. Cette « économisation », tout au moins sa traduction dans le projet journalistique du pure player renvoie pleinement à son idéal journalistique de « rassemblement conflictuel de la communauté démocratique » : traiter d’économie, mais avec un angle social, des référents connus par les lecteurs « non spécialistes » d’économie. En somme, parler d’économie à tous et pas seulement à quelques initiés.
Nous constatons ainsi, au travers de cette deuxième partie, que le traitement journalistique de l’économie par les pure players traduit pour une bonne partie l’idéal journalistique tel que nous l’avons montré dans la première partie de l’article, bien que certaines différences apparaissent, notamment dans le cas de Mediapart.
Pour autant, dans le cadre de notre analyse, nous voyons se dessiner des orientations qui se précisent et des illustrations plus concrètes de ce que peut être, pour ces différents pure players, un « nouvel idéal journalistique » dans la ligne éditoriale ou encore sur le plan de l’engagement : plutôt apolitique et « sensationnel » avec Bakchich info, ou plutôt en lutte contre le « pouvoir » pour Mediapart (avec une légère nuance sur le plan du traitement de l’économie. » Rue89, se veut plutôt « rassembleur » avec, à la fois une spécificité de traitement de la thématique économique avec la création d’Eco89, tout en gardant une ligne éditoriale fidèle à son idéal, à savoir parler au plus grand nombre des préoccupations du plus grand nombre.
Si le traitement journalistique de la thématique économique semble refléter les idéaux revendiqués par les pure players, qu’en est-il de la structure même de ces journaux ? Traduisent-ils, eux aussi, ces idéaux revendiqués ? C’est ce que nous allons aborder dans une troisième et dernière partie.
Une redéfinition du rapport entre le journaliste et son lecteur ?
Le discours relatif à l’économie semble refléter cet attachement à l’idéal journalistique revendiqué par chaque pure player. Toutefois, qu’en est-il dans la pratique ? Comment les pure players se positionnent-ils en tant que « structure économique » ? Quelles sont les conséquences de cette (re)définition pour le public ?
Quelles conséquences cette structure a-t-elle sur la relation au public des pure players ?
La première observation que l’on pourrait formuler concerne cette relation, toujours complexe, entre annonceurs et médias.
Ce que l’on peut admettre pour la structure bioéconomique des pure players, avec beaucoup de précautions, c’est une certaine forme de changement de pouvoir. En effet, dans une structure reposant sur des dispositifs de plus en plus automatisés et une économie qui se satisfait de petites transactions, mais en très grand nombre, les dominations ne sont plus les mêmes que dans la presse « traditionnelle ». Concrètement il serait faux de dire que le besoin d’audience des sites comme Rue89 ou Bakchich info rendrait ces derniers dépendants face à leurs annonceurs. Comme le signalait Arnaud Aubron à propos de la relation du pure player avec les annonceurs: « Nous on n’a pas tellement de relations avec eux, on a une régie publicitaire qui règle les relations avec les annonceurs. »
Ces annonceurs que Martine Orange percevait comme le danger importé de la presse écrite : « vous ne ferez pas de la peine à Renault le jour où il se passe quelque chose, car Renault est votre principal annonceur de site. » Cette vision ne semble pas (ou plus) correspondre à la réalité des structures financières étudiées, puisque les pure players, dans la plupart des cas, ne savent même pas quels types de publicité vont être diffusées sur leur site. Bien sûr, Bakchich info refuse certaines publicités, mais il donne à sa régie publicitaire quelques noms de compagnies ne correspondant pas à son « image de marque. » Pour le reste, les journalistes découvrent ensuite les campagnes postées sur son site en même temps que les internautes.
Afin de rester prudent, il convient de rappeler que tous les pure players étudiés n’ont que quatre ou cinq ans d’existence, et sont encore dans une phase de recherche et de complément de recettes afin de se stabiliser. On pourrait donc parler d’une période de construction, où il pourrait être hâtif de se prononcer trop franchement sur l’apparition de nouvelles dominations structurelles. Cependant l’acteur majeur au niveau financier dans le dispositif économique de ces nouveaux médias semble être la régie publicitaire. Quand plus des deux tiers des revenus d’un journal ne sont plus issus de gros annonceurs, mais d’une seule entreprise privée, de nouveaux risques évidents de dépendance peuvent apparaitre, mais il est encore trop tôt pour disposer d’un certain recul face aux conséquences directes de cette nouvelle structure financière. C’est pourquoi ce rapport entre régie publicitaire et support doit davantage être appréhendé comme une interrogation plutôt qu’une vision inéluctable d’une nouvelle forme émergente de dépendance.
Cette prudence, qu’il nous semble nécessaire d’aborder brièvement, s’illustre par la volonté de certains pure players de diversifier l’origine de leur financement : le mur des lecteurs pour Rue89 afin d’inciter ses lecteurs à faire un don « [Ainsi que] d’autres recettes complètent ce modèle : conception de sites web, revente de contenus, formation à Internet » selon la FAQ du site), ou encore des formules payantes graduelles pour Mediapart (le site est entièrement payant, mais le lecteur peut choisir sa formule d’abonnement : 15 jours, 1 mois, 1 an, etc.). Entre les deux, Backchich info propose un modèle mixte avec une grande majorité du site en accès gratuit ainsi que certains contenus payants (par exemple « les off », ou encore la version papier hebdomadaire.) Pour Backchich info, ces recettes supplémentaires sont indispensables après la fermeture temporaire du site suite à une mise en liquidation judiciaire en Janvier 2011 (le site rouvrira en Juin 2011.)
Parallèlement, de nouveaux modèles de sites voient le jour (notamment aux Etats-Unis) dans lesquels on propose aux lecteurs de la POD (presse à la demande). Ce sont autant de modèles qui montrent une volonté des journalistes de se départir de contraintes économiques classiques (annonceurs-support) et par ce biais, de tenter de sortir d’une vision univoque et conforme au système économico-politique dont les journalistes sont conscients depuis de nombreuses années et qui influencent directement leur façon d’aborder l’actualité.
Au regard de cette structuration économique, nous constatons que les pure players tentent, par ce biais, de faire transparaître leur idéal journalistique. Bien que cela ne soit pas évident pour Backchich Info (un site gratuit avec du contenu payant), les stratégies suivies par Mediapart et Rue89 se rapprochent davantage des discours tenus.
Mediapart qui, rappelons-le, cherche à incarner un « journalisme en lutte » considère que l’indépendance du journal passe, outre la liberté éditoriale du journal, par une indépendance financière. Ainsi, lorsque le lecteur de Mediapart paye un abonnement, il soutient par la même occasion la cause défendue par le journal. Il est ainsi associé à cette « lutte ». En somme, Mediapart cherche à « mieux informer » le lecteur, mais fait comprendre à ce dernier que sans ce soutien, la lutte n’est pas possible.
Rue89, par sa formule, cherche également à refléter son idéal journalistique, « le rassemblement conflictuel » : une grande partie de son contenu reste gratuit (« tout le monde est bienvenue dans ce rassemblement ») et pour les personnes qui désirent un engagement plus profond, il leur est possible de faire un don ou de participer aux activités annexes.
Si l’idéal affiché par les pure players semble vouloir être traduit par la structuration financière, il est à noter qu’il s’appuie, en grande partie, sur la participation et, d’une certaine manière, une forme « d’engagement. » Ces notions s’appuient elles-mêmes sur un concept plus fort qui est celui de « société civile ».
La leçon du 4 avril 1979 clôt le cours de Michel Foucault en introduisant cette nouvelle notion inattendue, mais fondamentale, de « société civile ». Son objectif « stratégique » est de proposer quelques pistes d’explications entre les anciens et les nouveaux arts de gouverner, leurs différentes interfaces « de prise » sur les individus et les conséquences qui découlent de l’existence « conjointe » de sujets de droit et d’homo oeconomicus : « la notion de société civile… c’est, en somme, une tentative pour répondre à la question que je viens d’évoquer : comment gouverner, selon des règles de droit, un espace de souveraineté qui a le malheur ou l’avantage, comme vous voudrez, d’être peuplé par des sujets économiques ? » (Foucault, 1994, p 299)
Derrière le mythe du sujet de droit et de l’homo oeconomicus, il y a des pratiques ancrées dans la réalité, qui font que tout concept ne doit jamais être formulé avec homogénéité. C’est exactement ce que nous constatons pour le mythe participatif du public des pure players. Il n’y a qu’une infime minorité (moins de 1 % (1)) qui participe réellement et de façon continue, une sorte de « portion plus choisie ».
Le travail du journaliste, dans cette nouvelle configuration, s’en trouve de fait modifié. Mais jusqu’à quel point ?
C’est ce que nous allons aborder dans ce dernier point, le parallèle entre cette communautarisation de la société civile fonctionnant selon Ferguson par un système « noyau/périphérie » et le public des pure players qui se rapproche de ce mode de fonctionnement.
Le nouveau public issu du Web 2.0 incarne-t-il une certaine « société civile » ?
« La société civile ne sera pas l’humanité en général ; ce sera des ensembles, des ensembles de même niveau ou des ensembles de niveaux différents qui vont regrouper les individus en un certain nombre de noyaux. C’est la société civile, dit Ferguson, qui fait que l’individu « embrasse le parti d’une tribu ou d’une communauté. » La société civile n’est pas humanitaire, elle est communautaire. » (Ibid., p 305)
Cette différence induite par leconcept de « société civile » de communautarisme multi-niveaux peut nous fournir unautre type d’éclairage sur le public des pure players.
Ce qui nous intéresse dans le cas présent ce n’est pas ce qui est récupéré ou organisé par des régies publicitaires ou d’autres acteurs du Web, mais ce qui est fait par les pure players par rapport à leur public. En effet, le lien que les journalistes des pure players entretiennent avec leur public n’est pas directement commercial, nous l’avons vu. Cependant il y a tout de même un besoin de fidélisation et la nécessité de fournir un service de qualité correspondant à « la marque de fabrique » de l’entreprise médiatique.
Toutefois, La dilution, ou tout du moins la redéfinition des pouvoirs et des dominations qui traversent en ce moment le champ médiatique sur Internet nous rappelle que nous sommes dans une situation qui se cherche et qui n’est pas encore stabilisée. Et c’est dans ce mélange d’intérêts économiques et non-économiques que nous allons trouver le dernier parallèle entre structure économique, idéal type et relation entre le journaliste et son public.
Décentrement et recentrement : quand l’idéal type se complexifie
« Formellement, donc, la société civile c’est bien ce qui va être le véhicule du lien économique. Mais le lien économique va, à l’intérieur de cette société civile où il peut prendre place, jouer un rôle très curieux, puisque d’une part il va bien lier les individus entre eux par la convergence spontanée des intérêts, mais il va être, en même temps, principe de dissociation… en appuyant, en rendant plus incisif l’intérêt égoïste des individus, tendre à défaire perpétuellement ce que le lien spontané de la société civile aura noué. » (Ibid., p 306)
Au moment de conclure, Foucault nous démontre commentle lien économique présent dans cette société civile opère un mouvement dedissociation et de rassemblement. La bioéconomie suit ce processus, elle isole lesindividus pour les « profiler » au mieux et renforcer sa connaissance du comportementde chacun, mais elle regroupe par communautés ou intérêts communs ces mêmesindividus car elle ne pourrait pas assoir sa rentabilité sur une atomisation totale ducorps social. Et ce, d’autant plus si l’on considère que les pure players évoluent dans un environnement techno-économique, le Web 2.0 qui peut être appréhendé comme un environnement, tout au moins un concept, lui-même politique (Ramrajsingh, 2010).
Ce double mouvement nous renvoie dans le même temps à celui analysé par Muhlmann en ce qui concerne les idéaux-types du journalisme. Elle arrivait à la conclusion que le journalisme dépendait du régime politique dans lequel il s’insérait et qu’il opérait le même mouvement que ce régime. Un mouvement décentreur et émancipateur qui incluait aussi une dynamique homogénéisante voire aliénante dans sa « constitution de commun » pour tous. Le cyberjournalisme produit par les pure players, lui, se place également dans un environnement qui le dépasse en taille, mais qui l’intègre dans son fonctionnement : la bioéconomie. Ainsi la corrélation entre entreprise médiatique et vision journalistique et entre idéal-type et pratiques journalistiques nous rappelle ces dispositifs de savoir/pouvoir qui vont de pair et doivent être pris dans leur ensemble. « Autrement dit, le lien économique qui prend place dans la société civile, n’est possible que par elle, la resserre d’une certaine façon, mais la défait par un autre bout » (Ibid., p 306).
Conclusion
Ce que Foucault décrit dans ses dernières lignes de Naissance de la Biopolitique correspond tout à fait à ce que Muhlmann percevait dans les conséquences multiples du journalisme en démocratie : la création dans le même temps d’un public kantien et d’une foule au sens de Le Bon. Un double mouvement aliénant qui dans le même temps peut être émancipateur.
Le Bon, dans Psychologie des foules paru en 1895, considère en effet que chaque peuple a une sorte « d’âme collective » conditionnée par des particularités psychologiques, culturelles et biologiques. Pour Muhlmann ce qui est intéressant c’est qu’ »en rabattant la notion de « public » sur celle de « foule », Le Bon annule le travail de Kant visant à dédoubler un peuple, à le placer sur deux scènes, celle des actions et celles des regards » (Mulhmann, 2004, p 97).
Gabriel Tarde a en quelque sorte « répondu » à Le Bon en 1901 dans son livre L’Opinion et la foule. Il essaya de percevoir quel lien pouvait être défini entre le journalisme, dont il situait la naissance réelle à la Révolution, et son public qu’il se refusait à qualifier de foule. Pour Tarde, la conversation collective qui existe entre ces deux entités conceptuelles comporte « du liant voire de l’homogénéisant« .
C’est précisément à ce point que voulait parvenir Géraldine Muhlmann en mettant en balance une vision enthousiaste et une vision pessimiste de la démocratie. Le journalisme s’inscrit dans ce double mouvement. Il crée de l’ouverture et de la fermeture, il émancipe, permet la sortie de l’état de tutelle, mais dans le même temps il homogénéise et il enferme. Le journalisme, à l’image de la démocratie, joue donc le rassemblement et le conflit. Il hérite en quelque sorte des caractéristiques du régime politique qui l’a vu naitre et dans lequel il évolue.
C’est principalement pour cette raison que nous avons délibérément choisi d’étudier le journalisme des pure players d’information générale au travers du prisme économique.
En nous appuyant sur les travaux de Mulhmann afin de mettre en perspectives les idéaux journalistiques afin d’expliciter ces derniers grâce à l’éclairage de Foucault en suivant l’approche critique de Duval, l’analyse que nous proposons ici se veut véritablement heuristique.
Il nous a semblé que cette grille de lecture permettait d’aborder à la fois les problèmes éthiques et économiques dans leurs interactions multiples sans pour autant vouloir donner un quelconque jugement.
La confrontation méthodologique foucaldienne qui consiste à créer une tension permanente entre un certain régime de vérité et une série de pratiques permet justement de ne pas tomber dans cet écueil.
Dire que les pure players d’information générale ont réalisé un nouvel idéal journalistique tout comme prétendre qu’ils seraient aliénés par une nouvelle structure économique au prétexte qu’ils ne la maitrisent pas totalement ne reflèterait pas au mieux la réalité. Ils sont en recherche permanente, ils commencent à percevoir leurs erreurs premières. En revanche nous constatons, à quelques nuances près, que le projet journalistique, la structure économique et le lien avec le lecteur semblent globalement en cohérence pour chacun des pure players étudiés. Ce « nouvel idéal journalistique » perdurera-t-il dans les années à venir ou, au contraire, devra-t-il faire, de nouveau, face à la réalité économique qui finirait par prendre le pas sur l’idéal affiché ?
Notes
(1) Une étude menée en interne par Rue89 et disponible en ligne le montre. Voir DE GROM, 2008.
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Rue89 – http://www.rue89.com/
Bakchich Info – http://www.bakchich.info/
Auteur
Athissingh Ramrajsingh
.: Athissingh Ramrajsingh est post-doctorant rattaché au CHERPA (Croyance, Histoire, Espace, Régulation Politique et Administrative), EA 4261 de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence. Il a soutenu une thèse en 2009 intitulée « Les nouvelles technologies Web, facteur d’un glissement de la prérogative politique ? » sous la direction de Pascal Robert. Ses recherches portent sur les enjeux politiques des TIC, ainsi que sur des aspects critiques de la « gestionarisation » de la société.