Quand un nouvel entrant des industries culturelles compose avec les convergences : le multisupports à l’épreuve d’une conception industrielle (1)
Résumé
Nouvel entrant dans les industries culturelles en France, le groupe Bolloré poursuit le développement de son pôle de communication et de médias dans une logique de convergences économiques, mais finalement assez peu dans une démarche de mise en œuvre de pratiques journalistiques multisupports. Autant le groupe s’accommode avec aisance des convergences de propriété, tactique et de structure, car elles s’articulent autour de processus industriels prégnants, hérités de l’histoire de la firme, et s’inscrivent en partie dans le mouvement de financiarisation et de concentration des entreprises médiatiques. Autant, dans les médias qu’il a créés ou rachetés – deux chaînes de télévision, deux quotidiens gratuits usant d’alliances avec d’autres groupes de presse régionale et nationale, une radio numérique et un site Internet éphémères – Bolloré Média a peiné à installer des procédures de production de l’information, qui visaient à alimenter plusieurs supports dans la collecte et la narration de l’information et à rendre les journalistes plus polyvalents. Jusqu’ici, la posture de l’industriel dans les médias se révèle finalement assez conforme à un mode d’organisation normé, proche de la presse gratuite.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Gimbert Christophe, « Quand un nouvel entrant des industries culturelles compose avec les convergences : le multisupports à l’épreuve d’une conception industrielle », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°11/1, 2010, p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2010/varia/05-quand-un-nouvel-entrant-des-industries-culturelles-compose-avec-les-convergences-le-multisupports-a-lepreuve-dune-conception-industrielle
Introduction
Bolloré a lancé son modèle informationnel, à la fois gratuit et annoncé, dès 2005, comme multisupports, en bâtissant dans le même temps son pôle de communication et sa marque de médias. En cela, on pourrait considérer qu’il a emprunté la voie inverse des groupes de médias établis, qui, eux, ont eu à composer, dans des organisations existantes, avec l’apparition des formes plurimédias de collecte et de narration de l’information. Conglomérat mondial dans le domaine des films plastiques, du transport et de la logistique internationale ou encore des batteries au lithium, le groupe mène un développement intrusif et intensif dans les industries culturelles. Il a bâti sa diversification selon trois axes. Il maîtrise des filières de production technique audiovisuelle, de diffusion sur Internet ou de balado-diffusion. Il investit fortement pour s’adjuger une position dominante dans la communication et les études. Il conforte cet ensemble grâce à ses médias, qui lui assurent des espaces de diffusion de contenus et de publicité, ou grâce à des alliances de développement conclues avec d’autres groupes de presse. Ce contexte local cumule des variables qui en font un modèle jusqu’à aujourd’hui unique en France. Il trouve un écho dans les processus de convergence observés par Rich Gordon (2003), puis Stephen Quinn (2004) et une typologie pensée en cinq niveaux de convergence. 1/ La convergence de propriété : le groupe possède de multiples contenus et canaux de diffusion. 2/ La convergence tactique, à l’instar des sociétés de médias traditionnels, qui, à la fin des années 1990, ont commencé à varier leurs activités, principalement dans les domaines du contenu, du marketing et de la recherche de l’accroissement de leurs revenus. 3/ La convergence de structure : elle se traduit par des coopérations croisées entre opérateurs des médias et équipes des différents supports. 4/ La convergence de collecte de l’information, elle, questionne l’approche polymorphe en termes d’outils (stylo, micro, caméra, appareil photo numérique, etc.) et de qualifications multiples des journalistes qui s’en servent. 5/ La convergence de narration de l’information, enfin, renvoie à la création de contenus multimédias (texte, photos, graphiques, audio, vidéo et animation), à la balado-diffusion (ordinateurs, téléphones mobiles, etc.) et à l’interactivité qui confère à l’usager la possibilité de choisir ses contenus, mais aussi d’y agréger sa propre production.
Bien que très empreinte d’une perspective anglo-saxonne qui interroge peu l’évolution des industries culturelles, la typologie inspirée par Rich Gordon nous semble d’un usage pertinent pour analyser la constitution du pôle médias et communication du groupe Bolloré ; pour en comprendre les différents niveaux d’articulation et d’interactions des entreprises et des filiales, les positions et les discours des acteurs. Et ceci en évitant l’écueil d’une approche techno -déterminée, centrée sur Internet comme unique outil de convergence, et niant par conséquent la spécificité des contenus, des pratiques professionnelles, du temps de production ou encore des compétences, en particulier des acteurs des médias.
Notre première partie s’intéresse par conséquent à la structuration du pôle média au sein du groupe, autour des processus de convergence de propriété, de convergence tactique et de convergence de structure. Nous verrons qu’ils sont propres à la stratégie adoptée par Bolloré, ce qui confirme que la convergence s’entend bien comme un phénomène contextuel, ouvert et progressif (Domingo et al, 2007). Notre analyse s’appuiera également sur les travaux consacrés à la restructuration active des industries culturelles – en particulier des groupes et des entreprises médiatiques, explorant la commercialisation de l’information et l’expansion de la notion de contenu (Miège 2000) – et le rôle de la financiarisation dans les synergies économiques des entreprises médiatiques (Bouquillion, 2008). Dans une seconde partie, nous observerons que, dans ce groupe, la direction comme les employés expriment plutôt le sentiment de contribuer à l’élaboration d’un modèle hybride de pôle médiatique, qui saupoudre une approche multisupports, sans l’embrasser dans sa globalité. On constatera ainsi que le modèle Bolloré mobilise en réalité des pratiques et des usages qui doivent peu à la convergence de la collecte ou de la narration de l’information, et beaucoup à des procédures techniques de traitement de l’information pour le moins habituelles et routinières des organisations médiatiques. A travers l’expérience éphémère, sur Internet, d’un portail d’information aux couleurs de la marque, interrompue en quelques jours, nous verrons, en conclusion, en quoi la démarche fortement marketing, industrielle et financière, dans la conception de la production de l’information et la rentabilité des médias de la marque Direct, a agi sur un processus multisupports que l’on aurait pu imaginer intégré, presque impensé, chez ce nouvel entrant des industries culturelles.
Notre méthodologie s’est appuyée sur une enquête réalisée à partir d’entretiens qualitatifs semi-directifs conduits en octobre 2007, janvier et juillet 2008, puis novembre 2009, auprès des responsables éditoriaux et économiques du groupe et de son pôle médias, auprès des journalistes des rédactions des différents supports, des rédacteurs en chef délégués du Monde détachés à Direct Matin. Elle a été complétée par des observations ethnographiques sur la production de l’information menées durant plusieurs jours dans les salles de rédaction et les studios audiovisuels du pôle médias.
Diversification stratégique dans les industries culturelles
Le groupe Bolloré possède depuis 1822 une forte identité industrielle, conçue dans une logique de marchés de niches, prometteurs en termes de profits (Caminade, 2000). Il a longtemps produit des papiers fins, s’est spécialisé dans les films plastiques d’emballages, dont il reste le producteur mondial principal, mais il a aussi investi dans les domaines du transport et de la logistique internationale, ou, plus récemment, dans la batterie polymère lithium pour voiture électrique avec le groupe italien Pininfarina. L’ensemble Bolloré Group prend la forme d’une holding de 206 sociétés, contrôlée par la famille Bolloré. Il compte environ 33 000 salariés dans le monde, dont plus de la moitié en Afrique. 85 % d’entre eux sont employés dans les divisions transport et logistique, 7 % dans l’industrie, 5 % dans la communication, les médias et les actifs financiers – 2 300 salariés – et 3 % dans la distribution d’énergie. Il a cédé, en juillet 2009, son activité « papiers à cigarettes et impressions minces », qui représentait 117 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et 440 salariés. Le groupe annonce un chiffre d’affaires en 2009 de 6 milliards d’euros, pour un résultat net de 120 millions d’euros, pour des capitaux propres estimés alors à 3 milliards d’euros. Le groupe a injecté plus de deux milliards d’euros entre 2004 et 2010 – estimation fournie à l’auteur par la direction de Bolloré Médias – pour les seuls secteurs de la communication et des médias. Rien d’étonnant à cela, pour le président de Bolloré Média :
« Il y a sept ans, Vincent Bolloré a décidé de remplacer une activité qu’il venait de vendre, qui était le tabac, pour une activité média. Les sous-jacents de cet investissement dans les médias, c’était qu’au XXIe siècle, les gens allaient continuer de plus en plus regarder des films, de la télévision, et donc que ce n’était pas une activité qui allait décliner. Que par ailleurs, on l’oublie un petit peu maintenant, c’était l’époque où beaucoup de groupes se cassaient la figure, c’était Vivendi Universal, c’était Kirsch en Allemagne, et donc que les cartes allaient être rebattues et que le groupe Bolloré avait une carte à jouer dans ce secteur. » (Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média, entretien, novembre 2009)
Bolloré Média diffuse désormais environ un million d’exemplaires de journaux gratuits par jour ouvrable et possède deux télévisions numériques terrestre, Direct 8 et Direct Star (ex-Virgin 17 jusqu’en août 2010) – Selon l’étude Médiamétrie, « Médiamat mensuel », réalisée du 4 au 31 octobre 2010, Direct 8 disposait, durant cette période, d’une part d’audience nationale de 1,9 % et Direct Star d’une part d’audience nationale de 0,9 %. La division médias compte environ 400 salariés, dont une centaine de journalistes et d’animateurs de télévision, employés essentiellement à Direct 8, chaîne de télévision numérique terrestre, à Direct Soir et Direct Matin, ses deux quotidiens, ainsi qu’une quarantaine d’employés dans sa propre régie publicitaire, Bolloré Intermédia. Tous appartiennent à Bolloré Média, la division du conglomérat Bolloré présidée par Jean-Christophe Thiery.
Modèle de contrôle familial et stature de magnat
Cette stratégie de financiarisation, de concentration et de synergies économiques dans les entreprises médiatiques n’est pas sans rappeler celle des grands acteurs anglo-saxons du secteur, tels que Time Warner et Disney. Dans les industries culturelles, le pôle Bolloré présente les propriétés d’un groupe à contrôle familial relatif (Pradié, 2005) (2), puisqu’il se caractérise par une concentration horizontale développée dans plusieurs des secteurs de la communication, ainsi qu’une intégration verticale étendue et une internationalisation relativement réduite. Christian Pradié expose que « le comportement des firmes dont le contrôle répond à la catégorie intermédiaire du contrôle familial obéit à une tension entre une expansion des moyens financiers mobilisés pour assurer un développement accru et la maîtrise de cette croissance afin de préserver le contrôle au bénéfice d’un bloc dominant d’actionnaires familiaux ». Illustration de ce « comportement » chez Bolloré : s’il a fortement investi dans les industries culturelles et s’il cumule d’importantes charges d’exploitation annuelles dans ses médias, la division médias s’est fixé pour objectif d’atteindre l’équilibre pour chacun de ses supports au bout de sept ans, Soit 2012 pour Direct 8, 2013 pour Direct Soir et 2014 pour Direct Matin. De 35 à 40 millions d’euros par an ont été consommés dans Direct 8 depuis son lancement. Pour chaque quotidien, le budget se situe à 20 millions d’euros par an. En 2009, la régie Intermédia a réalisé 45 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui est loin de couvrir ces charges d’exploitation, mais ce qui représente une progression suffisamment conséquente pour être soulignée dans ce secteur d’activités, et que l’on peut encore comparer aux 18 millions de chiffre d’affaires de 2007. « La très forte progression des recettes publicitaires des médias (Direct 8, Direct Soir et Direct Matin Plus) atteint près de 90 % en un an », peut-on lire dans le communiqué publié par le groupe en février 2010.
Le conglomérat doit cette diversification dans le secteur des industries culturelles à l’unique personnalité et aux orientations fixées par Vincent Bolloré, né en avril 1952, qui dirige le groupe d’investissements de la famille. Lui-même a d’abord fondé sa notoriété d’homme d’affaires sur sa capacité à réussir des opérations boursières fructueuses, avant d’adopter un profil d’industriel, plus en phase avec l’héritage familial, notamment en rachetant la papeterie bretonne de ses aïeuls, en 1981, pour un franc symbolique. L’industriel a ensuite attendu vingt ans avant de miser sur la diversification dans la communication, en prévision de la transmission du groupe familial à ses propres enfants en 2022, date de son départ de la présidence du groupe qu’il a lui-même fixée. En déplaçant son groupe vers les industries culturelles, Vincent Bolloré s’érige une stature de magnat des médias. Au sens du « mogul » anglo-saxon, tel que Bakker et Wadbring (2006), citant Tunstall, le définissent avec des caractéristiques, que nous résumons ici : il est propriétaire de ses médias, il dirige les médias qu’il possède, il prend les risques en tant qu’entrepreneur et bâtisseur d’empire de médias, il a un style idiosyncrasique ou excentrique de gestion. Confirmation chez les proches collaborateurs de Vincent Bolloré :
« Sa logique est toujours la même, il s’investit énormément au début sur les nouveaux trucs, il est là du matin au soir. Les médias, il était là en permanence. Une fois qu’il a mis ses équipes, qu’il a confiance, qu’il voit le truc, il a compris le métier, il délègue, tout en s’intéressant encore au moindre détail. Là son fils est arrivé aux programmes sur Direct 8. » (Cadre de la direction du groupe Bolloré, entretien, janvier 2008).
Yannick Bolloré a, depuis, été nommé directeur général de Bolloré Média.La manière dont Vincent Bolloré oriente son groupe dans les médias semble guidée par des méthodes d’un autre magnat des médias, Jan Stenbeck, créateur, en 1995, à Stockholm, en Suède, de Metro, le premier quotidien gratuit de l’ »ère moderne », propriété du Modern Times Group (MTG), lui-même une filiale de Swedish Kinnevik group. Réputé pour la crainte qu’il inspirait, Jan Stenbeck a dirigé Metro jusqu’à son décès, en 2002. Le groupe Kinnevik avait initialement des participations dans les médias, notamment la télévision, et les télécommunications, mais ne publiait pas de journaux en Suède. Comme Jan Stenbeck, Vincent Bolloré n’était pas enraciné, auparavant, dans les médias, contrairement « à d’autres magnats comme Berlusconi, Springer, Murdoch et Maxwell » notent Bakker et Wadbring. Et il s’est inspiré de la stratégie du « Modern Times Group » à savoir lancer un journal gratuit pour soutenir le développement de la télévision. « Le principal objectif de Bolloré avec Direct Soir est de promouvoir sa chaîne de télé. Tous les autres programmes de télé choisis dans les pages Zoom Télé le sont pour ne pas concurrencer les programmes de Direct 8 » (Journaliste multisupports, entretien, janvier 2008).
Et comme Metro à ses origines, les gratuits du groupe Bolloré se situent plutôt dans la catégorie du « modèle de l’invasion » selon la typologie proposée par Bakker (2002) : la nouvelle firme, qui décide d’investir le marché. Metro ou 20 Minutes (groupe Schibsted) en sont les symboles. Les coûts y sont réduits autant que possible, en employant très peu de journalistes, en utilisant du matériau informationnel provenant d’un tiers (comme les agences de presse), en ne possédant pas d’imprimerie de presse et en appliquant une maquette très stricte et normée. Bakker distingue quatre autres modèles. Ceux de défense (un second journal publié par un quotidien payant implanté pour résister à l’arrivée des gratuits historiques comme 20 Minutes et Metro), de prévention (le quotidien payant de référence lance un gratuit avant l’arrivée des autres), de promotion (le gratuit sert de faire-valoir à un journal payant du même groupe) et d’expansion, (un éditeur implanté lance un gratuit pour profiter des possibilités de synergie, de combinaison entre les publications gratuites et payantes). Par conséquent, on peut remarquer que le groupe Bolloré, par sa stratégie d’alliances de développement et de promotions croisées, combine aussi des marqueurs des modèles de prévention et de promotion. Prévention, car il s’est allié dès 2007 à plusieurs groupes de presse quotidienne régionale du réseau Ville Plus, lesquels entendaient ainsi tenir leur position pour contrer l’arrivée des groupes de gratuits d’origine scandinave. Quant à la promotion, il s’agit notamment de celle que le quotidien Le Monde cherche à s’offrir dans son alliance de développement avec Direct Matin depuis 2007. La direction du Monde, selon l’un de ses rédacteurs en chef délégué à Direct Matin, visait dans cet accord la possibilité de sensibiliser de nouveaux lecteurs :
« Si on se donne à lire dans un gratuit, on touche un lectorat qui se fait une idée assez inaccessible de ce qu’est Le Monde, avec l’espoir qu’il décidera de nous acheter. Et Matin Plus bénéficie d’une image de valeur plus forte grâce à l’apport des pages du Monde. C’est le premier gratuit hybride. » (Rédacteur en chef délégué du Monde, entretien, janvier 2008)
Une entrée par la logistique audiovisuelle puis le conseil
Vincent Bolloré avait tenté une première incursion dans les médias, en se portant acquéreur, fin 1997, de près de 10 % du capital de Bouygues-TF1. Elle s’est soldée, en 1998, par un affrontement des deux groupes, puis un retrait de Bolloré, lequel a totalisé une plus-value de 230 millions d’euros lors de la revente de ses actions. Vincent Bolloré a ensuite patienté jusqu’au début des années 2000 pour prendre pied dans les industries culturelles, par acquisitions et prises de participation dans un secteur qu’il connaît bien : la technique, à travers la logistique audiovisuelle et cinématographique. Entre 2001 et 2004, il prend successivement des participations dans : Euromédia, prestataire audiovisuel propriétaire de grands studios, qui en profite pour absorber la Société française de production, la célèbre SFP ; dans le capital de Streampower, première société française de diffusion en streaming (technologie de diffusion de flux continus par Internet) ; Wifirst, fournisseur d’accès à Internet sans fil, en particulier dans les campus universitaires. Il lance Bolloré Télécom (qui est détenu à 85 % par le groupe Bolloré) laquelle acquiert, pour environ 100 millions d’euros, vingt des vingt-deux licences régionales Wimax (Internet nomade à très haut débit).
En juillet 2004, l’inflexion se joue vers les industries de contenu : Bolloré devient actionnaire principal d’Havas,, le sixième groupe mondial de conseil en communication, qui possède des agences de publicité, et un pôle d’expertise et de conseil en médias. Vincent Bolloré le préside depuis juin 2006. C’est à ce titre qu’il a obtenu, en octobre 2007, l’un des quinze sièges permanents du conseil d’administration de Médiamétrie, l’institut interprofessionnel français chargé de mesurer les audiences de la télévision, de la radio et de l’Internet. Bolloré est aussi entré en 2005 dans le capital d’Aegis Group Plc, groupe publicitaire britannique (à hauteur d’environ 30 %), a finalement pris le pouvoir à CSA, l’institut d’études et de sondages français et une participation de 12,5 % au capital d’Harris Interactive, ce qui en fait le premier actionnaire de cette société américaine d’études et de sondages, en particulier sur Internet. Il possède environ 10 % de Gaumont/Europalaces, qui dispose d’un catalogue de longs-métrages très riche, est propriétaire du cinéma le Mac-Mahon, à Paris. Hors des frontières, il apparaît également dans les industries culturelles, avec, depuis 2001, une participation (4,86%) dans Médiobanca, une banque italienne majeure ; via la firme RCS Media, la banque est propriétaire notamment des éditions Flammarion, du Corriere della Sera et de La Gazetta dello Sport.
La structuration progressive de la division médias
Le groupe sonde le secteur des médias en 2004, en lançant la très modeste Radio des nouveaux talents (diffusée sur Internet et en ondes moyennes). Elle n’est plus diffusée depuis juin 2008. Son unique studio était implanté au rez-de-chaussée de la tour Bolloré, quai de Dion Bouton, à Puteaux (Paris La Défense), siège administratif du groupe, où ont été rassemblées les activités médias du pôle. Sur plusieurs milliers de mètres carrés, on y retrouve les studios, la rédaction et les locaux de production de Direct 8,la première chaîne du groupe, diffusée sur la TNT (télévision numérique terrestre, accessible sans abonnement) depuis le 31 mars 2005. Elle est dirigée par Yannick Bolloré, le second des quatre enfants de Vincent Bolloré et par Philippe Labro, ancien patron de RTL pour la partie éditoriale. Direct 8 ambitionne de concurrencer les chaînes généralistes nationales. Télévision de modèle de flot (Miège, 1989), elle programme de plus en plus d’événements sportifs. En septembre 2010, le groupe Bolloré a, pour un montant estimé à 70 millions d’euros, racheté au groupe Lagardère Active Virgin 17, chaîne à dominante musicale lancée en 2005. Rebaptisée Direct Star, cette seconde chaîne de TNT, et ses quelques salariés ont été installés à Puteaux. Pour alimenter ses télévisions, mais aussi exploiter ses contenus de modèle de flot, Bolloré Média, la branche du groupe qui réunit les actifs principaux dans ce domaine, a créé, ces six derniers mois, Direct Cinéma, une filiale d’acquisition et de co-production, qui compte injecter de 2 à 5 millions d’euros par an dans la production d’une dizaine de films, ainsi que Bolloré Digital, une filiale chargée de développer l’offre de vidéo à la demande pour les deux chaînes de la marque Direct.
En juin 2006, s’appuyant fortement sur l’équipe initiale des journalistes, des animateurs et des dirigeants de Direct 8, Bolloré a lancé Direct Soir, premier quotidien gratuit français du soir, diffusé en 2009 à 351 640 exemplaires par jour (PV de contrôle de l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias, 14 novembre 2010), contre 492 971 exemplaires en 2008. Direct Soir a été aligné sur le format demi-berlinois de Direct Matin pour faciliter les couplages publicitaires ou encore mutualiser les normes d’impression. Direct Soir est distribué par colportage six jours par semaine dans plus de trente villes, sauf pendant les vacances scolaires parisiennes. A Paris, depuis 2007, le groupe a remporté le contrat de distribution avec la RATP pour que ses deux gratuits soient mis à disposition du public directement dans les stations de métro. Depuis janvier 2009, une nouvelle page tourisme, publiée le vendredi, est fournie par Le Figaro Magazine, supplément du week-end du Figaro, quotidien édité par la Socpresse, propriété de l’industriel avionneur français Serge Dassault.Ce partenariat assure à Direct Soir un contenu prêt à imprimer, thématisé et identifié à un magazine de qualité ; au Figaro Magazine, il offre une vitrine promotionnelle gratuite la veille de sa sortie auprès d’un lectorat qu’il pense pouvoir conquérir. Depuis juin 2009, Direct Sport, chaque vendredi, intégré à Direct soir, vient lui aussi compléter l’offre sur une approche à la fois compétition, loisirs et sports extrêmes. Il est réalisé par une petite équipe de journalistes de la société United Sport Conseil, dirigée, par les anciens fondateurs du gratuit Sport.
Avec le lancement, en 2007, de Matin Plus, rebaptisé Direct Matin en janvier 2008, quotidien gratuit du matin, Bolloré avait déjà misé sur une alliance de développement avec le groupe La Vie-Le Monde et Ville Plus, qu’on qualifie de troisième réseau des gratuits français, constitué par cinq groupes de presse régionale. Il est diffusé par colportage à 401 961 exemplaires à Paris et environ 250 000 pour les huit éditions en régions (PV de contrôle 2009 de l’OJD). Direct Matin, à Paris, est édité conjointement par La Vie-Le Monde et Bolloré, qui possède 70 % de la société anonyme Direct Matin. Les trois premières séquences contiennent des pages fournies clés en main sous le label Le Monde et Courrier international. Ce gratuit a été imprimé sur les rotatives du Monde, à Ivry-sur-Seine (94) qui engrangeait ainsi trois millions d’euros de recettes par an jusqu’au mois de janvier 2010. Bolloré Médias a rompu l’accord d’impression, avec un préavis de six mois, après de longues négociations auprès du groupe Le Monde afin d’obtenir une meilleure qualité d’impression, la qualité discutable ayant, selon les dirigeants de Bolloré, détourné certains annonceurs du gratuit. En province, les rotatives des groupes partenaires du Midi Libre (Sud-Ouest), Le Progrès (Ebra), La Provence (Hersant), Sud-Ouest et La Voix du Nord sont mises à contribution. Bolloré est directement propriétaire des trois derniers-nés, Direct Nantes (ex-Direct Bretagne), Direct Toulouse et Direct Azur, diffusé depuis janvier 2009. La posture éditoriale vise à retenir l’attention des usagers des transports en commun des catégories socioprofessionnelles supérieures « Notre ligne est claire : informations factuelles, vérifiées (…) Pas de commentaires », assure Serge Nedjar, le directeur général du pôle presse écrite. A plusieurs reprises, des polémiques liées à des soupçons de censure autour d’articles non publiés dans leur forme originale par le quotidien gratuit ont terni temporairement les relations entre Bolloré et Le Monde. Néanmoins, à la fin de la première année de coopération, 130 journalistes du Monde avaient déjà rédigé un article spécifique pour Direct Matin. « 90 % des articles sont originaux, consacrés, certes, à des sujets traités dans Le Monde, mais avec un angle différent, y compris souvent pour compléter ce qui a été écrit dans Le Monde« , estime le premier rédacteur en chef délégué du Monde à avoir exercé dans les locaux de Bolloré. La régie publicitaire interne de Bolloré Média, s’en félicite. Intermédia, créée en octobre 2006, est présidée par Gaël Blanchard, un ancien dirigeant du groupe JC Decaux, spécialiste français des supports de publicité urbaine, où il occupait la fonction de directeur général commerce et développement. Direct Matin et l’alliance avec Le Monde, lui convient au plus haut point :
« Ce journal plaît en particulier aux CSP +, c’est un journal vers lequel les annonceurs sont venus en quantité très importante dès la première année, ce qui nous a permis de dépasser nos objectifs. Donc, il s’agit d’un succès considérable pour la régie. » (Gaël Blanchard, PDG de Bolloré Intermédia, entretien, janvier 2008)
Les mécanismes de convergences à l’œuvre
Du point de vue des mécanismes de convergences de propriété, tactique et de structure dans les industries culturelles, Vincent Bolloré a clairement exprimé ses espoirs dès 2007 : « Avoir dans un même ensemble les médias, la publicité, les études, cela crée un ensemble attrayant pour les clients » estimait, le 6 novembre 2007, Vincent Bolloré, dans Télérama (« Le raz-de-marée Bolloré »). En 2010, cet ensemble se compose de trois cercles que nous schématisons ci-dessous.
Figure – Convergences tactique et de propriété du groupe Bolloré dans les industries culturelles
Dans ce document, produit de notre propre initiative, le premier cercle (Direct 8, Direct Star, Direct Soir, Direct Matin, Direct Cinéma, Bolloré Digital, Bolloré Intermédia, CSA (sondages), Cinéma Mac-Mahon), comprend des entreprises et des produits propres ou élaborés par alliance ou rachat, et désormais intégrés à la branche Bolloré Média. Un « comité transverse », sa dénomination officielle, réunit une fois par mois les dirigeants de ces entreprises, auxquels s’ajoutent ceux de Bolloré Télécom. Un autre cercle, plus large, inclut les filiales et les participations dans des entreprises du domaine de la communication et de la production : Havas, Aegis, l’institut CSA, Harris Interactive, Euromédia Group, Gaumont Europalaces. Un troisième cercle, plus technique, regroupe les entreprises chargées des développements technologiques destinés, entre autres, à multiplier et améliorer les supports de diffusion de contenus (Bolloré Télécom, Streampower, Wimax, Wifirst, télévision mobile personnelle). Au sein du groupe, nombre de nos interlocuteurs du management entretiennent l’idée que l’approche convergente reste empirique et pragmatique, décidée et contrôlée presque au coup par coup par Vincent Bolloré en personne. La nature du discours tenu par l’ensemble des cadres de la division médias – « ici, nous apprenons en faisant » – masque une stratégie plus subtile. Le rachat de Virgin 17, la création de Direct Cinéma ou de Bolloré Digital le démontrent tout récemment : aux côtés de Vincent Bolloré lui-même, le président de Bolloré Média, le directeur général de Bolloré média, le président de la régie publicitaire ainsi qu’un cercle de managers veillent eux aussi sur les opportunités de densifier le groupe dans les industries culturelles. Il a ainsi pu compter sur les avis d’Alain Minc, conseiller en stratégie, mais également chroniqueur sur Direct 8, de Jacques Séguéla, d’Euros RSCG, de Philippe Labro, qui occupe des vice-présidences de médias, de Christian Studer, ancien cadre supérieur du groupe en Afrique, qui a lancé et dirigé Direct 8 puis Direct Soir avant de rejoindre la division consacrée à la voiture électrique, ainsi que des dirigeants du groupe Havas.
Si les convergences de propriété – le groupe possède de multiples contenus et canaux de diffusion – et tactique – varier les activités, principalement dans les domaines du contenu, du marketing et de l’accroissement des revenus – sont opérantes, l’efficience d’une convergence de structure, qui se traduit par des coopérations croisées entre opérateurs des médias et équipes des différents autres supports, dépasse-t-elle les discours ? En 2008, elles se concentraient sur ce qui est qualifié en interne de « transversalité ». Ainsi, disait-on à la coordination multimédia, un service qui n’a été incarné par une directrice, venue d’un grand opérateur de télécommunications, que de la mi-2006 à fin 2008 :
« La transversalité peut être une mise en commun des moyens, des hommes, des contenus et l’élément fédérateur dans cet ensemble est le client commun, l’usager commun ou le consommateur commun, qui est celui qui va lire Direct Matin Plus ou y être annonceur. On le trouve donc dans le premier cercle des médias. On va le retrouver encore plus fort dans le cercle communication, parce que CSA fera une étude, sur le lait par exemple, pour des annonceurs. Comme c’est telle marque de yaourt, on retrouve l’annonceur aussi chez SFP Euromédias pour des raisons de logistique audiovisuelle. On retrouve ce client un peu partout dans le groupe. L’objectif est de le valoriser, valoriser le service et ce qu’on lui apporte. » (Entretien avec directrice de la coordination multimédias, janvier 2008)
Dans le domaine plus ciblé des études et de la communication, Bolloré dispose aussi de l’intégralité des outils indispensables à un média-planning de campagne publicitaire. Gaël Blanchard, le président de Bolloré Intermédia, se défend d’en faire un usage tactique :
« Si la convergence est une volonté du groupe, on parle de convergence de moyens, et pas forcément en termes de résultats. Il n’y a aucune collusion entre Havas et nous au quotidien. Le fait d’être un support, d’avoir une régie en interne, et d’avoir de l’autre côté du conseil et des achats d’espace, pourrait produire, vis-à-vis de l’extérieur, un soupçon de collusion. Je puis vous dire que pendant les deux premières années d’existence de la télévision, Vincent Bolloré avait, par exemple, interdit formellement que la personne en charge de la télé dans notre régie puisse aller voir les deux agences de publicité dans lesquelles il avait des intérêts. Consigne, véridique. » (Entretien avec le président de Bolloré Intermédia, janvier 2008)
Au sein du groupe Bolloré, comme dans le cas d’autres rapprochements de groupes ou pôles, il n’est donc pas sûr que les opérations capitalistiques conduisent forcément à une amélioration des conditions d’exploitation (Bouquillion, 2005), en raison de l’éloignement des activités nouvellement assemblées et des difficultés organisationnelles. Dans le cas du « rapprochement » entre AOL et Time Warner, comme l’affirme Philippe Bouquillion, les synergies industrielles entre les deux pôles antérieurs, c’est-à-dire entre les activités Internet et les activités dans les industries culturelles, les réseaux câblés et les médias, se sont révélées très faibles. Toutefois, chez Bolloré, on se défend de mener des opérations purement capitalistiques. En 2008, Jean-Christophe Thiery, le président de Bolloré Média, soutenait que le développement du groupe dans les industries culturelles avait « sa cohérence, avec des activités qui doivent créer des synergies, produire de la valeur supplémentaire, même si on essaye toujours de développer des activités qui se suffisent à elles-mêmes ».
Des compétences multiples plutôt que multisupports
En situation d’immersion pendant deux ans dans la rédaction de l’un des gratuits du groupe, un ancien rédacteur en chef délégué du Monde a observé l’approche multisupports du groupe :
« Bolloré a créé, ex-nihilo et ex-abrupto, tous ses médias sur une idée : les journalistes doivent être des fournisseurs de contenus multimédias et multicartes. Sur le contenu, on n’est pas encore à un stade de production commune pour des médias différents. Donc, je parlerais de synergie de moyens (…). Ici, c’est particulier tout de même : c’est un groupe de médias, les journalistes y sont tous jeunes, il s’est créé sur ces bases-là, pour des raisons d’économie évidentes. » (Rédacteur en chef délégué du Monde, entretien, janvier 2008)
Une marque-média, mais des dispositifs multisupports limités
L’ajout du Direct au nom initial du quotidien Matin Plus, la transformation de Virgin 17 en Direct Star confirment la volonté du groupe d’user de la marque-média comme d’un support de développement, de marketing, voire de management interne (Brandewinder, 2008). Entre 2007 et début 2008, elle a été accompagnée du lancement, sans lendemain, des sites Web d’information continue et d’un discours hiérarchique valorisant le multisupports :
« La démarche qu’on essaye d’insuffler aux journalistes c’est qu’ils travaillent pour une marque, Direct, et non pas pour un support. On leur dit : votre contenu écrit, télévisé, peut être diffusé sur le journal, mais également sur le Web. Quand vous avez un invité, vous pouvez l’enregistrer, l’interviewer, le photographier, puisqu’on est multimédia. Donc il faut essayer de penser tout ça en tenant compte d’une marque globale et non plus d’un média. » (Cadre de la rédaction multimédia, quand elle existait, entretien, janvier 2008)
Pour Philippe Labro, lui-même dirigeant et chroniqueur de la télévision et des deux gratuits, « le rêve serait de disposer d’un corps de journalistes qui pourraient passer du journal du matin à celui du soir ou à une émission télé. » Interviewé dans La Gazette de la presse francophone, n° 13, de juin-juillet 2007, c’était en tout cas la prescription qu’il semblait donner à Bolloré Média à l’époque. Comme nous allons le voir, la marque et la démarche multisupports ont bien pesé sur la circulation des compétences, mais moins lourdement sur la fabrication et la distribution des contenus. Il n’est pas inutile de préciser que les contrats de travail des journalistes imposent la mobilité au sein des titres et des chaînes de Bolloré Média, existants ou à venir, et autorisent la cession des droits d’auteurs pécuniaires pour réemploi de contenu.
Parmi les actes multisupports dans les médias, on peut relever plusieurs dispositifs qui ont plus ou moins perduré. Depuis le lancement du premier quotidien, dans la foulée de la création de la télévision, un desk commun, terme employé par la direction des médias pour définir une équipe de journalistes, plutôt sédentarisés ou dits « assis », chargés de traiter les informations fournies par les agences de presse, a ainsi été mis en place pour les domaines du sport, de la culture et de la télévision/nouveaux médias. Il est désormais opérationnel au sein de Direct 8, Direct Soir et Direct Matin. Il ne s’apparente pas aux medias centers tels qu’ils ont été pensés dans certains groupes nord-américains ou scandinaves (Klinenberg, 2005): également qualifiées de « crossmedias newsrooms », ces rédactions rassemblent, dans un même espace, des journalistes appelés à produire du contenu écrit, audiovisuel, en ligne… Le desk commun de l’immeuble Bolloré ne concentre pas l’ensemble des équipes qui le composent dans un même espace. Il est dispersé dans sa répartition spatiale. Ses opérateurs, environ quinze journalistes, responsables de service compris, sont appelés à collaborer indifféremment aux deux quotidiens, à la télévision et à la radio quand elle existait encore et aux éphémères sites Web. Les cadres des rédactions tentent également des exploitations croisées d’entretiens. Un invité de la télévision sera interviewé en plateau pour une émission, et en coulisses pour les deux quotidiens, avec deux angles différents.
Au-delà de l’effet « vitrine du multisupports » de ce desk commun, il est une autre réalité observable : la centaine de journalistes rédacteurs et animateurs de la division des médias est incitée à s’inscrire dans une logique de compétences multiples. Pour une moitié de ces professionnels, elle se traduit par une spécialisation dominante et une spécialisation secondaire parmi l’écrit, la télévision (et la radio quand elle existait), complétée par des compétences thématiques (politique, religion, étranger, sport, culture, société) pouvant être mises en œuvre sur chacun des supports selon différentes temporalités. La disposition des journalistes à la polyvalence n’est pas forcément acquise : « J’ai été embauché pour faire de la télé, mais, ici, on nous demande d’être polyvalents, on est éparpillés en fonction des besoins (…). Il y a de fortes incitations, du style « faites vos preuves, soyez polyvalents ! » (Journaliste base, télévision et presse écrite, entretien, janvier 2008). Le middle management des rédactions admet d’ailleurs qu’il a parfois peiné à évaluer les attentes de la direction, d’autant qu’elles sont relayées par une strate de hiérarchie intermédiaire très fine. « Il y a un cahier des charges très large, défini à la fois très haut et très empiriquement, avec quelques idées et quelques impressions, et puis nous, vraiment, on est chargé de le mettre en musique », disait l’un de ces cadres de rédaction dès 2008. Incitative du côté des salariés, la direction des ressources humaines des médias, durant la même période, minorait dans ses discours ses ambitions sur la question du multisupports et des compétences multiples :
« Même si on dit que le desk est commun au sens de l’arrivée des informations, au sens des échanges, des convergences entre un invité politique sur la télé, c’est ça le sens du desk commun, avant tout, c’est mutualiser les moyens d’information, d’invités, de rebonds entre un support et l’autre. Ce n’est pas dire tout le monde fait tout. Dans notre esprit, c’est ça. Parce que tout le monde ne peut pas tout faire, vous ne pouvez pas écrire tous les jours dans les journaux et faire des émissions, enfin, ça n’a qu’un temps. Il y en a qui le font, ce sont les historiques, mais ils ne le font pas tous les jours, ils aménagent, ils font par exemple une rubrique par semaine, dans leur sphère de compétence. » (Cadre de la direction des ressources humaines, entretien, janvier 2008)
Quand le mode de production intensif des contenus ou la logique du desk commun ne conviennent pas, les journalistes ont une propension à partir plus qu’à protester en interne. Les syndicats sont d’ailleurs assez peu implantés, plus représentatifs du personnel technique que des journalistes, et contestent essentiellement l’interchangeabilité entre les sociétés du groupe des catégories de personnels non journalistes.
« À la rédaction, on se surnommait les « petits Chinois »… Faut y aller, faut y aller, avec l’impression de ne jamais sortir de cette tour. Les gens travaillent tous collés les uns aux autres, dans un tout petit espace, cela crée des tensions, surtout qu’ils ne sont pas sur les mêmes rythmes de travail et de bouclage. On est des machines à fournir du contenu (…). C’est hyper démotivant, ce ne sont pas les valeurs qu’on m’a apprises dans ce métier. Je pense aussi qu’ils cherchent des gens qui n’ont pas trop de personnalité, pour les modeler un petit peu. Moi, c’est en tout cas l’impression que j’ai eue. Même dans la boîte, on a l’impression que tout le monde est formaté pour ne pas trop en dire, pour ne rien soulever en réunion de rédaction. » (Ex-journaliste de presse écrite en CDD, entretien, décembre 2007)
Le modèle informationnel s’avère plutôt normé
Le modèle informationnel de Bolloré concentre en réalité des marqueurs d’organisations assez habituels des entreprises médiatiques. Que ce soit dans la division horizontale des postes, puisque les spécialités occupées se fondent souvent sur le capital social et culturel de journalistes issus de formations agréées. Que ce soit aussi dans la division verticale, où perdurent, bien que limitées en nombre, des fonctions d’encadrement héritées des modèles traditionnels de médias. Pour employer un raccourci de langage, chez Bolloré Média, on agit souvent « à la manière de ». Par exemple, avant le lancement récent d’un journal télévisé du soir, la production des flashs d’information du midi de Direct 8 s’opérait autour d’acteurs et de procédures classiques – deux rédacteurs traitant, par des commentaires en cabines, des dépêches et des images d’agences, une présentatrice, un chef d’édition, un monteur, un technicien du son. On peut ainsi estimer qu’en termes de routines et d’organisation de la production de l’information (Siracusa, 2001), rien ne distingue vraiment la chaîne de télévision de ses semblables ou de ses aînées, telle que fut par exemple M6 (Métropole Télévision) à ses débuts. La structuration de son nouveau rendez-vous quotidien d’information en fin de journée, si ce n’est la présence de public en plateau invité à poser des questions à l’invité du jour, n’est pas particulièrement novatrice non plus.
Côté presse écrite, la douzaine de secrétaires de rédaction et les deux secrétaires générales de rédaction des deux quotidiens, ainsi que le rédacteur en chef adjoint et le rédacteur en chef technique de Direct Matin sont, eux, clairement restés dédiés à leurs supports respectifs. Le service iconographie, lui, est commun aux deux journaux. Un rédacteur en chef adjoint, fonction qu’il occupe dans les deux quotidiens, supervise une équipe de huit iconographes installés dans l’open space des secrétaires de rédactions et maquettistes. Au final, ce pôle pré-presse du papier reste isolé de la notion de multicompétences et traduit une volonté de maintenir ce rouage important de la presse écrite dans des fonctionnements normés du « print ». Chez Bolloré, les patrons de l’écrit, recrutés eux-mêmes dans des entreprises de presse écrite – Serge Nedjar, le directeur général du pôle presse écrite, vient de la presse magazine grand public – y ont importé des représentations et des pratiques professionnelles communes du champ journalistique et de son histoire, en les teintant de méthodes développées dans la presse gratuite d’information. On le voit avec l’exemple de l’effacement énonciatif, qui reste le propre du gratuit (Augey, Lipani-Vaissade, Ruellan, Utard, 2005) et s’est traduit dans les éditions papiers des Direct par l’anonymisation des auteurs d’articles issus de Bolloré Média, à l’inverse de ceux des journaux partenaires qui ont gardé le droit à la signature.
Le non modèle d’Internet face au pragmatisme industriel
Le contexte local de groupe à forte identité industrielle a indéniablement pesé sur le processus de convergence conduit par Bolloré Média dans la production de l’information. Il s’est finalement limité aux supports traditionnels de la presse écrite, de la télévision, tandis que la radio et l’Internet n’ont pas survécu. La Radio des nouveaux talents, à l’audience confidentielle car diffusée en ondes moyennes et par Internet, s’est arrêtée avant l’été 2008. Pourtant, de décembre 2007 à juin 2008, elle avait trouvé sa place dans le dispositif multisupports. Six heures de programme thématiques quotidiens (sport, télévision, culture) en direct, agrémentées de flashs d’info avaient été imposés par son directeur, Jean-Christophe Thiery, alors aussi directeur du pôle médias. Elles étaient assurées en priorité par les journalistes du desk commun. Ce contenu informationnel et professionnel, pour une radio initialement plutôt portée sur la programmation musicale et les émissions d’animateurs bénévoles, se devait de répondre aux exigences du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour obtenir une fréquence de radio numérique terrestre, dont les attributions devaient intervenir début 2009. Le groupe y a renoncé, faute d’avoir l’assurance d’y devenir un acteur rentable :
« Nous ne sommes pas allés sur la radio numérique terrestre, parce que, certes, c’est moderne, mais, devenir le 25e réseau… Cela ne nous paraissait pas être une affaire gagnée d’avance. Alors qu’on a toujours pensé que la télévision numérique terrestre était – j’exagère en disant que c’était gagné d’avance parce que c’est beaucoup d’investissement, beaucoup de travail, encore des pertes – mais franchement, à terme, à trois ans, et même au-delà, c’est quelque chose qui doit permettre au groupe de revenir sur l’investissement qu’il a consenti. » (Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média, entretien, novembre 2009)
Quant aux deux sites d’information en ligne lancés en interne, ils ont connu une durée de vie encore plus courte. Conçus sur un modèle d’extraction de contenus et de réemploi pour supports numériques, directmatin.directmedia.fr et directsoir.directmedia.fr, n’ont survécu que quelques jours, en février 2008. Seul le site direct8.directmedia.fr, vitrine de la chaîne, est alimenté quotidiennement. Durant le temps d’existence des deux sites Web, des journalistes de la petite équipe du Web (trois rédacteurs déjà expérimentés et trois stagiaires) ont opéré dans les différents espaces des rédactions. Ils devaient faire circuler et rapidement mettre en ligne la production d’articles des autres rédacteurs, en versions courtes, et leur propre production de moutures de dépêches d’agence, proches des « breaking news » anglo-saxonnes, grâce à des procédures numériques communes à tous les postes de travail. L’expérience a tourné court d’abord en raison de la faible fréquentation des deux sites, peu portés par le capital symbolique de la marque Direct (Brandewinder, 2008). Dans ses travaux sur la marque-média dans la presse quotidienne française, Marie Brandewinder, à l’instar de Pierre Bourdieu dans la théorie des champs, souligne combien « l’âge ou la durée d’existence est une dimension importante du capital symbolique dans les entreprises de production culturelle ». En outre, sur le Web, comme le confirme l’analyse de Franck Rebillard (Rebillard et alii, 2007), l’internaute tend à préférer une information gratuite fiable provenant d’un média papier payant ; cette inclinaison est renforcée par le référencement opéré par les moteurs de recherche, qui privilégient la visibilité des grands acteurs dominants du papier. Les sites d’information de Bolloré ont aussi trébuché sur les lourdes conséquences de la dépériodisation : dans une structure à la hiérarchie intermédiaire assez légère et aux temps de bouclage précis pour les deux gratuits, à l’organisation finalement assez normée comme on a pu le montrer précédemment, le contrôle et la fabrication des contenus informationnels en continu s’est avéré complexe à manager. Pas moins, en tout cas, que dans des titres historiques de la presse. Et les moyens dédiés ont probablement été insuffisants. Une journaliste de l’un des deux gratuits insiste sur leur faiblesse : «Il a été, par exemple, été demandé à chacun de nous, dans les quotidiens, de rédiger un article de plus par jour pour les sites. On est déjà à flux tendus, alors ce n’est pas avec ça que l’on crée des sites correctement alimentés (entretien, juillet 2008).« Comment rentabiliser des investissements sur Internet avec les mêmes exigences que pour la télévision ou les gratuits ? Jean-Christophe Thiery, le président de Bolloré Média cherche encore la réponse, autant en termes de contenu que de modèle économique :
« On n’a pas trop vu, chez nos concurrents, qui gagnait de l’argent sur Internet ? (…) Il y a la rentabilité et l’on s’interroge aussi sur ce qu’on peut amener. Et franchement, sur Internet, qu’est-ce que Bolloré Média, demain matin, pourrait amener, par rapport à tout ce que vous pouvez trouver sur Internet. Par rapport à ce que peuvent apporter lemonde.fr, lefigaro.f , 20minutes.fr, on s’est dit que cela allait être beaucoup d’investissements et comment on va les rentabiliser ? On n’a pas trouvé la réponse, donc on ne l’a pas fait. » (Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média, entretien, novembre 2009)
La demi-douzaine de rédacteurs a été reversée dans les équipes des deux quotidiens et de la télévision. La prudence de la régie publicitaire sur ce projet de sites d’information en ligne a pesé sur la fugacité de son existence. Au sein de ce groupe, comme dans la majorité des médias français que nous avons étudiés pour notre programme de recherche, cette observation corrobore l’hypothèse de l’influence grandissante des régies publicitaires sur les plans stratégiques multisupports (3) : « Ce qu’il nous faut, c’est du trafic, c’est stratégique, disait Gaël Blanchard, le président de la régie Bolloré Intermédia, avant le lancement des sites, début 2008. Dans l’esprit de ce qu’a pu faire Newscorp avec Myspace, sans prétention d’arriver à leur niveau. Est-ce que nos titres aujourd’hui légitiment un nombre d’auditeurs, de connexions, aussi important ? Honnêtement non, un peu d’humilité. (…) Je suis admiratif de la compétence de ma cellule presse et de mes journalistes, (NDA : il se reprend) de nos journalistes, mais ne nous trompons pas de combat, sinon, c’est comme ça qu’on y laisse des plumes. » L’expérience a donc fait long feu dès lors que le comité de direction de la division médias, présidé par Vincent Bolloré, entouré de consultants du groupe Havas, a observé, en février 2008, que les prévisions de ventes d’espaces publicitaires sur Internet étaient minimes.
Chez ce nouvel entrant des industries culturelles, l’articulation entre filières, la mise en pratique des convergences, les spécificités de la production et des pratiques journalistiques se construisent et se modifient dans un contexte qui reste celui d’un industriel en voie de diversification. Et contrairement à ce que cette position de nouvel entrant pouvait laisser penser, ni le multisupports, ni le développement d’un modèle de site d’information en ligne ne s’y sont imposés plus naturellement qu’ailleurs. Jean-Christophe Thiery, le président de Bolloré Média, y voyait matière à réflexion en novembre 2009 :
« Je vous rappelle qu’on est un groupe de média très jeune et que nous restons une toute petite activité, une goutte d’eau, dans le groupe Bolloré et ses sept milliards d’euros de chiffre d’affaires. On a fait beaucoup de choses en peu de temps, on ne restera pas durablement absents d’Internet, mais on est plutôt dans une phase de réflexion… Plutôt que d’aller dépenser des millions d’euros avec des journalistes, des rédactions, pour proposer quelque chose qui ne sera pas beaucoup plus attractif que ce qui existe actuellement et qui coûte suffisamment cher à ceux qui le font, on est plutôt à essayer de trouver comment on pourrait générer du chiffre d’affaires sur Internet grâce à nos médias, mais donc, plutôt, avec du e-commerce concrètement. C’est ça notre réflexion Internet. »
L’expérience du groupe Bolloré nous confirme que, pas plus que la convergence, le multisupports ne saurait se décréter sans tenir compte du contexte, de la singularité des trajectoires et des identités des groupes et des acteurs qui ont à le mettre en œuvre.
Notes
(1) Cette problématique a retenu notre attention dans le cadre d’un programme collectif de recherche consacré à la production multisupports dans des groupes médiatiques français et québécois. Les observations que nous présentons dans cet article sont notamment issues des travaux que nous avons menés de 2007 à 2009. Ce programme de recherche est développé par les laboratoires CRAPE (CNRS – Université de Rennes 1 – IEP de Rennes) et LUSSI (ENST-Bretagne) et associe Béatrice Damian, Godefroy Dang N’Guyen, François Demers (laboratoire PNCP, Québec), Philippe Gestin, Christophe Gimbert, Florence Le Cam, Sandrine Lesquin, Magali Prodhomme-Allègre, Yvon Rochard, Hélène Romeyer, Denis Ruellan, Jocelyne Trémenbert.
Il a fait l’objet d’une première publication : Gestin et alii, “La production multisupports dans des groupes médiatiques français : premières remarques”, dans Les cahiers du journalisme, “L’économie du journalisme”, n°20, automne 2009, p 84-95.
(2) Dans « Capitalisme et financiarisation des industries culturelles », dans MIEGE, B. et alii, La concentration dans les industries de contenu. Revue Réseaux : Communication, technique et société. n°131, FT R&D/Lavoisier, Christian Pradié classe dans cette même catégorie intermédiaire du contrôle familial relatif, Springer (Allemagne), Dreamworks ou News Corporation (Etats-Unis), Mediaset (Italie) et les Français Lagardère, TF1 ou encore Libération depuis l’acquisition de 37 % des parts sociales par Edouard de Rotschild. Les firmes à contrôle managérial sont développées à la fois sur le plan de la concentration horizontale, de l’intégration verticale et de l’internationalisation (Disney, Time Warner, Sony, Emap). A l’inverse, les firmes à contrôle familial absolu (Bauer, Amaury, Sud-Ouest, Dassault, France Antilles) et à contrôle de type mutualiste (Bertelsmann, Ouest-France, Le Monde) sont moins soumises aux effets de la financiarisation.
Nous y soulignons que la construction des marques-médias et la réflexion sur les interfaces pour les développer soulignent la position de plus en plus influente et transversale des régies publicitaires propres à ces groupes, qui organisent des campagnes multisupports comme forme de la valorisation croisée.
(3) Nous y soulignons que la construction des marques-médias et la réflexion sur les interfaces pour les développer soulignent la position de plus en plus influente et transversale des régies publicitaires propres à ces groupes, qui organisent des campagnes multisupports comme forme de la valorisation croisée.
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Auteur
Christophe Gimbert
.: Christophe Gimbert est maître de conférences associé au département Information-communication de l’IUT de Lannion (Université de Rennes 1) et du master « Journalisme, reportage et enquête » de l’IEP de Rennes. Il est membre du CRAPE (UMR CNRS 6051 /IEP/Rennes 1) et de M@rsouins. Il était auparavant journaliste de presse écrite et de télévision. Ses travaux s’intéressent aux normes et aux usages des genres rédactionnels journalistiques, à la socio- démographie des journalistes professionnels – en particulier autour du processus de féminisation de la profession – ainsi qu’aux processus de mise en œuvre du multisupports et à la question des convergences dans des groupes de presse et de communication.