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Évolution de la communication territoriale : les limites de l’idéologie de la proximité

15 Sep, 2009

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Houllier-Guibert Charles-Edouard, « Évolution de la communication territoriale : les limites de l’idéologie de la proximité », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°10/1, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2009/varia/04-evolution-de-la-communication-territoriale-les-limites-de-lideologie-de-la-proximite

Introduction

Dans le cadre d’une thèse qui porte sur les politiques de communication territoriale fabriquées par les acteurs rennais depuis 25 ans pour construire l’image d’une ville moderne, innovante, culturelle, métropolitaine, voire urbanistique (Houllier-Guibert, 2008a), il est intéressant d’observer l’évolution des finalités de production d’image au cours du temps, selon les acteurs, les projets et le contexte. Les chargés de communication sont aujourd’hui davantage orientés vers des missions de mobilisation de la population locale et d’animation du territoire. Avec l’affirmation des deux valeurs sociales que sont la démocratie participative et le développement durable (Houllier-Guibert, 2005), les communicants sont en mesure de sensibiliser la population locale en essayant de la faire réagir et de l’impliquer dans le développement urbain. A Rennes, capitale régionale de l’ouest de la France, considérée comme ville moyenne (Dumont, 2007), plusieurs opérations visibles vont dans ce sens, que ce soit des événements ponctuels ou des expositions sur le moyen terme. Les objectifs des services Communication rennais  se déplacent d’opérations extra-territoriales coûteuses et difficilement évaluables dans les années 1980, vers des opérations locales facilement délimitables, identifiables et évaluables auprès de la population locale. La grande opération de promotion qui a utilisé le média télévisé a eu lieu en 1991 puis chaque année depuis 2004. Entre temps, une nouvelle forme plus passive de communication territoriale a émergé pour se rapprocher de la population locale, d’une part grâce aux palmarès de la presse dont a bénéficié Rennes (Moriset, 1999) et d’autre part avec des événements culturels indirectement développés par les pouvoirs publics locaux.     La période 1992-2003 tend exclusivement vers les objectifs prioritaires de cohésion sociale grâce à l’argument Qualité de vie (Dagnaud, 1978), idéologie dominante ces dernières décennies. Dans un premier temps, l’exemple de Rennes démontre l’évolution de la communication publique dont la finalité tend vers la Proximité et ce, de la part des deux acteurs qui font la communication rennaise. Dans un second temps, à l’aide de l’identité, la démocratie participative, le développement durable ou la qualité de vie, l’idéologie de la proximité est mise en cause comme manière pour les communicants d’orienter leurs actions vers l’animation du territoire.

Vers une communication de proximité

L’objectif identitaire et de bien-être social qui tend vers le « bonheur territorial » (FNAU, 2005) est l’objectif de communication le plus recherché à Rennes aujourd’hui. Il correspond à la mise en place d’actions locales qui ont des effets intra-territoriaux considérés comme mesurables ou directement profitables localement. Alors que les années 1980 ont été l’occasion de fabriquer des actions de promotion extra-territoriale dans plusieurs villes françaises, les actions de communication rennaises ont, dans les années 1990, agi en faveur de la population locale, au détriment d’actions phares. Après une opération publicitaire de grande envergure en 1991, brutalement, une forte rupture s’opère avec la promotion extra-locale. A la suite de l’explosion du chômage, la défaite de la gauche aux élections législatives, les prémices de l’affaire du sang contaminé qui éclabousse l’image du maire E. Hervé qui a été ministre de la Santé, un recentrage de la communication s’accomplit autour de la proximité et de la citoyenneté. Les relations publiques et l’adoption d’une charte graphique nouvelle reflètent l’aspect « bien vivre ensemble » et rompent avec l’image froide du slogan « Rennes, Vivre en intelligence », créé en 1991. Ce glissement concerne en parallèle plusieurs grandes villes de France (Pagès, 2001) et correspond aussi à une évolution des valeurs mises en avant par les communicants des territoires.
Un regain promotionnel existe depuis 2004 à Rennes, à travers de nouvelles campagnes lancées timidement, pour de nouveau faire rayonner la ville. Ces actions relèvent davantage de l’opportunité que de la stratégie réfléchie en amont, mais au fur et à mesure, un plan de communication se met en place. Les messages « Rennes fait monter les talents » (2004-2005) et « Tous les courants se croisent à Rennes » (2006-2007) mettent en avant la culture puis, plus largement l’effervescence sous ses formes sociales, de solidarité, d’innovation… Ces campagnes définissent l’image culturelle et métropolitaine d’une ville qui « bouillonne » (Houllier-Guibert, 2008). En parallèle, une volonté d’animer le territoire, sous l’angle de la proximité, continue d’exister au sein des deux services Communication. Ainsi, ce retour vers la communication promotionnelle n’est pas un infléchissement passager des questions de proximité mais participe à plusieurs émissions qui fabriquent l’image de la ville de manière plurielle. Ce regain de l’émission extra-territoriale se réalise en parallèle aux opérations d’autres villes en France (Reims en 2005, Rouen en 2006, Nantes en 2007, Dunkerque en 2008…) qui mènent vers le branding comme nouvelle forme de promotion. Lyon a sorti sa marque Only Lyon, Nantes est sur le point de le faire et Rennes a démarré au second semestre 2008, juste après les élections municipales, une démarche de branding prévue pour début 2010. Pour autant, si la proximité est une idéologie qui persiste, c’est parce que les représentations sociales présentent une grandeur qui « ne renvoie plus désormais systématiquement à la mise à distance, à la hauteur, à l’arrachement aux logiques particularistes du territoire, à la rationalité. La distance n’est plus considérée aujourd’hui comme un gage d’égalité de traitement, d’impartialité, [… mais] elle signifie cécité et inefficacité » (Lefebvre, 2003). Ainsi, le branding doit être déployé prudemment pour être accepté par la population locale. La conservation de démarches d’accompagnement à la citoyenneté, la tendance à rassurer par la communication territoriale doit rester pour équilibrer  cette manière de faire de l’action publique et la légitimer. Ainsi, les actions de communication portées par les acteurs publics rennais peuvent être découpées en trois phases, depuis la création du technopôle Rennes Atalante en 1984 qui a impulsé une volonté de visibilité externe, jusqu’à 2008, année de la fin du long mandat municipal et intercommunal d’Edmond Hervé : 1984-1991 ; 1992-2003 ; 2004-2008. Ce découpage prend en compte l’absence de promotion extra-territoriale dans les années 1990, qui laisse la proximité faire son lit comme idéologie dominante dans les discours.
Dans un premier temps, la description d’un événement évolutif au fil des décennies permet d’observer son organisation par des acteurs différents selon les valeurs du moment, en tendant vers la proximité absolue pour sa troisième session. Un second temps explique le rôle joué par les deux services Communication pour comprendre comment s’exerce l’idéologie de la proximité sur deux niveaux administratifs et comment ses messages arrangent chacun des services : depuis les années 2000, la promotion et la proximité cohabitent et mettent en cause les compétences informelles des deux échelles territoriales.

Un événement évoluant selon l’air du temps

L’événement qui a lieu successivement en 1987, 1999 et 2005 imbrique les objectifs de visibilité extra-territoriale et le développement du sentiment d’appartenance local. L’émergence des projets urbains rennais et la valeur fédérative de l’aménagement qualitatif, sont l’occasion de proposer un lieu et un moment explicatif des volontés politiques. Au fil des trois opérations, la dimension proximitaire se ressent de plus en plus.
– En 1987, l’exposition Rennes au futur présente les grands projets urbains des années à venir et l’innovation du technopôle avec la palette des outils modernes de télécommunication. L’adjoint au maire à la communication décrit cette opération qui a renforcé le sentiment de fierté des Rennais : « Au début des années 80, avec les premières transformations, notamment le fait de rendre le plateau piéton au centre-ville, on a senti un bousculement des Rennais qui avaient une certaine distanciation par rapport à leur ville bourgeoise, renfermée, tristounette… Et il y a eu comme un appel d’air. On a senti les Rennais qui basculaient et qui commençaient à s’approprier et à aimer leur ville. Et c’est vrai que l’on a forcé sur ce sentiment là. La plus belle opération de com’ qui a suivi ce sentiment, cette modification de l’approche des Rennais, c’est Rennes au futur »(1). A défaut d’évaluer les effets extra-territoriaux de cette semaine fédérative de 50 000 personnes, la promotion locale semble avoir favorisé l’appropriation de Rennes par une part de la population.
– en 1999, la seconde exposition intitulée Cité-forum implique de nouveaux les habitants dans l’évolution urbaine rennaise. Là aussi, l’événement répond aux tendances communicationnelles de l’époque puisque est présenté l’urbanisme de la ville et les projets numériques : le projet expérimental Citévisions propose des services de proximité en utilisant les technologies multimédia proches du jeu vidéo. Le développement d’un outil interactif de repères dans la ville et d’accès aux sites Internet des organismes utiles à la vie quotidienne est décliné en guide pratique sous une forme adaptée aux nouvelles technologies. Les retombées médiatiques du Cité-forum sont médiocres mais Citévision bénéficie d’une bonne image d’innovation dans le milieu des faiseurs de ville. De surcroît, le forum est l’occasion de mêler les habitants et différents professionnels pour réfléchir sur les attentes des Rennais dans les 30 prochaines années, pour leur agglomération mais aussi sur leurs inquiétudes et doutes. Cette tentative de prospective imaginée par la population vise à montrer que les élus sont à l’écoute de leurs électeurs et que rien ne se fait sans leur concertation, même sur des décisions qui concernent l’échelle urbaine. En effet, à l’approche de la communauté d’agglomération qui naît quelques mois plus tard, le District de Rennes montre son existence et qu’à l’échelle du bassin de vie, des actions publiques sont décidées et les habitants du territoire rennais peuvent aussi y participer. Cet événement légitime donc l’institutionnalisation intercommunale.

– en 2005, l’opération Rennes, une envie de ville propose une multitude de débats, de conférences, de concerts et de rencontres autour de la ville, de l’urbanisme et de la citoyenneté, animés par la vie associative locale. Les thèmes abordés « Habiter, Travailler, Sortir, S’engager, Apprendre » invitent à vivre pleinement la ville en l’animant. L’opération se positionne comme une Relation de l’habitant à la ville. L’image de Rennes est orientée vers la participation citoyenne : « vous en avez envie, et bien venez participer ». Les « assortiments d’envies » annoncés sur l’affiche évoquent la diversité de possibilités d’être impliqués dans la cité. Le site internet met en avant le concept de l’envie irrésistible du bonbon acidulé et la promotion tourne autour de la tentation de la ville. Avec un budget d’un million d’euros et la mobilisation de 200 personnes pour l’organisation, la communication de Rennes centre son activité sur la proximité de manière optimale : Ouest-France est un relais fort d’information avec une pleine page par jour ; le journal municipal mensuel Le Rennais sort une édition quotidienne pour la première fois depuis sa création en 1969. La municipalité tient clairement son rôle d’animateur du territoire qui privilégie l’intra-territorial. Envie de ville est l’événement qui combine la proximité et le projet de ville afin d’augmenter la participation citoyenne.

Au fil des années, le glissement vers la proximité s’est affermit à Rennes en suivant les tendances du marché des villes françaises, ce qui permet d’aboutir au schéma suivant :

Deux échelles pour déployer la proximité

Jusqu’en juillet 2009, deux services Communication co-existent avec deux directeurs de la communication pour le même espace quotidien qu’est la ville ; et ce, comme dans beaucoup de grandes villes de France, même si les profils varient. Par exemple, à Brest, il n’y a qu’un seul et même directeur pour les deux entités ; A Angers, la dircom’ de l’agglomération est l’ancienne adjointe du service Communication de la municipalité et en 2009, les services fusionnent ; à Nantes, le dircom’ municipal était adjoint du même service auparavant et le dircom’ de la communauté urbaine arrive de l’extérieur. Il est logique de penser que la structure intercommunale s’intéresse au rayonnement de la ville, à sa promotion économique et à son image, pour diffuser sur le plan extra-territorial des messages à propos d’un vaste espace formant un pôle urbain pertinent. Rennes est alors présentée comme une agglomération de près de 400 000 personnes, ce qui justifie son image de métropole. La commune-centre peut alors concentrer ses efforts sur des actions locales, en lien avec la loi Vaillant de 2002 qui propose une plus grande participation des habitants aux projets d’aménagement locaux et une implication dans la vie citoyenne pour contribuer à animer les territoires infra-communaux. Ce découpage oriente les municipalités à proposer des messages proche du citoyen, pourtant à Rennes, ce découpage n’est pas évident. La DGCom conserve le plus fort budget et la plus grosse équipe, tandis que le SIC, plus récent, a des moyens limités. Le transfert des compétences entre les services n’est pas clairement réalisé. Ainsi, lors d’actions d’envergure, la municipalité est sollicitée et partie prenante des choix stratégiques extra-territoriaux. Par exemple, un CD-rom de présentation du territoire a été développé en commun en 2006 et géré par la municipalité car les moyens humains y sont plus importants. Plus ambitieuse, la promotion territoriale, en tant que champ partagé dans la mesure où la communication ne se fait pas sur les institutions mais bien sur un territoire, voit son coût porté par la ville-centre : sur un budget de 400 000 euros, 300 000 proviennent de la municipalité et 100 000 de Rennes Métropole. La DGCom se considère comme « pilote en termes humain et budgétaire et donc en termes de déclinaison et d’outils » selon son directeur.
Le SIC a été créé en 1999. Pendant les trois premières années, sa mission a été de construire l’image de l’EPCI (Etablissement Public de Coopération Intercommunale) pour faire comprendre à la population locale le rôle de Rennes Métropole, entité naissante qui succède au District. La promotion est forte grâce à l’inauguration de la première ligne de métro en mars 2002 et actuellement un paradoxe émerge : la médiatisation est grandissante avec une reconnaissance de la marque Rennes Métropole mais la lisibilité reste délicate quant au rôle des EPCI en France. Ainsi, deux nouveaux axes sont déployés : la Communication de proximité et la Promotion nationale, décrites dans cet ordre dans la politique de communication. La préoccupation première des communicants des EPCI est de légitimer leur existence en affirmant le rôle de l’intercommunalité dans la gestion territoriale. Cet enfermement dans des actions de visibilité institutionnelle donne un objectif clair mais restreint à la communication intercommunale. La population souhaite-t-elle connaître les compétences d’une institution nouvelle, quand elle se passe de connaître les compétences d’anciennes institutions ? Il en résulte que l’intercommunalité diffuse de la proximité dans ses messages au détriment d’une stratégie puissante de marketing territorial.

Concernant la DGCom, sa mission première repose sur l’animation du territoire. Les grands projets mis en place ont comme points communs la proximité : Dazibao (opération qui consiste à proposer aux jeunes rennais, dont les étudiants, des activités nocturnes le jeudi soir, encadrées et sans alcool), Envie de ville, l’exposition Paroles d’habitants, la campagne contre l’alcoolisme des jeunes… autant d’opérations qui accompagnent les attitudes urbaines, voire modifient les comportements. Cet objectif répond à la nouvelle manière de faire de la communication citoyenne, en utilisant l’argument du développement durable pour changer les manières de faire (Houllier-Guibert, 2005). Depuis les campagnes de sensibilisation du recyclage des déchets, portées par les EPCI qui en ont la compétence, notamment via la presse territoriale, la communication publique utilise l’argument du développement durable pour renouer avec l’habitant. Il s’agit de rompre l’image de « marketing qui influence » pour tendre vers du conseil de bonnes pratiques citoyennes. La DGCom s’inscrit dans cette mouvance tout en ne pouvant occulter l’accompagnement des grands projets qui pourraient être gérés par le SIC. Dans le concert des villes en perpétuelle mutation, Rennes est de celles qui se sont fortement renouvelées ces derniers temps (métro, salles de spectacles réhabilitées, pôle culturel des Champs-Libres et l’esplanade Charles-de-Gaulle, bientôt un centre des congrès et la seconde ligne de métro). La DGCom se place comme accompagnatrice de ces évolutions sous l’argument qu’elles sont situées en centre-ville de la ville-centre, reléguant le SIC aux actions auprès des 36 autres communes qui entourent la commune de Rennes pour former l’intercommunalité. Dans la stratégie de communication de la DGCom, les opérations qui renforcent la proximité sont annoncées après la promotion extra-territoriale qui tient étonnamment la première place. L’accompagnement de la population et la promotion de la ville sont donc proposés par les deux services Communication, avec un ordre qui va à l’inverse de ce qui est présupposé. Un tableau non exhaustif des multiples actions donne une place forte à la proximité.

Actions de communication de la Municipalité de Rennes

OBJECTIFS

Actions de communication de la Communauté d’agglomération de Rennes

Animation du territoire (les 4 jeudi, campagne contre l’alcoolisme, Envie de ville…), inauguration de chantiers communaux (théâtre de la Paillette…)

ANIMER

Inauguration des grands chantiers intercommunaux (Métro, Champs Libres, quartier de la Courrouze…)

Information sur l’évolution de la ville au quotidien, sur les projets en centre-ville et dans les quartiers intra-rocade (presse territoriale, expositions au CIU, Internet…)

INFORMER

Information sur les compétences de Rennes Métropole, sur l’évolution des grands chantiers intercommunaux (hôtel d’agglomération, le musée de la Bintinais, la seconde ligne de métro… via la presse territoriale, Internet, point documentation)

Diffusion de la politique municipale (presse territoriale, relations presse, Internet…), accueil des nouveaux Rennais

FEDERER

Diffusion de la politique intercommunale (presse territoriale, relations presse, Internet…)

Implication de la population (exposition Paroles d’habitants au CIU, sensibilisation aux conseils de quartiers…)

MOBILISER

Implication de la population (sensibilisation à la collecte des déchets, participation au PDU, au SCOT, à l’Agenda 21…)

Promotion de la ville (campagne 2004, 2007, relations presse)

RAYONNER

Promotion de la ville (campagne 2004, 2007, relations presse, lobby européen)

La communication de proximité est affichée comme objectif des deux services au sein de leur documentation stratégique, sans pour autant apparaître dans ce tableau analytique, en tant que finalité clairement affirmée, en faveur d’un caractère plutôt transversal et indirect. Chaque service s’inquiète de son devenir au moment des élections municipales et justifie sa place dans l’administration urbaine par une multitude d’actions sur tous les plans, sans rechercher de véritables complémentarités entre les deux services (Houllier-Guibert, 2008c). En 2002, un cabinet d’étude fait le point sur les composantes positives et négatives de l’image de Rennes et notamment sur les images qui circulent auprès de la population locale. Il ressort que les priorités de communication doivent se déplacer des enjeux d’identité et d’appartenance vers des enjeux plus politiques, liés au sens à donner aux actions (TMO, 2002). L’étude est commandée dans un contexte d’abstention électorale, ce qui amène à interroger les fonctions mobilisatrices de la communication et les formes qu’elle peut ou doit prendre afin de répondre aux attentes de la population. Ce glissement de finalités de la communication territoriale répond au phénomène national dans lequel « les politiques d’image de marque ont un peu cédé le pas devant les thèmes de la citoyenneté, de la relation et plus récemment de la médiation » (Territoires, 1998) et qui est nommée par le milieu professionnel la Communication de proximité. Elle se saisit transversalement et indirectement à travers des éléments connexes présentés ci-après. La proximité rassure ce qui lui garantit une longue vie au cœur des discours public de communication. Chaque service l’utilise pour légitimer son action dans la crainte de perdre du pouvoir lors d’un remaniement administratif.

Les limites de la Proximité

Après les années 1990 en tant qu’époque de la gestion (Internet, tri sélectif, télés locales et communication financière) qui explique le recul de l’image de marque, les années 2000 scandent la proximité, parsemée dans de nombreuses politiques publiques et soutenue par la manière de faire de la communication territoriale. Après l’avoir définie, il s’avère que les quatre piliers qui l’accompagnent donnent à voir les limites du concept nébuleux de proximité qui acquiert dès lors le rôle d’un paradigme.

L’idéologie de la proximité : la justification du local comme territoire de l’action

Le champ lexical dans lequel s’insère la notion de proximité montre combien elle est invoquée comme valeur positive, de refuge, où la convivialité, la solidarité, l’authenticité et plus largement l’enracinement viennent conforter le quotidien. La proximité est brandie comme une évidence sociale (Le Bart & Lefebvre, 2005) et construite comme une nécessité, fondée sur un jeu d’équivalences à l’effet symbolique puissant : elle fait écho à l’implication, la participation, l’efficacité et la légitimité. L’engouement contemporain pour cette idéologie a favorisé le succès de slogans tels que « small is beautiful », ou « des villages dans la ville », et jalonne les discours politiques d’intervention publique aussi bien locale que nationale. La proximité apparaît comme une « matrice de lecture des phénomènes sociaux » et en même temps un réservoir de solutions pour les acteurs politiques confrontés à un corps social atomisé, une société émiettée, fragmentée, selon Christian Le Bart et Rémi Lefebvre : « l’invocation de la proximité a toujours l’aplomb du bon sens, la rhétorique de la proximité se fonde toujours sur l’évidence, elle ne risque jamais ni la déconstruction ni la mise en perspective historique » (2005). D’après Philippe Genestier, le modèle proximitaire est paradoxal en attachant subjectivement le local au compassionnel mais aussi en essayant de légitimer les politiques grâce à des actions concrètes. Cette double nature se décante lors d’une période de résistances populaires aux évolutions sociales et à l’idée de nation. Il est possible de maintenir le système politique en le déplaçant du national au local ; à moins que ce glissement d’échelle soit l’occasion de repenser l’action politique en y injectant de la démocratie participative, de la subsidiarité, de l’éthique, de la soutenabilité… (Genestier, 2001). Autour du consensus social des années 2000 dans lequel la proximité n’est plus synonyme de localisme mais plutôt une nécessité pour faire des choix efficaces, judicieux, adaptables grâce à une analyse au cœur des situation et non plus en surplomb, 4 piliers émergent en tant que composante idéologique de la Proximité dans les actions de communication publique.

Identité et proximité : une distinction difficile

Sans que les questions d’image de marque disparaissent pleinement, la proximité s’impose petit à petit, renforçant la quête identitaire déjà sous-jacente dans la manière de travailler des années 1990 à Rennes, lorsque sont mis en avant des palmarès de la presse nationale qui promeuvent la qualité de vie locale. Les politiques de communication recherchent l’identité qui correspond le mieux à la ville et à la population, en tenant compte de la pluralité d’identité (Cardy, 1997) qui se construit dans un contexte environnemental et au sein de la relation entre l’être et l’autre (Morin, 1982). Promouvoir une unité géographique, culturelle et historique oblige à parler d’identité pour diminuer l’hétérogénéité des comportements individuels et la diversité des parcours, et ainsi tendre vers la stabilité, à l’exemple nostalgique des sociétés paysannes (Frémont, 2005). L’objectif est que chacun se retrouve dans sa ville et pas seulement dans un groupe de personne. Le sentiment de bien-être est spatialisé plus que socialisé et devient un sentiment d’appartenance territorial. Au Moyen-Âge, les corporations des villes favorisaient l’intégration tandis qu’aujourd’hui, « ce n’est plus la ville qui englobe l’individu, c’est l’individu qui s’approprie la ville » selon Jacques Lévy (1991).L’émergence de nouveaux territoires (EPCI, Pays Voynet, quartiers), re-questionne l’identité territoriale (identité d’un lieu) et interpelle l’identité spatiale (dimension spatiale de l’identité d’un individu). La communication identitaire connaît un regain d’activité quand il y a de nouvelles délimitations à ancrer dans la mémoire collective pour former la société locale. La promotion du territoire concerne toutes les tailles d’espace à valoriser (Houllier-Guibert, 2009). La quête identitaire offre une légitimité aux politiques de communication et atténue son profil manipulateur d’appât du gain lié à la communication commerciale. Cette légitimité n’est pas définitive, elle doit être sans cesse reconquise par l’adhésion de la population qui vote régulièrement. Par conséquent, dans le même objectif de bien-être, la communication passe d’actions à vocation identitaire vers des actions à vocation de proximité avec une frontière peu évidente. Proximité et identité ont en commun l’idée de vivre ensemble, à partir du postulat que le lien social se construit principalement dans les relations de proximité, ce qui est paradoxal puisque le lien social ne peut être réductible uniquement aux relations proches mais inclut aussi la relation citoyenne.

Développement et proximité : difficile entente

Dans les années 2000, les communications intra et extra-territoriale sont difficiles à concilier, voire s’éloignent : d’un côté, les décideurs économiques favorisent l’implantation ou le développement d’activités ; de l’autre, les habitants doivent être convaincus de la qualité des services urbains. D’une manière générale, la population n’aspire pas à l’idée de développement qui sous-tend une forte prise en compte des impératifs économiques. Elle privilégie le cadre de vie et son environnement immédiat et s’implique peu dès que l’on s’éloigne de cette thématique (Urbanisme, 2004, p.47). Les Rennais craignent l’avenir et s’inquiètent de la forte attractivité de leur territoire (TMO, 1993). Le développement urbain devient difficile à expliquer sans que les nuisances, la densité, la pollution, la précarité et autres effets néfastes de la ville ne soient associés à l’idée de développement. La grandeur devient valeur négative pour l’habitant, ce qui n’est pas favorable à l’idée de métropole que poursuit Rennes depuis la décennie 2000. Ainsi, à force de communiquer sur un élément positif qu’est « l’arrivée de 40 000 habitants sur le Pays de Rennes dans les 10 prochaines années » (cette formule a été très reprise dans les discours des élus, dans la presse territoriale et dans les plaquettes de communication, entre 2000 et 2005, les 10 ans étant donc repoussés au fil du temps), une crainte est ressentie par les habitants qui s’effraient des effets de l’attractivité sur leur quotidien. L’inquiétude est née d’une perte potentielle de maîtrise de la densité, de la métropolisation, de la taille humaine de la ville. Le SIC a donc déployer une campagne de sensibilisation à la croissance forte de la ville en présentant tous les aspects positifs de ce phénomène. Certaines situations suscitent des réactions militantes comme le phénomène nimby (Not In My Back Yard) qui démontre que les habitants sont intéressés selon la nature des thèmes. C’est en ce sens que les projets urbains ou d’aménagement de quartier intéressent la population mais la réhabilitation des quartiers n’est pas perpétuelle, pour autant, l’implication peut passer par la démocratie participative.

Proximité et démocratie participative : le leurre de la participation collective

La communication des villes passe moins par la publicité que par la mise en avant des qualités et compétences humaines déployant non plus des images mais des stratégies de développement, appuyées par la mobilisation de chacun pour devenir acteur du territoire. Il semble que les enjeux d’appartenance préalablement soutenus par l’image de la ville en créant de l’identité territoriale plus médiatique que réelle, laissent place à des méthodes d’appropriation concrètes par la population, dans un contexte de proximité et d’implication dans la cité qui éventuellement décuple l’identité spatiale et la citoyenneté. Déjà entamée à Rennes dans les années 1990, cette évolution s’explique dans un contexte post élections municipales de 2001 au taux d’abstention record (38,7%). La communication publique est alors mobilisée pour établir un lien civique. La proximité s’ancre dans le vocabulaire médiatique en qualifiant la police, les services, la démocratie, les politiques urbaines ou les juges. La concertation est soutenue par des politiques de communication utilisant ce mot pour susciter du lien social et renforcer la mobilisation citoyenne.
La citoyenneté s’exprime en général par le regroupement d’individus au sein de structures associatives qui défendent des intérêts. Ce type de représentation légale semble aujourd’hui galvaudé et sa légitimité est réduite en tant qu’expression des intérêts collectifs. De nouveaux lieux de débat, de nouveaux espaces publics d’élaboration de projets, des formes nouvelles de médiation sont expérimentés afin que la population et les représentants de la société civile puissent se rencontrer, confronter leurs intérêts, délibérer et participer à la décision. Au moment où en 2003, l’oscr (2), symbole de la vie associative rennaise, est dissout et qu’il faut repenser localement le lien social, l’exposition Envie de ville témoigne de la volonté de mêler l’affectif à la proximité afin d’impliquer les habitants dans des actions concrètes. Déjà, à l’occasion du Cité-Forum, dix thèmes ont amorcé la réflexion des habitants, parmi lesquels « Démocratie urbaine et citoyenneté de proximité ». Les conclusions de ce débat montrent que « la démocratie représentative fonctionne comme un modèle en crise d’imagination, comme un paradoxe d’une volonté utopique et d’une incapacité à la mettre en œuvre ». Les Rennais ont le sentiment que la gestion de la ville leur échappe et devient l’affaire de spécialistes qui se l’approprient. L’idéal démocratique se tourne vers une démocratie sociale et culturelle recentrée sur le citoyen. Il faut donner de l’importance à l’expression de tous, créer des lieux de paroles pour valoriser les échanges et surtout il faut faire en sorte que les élus prennent en compte l’opinion locale. Lors du Cité-Forum, la population a élaboré des scénarios représentant Rennes dans trente ans qui, d’une manière synthétique, traduisent des inquiétudes sur l’évolution de la société : une crainte face à la mondialisation, face à un monde politique ambigu et surtout face aux problèmes de société (chômage, exclusion, violence…). Les scénarios idéaux visent à résoudre les problèmes d’exclusion et de pauvreté, donnant une grande importance à l’éducation, la culture et les formations et réformant les modes de participation et de représentation. Les scénarios catastrophes expriment une progression de l’individualisme et de l’indifférence, des citoyens privés de démocratie et peu intéressés par la vie politique. Innovation locale en matière de démocratie de proximité, ce Cité-Forum donne l’occasion de s’exprimer sur sa ville et d’échanger idées et expériences. C’est ce type d’objectif qui devient la finalité des actions de communication rennaises, avec les difficultés qui les accompagnent.
Mais communiquer sur une plus grande participation de la population lors des décisions d’aménagement local ou de vie de quartier, à l’exemple de la consultation de la population sur les grands choix urbains comme le Plan de développement urbain de Rennes Métropole, validé en 2007, paraît être un leurre dans la mesure où l’habitant peut vite comprendre que son implication est limitée. Il peut dès lors se sentir frustré. Des chercheurs mettent en avant des apports lorsque la concertation en aménagement offre surtout, par la création de nouveaux espaces du débat public, une forme de réponse à la crise de la démocratie (Bonard, 2005 ; Dufay, Bodin & Bonnet, 2005) pendant que d’autres soulignent des contraintes fortes (Ben Mabrouk, 2005 ; Royoux, 2005) quant à sa mise en œuvre. Parmi les trois types d’idéaux de la démocratie (3), le courant porteur du développement durable adopte le principe de la participation, dont on sait pourtant qu’il échoue pour atteindre une démocratisation des choix politiques (Felli, 2005).

Proximité et développement durable : le flou des mots-valises

L’une des réponses apportées aux difficultés énoncées pour tendre vers le développement durable et la maîtrise des enjeux urbains, est la ville archipel, concept porté par l’élu aux formes urbaines de Rennes Métropole. La dichotomie entre le rural et l’urbain a disparu (Paquot, 2000) et le Pays de Rennes est inscrit dans une logique urbaine multipolaire dont l’organisation se décline en trois figures selon le centre de Rennes (le cœur de la métropole incarne la ville compacte ; les autres communes du périmètre de transport urbain fonctionnent en réseaux entre elles et avec le cœur métropolitain ; des polarités périphériques diffuses entourées de bourgs sont dans la trame verte du Pays de Rennes). Il y a étalement urbain parce qu’il y a mobilité. Par exemple la halte ferroviaire construite au nord de Rennes pour le personnel de l’hôpital répond à un besoin de mobilité mais favorise l’étalement urbain. La ville archipel est gourmande en espace, répond à la mobilité et réclame des infrastructures routières fortes. Mais son invention repose sur les demandes des populations adaptées à leur mode de vie quotidien, afin d’avoir des services de proximité et une vie sociale qui n’est pas éloignée du centre. La ville archipel se conçoit comme un lien entre deux manières récentes de communiquer pour Rennes, depuis les années 2000 : le projet urbain et la proximité, en tant que concepts faciles à argumenter, qui répondent à la tendance pédagogique des messages de la communication territoriale ; le projet urbain étant lui-même une invention des communicants (Devisme, 2003).
Plus largement, le développement durable est un des messages exprimé par les communicants rennais. En France, après une période d’hésitation voire de réticence, le développement durable s’immisce dans les stratégies de développement des territoires. Cette émergence devient une obligation législative depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain et transforme les documents de planification en réflexions plus stratégiques (Schéma de cohérence territoriale, Plan local d’urbanisme…). L’agenda 21 rennais a été un moment fort pour impliquer la population à travers un questionnaire assez critiquable (Houllier-Guibert, 2005). Diffusée via la presse territoriale, le questionnaire d’une étude aboutit, par son contenu, à des réponses populistes lorsque les répondants sont encouragés à participer (c’est valorisant de répondre à un questionnaire qui porte sur l’avenir de notre ville et cela déculpabilise ceux qui agissent peu au quotidien dans ce sens) et à diriger les réponses vers un consensus peu constructif. Effectivement, comment répondre négativement à des questions du type : êtes-vous sensible, assez sensible ou peu sensible à la question de la diminution, dans de nombreux endroits du monde, de la ressource en eau ? Le rôle essentiel de ce questionnaire était de renforcer la prise de conscience des habitants, tout en ouvrant la porte à la participation, mais il peut facilement être perçu comme une propagande qui fait la promotion des actions publiques locales. L’aspect manipulateur du marketing territorial peut ici être accepté par les lecteurs car il repose sur un thème fédérateur et difficilement critiquable en tant que valeur forte du 21ème siècle. Le développement durable apparaît dans ces conditions comme un vecteur idéal pour les politiques publiques, parce qu’il incite la population locale à se mobiliser de manière plus ou moins pérenne pour la « cause » urbaine. L’aspect écologique donne l’impression d’un engagement qui, de surcroît, est valorisant puisque le développement durable est porteur de valeurs positives. Sa définition et son statut transversal, fondés sur la triple approche économique, sociale et environnementale, le rendent complexe et flou car difficilement délimitable, et permettent de qualifier la démocratie participative qui l’accompagne d’action citoyenne valorisante. Les petits gestes individuels domestiques qui améliorent l’écologie sont imprégnés de micro-localisme. Aujourd’hui, l’apport du développement durable aussi bien pour inciter à la démocratie participative que pour modifier le comportement des citoyens ou encore pour servir de message politique, réconcilie et rapproche le marketing et les habitants. Le développement durable favorise « l’optique du marketing sociétal [qui] reconnaît que la tâche prioritaire de l’entreprise est d’étudier les besoins et désirs des marchés visés et faire en sorte de les satisfaire de manière plus efficace que la concurrence, mais aussi d’une façon qui préserve ou améliore le bien-être des consommateurs et de la collectivité » (Noisette & Vallérugo, 1996). Les approches telles que la planification stratégique, le projet urbain, la gestion environnementale urbaine ou les agendas 21 locaux sont érigées en nouveaux paradigmes d’action, motivés par les principes du développement durable, tendant à faire la ville autrement, à travers des démarches participatives (Rabinovich, 2005). La gouvernance et la durabilité sont des sémantiques institutionnelles qui s’adaptent à tous les territoires, tant les commentaires abondent montrant leur polysémie (Gaudin, 2002). Ces notions floues ont un succès garanti par la diversité des références, des valeurs et des pratiques qu’elles autorisent.

Conclusion

La proximité, tout comme le développement culturel, le développement durable, la patrimonialisation… est une idéologie territoriale qui, par sa polysémie, apparaît comme une évidence. Elle invite les responsables urbains à se l’approprier en tant que résultat de mutations sociales qu’il faut accepter voire subir plus que comprendre, notamment parce qu’elle fabrique de l’identité qui fait société locale. Mais considérer que la communication des collectivités consiste moins à défendre des actions politiques qu’à fabriquer de la culture locale (De Legge, 2008) est une manière d’occulter le producteur de l’information, à savoir les élus. Or la compréhension de la communication des territoires doit passer par la prise en compte des acteurs, ce que les politologues envisagent et ce que les géographes appellent aujourd’hui le tournant actoriel (collectif, 2008). En effet, le rôle des chercheurs est d’adopter une posture critique car dégagée d’implications concrètes, en dénonçant l’usage de ces mots-clé qui doivent sans cesse être re-questionnés.
Les actions de communication qui répondent au dogme de la proximité mènent vers un positionnement de ville sociale constitué de durabilité, de mobilisation populaire et d’identité, qui renforce l’image de Rennes comme ville de cohésion sociale et par là même renforce le stéréotype des villes de gauche. La participation citoyenne, selon les étapes de la mise en place d’un projet (4), rend difficile sa délimitation, qui doit dépasser la simple information et consultation de la population afin de tendre vers une relation de partenariat. Jean De Legge principal consultant auprès des acteurs publics rennais pendant 25 ans et qui vient d’être nommé en juillet 2009, nouveau directeur de la communication qui chapeaute les deux services, considère que l’espace civique a besoin d’indignations, de contradictions, de débats et de luttes. Selon lui, c’est aux citoyens d’identifier les failles des stéréotypes, les expertises paresseuses, et les oubliés de la scène publique, ils doivent s’emparer des moyens de la contestation et veiller aux risques des vérités officielles et des discours dominants (De Legge, 2008). C’est oublier un peu vite les inégalités sociales face à l’acte citoyen, et à la prise de pouvoir spontanée dans la cité. Les services Communication ont le devoir de réfléchir aux méthodes d’appropriation de l’espace tout en fixant des limites afin de répondre à la manière d’encourager le citoyen à s’impliquer dans une démarche participative de la décision politique.

Enfin, la citoyenneté se mobilise à l’échelle urbaine, selon les problèmes d’aménagement, de transport, de sécurité et ne se limite pas uniquement à une implication de proximité. Il semble trop risqué de cantonner la finalité de la Communication à la proximité qui pose le problème inhérent de n’être jamais assez proche. S’il s’agit en réalité moins d’être proche pour le politique que de se rapprocher, le risque de cette tentative de légitimation de la politique est que cette proximité suscite au fil du temps, de la frustration de la part de la population qu’elle soit habitante, usagère ou citoyenne (Bassand & Joye, 1999). Monique Dagnaud (1978) rappelle que l’utilisation d’une idéologie par les politiques publiques, lorsqu’elle n’est pas partagée par l’ensemble de la population, détient intrinsèquement les possibles causes de son échec. Or c’est bien là la force de la Proximité, elle fait spontanément  écho à tous, en tant que besoin de repère pour chacun. La communication territoriale repose sur ce besoin de repère, par la mise en place d’arrangements territoriaux (Raffestin, 1986) permettant à l’homme de se situer dans le monde, de se « géographier ».

Notes

(1) Entretien réalisé par Charline Guillier (2002). Se pose la question du fondement du propos de l’élu. Est-il influencé par l’idéologie de la proximité sous-jacente dans la communication au moment de l’interview et en ce sens, réinterprète t-il son souvenir de l’événement de 1987, pour parler d’avant-gardisme dans la manière rennaise de communiquer auprès de sa population ? Nous n’avons pas la réponse.

(2) OSCR : Office Social et Culturel Rennais, une union de 550 associations locales qui agissaient dans l’action culturelle, sociale, socio-éducative et de quartier. Lorsqu’il a été conçu en 1957, il était un outil créateur de dynamiques inter-associatives et un centre de ressources ; il proposait des services aux associations (conseil, formation, documentation, services techniques).

(3) La démocratie directe, participative ou représentative, catégorisées selon trois manières de s’impliquer : la participation au débat, le lieu de décision et le mécanisme de responsabilité.

(4) Les étapes sont le diagnostic, la formulation d’un problème, l’élaboration d’une stratégie, la définition des objectifs et des moyens, la mise en oeuvre du projet, l’évaluation.

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Auteur

Charles-Edouard Houllier-Guibert

.: Charles-Edouard Houllier-Guibert est chercheur en post-doctorat à l’observatoire SITQ du développement urbain et immobilier – au sein de l’institut d’urbanisme de l’université de Montréal et chercheur associé de l’UMR CNRS ESO. Il travaille sur la gouvernance de la fabrication de l’image de la ville à travers le city-branding, le marketing territorial et d’autres opérations de visibilité, le plus souvent métropolitaines. Il s’intéresse actuellement à la dimension internationale des projets urbains de Montréal et de Nantes et l’implication des populations locales dans les processus de fabrication de la ville. Il a écrit une thèse sur les politiques de communication de Rennes, contributrices de l’image de la ville pour un rayonnement européen. À travers diverses idéologies territoriales, il s’est interrogé sur la dimension performative des discours, la coopération territoriale et les enjeux de pouvoir sous-jacents, ainsi que la place de la communication des territoires dans la communication publique et le marketing territorial.