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La politisation du logiciel par des groupes activistes de la technique

15 Nov, 2007

Résumé

Article inédit faisant suite à une communication au colloque MEOTIC, à l’Institut de la Communication et des Médias (Université Stendhal), les 7 et 8 mars 2007.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Proulx Serge, « La politisation du logiciel par des groupes activistes de la technique« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°08/2, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2007/supplement-a/18-la-politisation-du-logiciel-par-des-groupes-activistes-de-la-technique

Introduction

Je voudrais présenter ici les premiers résultats de travaux que nous menons depuis deux ans au Laboratoire de communication médiatisée par ordinateur (LabCMO: http://cmo.uqam.ca) concernant l’émergence d’un nouveau type de groupes associatifs au Québec que nous appelons les groupes activistes de la technique. Ces groupes sont constitués d’individus qui, à partir d’une expertise propre en programmation informatique ou en matière de création de dispositifs techniques spécialisés (bornes WiFi), développent des pratiques sociales liées aux technologies de l’information (TIC). Au fur et à mesure de la réalisation de leurs activités techniques, ces groupes en sont venus à définir progressivement une plateforme idéologique et politique mettant de l’avant un horizon de changement social qui passe par une politisation des artefacts que constituent le logiciel ou les dispositifs de diffusion WiFi. Par politisation, j’entends l’inscription par les acteurs sociaux eux-mêmes d’une dimension politique explicite dans un lieu ou un objet qui n’en avaient apparemment pas, ou qui n’étaient pas jusque-là identifiés comme politiques. Ces pratiques militantes invitent à questionner collectivement les orientations que les acteurs dominants (politiques, industriels) insufflent au développement technique en matière d’information et de communication.

En même temps, ce nouveau type de militance suscite un repositionnement des groupes politiques associatifs plus classiques (en termes de définition de leur mission, de leur type d’activités, de leur mode d’organisation, de leurs actions d’autoreprésentation dans l’espace public) (Proulx, Rueff, Lecomte 2007). Quels sont les effets de l’action de ces activistes de la technique dans la dynamique du mouvement communautaire au Québec ? De manière plus large, au niveau même de l’imaginaire politique des sociétés contemporaines, dans quelle mesure ces groupes activistes de la technique peuvent-ils agir politiquement dans la redéfinition du projet de l’avènement d’une « société informationnelle »? Réciproquement, le projet d’une « société des savoirs partagés » – projet formulé par les représentants de la société civile organisée lors du SMSI de Tunis, en décembre 2005 – peut-il contribuer à redéfinir les finalités et les actions des acteurs politiques de la mouvance associative?

Nous savons – depuis les travaux de recherche portant sur les pratiques d’« innovations horizontales » (von Hippel 2005) ou d’« innovation par l’usage » (Cardon 2005) dans des milieux concernés par l’innovation technque – que les usagers innovants, échangeant librement leurs idées et leurs artefacts, à travers des liens de communication et réseaux sociaux significatifs, en viennent à constituer des « communautés d’innovateurs » qui se distribuent en cercles plus ou moins rapprochés (noyau des innovateurs actifs, premier cercle de ceux qui offrent des appuis, second cercle des agents qui permettent à travers des liens faibles, la connexion à d’autres réseaux permettant la dissémination des innovations).

Ces travaux de recherche concernent essentiellement les pratiques d’innovation dans un contexte technique ou commercial. Je voudrais ici m’intéresser à un type d’innovation davantage organisationnelle. Plus précisément, je voudrais m’interroger sur les possibilités du transfert de valeurs liées à des performances innovantes réalisées dans le domaine technique vers des domaines d’activités davantage sociales, culturelles ou politiques. Peut-on imaginer qu’un tel transfert paradigmatique soit possible ? Que des innovations apparues par exemple, dans le cadre sociotechnique du développement du logiciel libre (à travers la constitution des communautés de développeurs du libre), puissent en quelque sorte, avoir une résonance, un prolongement dans d’autres sphères d’activités socioculturelles qui n’auraient rien à voir avec le domaine technique ?

Au fur et à mesure de nos enquêtes ethnographiques auprès de deux groupes activistes – l’un performant dans le monde de la programmation informatique ; l’autre en matière de création et diffusion de bornes WiFi en zone fortement urbanisée – nous avons constaté que ces activistes de la technique développaient simultanément une plateforme idéologique orientée vers la nécessité du changement social (Powell 2006). Ce programme idéologique est construit autour de propositions d’activités, de valeurs et de présupposés spécifiques : les activistes inscrivent simultanément leurs actions au sein de réseaux internationaux d’échange entre militants plutôt qu’exclusivement à l’intérieur de communautés strictement locales. Ils organisent leur travail à partir d’une structure libertaire hétérarchique (1) plutôt qu’exclusivement hiérarchique. Ils ont tendance à développer une relation idéologique relativement ambivalente à l’égard des formes existantes du capitalisme. Finalement, ils élaborent un ensemble de représentations sociales définissant la technique comme un lieu possible pour ancrer une nouvelle attitude politique émancipatrice, cet ensemble de représentations recelant bon nombre d’ambiguïtés économiques et politiques.

Ces groupes prétendent que le champ de leurs activités essentiellement techniques leur donne l’occasion de mettre en pratique certains principes nouveaux d’organisation de leur travail, principes orientés vers l’émergence de nouvelles pratiques de coordination, de coopération, de collaboration et de communication. Par le fait que leurs activités techniques s’inscrivent à l’encontre des protocoles prescriptifs et normatifs liées aux dispositifs proposés par l’industrie logicielle propriétaire ou par les grands opérateurs de télécommunications, ils introduisent au cœur même de l’organisation de leur travail, un processus délibératif et critique qui devient porteur de pratiques innovantes. La question reste de savoir si ces pratiques innovantes s’inscrivant d’abord dans la sphère technique peuvent avoir quelque résonance dans l’environnement social et politique plus large.

La question sociologique que nous formulons consiste à nous demander s’il y a une perméabilité possible de ces nouvelles pratiques de délibération et de collaboration dans l’organisation du travail (élaborées par les groupes activistes) vers d’autres groupes associatifs avec lesquels ils sont en contact. De quelles manières et sous quelles conditions les pratiques organisationnelles novatrices de ces groupes activistes pourraient-elles influencer d’autres groupes déjà engagés dans des activités de changement social ou politique ? Et, plus généralement, dans quelle mesure ce genre de pratiques innovantes développées à l’échelle de groupes impliqués dans la sphère des activités techniques, pourraient-elles se répercuter dans la sphère publique ?

Je voudrais dans un premier temps présenter sommairement le modèle théorique que j’ai développé au fil des ans et qui concerne l’appropriation sociale des technologies numériques. J’indiquerai ensuite certains repères socio-économiques pour bien cerner le contexte du capitalisme informationnel dans lequel nous voyons émerger les technologies numériques. Dans un troisième temps, je décrirai le programme de recherche en cours de réalisation depuis deux ans au LabCMO qui nous a conduit à mener des enquêtes ethnographiques auprès de deux groupes de militants de la région de Montréal. En conclusion, je montrerai que les pratiques de ce type de groupes activistes de la technique participent, à l’échelle internationale, à la construction d’une approche alternative (bottom-up) de la société informationnelle (en termes de « sociétés des savoirs partagés ») s’opposant à la vision dominante (top-down) qui propose la métaphore d’une « société globale de l’information » (voir aussi : Proulx 2007)

L’appropriation sociale d’une technique : éléments d’un paradigme

Je voudrais décrire le processus d’appropriation d’une technique à la manière d’un idéal-type wébérien. Je présenterai ainsi ma définition du processus d’appropriation sociale d’une technique sous la forme d’un modèle théorique déployant un (1) pré-requis et cinq (5) conditions pour assurer sa complète réalisation. Il s’agit bien sûr d’une construction logique et théorique (une fiction sociologique) que l’on ne retrouve jamais sous une forme pure et complètement actualisée dans la réalité des situations empiriques concrètes que nous sommes amenés à décrire à l’occasion des enquêtes de terrain. Plus la situation concrète empiriquement décrite contiendra des éléments appartenant aux cinq conditions, plus nous pourrons considérer que nous sommes en face d’un authentique processus d’appropriation. Le pré-requis suppose que les individus et les groupes ont accès au dispositif technique. Si un individu n’a pas accès au dispositif, la mise en route et le déploiement du processus d’appropriation s’avèrent impossible. Cette explicitation du pré-requis lié à l’accessibilité permet d’éviter la confusion entre les problématiques respectives de l’accessibilité et de l’appropriation. Nous retrouvons cette confusion sémantique à l’occasion de certains travaux comparatifs internationaux prenant en compte de manière exclusive les statistiques concernant l’accès aux dispositifs technologiques : cette démarche méthodologique fait fi des pratiques effectives d’usage et d’appropriation de ces dispositifs techniques par les différents segments de la population. Ce n’est pas parce qu’un segment d’une population aura accès à une technologie spécifique qu’il développera nécessairement une maîtrise du dispositif.

Les cinq (5) conditions à remplir pour que s’accomplisse l’appropriation effective d’un dispositif sont donc les suivantes :

a) Maîtrise technique et cognitive de l’usage de l’artefact.

b) Intégration significative de l’usage du dispositif dans le contexte de pratiques de vie quotidienne de l’individu. J’introduis ici la distinction conceptuelle entre l’usage du dispositif et la pratique (personnelle et sociale) de l’individu, en tant que contexte dans lequel s’insère l’usage de l’objet technique. Ainsi, par exemple, l’on distinguera entre l’usage d’un logiciel de traitement de texte et la pratique d’écriture.

c) L’usage du dispositif technique ouvre vers des possibilités de création dans la pratique de l’individu, c’est-à-dire des actions générant une nouveauté importante dans la pratique.

d) Médiation par la communauté : il y a partage des apprentissages et soutien au sein du collectif ou dans la communauté de pratique mobilisée et auxquels s’identifient les usagers.

e) Représentation politique : l’appropriation sociale suppose que les collectifs d’usagers soient adéquatement représentés (politiques publiques, marché industriel de l’innovation).

L’émergence d’un capitalisme informationnel, lieu d’ancrage des pratiques innovantes des activistes de la technique

L’émergence d’un capitalisme informationnel.

Les expérimentations sociales en matière de « coopération informationnelle » – dont l’analyse est l’objet central de notre programme de recherche – résonnent à une prise de position de certains groupes d’acteurs sociaux dans l’actuel contexte de transformation des sociétés fortement informatisées. Des analystes décrivent certaines formes émergentes du mode de production des sociétés contemporaines comme appartenant à un nouveau « capitalisme informationnel » (Aigrain 2005). Ils signalent par là que nos sociétés actuelles donnent naissance à un type particulier d’industries : celles dont l’activité industrielle capitalise sur la propriété du code informationnel (Lessig 1999 ; Weber 2004 ; Ghosh 2005). À titre d’exemples, pensons aux industries du logiciel, aux industries pharmaceutiques et aux grands médias. Les militants construisant des projets de coopération en matière d’information et de communication s’inscrivent en faux contre cette nouvelle domination (Blondeau, Latrive 2000 ; Moody 2001). À l’encontre d’une définition propriétaire de l’information, ces acteurs soutiennent que l’information a valeur de bien commun. Ce recours aux idéaux du don (Godbout 2007), de l’accessibilité, de l’échange et de la communication, valeurs associées originellement à l’information par les pionniers de l’informatique, fonde l’engagement de ceux que nous appelons les « militants du code » ou les « techno-activistes ».

Notre programme de recherche vise à situer les pratiques d’innovation de ces militants techno-activistes dans le contexte plus large d’émergence de mouvements sociaux de revendication dénonçant les industries propriétaires du code dans le cadre du capitalisme informationnel (Castells 2002 ; Granjon 2001). Nous cherchons à comprendre en quoi et comment ces militants du code participent d’une négociation citoyenne de l’informatisation de nos sociétés (Boltanski, Chiapello, 1999). Des philosophes contemporains voient dans ces formes d’appropriation citoyenne des questions techniques, une perspective inédite en regard d’un mouvement de démocratisation (Loader 1998 ; Feenberg 2004). Notre étude est l’occasion de saisir les valeurs mises en jeu dans ces processus d’innovation, depuis leur initiation, leur négociation et leur mise en place jusqu’à leur extension à un domaine public plus large.

L’innovation par l’usage.

Parmi les usagers des technologies de l’information et de la communication (TIC), une majorité utilise les objets techniques comme une « boîte noire » en ne s’interrogeant pas sur la logique du dispositif. Par contraste, les militants du code agissent comme des « bricoleurs de la technique » : ils n’hésitent pas à « ouvrir » les codes et les dispositifs pour intervenir activement dans le fonctionnement des objets informationnels, en particulier à travers des activités de programmation informatique, de conception et de diffusion de nouveaux dispositifs techniques. L’organisation en réseau des technologies favoriserait la coopération entre usagers et concepteurs, facilitant non seulement des gestes d’appropriation, détournement, bricolage (Certeau 1980; Perriault 1989) mais aussi de co-construction (Oudshoorn, Pinch 2003; Neff, Stark 2003) allant jusqu’à d’authentiques inventions techniques étroitement liées à des usages innovants. Initiées par la base, ces innovations constituent des ruptures vis-à-vis des usages prescrits. Elles répondent de façon émergente à des besoins ad hoc des usagers. Considérées comme décisives par les analystes des processus de création, ces innovations sont appelées ascendantes parce qu’elles procèdent des explorations effectuées par des usagers désireux d’améliorer une technologie existante (Von Hippel 2001, 2005 ; Cardon, 2005). Ces innovations naissent de pratiques ordinaires d’usagers débrouillards et se diffusent à travers des réseaux d’échanges entre usagers.

Innovation technique et changement social

L’analyse de l’innovation s’articule de manière complexe à la question du changement social. L’analyse des controverses sociotechniques (Callon 1981) a montré le caractère non linéaire, socialement construit, de l’innovation ainsi que les mécanismes de mise en scène publique des enjeux idéologiques et politiques mobilisés par ces processus innovants (Latour 2001). Les études d’usage ont à leur tour montré le caractère non linéaire de la diffusion des objets techniques (Rogers 1995) en insistant sur les capacités de détournement (Certeau 1980), d’interprétation (Bijker et Law 1992), et d’appropriation sociale (Proulx 1994, 2005) des technologies par les usagers. De ces hybridations entre espaces sociaux et espaces techniques, émergent les principes d’un nouvel agir collectif. Selon Tuomi (2002), l’on ne pourrait qualifier d’innovants que les usages techniques aboutissant à un changement effectif dans les pratiques sociales

Un programme de recherche orienté vers les pratiques techno-activistes

Objectifs du programme

Ancré dans une approche participative associant directement notre équipe aux groupes concernés par cette recherche, ce programme vise la description et l’analyse fines des pratiques et des valeurs de groupes d’individus engagés aujourd’hui au Canada dans de nouvelles expérimentations sociales en matière de coopération informationnelle. L’objet de ce programme de recherche concerne les pratiques et les valeurs de ces « militants du code » qui créent des dispositifs non propriétaires, qui innovent socialement en générant un modèle alternatif aux industries du code. Le fil conducteur de ce programme est d’évaluer le degré de « transférabilité » des valeurs rattachées à ces pratiques d’innovation technique dans d’autres secteurs d’activités (Lessig 2004 ; Brand 2005). Dans quelle mesure ces pratiques d’innovation technique peuvent-elles, par exemple, susciter des pratiques d’innovation sociale dans le champ politique des pratiques citoyennes et démocratiques ?

Deux groupes particuliers installés à Montréal (Canada) sont l’objet de nos analyses. L’engagement de ces groupes se situent à l’intersection des milieux associatifs québécois et du mouvement du logiciel libre. Leurs activités sont fortement techniques mais en même temps orientées vers le changement social. Nous avons obtenu l’accord de ces deux groupes qui se sont associés à notre équipe dans le cadre d’une approche participative les impliquant comme acteurs à part entière dans le processus de recherche :

A) Île sans fil (ISF). Créé en 2003 par trois étudiants universitaires, Île Sans Fil (ISF) est un organisme sans but lucratif – composé de bénévoles francophones et anglophones (graphistes, webmestres, administrateurs de réseaux Linux, concepteurs de logiciels libres) – voué au développement d’une infrastructure de communication gratuite permettant de renforcer les communautés locales dans la région de Montréal. Le groupe considère la technologie sans fil comme un moyen de créer du lien social, ce qui serait propice à accroître la conscience citoyenne des individus engagés dans ce type d’expérimentations. C’est à la fois un organisme de développement technologique et un groupe associatif réunissant professionnels et étudiants de plusieurs horizons. Les bénévoles du projet partagent la vision d’une utilisation des technologies numériques, et en particulier les technologies sans fil de type WiFi, pour briser l’isolement des citoyens à l’échelle locale. Depuis 18 mois, le groupe ISF a concentré ses efforts sur deux projets particuliers d’infrastructures. Le premier est le déploiement de bornes d’accès sans fil (Hotspots) dans des endroits publics (cafés, parcs). Le second est la création d’une infrastructure de haut débit fonctionnant de toit à toit et ouverte à tous. Le groupe a reçu le prix 2005 de l’Innovation sociale (Montréal) et compte aujourd’hui près de 10 000 utilisateurs.

Cette infrastructure permet la diffusion de contenus locaux (oeuvres artistiques, annonce d’événements locaux et informations communautaires). Le groupe développe également de nouveaux outils permettant aux citoyens d’établir entre eux des liens spontanés dans les endroits publics. Le groupe est associé à des cafés, commerces, organisations communautaires et individus. Les usagers peuvent se connecter à Internet dans certains endroits appelés « points d’accès », à la condition d’avoir un ordinateur portable équipé d’une carte WiFi. ISF offre gratuitement des services d’installation et d’administration de ces points d’accès. Le groupe s’appuie sur ces organisations et ces individus pour qu’existe un partage des connexions Internet, retransmises sans-fil, entre les clients et les membres des communautés concernés.

B) Koumbit. Il s’agit d’un organisme sans but lucratif créé en 2002 à Montréal, ayant une double mission : d’une part, créer un espace d’entraide et de partage de ressources pour les travailleurs des technologies de l’information engagés socialement dans leur milieu ; d’autre part, favoriser l’appropriation de l’informatique libre afin de développer une « autonomie technologique » parmi les groupes associatifs québécois. Le groupe développe une plateforme d’informatique collaborative et assure un support à l’utilisation des logiciels libres auprès des groupes associatifs. Koumbit regroupe une vingtaine de membres, travailleurs spécialisés en technologies de l’information et design graphique, offrant des services à une quarantaine d’organismes associatifs du Québec. Le mot Koumbit est dérivé du créole haïtien Konbit qui signifie « regroupement de personnes pour une cause, un but commun ». Un Konbit est donc une association de paysans réunis en vue de réaliser des tâches communes. À la base de la solidarité sociale de la culture haïtienne, le terme Koumbit a été employé par des écrivains et militants politiques des années 1940 qui cherchaient à susciter chez les paysans haïtiens, la prise en main de leur destin. C’est dans cet esprit que le réseau Koumbit s’est constitué en se donnant pour mission de favoriser l’appropriation de l’informatique libre par les groupes associatifs du Québec. Koumbit offre plusieurs outils numériques (listes de discussion, courriels, wiki, blog) pertinents aux groupes travaillant dans un environnement décentralisé et en réseau.

Le réseau Koumbit est issu de l’équipe du Centre des médias alternatifs du Québec (CMAQ), instance d’échange et de réflexion destinée à la communauté militante québécoise. Les activistes techniciens impliqués bénévolement dans le CMAQ développaient et hébergeaient différents sites Web, courriels, listes de discussion et autres outils de communication pour les groupes associatifs. Prenant conscience des fortes demandes des groupes dans ce domaine, et face aux limites imposées par le bénévolat, il fut décidé en mars 2004 de former Koumbit, un organisme autonome qui aurait pour mission d’assurer la pérennité et l’amélioration des services déjà offerts. La création de Koumbit répondait ainsi à deux objectifs : d’une part, « construire une organisation dont la mission principale serait l’usage social des technologies de l’information, plutôt que le journalisme militant » ; d’autre part, « construire un espace pour permettre aux techniciens engagés dans leur communauté de créer leurs propres opportunités d’emploi autonome ».

À partir de septembre 2004, le groupe a effectué des démarches pour assurer du son autonomie financière. Il a ainsi demandé des contributions pour l’hébergement des sites de ses partenaires initiaux, puis des autres groupes et individus intéressés aux services offerts. Depuis janvier 2005, la pérennité de ses infrastructures est assurée par les contributions des membres hébergés. Koumbit a réalisé une vingtaine de portails pour les groupes associatifs, en utilisant des logiciels libres, en particulier le logiciel Drupal.

Stratégie méthodologique

Il existe quelques études sur les modes de gouvernance et de coopération dans les collectifs en ligne de militants (Granjon 2001 ; Auray 2005 ; Conein, Delsalle 2005 ; Aiguiton, Cardon 2006). L’étude des coopérations informationnelles doit prendre en compte l’articulation de ces pratiques localisées avec les visées militantes s’exprimant dans le cadre de réseaux internationaux de militants et de forums mondiaux à caractère social. Puisque les groupes choisis localement sont arrimés simultanément à des réseaux internationaux, nous sommes conduit à analyser leurs actions locales en les articulant aux débats plus vastes (concernant notamment la soi-disant société de l’information) déployés dans une arène globale (Fontan 1998). Nos descriptions ethnographiques – produites conjointement avec les acteurs dans le cadre d’une approche participative – ont pour finalité les quatre objectifs suivants:
1) expliquer le contexte dans lequel ces groupes inscrivent leurs actions et décrire en quoi ils cherchent à innover socialement et techniquement ;
2) analyser comment les groupes définissent les modalités de la démocratisation à travers leurs pratiques des coopérations informationnelles et la transférabilité possible de leurs innovations dans d’autres sphères d’activité ;
3) identifier les controverses qui émergent dans les espaces publics locaux ainsi constitués et leur articulation avec des questions plus larges qui innervent les débats contemporains ;
4) cerner les perspectives de généralisation de ces pratiques et innovations dans un contexte de contribution au bien commun.

Ethnographie participative

Nos descriptions ethnographiques marquées par une approche participative (Dallaire 2002 ; Barnsley, Elis 1992) ont été réalisées par deux observatrices. Chaque observatrice s’est d’abord clairement identifié auprès du groupe en tant qu’observatrice et étudiante universitaire. Au bout d’un certain temps, et sur une base volontaire, chaque observatrice est devenue membre à part entière de l’organisation. Cette situation provoque évidemment plusieurs interrogations sur la relation entre l’observateur et l’observé. Nous sommes conscients que les connaissances que nous produisons sur chaque groupe informent le groupe sur lui-même et contribuent ainsi à susciter au sein du groupe, une auto-analyse concernant la clarification de sa mission et de son mode d’organisation. Notre travail d’observation a permis de dégager des points clé concernant notamment l’identité, les objets de controverses et le projet de chaque groupe. Chaque observatrice a joué à la fois un rôle de passeur (entre équipe de recherche et groupe observé), mais aussi d’acteur suscitant l’auto-analyse et la réflexivité du groupe.

Cette ethnographie participative tend vers une progressive appropriation par le groupe observé de la (re)définition des objectifs de la recherche, en fonction des intérêts qui lui sont propres.  Nous refusons la position dominante de la sociologie traditionnelle qui consiste à adopter un regard « en surplomb » vis-à-vis le groupe sous observation. Le principe de précaution caractérisant notre démarche consiste à ne pas chercher à imposer le vocabulaire du chercheur aux acteurs du terrain. Nous postulons un enrichissement réciproque des visions du monde et un apport réciproque de connaissances entre l’équipe de recherche et le groupe observé. La finalité de notre approche méthodologique consiste à saisir le sens que les acteurs eux-mêmes donnent à leur identité, leurs actions et leur projet, de manière à soutenir une approche auto-réflexive au sein de chacun des groupes ciblés. Notre approche méthodologique suppose une (ré)articulation épistémologique entre le processus de production des connaissances scientifiques et l’utilisation potentielle de ces connaissances par les acteurs de terrain. Comment insérer les résultats de notre processus de recherche dans l’action et la réflexivité du groupe ciblé? Comment penser ensemble engagement sociopolitique et rigueur scientifique?

Premières orientations analytiques

Vers une politisation de la technique

Ces militants du code proposent aux usagers d’aborder la culture technique d’une manière différente. Ils leur suggèrent d’opérer un virage quant à leurs représentations de la technique. Ils proposent de ne plus penser la technologie exclusivement comme un ensemble de simples « outils » au service d’un projet d’émancipation personnelle ou sociale. Ces militants du code proposent de penser la technologie comme une « culture », c’est-à-dire comme un ensemble de dispositifs qui ne sont pas des outils neutres mais qui, au contraire, recèlent des valeurs et dont les configurations techniques contiennent des rapports de force c’est-à-dire des orientations qui permettent un certain type d’actions au détriment d’autres actions possibles. Les dispositifs techniques ne sont pas neutres. Le processus innovant porté par les militants concerne ici les transformations du rapport des usagers à l’univers technique (Jouët 1987 ; Bencheikh 1986). À partir du moment où la technologie est pensée comme une culture (Simondon 1958), cette représentation de l’univers technique devient ultimement politique. Elle est ainsi susceptible de provoquer des changements significatifs dans le registre plus large des valeurs sociales (Lessig 2001).

Ces nouvelles représentations de la culture technique peuvent-elles contribuer à instituer de nouveaux espaces de citoyenneté dans la sphère publique ? (Feenberg 2004). Ces projets de coopération informationnelle sont porteurs de valeurs de changement en regard du monde technologique que les grandes industries propriétaires du code souhaitent voir accepter passivement. De manière plus radicale, Cardon et Granjon (2003) notent qu’une fraction politisée des techno-activistes se présente comme une contre-culture militante dans laquelle se mêlent mode de production collective du logiciel, exercice de virtuosité technique et guérilla digitale contre les institutions. Ces militants du code ouvrent un nouvel espace d’action collective et proposent en acte un modèle de participation étendue dans lequel développeurs et utilisateurs peuvent participer conjointement à la production collective du bien commun en matière de technologie et d’information. Nous postulons que cette construction d’un nouvel espace public autour des techniques pourrait participer d’une appropriation du pouvoir (empowerment) par les citoyens. Comme nous l’ont révélé nos premières recherches sur les controverses à propos de la culture du libre, les pratiques des militants agissant dans l’univers technique constituent une source d’innovation sociale, notamment du point de vue des pratiques collaboratives qui s’instaurent dans l’organisation de leur travail.

Innovations en matière de coopération informationnelle

Les militants du code agissent aussi politiquement en expérimentant des formes nouvelles de collaboration dans l’organisation de leur travail de production. L’analyse de ces pratiques collaboratives a montré que ces modèles d’action et d’engagement n’apparaissent pas unifiés ou stabilisés. Comme dans certaines communautés scientifiques, de multiples controverses – questionnant l’articulation de l’usage des techniques à l’organisation du travail – semblent innerver l’action de ces groupes. Pour certains artisans du code, ces pratiques « d’ouverture des dispositifs techniques » apparaissent comme un simple indicateur de succès technique alors que pour d’autres, elles représentent un gage de démocratie. La recherche de consensus au sein de ces groupes de militants fait apparaître que l’objectif pratique de la coopération informationnelle invite à une délibération inédite autour de thématiques telles que la décentralisation de l’action technique, la gouvernance par les procédures ou la gestion collective des apprentissages.

Conclusion : une confrontation entre deux modèles de la société informationnelle

Ces mouvements sociaux orientés vers l’appropriation des technologies numériques jouent un rôle clé dans la construction d’une alternative à la vision prospective dominante conjuguée dans les termes d’une « société globale de l’information ». Les discours répétés depuis près de 30 ans concernant l’avènement apparemment inévitable d’une « société de l’information » ont contribué à banaliser cette rhétorique et à ancrer progressivement dans l’imaginaire populaire, une quasi-certitude à propos de cette grande marche irréversible vers la « société de l’information » (Proulx 2007). Ce genre de discours est devenu l’apanage de la plupart des porte-parole des gouvernements nationaux et des organisations internationales de même que des grandes industries du divertissement électronique, de l’informatique et des télécommunications. Les critiques ont bien montré que cette rhétorique s’arrimait à la pensée unique ambiante modelé par le néolibéralisme et les appels à la globalisation (Mattelart, 2003). Cette représentation d’une « société globale de l’information » est devenu le modèle top-down dominant pour décrire l’avenir des sociétés occidentales.

Les actions des groupes activistes décrites dans le cadre de notre enquête participent au contraire à la construction d’une représentation alternative de la future société informationnelle. Il s’agit d’un modèle bottom-up qui annonce plutôt l’avènement d’un réseau de « sociétés des savoirs partagés » (Ambrosi, Peugeot, 2005) s’opposant à la vision unitaire d’une société informationnelle pensée à l’aune des multinationales de la globalisation. Cette orientation idéologique alternative s’est exprimée notamment à Tunis en décembre 2005, lors du dernier Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Cette vision exprime la prise de position de la société civile organisée portée par ce que l’économiste E. Noam a appelé une troisième vague de leaders de l’Internet (Noam 2005), davantage politisés que ceux de la première vague (les fondateurs : militaires, universitaires et hackers)  et ceux de la seconde vague (tenants de l’avènement du marché sur Internet, 1995). Cette image alternative d’une société informationnelle s’identifiant aux « sociétés des savoirs partagés » s’ancre dans la promotion sociale de pratiques d’échange et le partage de savoirs en provenance d’une pluralité de sociétés affirmant leur diversité culturelle à l’aune d’une cosmopolitique (Beck 2006).

Note

(1) « Dans un réseau hétérarchique, les compétences et le leadership circulent librement au gré des demandes et des besoins. Il n’y a pas de leaders dominants imposant leur autorité sur l’ensemble des domaines. Chaque membre du réseau est appelé à jouer un rôle de leader provisoire dans un moment précis et transitoire où un autre membre du réseau requiert son avis, ses services, ses compétences. L’autorité est fondée en particulier sur les compétences cognitives et sur la compétence à communiquer. Dans cet idéal-type que constitue la métaphore hétérarchique, il n’y a pas imposition d’une structure hiérarchique sur la dynamique de communication entre les membres du réseau. La communication comme l’intelligence y sont distribuées. » (Proulx 2001)

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Auteur

Serge Proulx

.: Professeur à l’Université du Québec à Montréal, Canada.