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Quand l’art est présent… Le politique et les médias ne sont jamais bien loin

26 Jan, 2007

Résumé

L’auteur est lui même, non seulement un acteur en France et au Brésil de la vie culturelle et artistique, mais sa pratique artistique l’a conduit à utiliser les mass media depuis une trentaine d’année. En sa qualité d’homme de terrain, Fred Forest possède une longue expérience des rapports que peuvent entretenir la culture, le pouvoir et les médias, en France comme au Brésil. Il fait part dans ce texte de ses constations, de ses réfléxions et de ses expériences. Il en ressort que les artistes qui maîtrisent les moyens de communication actuels, et surtout se donnent l’objectif de les subvertir, s’imposeront, à moyen terme, comme des opérateurs suceptibles d’offrir à ces trois domaines, en les associant, la règle éthique dont ils ont encore besoin. C’est en tout cas le pari qu’il fait.

Em português

Resumo em português

O autor é não só um participante da vida cultural e artística na França e no Brasil como sua prática artística o levou a usar os meios de comunicação de massa há mais de 30 anos. Como alguém que realmente faz, Fred Forest tem uma longa experiência em assuntos ligados à cultura, ao poder das mídias, tanto na França como no Brasil.
Neste texto ele apresenta suas constatações, suas reflexões e experiências. Forest argumenta que os artistas que dominam os meios de comunicação atuais, e principalmente aqueles que se colocam como objetivo subvertê-los, serão, a médio prazo, os agentes capazes de oferecer nessas áreas de atuação a regra ética que ainda está por se constituir. Em todo caso, está é a aposta de Forest.
(Traduction Fábio Duarte)

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Forest Fred, «Quand l’art est présent… Le politique et les médias ne sont jamais bien loin», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°07/2, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2006/supplement-a/17-lart-present-politique-medias-ne-jamais-bien-loin

Notre réflexion se circonscrit, ici, au domaine des arts plastiques. Nous considérons en effet qu’en matière de culture, chaque discipline bénéficie d’un statut particulier qui lui est propre.

Situation historique et état des lieux

L’objet de cette communication repose sur une connaissance et une expérience personnelle des milieux de l’art en France et au Brésil, pour ce qui concerne la relation de l’art avec les medias traditionnels et le développement des medias électroniques. Ce qui, en tout état de cause, ne peut pas manquer d’être éminement politique… Sao Paulo plus que tout autre ville brésilienne, offre les caractéristiques d’un état de mondialisation, à un stade exrême. De grands écarts de richesse et de pauvreté, de cultures diversifiées, marquent le rythme de la vie quotidienne, le vécu de ses citoyens. A l’urbanisation intense et chaotique de la vie s’ajoute le bombardement des médias. Sao Paulo est devenue une mégapole-réseau, une ville virtuelle qui double la ville physique et réelle. Le travail d’un artiste comme Lucas Bambozzi avec sa pratique qui porte sur les réseaux de communication traduit parfaitement comment les artistes s’approprient, dans le mouvement, des signes de la ville sur des supports tels que les medias électroniques, mais aussi sur des surfaces tangibles comme celles des murs de la cité. Des collectifs et groupes d’interventions urbaines, comme le Groupe « Noé », après les années 80 et la fin d’un régime brutal, se sont appropriés l’espace d’information et l’espace urbain pour produire des événements dont il serait difficile de faire la distinction entre ce qui se veut politique et ce qui est artistique. Longtemps les medias ont tenu sous silence ou négligé ce type de productions artistiques.

Comment situer la question de l’art dans un contexte aussi extrême ? Tout aussi bien en France, qu’au le Brésil, pourtant, il faut bien le reconnaître, la place réservée par les medias de masse d’information générale, aux arts plastiques et à leurs arts dérivés, est très modeste. Et c’est  un euphémisme que de l’énoncer ainsi. Le journal « Le Monde » dans sa dernière formule ne consacre plus de page spécifiquement dévolue aux arts plastiques comme il a pu le faire autrefois. On remarque, également, que les publicités pour les galeries d’art ont purement et simplement disparu de ses pages. Au Brésil « O’Estado » en fin de semaine publie des cahiers spéciaux pour rendre compte de l’actualité artistique. La « Folha de Sao Paulo » en fait de même en accordant une place importante à des images de grands formats. La « Folha » publie également, en complément, un support de référence, qui est un guide hebdomadaire pour annoncer les expositions. Cet ouvrage  s’accompagne d’articles et d’éditoriaux en fonction de l’importance que le support en question attribue à telle ou telle manifestation.

Il nous faut faire état maintenant de la presse d’art spécialisée, en général hebdomadaire, ou plus souvent, encore, mensuelle, qui, avec des titres comme « Beaux-arts Magazine » (56.000 ex), « Art Press » (50.000 ex), « Le journal des Arts », « l’Oeil » (30.000 ex), « Connaissance des arts » (40.000 ex), « Artension » (10.000 ex, les « Inrockuptibles » (40.000 ex) ou « Technikart » (42.000 ex) répond aux besoins d’information à la fois des artistes, des institutionnels de la culture (DAP, Délégation aux arts plastiques), des circuits marchands de l’art. Des supports comme la revue « Télérama », avec un critique d’art en poste depuis des années, plutot dépassé par les provocations des jeunes générations, comme Olivier Cena, défendent bec et ongles un dernier quarteron de peintres traditionnels. Enfin, la revue « Mouvement » (37.000 exemplaires), sous la signature de Léa Gauthier, s’affiche comme un support qui se veut délibérement ancré à gauche.

Au Brésil, deux revues d’art se détachent nettement du lot pour rendre compte de l’art contemporain, il s’agit des excellentes revues « Bien’arte » et « Bravo ». Pierre Restany, critique d’art français, figure emblématique de l’art contemporain, a joué un rôle important dans les années 70/80 dans ce pays. Après deux voyages au cœur de l’Amazonie, il a lancé des manifestes qui prônent un certain retour à la nature originelle. Soutenu par Niomar Bittencourt, collectionneuse de haut-vol, épouse d’un magnat des medias, qui verra une grand partie de sa collection disparaître en fumée dans l’incendie tragique du Musée d’Art Moderne et contemporain de Rio, il y a une vingtaine d’années. Elle donnera à Pierre Restany les moyens éditoriaux nécessaires pour assurer la promotion d’artistes brésiliens en Europe. En effet, à l’époque, seule une carrière qui passait par Paris, Londres ou Milan, était susceptible de donner à un artiste d’Amérique du sud une stature internationale. Franz Kraceberg qui vient de faire une donation à la ville de Paris en 2005, a installé alors à demeure son atelier à Paris, partageant son temps entre Bahia dans son « arbre-maison » et la France. Sergio de Camargo a pris ses quartiers à Londres chez Gimpel et Antonio Dias à Milan Des historiens de l’art brésiliens aujourd’hui en retrait, comme Walter Zanini, directeur du MAC (Musée d’art contemporain de Sao Paulo) et commissaire de la Biennale de Sao Paulo, a contribué à valoriser leur image. Parmi les acteurs historiques qui jouent un rôle sur la scène artistico-mediatique on peut citer encore un collectionneur en renom, Gilberto Charteaubriand qui représente plutôt l’art du passé. Un amateur dont les choix, traditionnels, sont réservés quasi-exclusivement à des artistes brésiliens. Ces gens, là, qui ont particpé, peu ou prou, aux pouvoirs politiques successifs en place – Gilberto Chateaubriand a été Ambassadeur du Brésil en France – ne sont plus, par la force des choses, les porte parole des jeunes artistes. Des critiques d’art comme Radah Abrahamo, qui était à l’époque l’épouse de Claudio Abrahamo, directeur de la Folha, a fait beaucoup, également, pour offrir aux artistes plasticiens un vecteur leur permettant de conforter leur image mediatique et d’accélérer leur reconnaissance. Aracy Amaral, à la radio avec sa chronique sur Jovem Pam, et Olney Kruse sur le « Jornal da tarde » ont assuré le relais par l’intermédiaire des medias de masse. Sabado Magaldi, critique au journal « O Estado » après avoir été professeur à la Sorbonne, et Edla Van Steen, sa femme, écrivaine, qui a abandonné sa galerie, Multipla, à Morumbi pour l’écriture sur l’art et la production d’œuvres romanesques, militent activement pour un élargissement de l’art afin qu’il s’ouvre à un public moins spécialisé. Aujourd’hui des universitaires plus jeunes sont montés au créneau, c’est le cas d’Arlindo Machado spécialiste du cinéma expérimental et de la vidéo, de Priscila Arantes, de Sandra Rey, d’Ivana Bentes, de Gilbertto Prado. Jadis un industriel comme Cicilo Matarazzo créait et finançait de toute pièce la Biennale dont la destinée de la 27ème, celle de 2006, vient d’être confiée à Lisette Lagnado avec un programme en vérité quelque peu confus, qui prétend réaliser une Biennale « éclatée » dont on attend les résultats avec un certain scepticisme. Des conservateurs de musées novateurs sont apparus, qui tentent  de faire émerger des formes d’art nouvelles, comme Daniela Bousso du Paço das Artes, mais qui, finalement, épuisent vainement leurs forces vives en l’absence de budgets significatifs en rapport avec leurs ambitions. Enfin, une nouvelle génération de jeunes intellectuels, produits typiques de la société d’information et d’Internet, commencent à occuper le terrain, sans tabous aucuns, tels que Maria Hirzman (O Estado), Gustavo Garde (Bien’ale) Paul Alzugaray, et aussi Daniela Kutschat, une artiste brillante du numérique, qui s’est hissée à des responsabilités importantes au sein d’un institut de formation le SENAC.

Ce qui se joue aujourd’hui

Le panorama rapide que nous avons dressé repose sur une situation, à notre avis, désormais obsolète. L’art, ses représentation, ses circuits, ses pôles de pouvoir, sont dans la société actuelle, en France comme au Brésil, en constante évolution. Ces phénomènes ne sont pas propres au Brésil même s’ils sont plus visibles. Notre sentiment après avoir observé le parcours de l’art dans ce pays sur une trentaine d’année, c’est d’avoir constaté, au fil du temps, une toujours plus grande indépendance. Un recul et une autonomisation des modes de faire, qui tout en intégrant la culture visuelle propre à son identité, prend désormais quelque peu ses distances par rapport aux modèles que les européens ont imposés des siècles durant.
Dans le mouvement de globalisation qui caractérise la marche du siècle et qui tend à une certaine uniformisation, le Brésil et l’art brésilien ne peuvent pas échapper à cette tendance lourde. Ce mouvement ne concerne pas uniquement les formes esthétiques, mais comme nous le savons, touche non seulement la production des objets du quotidien, mais également, affectent les modes de vie et même nos façons de penser. La France, elle-même, est prise dans ce vaste mouvement et la mutiplication des vecteurs de communication et des medias ne peut qu’en accélérer l’échange. Mais cette transformation reste encore lente, car en matière d’art le pouvoir économique, bien sûr, est encore celui qui conditionne quasi-entièrement la création artistique, sa diffusion et sa reconnaissance. Le système de l’art actuel repose en effet exclusivement sur l’économie de l’objet, alors que le pouvoir des forces qui dirigent la société, avec les usages informatiques, se situe, depuis bien longtemps, au niveau d’une société de service. Une société faisant montre d’une « dématérialisation » toujours plus grande. C’est une règle que les banquiers, les traders de Wall Street et les militaires du Pentagone appliquent, et ont comprise depuis bien longtemps.

Le système capitalistique de l’art qui repose sur l’économie de l’objet tient et exerce son pouvoir par l’intermédiaire  d’opérateurs très peu nombreux. Un nombre restreint de personnes influentes, en général des collectionneurs du type de Saatchi ou de Pinault, qui manipulent le marché par des techniques éprouvées de marketing culturel et d’information (utilisant les medias et la presse) qui font monter ou descendre la cote des artistes comme celle du cuivre ou du gaz.

Dans le marché international actuel, ni la France, ni le Brésil, encore moins, ne sont en dehors de cette manipulation, qui voit ainsi les valeurs esthétiques fondées artificiellement par le pouvoir économique. Les institutions de l’art contemporain sont directement ou indirectement aux ordres de ses opérateurs tout puissants, qui sont, en même temps, les propriétaires de Christies (Pinault), et comptent pour employés dévoués, entre autres, des ex-Présidents du Centre Georges Pompidou (Jean-Jacques Aillagon) ou des ex-Directeurs de l’Architecture du Ministère de la culture (François Barré) en France. Pour ce qui concerne la France, c’est un fait, les principaux medias sont aujourd’hui aux mains d’industirels comme le Groupe Lagardère (Europe 1, le Monde) Serge Dassault (L’express, Le Figaro), les Rothschild (Libération).

Nous savons bien que dans les grandes manifestations de l’art tels que la Documenta ou la Biennale de Venise ce sont les grandes galeries internationales, elles-mêmes sous influence des collectionneurs, qui imposent leurs choix à des commissaires aux ordres. Et quand ces derniers prétendent déroger à la règle, ils sont immédiatement, soit mis au pas, soit écartés. Catherine David (1), grande admiratrice d’Hello Oiticica, très certainement d’une grande naïveté, s’est elle-même trouvée confrontée à cette situation, après avoir servi la soupe au sytème durant des années…

Au risque d’être très incomplet, j’ai connaissance d’un nombre de Galeries extrêmement limité qui au Brésil peuvent prétendre à jouer dans la cour des grands, dans le système de l’art contemporain international. Cela, en participant à des foires de l’art comme celles de Bâle, de Miami, voire de la FIAC à Paris. Elles sont toutes, sans exception, installées à Sao Paulo capitale économique. Il s’agit de la Galerie Luisa Strina, de la Galerie Vermelho, de la Galerie Briti Cimino, de la Galerie Valu Oria et de la Galerie Casatriangulo.

Ce sur quoi nous voudrions insister, ici, c’est le fait qu’aujourd’hui l’art lui même est tributaire d’une situation ou nous nous trouvons dans une situation de globalisation planétaire, comme c’est le cas pour les produits manufacturés ou déjà certains services qui ont fait l’objet de « délocalisation » intempestive. La différence, tout de même, c’est que les produits de l’art, à condition qu’ils ne s’alignent pas sur la règle dictée par les industries culturelles, restent des produits à forte valeur ajoutée, symbolique et idéologique. En tant que tels, ces produits ne répondent pas à la demande du pure divertissement ou de la simple décoration, mais, s’accompagnent d’une charge de questionnement métaphysique, spirituelle ou critique. Dans le marché de l’art la valeur ajoutée ou esthétique n’est plus le fait de cette charge mais d’une information biaisée dispensée par des opérateurs puissants, qui selon leur humeur du moment, et encore plus souvent, il faut bien le dire, de leur intérêt financier immédiat, font ou défont, la cote des artistes. Les institutions muséales, hélas, ne font que suivre d’une façon moutonnière ces prédicteurs de valeurs, dont bien souvent ils sont les obligés…
En fonction des observations que nous venons de faire, ici, nous pouvons dire que les différences que nous pouvions relever dans les décades précédentes tendent désormais entre le Brésil et la France à s’estomper dans un marché global qui est le nôtre, et dont tout le monde dépend finalement peu ou prou !

Ce marché est placé sous l’hégémonie incontournable de la puissance américaine. On peut considérer que de nombreuses galeries d’art européennes ne sont uniquement, au final, que des porteurs de valise pour les produits des artistes du nouveau monde. Mieux que cela, des galeries américaines, tel que la Galerie New-Yorkaise Marian Goodmann qui a pignon sur rue au 79 rue du Temple à Paris, bénéficie de toutes les attentions  (les passe-droit ?) des institutions publiques françaises, au prétexte qu’elles importeraient aux USA des produits français, comme ceux de Pierre Huyghes, Sophie Calle, Annette Messager and co. Très certainement, après que l’Etat Français, comme nous le subodorons, sans nommer personne, soit passé par elle, pour lui racheter, au prix fort, les oeuvres de ces mêmes artistes ! Mais qui donc pourra le savoir un jour, puisque le Conseil d’Etat, lui-même, dans une sage décision a estimé le 17 fèvrier 1997 que le citoyen français n’a nullement à connaître le prix payé par les institutions publiques pour l’achat des œuvres d’art (Forest 2000). Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes dans un pays qui se prétend et se donne comme un modèle  de démocratie… Mais les Musées brésiliens ne sont pas eux non plus à l’abri du scandale. Au mois de mai dernier le MASP qui a pignon sur rue à La Paulista accusait un déficit financier abysssal, au point que ne pouvant régler ses factures d’électricité, il était plongé désormais dans l’obscurité la plus complète (2). Il est sûr, malgré cette péripétie que le MASP ne s’éclairera pas à la bougie ! Le Brésil est aujourd’hui un pays moderne, avec un fort potentiel économique et des richesses naturelles quasi inépuisables qui, peu à peu, s’est dégagé de la tutelle des modèles européens, et qui, selon notre pari personnel, en matière de politique, de culture, de création et de diffusion de l’art, est appelé à jouer un rôle déterminant dans un rééquilibrage des rapports de force avec les USA. Un mouvement et un élan qui marquent significativement l’evolution politique actuelle de l’Amérique du Sud.

Miser sur les nouveaux médias

L’utilisation des nouveaux medias par les nouvelles générations constitue à nos yeux une opportunité sans précédent, qui nous autorise à croire à un changement dans le rapport de force. Cette évolution est tout à fait perceptible dans les évenements politiques qui ces derniers mois ont marqué des pays comme le Chili, le Vénézuela, la Bolivie, le Pérou et même le Brésil.

Pour en revenir au problème de l’art et des nouveaux medias au Brésil, je voudrais signaler l’existence d’un réseau tout à fait remarquable qui doit son existence à Internet. Il s’agit du Fórum Permanente: Museus de Arte; entre o público e o privado dans lequel Martin Grossmann joue un rôle d’animation important. On pourrait dire que nous avons là un outil en ligne exceptionnel. Un outil de participation qui réunit des chercheurs, des artistes, des universitaires, des responsables de musées et d’institutions sur les problématiques de l’art. Ce support est aussi un support d’information et en tant que structure ouverte, avec bien sûr tous ses défauts, il présente toutes les qualités pour répondre à ce que Pierre Lévy appelle de ses voeux comme mise en œuvre de l’intelligence collective (Lévy 2004). Nous notons, entre autres, dans les débats que propose ce site participatif, une réflexion sur les musées matériels et les musées virtuels comme sur les nouveaux medias.

Le 26 mai 2006, nous avons été invité à Sao Paulo à participer au séminaire d’une journée sous le nom de CONEXOES TECNOLOGICAS organisé par le SENAC, Patricia Canetti et Priscila Arentes, auquel prenaient part de nombreux acteurs et théoriciens de l’art numérique. La maturité des participants sur les enjeux et les moyens, en terme de medias, pour l’art de demain, dénote une prise de conscience, une volonté d’action et de transformation, sans doute supérieure à celle que nous pouvons rencontrer en France (3).

Patrica Canetti, une artiste multimedia, anime depuis RIO un site sous le nom de CANAL CONTEMPORAIN qui se donne comme un support de création et de diffusion critique et alternatif. Cette initiative relève d’une tentative originale pour créer des réseaux de l’art qui ne transitent plus par les canaux des systèmes officiels des institutions, ni par ceux du marché.

Enfin, citons le site de Giselle Beigelmann (Tropico/UOL) qui lui aussi, à l’initiative d’une des artistes les plus importantes du multimedia au Brésil, propose un site où l’artiste devient maître de l’information, sans plus dépendre des medias traditionnels en place. Le phénomène des blogs constitue une possibilité et un espoir de diversification des sources de l’information artistique. Il faut noter au-delà de l’art l’effort de conversion et d’adaptation auquel sont soumis les rédactions de la presse traditionnelle en France pour tenter de faire face à l’érosion de leurs lecteurs. Le journal « Libération » en crise tente de trouver des solutions du côté de la presse électronique pour essayer de répondre à une situation préoccupante, mais cela ne va pas sans créer des problèmes avec le conformisme des journalistes en place, qui s’y refusent pour beaucoup d’entre eux, sous prétexte qu’il s’agit là d’un tout « autre » métier… L’artiste de demain, et même déjà celui d’aujourd’hui, doit être capable faire tous les métiers…

Les problèmes de mutations que rencontre la société dans tous les secteurs ne sont pas étrangers au devenir de l’art et à sa relation avec les medias et au politique Tout cela est intimement imbriqué. Nous sommes (que nous le voulions ou pas…) au seuil d’une nouvelle société, et les artistes dans cette société ont un rôle essentiel à jouer, à condition qu’ils aient saisi les enjeux multiples pour eux que soulève l’émergence des nouveaux medias.

Notes

(1) Catherine David a été tour à tour conservateur au Centre Georges Pompidou, au Musée National du Jeu de Paume.

(2) Dans son édition du dimanche 28 mai le grand quotidien Folha de Sao Paulo consacrait une page entière au problème avec une interview de Claude Mollard lui-même membre fondateur du Centre Georges Pompidou avec pour titre : « MASP AS ESCURAS Para Claude Mollard, que criou o Bneaubourg (Paris) crise do museu é um escandalo ».

(3) Participaient à cette journée : Karin Ohlenschläger du Media Lab de Madrid, Maudricio Giusti de la société Telefonica, Jao Antonio Augusto du Laboratoire des systèmes de l’université de Sao Paulo Daniela Kutdchat et Réjane Cantoni, artistes multimedias, Daniela Bousso,, Eduardo Brandao, Giselle Begueleman, Romero Tori, Brian Holmes critique culturel et hactiviste, Lucas Bambozzi, artiste multimedia,, Hernani Diamantes auteur du livre « Marketing Hacker », Andre Lemos, directeur du centre de Cyber Recherche de l’université de Bahia.

Références bibliographiques

Autissier, Anne-Marie (2005), « L’Europe de la culture. Histoires et enjeux », Internationale de l’imaginaire, n° 19,  Maison des cultures du monde-Actes Sud (Babel), 440 p.

Avril, Edith (2003), « Incertitude sur la politique du livre et l’impartialité de l’Etat », Esprit, p. 121-133.

Forest, Fred (2000), Fonctionnement et dysfonctionnements de l’art contemporain : un procès pour l’exemple, L’Harmattan.

Lévy, Pierre (2004), « L’art d’implication », De l’art vidéo au Net art, Paris : l’Harmattan.

Auteur

Fred Forest

.: Docteur d’Etat de la Sorbonne, Professeur émérite de l’université de Nice Sophia Antipolis, se présente comme artiste de la communication et multimédia.
Fred Forest s’est vu consacrer une rétrospective de son œuvre au Paço das Artes de Sao Paulo du 22 mai au 16 juillet 2006. Il a bénéficié du partenariat de la Folha de Sao Paulo pour des actions participatives. http://www.folhaembranco.org.
Il a réalisé sur Internet, mais également implanté dans le MAC (Musée d’Art Contemporain), une Biennale alternative et critique, dite  Biennale de l’an 3000, mettant en question la 27 éme Biennale officielle de Sao Paulo. http://www.biennale3000saopaulo.org.
Après le Prix de la Communication qu’il a obtenu lors de la XII Biennale de Sao Paulo et son arrestation par la police militaire sous le régime de la dictature, comme pour les nombreuses actions qu’il a réalisé dans ce pays depuis plus de trente ans, il est aujourd’hui  l’artiste europeen vivant le plus connu en Amérique du Sud. http://www.webnetmuseum.org.