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La fonction et le rôle d’Ombudsman au Brésil et en France

26 Jan, 2007

Résumé

L’idée commune veut que les médiateurs  dans le secteur des médias soient tous plus ou moins héritiers de traditions nord-américaines et scandinaves de l’Ombudsman. L’Hebdo du Médiateur sur France Télévisions en France et la médiation de la presse au Folha de S. Paulo, au Brésil en sont deux exemples distincts. Cet article se propose, à travers la comparaison des cas français et brésilien, d’analyser deux conceptions de la médiation dans deux médias différents. S’appuyant sur leurs thèses respectives, les deux auteures exposent la prégnance des contextes locaux et des cultures nationales de cette fonction.

Em português

Resumo

Comumente, se veicula a idéia de que os ouvidores de imprensa são mais ou menos herdeiros das tradições norte-americanas e escandinavas de ombusman. O Hebdo du Médiateur introduzido na France Télevisions em 1998 na França e a ouvidoria de imprensa instalada na Folha de S. Paulo em 1989 são dois exemplos distintos dessa função. Esse artigo propõe, através a comparação dos casos francês e brasileiro, analisar duas concepções de ouvidoria de imprensa em dois mídias diferentes.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Ferreira Maïa Kenia Beatriz, Romeyer Hélène, «La fonction et le rôle d’Ombudsman au Brésil et en France», Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°07/2, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2006/supplement-a/15-fonction-role-dombudsman-bresil-france

Introduction

La demande sociale en matière d’information et de débats sur l’information semble de plus en plus importante et variée. Sans aller jusqu’à parler de « société de l’information », il est indéniable que la place de l’information et des moyens d’information sont prépondérants aujourd’hui dans nos sociétés.  Pourtant, l’information n’a jamais été aussi critiquée qu’à l’heure actuelle, par les médias eux-mêmes mais surtout par les citoyens. Pour contrecarrer ces critiques, pour se justifier, ou encore pour réguler l’activité professionnelle, les médias ont mis en place plusieurs dispositifs, dont celui de la médiation. Bien plus qu’un simple mécanisme d’autorégulation, ces dispositifs de médiation donnent la possibilité au public de prendre la parole et permettent aux médias d’expliquer leurs pratiques professionnelles.
Différents médiateurs existent dans le secteur des médias que ce soit en presse, en radiotélévision ou pour l’Internet. L’idée commune veut que ces médiateurs soient tous plus ou moins héritiers de traditions nord-américaines et scandinaves de l’Ombudsman. L’Hebdo du Médiateur sur France Télévisions depuis 1998 en France et la médiation de la presse au Folha de S. Paulo, depuis 1989 en Brésil en sont deux exemples distincts.
En France, la médiation de la rédaction de France 2 s’exerce à travers une émission, tous les samedis après le journal télévisé de la mi-journée. Ce programme autoréflexif donne la parole aux téléspectateurs venant exposer leurs griefs vis-à-vis de l’information de la chaîne et publicise ainsi une réflexion sur la responsabilité des journalistes et/ou du message télévisuel. Il s’agit donc de créer un espace de dialogue entre journalistes et téléspectateurs. Au Brésil, au Folha de S. Paulo, la fonction d’ombudsman prend la forme d’une représentation du lecteur au sein de la rédaction, par le biais d’une chronique hebdomadaire, publiée dans l’édition du dimanche. L’ombudsman est proposé comme une épreuve publique du projet éditorial implanté par le journal, un différenciateur de la concurrence et un critique des médias. Cet article propose, à travers la comparaison des cas français et brésilien, d’analyser deux conceptions de la médiation dans deux médias différents.
En effet, si ces créations se sont inspirées de l’exemple suédois et nord-américain, nous proposons ici un éclairage mettant en avant les conditions spécifiques d’émergence de ces deux médiateurs ; conditions particulières qui ont abouti à donner un rôle particulier et un statut différent aux deux médiateurs. Il s’agit donc à travers une dimension comparative internationale de démontrer la pluralité des Ombudsmen et la prégnance des contextes locaux et des cultures sur cette fonction que l’on a trop tendance à penser comme universelle.

L’ombudsman au Folha de S. Paulo : la critique des médias et les réclamations des lecteurs

Le cadrage des conditions d’implantation de la fonction et de l’évolution de la médiation de presse au Folha de S. Paulo se fera par la mise en perspective de l’évolution historique et des caractéristiques du journal qui ont permis et ont servi d’arrière-plan à la création du poste d’ombudsman. Placé parmi les principaux quotidiens d’information générale et politique du Brésil, le Folha de S. Paulo a atteint en 1994 le tirage d’un million d’exemplaires. La direction du titre met souvent en rapport l’élévation du tirage et les changements intervenus dans cette entreprise de presse. Ces derniers ont pris la forme d’un ensemble de mesures qui a commencé au début des années 1980 et qui est communément désigné comme ‘Projeto Folha’. En fait, il s’agissait de mesures de restructuration d’abord organisationnelles, administrative, commerciale ou de diffusion ; il s’agit ensuite de modifier les normes rédactionnelles et de systématiser certaines méthodes du travail journalistique. Le but recherché est de faire appliquer les « théories de gestion et de planification des entreprises étasuniennes (journalistiques ou non) pour tenter d’augmenter les niveaux d’efficacité de sa rédaction » (Lins Da Silva, 1991, 142).
Ces mesures se sont accompagnées d’un puissant effort argumentatif émanant d’actions, de dispositifs et de discours, produisant et renforçant la valeur de ces changements. En somme, tout cela se réfère à un programme de restructuration organisationnelle mis en place par la direction et présenté comme innovant dans l’espace journalistique brésilien, dont l’ombudsman est l’un des dispositifs.
C’est en juin 1989 que le journaliste Caio Tulio Costa se voit proposer par la direction du Folha de S. Paulo le poste d’ombudsman, une dénomination qui n’existait pas dans la nomenclature de ce quotidien ou dans les médias d’information au Brésil et qui s’inspirait des fonctions homologues au Washington Post, et à l’El Pais. Pourtant, trois années séparèrent le projet de création de la fonction et la désignation du premier ombudsman. Cela  s’explique selon le directeur de la rédaction, Otavio Frias Filho, à cause des tensions suscitées par la restructuration organisationnelle. Installé plus tôt l’ombudsman pouvait contrarier les changements, en s’opposant à ces mesures: « Le travail de l’ombudsman, à cette époque [de l’implantation du ‘Projeto Folha’], pouvait se retourner contre les propres idées que le journal voulait implanter ».
Au moment de sa création, la fonction d’ombudsman est proposée comme une épreuve publique du projet éditorial du journal, comme un dispositif d’ancrage des normes bureaucratiques et des méthodes de travail, un différenciateur de la concurrence et un critique des médias. C’est aussi un dispositif du discours de précurseur du Folha de S. Paulo, de différenciation et de supériorité du quotidien à l’égard de la concurrence. Sous cet angle, « matérialiser ce discours de la supériorité lui conférant l’apparence de la modernité et de l’objectivité, paraît être une fonction de l’ombudsman du Folha, qui, par la chronique, revêt la toge de juge de la presse » (Ribeiro, 1994, 83).

Aux premières lignes de sa chronique d’inauguration, parue le 24 septembre 1989, Costa expose au lecteur les principes de sa fonction: L’ombudsman « va commenter les nouvelles de la semaine et la manière dont la presse a traité les sujets, avec un unique objectif : lire les journaux et écouter les informations avec les yeux et les oreilles d’un lecteur exigeant. (…) Dorénavant, n’ayez pas de doute. Si vous vous sentez blessé dans votre droit de lecteur, prenez contact avec l’ombudsman. Il est payé pour vous défendre ».
Les attributions, et, par conséquent, les missions de la médiation sont scindées : d’une part, il y a la production d’une critique des éditions du quotidien sorties pendant une semaine, c’est-à-dire l’évaluation du résultat apparent du travail journalistique ; ce travail comprend la réception et le traitement des réclamations des lecteurs. D’autre part, l’appréciation du traitement des informations et des événements de la semaine dans lequel d’autres médias d’information sont également inclus. Selon le répertoire argumentatif de la fonction, le titulaire de la médiation de presse se sert de ses compétences professionnelles et de sa capacité d’analyse des pratiques professionnelles des journalistes, ce que ne peut pas faire le lecteur qui n’est pas « exigeant » et qui ne connaît pas les rouages de la presse et des médias. De la définition de la fonction produite par le Folha de S. Paulo, on dégage que l’écriture de la chronique n’exige pas obligatoirement la reprise et la réponse des manifestations des lecteurs (soit pour justifier, soit pour désapprouver les pratiques professionnelles des journalistes mises en causes par les lecteurs).
L’insertion du lecteur dans ce dispositif prend des configurations distinctes. D’une part, l’ombudsman se présente comme celui qui s’occupe des réclamations des lecteurs, ce qui figure comme un « programme d’investigation des plaintes des lecteurs et de critique au propre journal ». D’autre part, la défense du lecteur apparaît comme l’extension de l’appréciation des pratiques professionnelles qui prend en compte la conformation de la demande de redressement du traitement de l’information, et cela au profit du lecteur. D’autres caractérisations de l’ombudsman peuvent mettre en avant la relation avec le lecteur et former une définition qui isole la défense des lecteurs. C’est le cas, par exemple, lorsque le titulaire du poste se désigne comme « l’unique recours à la disposition de celui qui se juge calomnié, victime d’une injustice, atteint par le contenu d’un reportage, d’un dessin ou une photo et qui « peut aider [les lecteurs] à faire que le journal envisage ses faiblesses [comme] des fautes, des distorsions et des problèmes qui se répandent dans les pages du journal ».
Par le biais de l’ombudsman, le quotidien serait ainsi celui qui a le « courage » de discuter ses fautes, de les rectifier et de se critiquer publiquement. Le Folha se présente comme le journal qui ne craint pas le débat d’idées et qui fait de la transparence son mot d’ordre. De fait, le Folha de S. Paulo se forge une image de courage, d’audace, aussi bien dans les actions entrepreneuriales que dans les attitudes professionnelles. À l’opposé, les médias concurrents qui se refusent à instituer la médiation de presse seraient entachés de lâcheté et/ou accusés de tromper leurs lecteurs, ainsi les ombudsmans vont-ils s’associer pleinement à ce discours de dénonciation de la concurrence: « Quand l’O Estado va-t-il créer un ombudsman pour défendre ses lecteurs qui sont quotidiennement trompés par son journal ».

L’Ombudsman du Folha de S. Paulo est donc, non seulement un des éléments de différenciation du journal, mais il participe aussi activement aux actions de disqualification de la concurrence. Ainsi, les titulaires de la fonction arrivent-il à dire qu’un autre quotidien « a reproduit dans ses pages des initiatives du Folha, au lieu de développer lui-même ses innovations » (Costa, 1991, 159) ou que « Le Folha est en train d’être discrètement copié sur la question de l’ombudsman. […] Personne ne l’assume parce qu’il s’agit d’une marque claire du Folha de S. Paulo. Il serait difficile d’admettre qu’ils adoptent une idée du Folha, en confirmant une fois de plus le journal paulista en tant que pionnier ».

« O superego da profissão », 1989, Imprensa, (26).

Caio Tulio Costa, « Quando alguém é pago para defender o leitor », Folha de S. Paulo, 24/09/1989.

Mario Vitor Santos, « Últimas impressões » Folha de S. Paulo, 19/09/1993.

Junia Nogueira de Sa, « Ombudsman, terceiro ato », Folha de S. Paulo, 26/09/1993.

Caio Tulio Costa, « Manchete, matemática e umbigo. Sobre a confiabilidade na fonte de informação », Folha de S. Paulo, 19/11/1989.

Entretien de Mario Vitor Santos à  Santa Maria Nogueira Silveira (1992: 216).

Le médiateur de France 2 : une mission de service public

L’exercice de la médiation dans les médias français reste une activité rare. Si quelques tentatives ont été faites dans la presse écrite, lorsque France Télévisions se dote d’un médiateur en 1998, c’est une première pour l’audiovisuel. Si des émissions critiques existent déjà à l’antenne, comme Arrêt sur images sur France 5, c’est la première fois qu’une institution télévisuelle se propose de produire une émission critique sur elle-même.
Ainsi, le 12 septembre 1998, le premier numéro de l’Hebdo du Médiateur est diffusé sur France 2. Le journal de 13 heures du samedi est écourté pour laisser place à une émission hebdomadaire où le « médiateur de la rédaction » rend compte à l’antenne des remarques et critiques faites par les téléspectateurs à propos du traitement de l’information sur la chaîne de service public. Des extraits de lettres et de courriers électroniques sont lus à l’antenne et des téléspectateurs invités à s’exprimer en direct sur le plateau ou en duplex. Les reportages incriminés sont rediffusés, les journalistes ou les responsables de la rédaction viennent expliquer leurs choix, dans une confrontation avec les téléspectateurs invités.
Si cette création s’est inspirée plus ou moins de l’exemple des Ombudsmen (Bernier, Romeyer,  2005), nous proposons ici un éclairage mettant en avant les conditions d’émergence spécifiques du cas français et l’importance du contexte culturel et politique sur le rôle du médiateur.

La médiation est un mode de régulation sociale en progression constante depuis une vingtaine d’années en France. Elle gagne toutes les sphères de la vie sociale (administration, relations sociales dans l’entreprise, sport, etc.) et se présente comme une réponse des institutions aux conflits avec les citoyens ou les usagers qu’elles n’arrivent pas à gérer. La fonction se développe dans les années cinquante dans le monde anglo-saxon avec l’objectif d’améliorer les relations quotidiennes des administrés avec les services publics. L’institution du médiateur en France en janvier 1973 procède de cet esprit, tout en répondant également à des préoccupations d’ordre politique : Jacques Chaban-Delmas, Premier Ministre, dans le cadre de son projet de « nouvelle société », à l’approche des élections législatives de 1973, instaure le concept de médiateur pour rapprocher les pouvoirs publics des administrés (Delaynay, 1999). Comme pour les autres institutions, les médiateurs des rédactions ont pour mission de gérer les contradictions que relèvent les usagers dans le fonctionnement des médias qu’ils pratiquent. En France, la médiation audiovisuelle sera marquée durablement par cette culture institutionnelle de la médiation, et ce, d’autant plus qu’une volonté politique est à la base de sa création.

À la fin des années quatre-vingt-dix, des transformations sont en cours : l’offre de programmes s’est multipliée avec le câble et surtout les bouquets numériques satellitaires ; Internet se développe ; le gouvernement français et France Télévision préparent le lancement de la TNT. Face au poids sans cesse grandissant de l’industrie audiovisuelle privée, le secteur public cherche un nouveau modèle de développement, notamment par la diversification mais surtout par une identité forte qui la différencie nettement aux yeux du public mais aussi de l’État et de la Commission européenne.
En outre, sous la pression des chaînes privées (TF1 et M6) qui accusent la télévision publique de concurrence déloyale, la DG IV chargée de la concurrence à la commission de Bruxelles ouvre une enquête sur la légalité du financement public de France Télévision et précise sa politique dans deux documents officiels. Dès lors, chaque État doit définir de manière explicite la portée des « missions de service public » en indiquant les exigences concrètes de programmation. L’instauration du médiateur était alors une des innovations destinées à affirmer la mission de service public de France Télévision, comme le confirme Didier Epelbaum, premier médiateur de France 2 et auteur du rapport d’étude préalable à la création de ce poste : « la médiation existe d’abord parce que c’est une demande de notre ministère de tutelle, et qu’elle est inscrite dans notre mission de service public ». C’est ainsi, qu’en février 1998, sur les recommandations de Jean-Marie Charon, Catherine Trautmann, ministre de la communication, demande à France Télévision d’instaurer des médiateurs.

Cependant, cette volonté politique n’aurait pas eu le même succès si elle n’était pas venue rencontrer un projet éditorial porté par Albert du Roy et favorable à l’instauration du médiateur. Ainsi, quelques mois avant cette directive ministérielle, Albert du Roy, nouveau directeur de la rédaction avait proposé, la mise en œuvre d’un médiateur, fonction qui faisait alors partie de son projet éditorial destiné à redonner une identité forte à l’information sur la chaîne de service public.
Albert du Roy souhaitait remédier à l’incompréhension de plus en plus grande entre les téléspectateurs et les journalistes, établir une passerelle entre ces deux mondes en expliquant les conditions d’exercice des journalistes. Déjà dans son livre, Le serment de Théophraste en 1992, il analysait longuement les causes de la défiance du public envers les journalistes et concluait ainsi son ouvrage : « Si elle se plie devant l’ordre établi, l’information cesse d’être subversive. Or, par définition, elle doit être contestataire. Il lui manque de l’être davantage à l’égard d’elle -même, de ses règles, de ses travers, de ses faiblesses. Ce faisant, elle ne sera ni moins dérangeante, ni mieux admise, mais elle sera mieux comprise et plus légitime » (Du Roy,1992).
S’il se lance dans ce projet, c’est qu’il vient de prendre la direction d’une rédaction en crise, divisée entre « audimatologues » et « élitistes ». Il compte sur le médiateur pour accompagner et expliquer sa réforme non seulement aux téléspectateurs mais aussi aux membres de la rédaction.
En effet, en 1998, la rédaction de France 2 est en crise interne à propos de la ligne éditoriale mais aussi en crise de confiance vis-à-vis des téléspectateurs. L’audience de ses journaux télévisés est en baisse : loin derrière celle de son rival TF1 depuis 1986, l’écart se creuse depuis la fin de l’année 1996. Une nouvelle ligne éditoriale favorisant l’information de proximité mise en place en 1996 provoque l’opposition d’une certaine partie de la rédaction. De plus, les journalistes dans leur ensemble sont décrédibilisés par plusieurs affaires ayant marqué l’opinion publique : le faux charnier de Timisoara, la couverture de la guerre du Golfe, la crise des Balkans, etc. Selon Didier Epelbaum, une partie de la rédaction pense qu’il faut entamer une réflexion sur les pratiques professionnelles, et une autre estime qu’il faut reconquérir le public et donc se soucier de l’audience uniquement.

Le poste de médiateur de la rédaction à France télévision est donc né de la rencontre d’un projet éditorial et d’une volonté politique appuyée par une directive européenne. La médiation devient ainsi une mission de service public et permet de démarquer le secteur public de ses concurrents privés. D’ailleurs à ce jour, le service audiovisuel public reste le seul à disposer d’un service de médiation à la télévision française. Mais au-delà de cette mission et de cette identité publique, le médiateur permet aussi de renouer la relation avec le téléspectateur. (Romeyer, 2004)
Ce contexte de création distingue le modèle français des ombudsmen nord-américains. Didier Epelbaum dans son l’étude préalable s’est prononcé contre le vocable d’ombudsman. Il déclare ainsi  « Je n’ai pas aimé le mot d’avocat, ni celui d’Ombudsman, j’ai donc défini cela comme l’interprète du public auprès de la Rédaction et l’interprète de la Rédaction auprès du public ». Si Didier Epelbaum ne se reconnaît pas dans l’ombudsman, sans doute a-t-il été inspiré par le médiateur de la République et sa mission de « rapprocher les pouvoirs publics de ses administrés » (Delaynay, 1999). Le contexte particulier de création et la conception originale du service de la médiation à France 2 en font un programme différent de ses équivalents nord-américains, scandinaves ou sud-américains. Cette particularité influe sur son fonctionnement, avec une démarche qui tient plus de la mission tribunicienne (Romeyer, 2004) que de la recherche d’une éventuelle faute.

Conclusion

Les différences entre la médiation mise en place par le Folha de S. Paulo et par France 2 dépasse la simple disparité entre le champ journalistique brésilien et français. Tant au Brésil qu’en France, plusieurs modèles de médiation de presse co-existent (Ferreira Maia, 2003). De plus, nous avons affaire à deux médias différents – la presse et la télévision -, mais surtout à deux conceptions de journalisme : une entreprise de presse privée d’un côté, et le service public de l’autre.
En dépit des différences entre les modèles de médiation nous retrouvons plusieurs traits communs dans le rôle de ces médiateurs en tant que dispositif d’autorégulation professionnelle. Ainsi, la fonction se crée à l’occasion d’une restructuration et vient appuyer celle-ci. Dans un secteur très concurrentiel, le médiateur a également pour rôle de donner une image positive du média et lui permettre de se différencier des autres. En somme, le rôle de relais entre le média et son public est partagé par ces deux médiateurs mais leur mission ainsi que leurs moyens dépendent fortement des contextes culturels et politique de création.

Enfin, permettant au public, à des degrés divers, de prendre la parole à propos du travail des journalistes, ils créent un espace public médiatique.

« Document de réflexion de la DG IV relatif à l’application de l’article 90 paragraphe 2 et des articles 92  et 93 du traité CE dans le secteur de la radiodiffusion » et le « rapport Oreja » intitulé « La politique audiovisuelle européenne à l’ère numérique. Nouvelles perspectives ».

Entretien réalisé le 5 novembre 2003.

Du Roy, Albert. Télérama n°2527, 17 juin 1998.

Références bibliographiques

BERNIER, Marc-François, ROMEYER, Hélène, 2005, « France 2 et radio Canada : deux conception de la médiation », Les Enjeux,
http://w3.u-grenoble3.fr/les_enjeux/2005/Romeyer-Bernier/index.php.

COSTA, Caio Tulio, 1991, O relógio de Pascal. A experiência do primeiro ombudsman da imprensa brasileira. São Paulo : Siciliano

DELAUNAY, Bénédicte, 1999, Le médiateur de la République, collection « Que sais-je ? »,  Paris : PUF.

DU ROY, Albert, 1992, Le Serment de Théophraste. L’examen de conscience d’un journaliste, Paris : Flammarion.

FERREIRA MAIA, Kenia Beatriz, 2003, « Approche comparative de la fonction de mediateur de presse dans les quotidiens bresilien Folha de S. Paulo et francais Le Monde« , thèse de doctorar, sous la direction de Jacques WALTER, Metz.

LINS DA SILVA, Carlos Eduardo, 1991, O adiantado da hora. A influência americana sobre o jornalismo brasileiro. São Paulo : Summus.

NOGUEIRA SILVEIRA, S. M. , 1992, « Etica : esta lei pega ? (Apontamentos sobre a moralidade que a Imprensa prega e pratica)”, thèse de doctorat, Sao Paulo.

RIBEIRO, Jorge Cláudio, ,1994, Sempre Alerta. Condições e contradições do trabalho jornalístico. São Paulo : Brasiliense – Olho d’água.

ROMEYER, Hélène, 2004, « L’autoréflexivité télévisuelle : entre communication médiatique et espace public de débat. Les cas Arrêt sur images et L’Hebdo du médiateur« , thèse de doctorat, sous la direction de Bernard Miège, Grenoble.

Auteurs

Kenia Beatriz Ferreira Maïa

.: Grupo de Estudos de Mídia (Gemini), Universidade Federal – do Rio Grande do Nort

Hélène Romeyer

.: Groupe de REcherche Sur les Enjeux de la Communication – Université Stendhal