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Réflexions sur les recherches et le champ des sciences de l’information

30 Août, 2004

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Staii Adrian, « Réflexions sur les recherches et le champ des sciences de l’information« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°05/1, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2004/varia/06-reflexions-sur-les-recherches-et-le-champ-des-sciences-de-linformation

Introduction

Ce texte cherche à comprendre, à s’expliquer, et, par endroits, à expliquer, l’ossature qui sous-tend la configuration actuelle d’un champ de recherche dynamique, mais qui semble souffrir à la fois d’un manque de visibilité et d’un certain malaise identitaire : celui des sciences de l’information (et de la documentation). Bien qu’elles ne soient plus aujourd’hui à l’époque de leurs premiers balbutiements et que leur institutionnalisation « sociale » soit en voie de solidification partout où elles suscitent l’intérêt, la reconnaissance générale ne leur est toujours pas acquise.
Il paraît par exemple que les chercheurs en sciences de l’information se sentent minoritaires à l’intérieur des SIC et méconnus à l’extérieur. Sont mis en cause, tour à tour : le nombre relativement réduit de chercheurs œuvrant dans le domaine, le caractère hétéroclite des formations, le manque (du moins en France) de vecteurs de publicisation connus et reconnus, les préoccupations de recherche trop diverses et apparemment hétérogènes, voire la fragilité même de cette discipline qui n’aurait pas (encore ?) trouvé son « propre »…

Cet état de fait nous paraît à la fois « normal » et paradoxal. « Normal », pour deux raisons, ou plutôt dans deux sens : d’abord, parce qu’il n’est pas exclusivement caractéristique des sciences de l’information, d’autres disciplines plus ou moins nouvelles s’y retrouvent confrontées ; ensuite, parce qu’il n’est pas le fruit du hasard, il s’explique par des raisons à la fois institutionnelles et cognitives. Mais il est en même temps paradoxal car, si ces raisons « institutionnelles et cognitives » l’expliquent, elles ne le déterminent pas. Autrement dit, il n’y a rien (ou il n’y a que très peu) de fataliste dans la situation actuelle des sciences de l’information.

C’est ce que nous essayerons de montrer dans ce texte, en axant la réflexion moins sur les aspects matériels (ou institutionnels) mis en cause (pour un panorama, voir Boure*, 2002) et surtout sur les aspects scientifiques. Car le problème de fond nous semble celui d’une « identité cognitive » de la discipline, appuyée sur un « propre » qui ne semble pas évident à ce jour, d’abord aux yeux des chercheurs directement concernés, ensuite (encore moins) aux yeux de la communauté scientifique dans son ensemble. Un argument en faveur de cette thèse est que, si les aspects matériels sont variables d’un pays à l’autre (moins contraignants aux États-Unis, par exemple, qu’en France), le problème identitaire semble en revanche omniprésent. C’est peut-être parce que sa principale cause est d’ordre cognitif (au sens de Whitley, 1974) et, par conséquent, sans frontière.

Pourquoi cette identité est-elle si difficile à construire ? Est-elle en fin de compte possible ? Et sur quoi pourrait-elle s’appuyer ? Telles sont les questions que nous voulons aborder dans ce texte. En substance, l’idée que nous voulons défendre ici est qu’il y a bien une ossature spécifique sur laquelle est en train de se construire un « propre » des sciences de l’information. Que la méconnaissance de cette spécificité est à la fois affaire de perception et de cloisonnement et qu’elle n’est en aucun cas le symptôme d’une faiblesse fatale de la discipline. Enfin, que l’émergence d’un noyau identitaire est « naturelle » et, surtout, nécessaire : « naturelle » parce qu’elle serait l’aboutissement logique des grands chantiers en place ; nécessaire, parce qu’elle permettrait d’orienter et de dynamiser la recherche. En fin de compte, il se peut bien qu’en fournissant une référence stable ce propre soit aussi la meilleure arme face au désarroi identitaire et à la méconnaissance dont souffrent les chercheurs.

Un problème de visibilité, certes, mais…

Pour commencer, quelques constats, recueillis ça et là, à propos de la question de la visibilité des sciences de l’information (SI) en France. A l’occasion d’un colloque sur le thème des recherches récentes en sciences de l’information, Viviane Couzinet dressait un tableau synthétique des problèmes de visibilité de cette discipline (Couzinet, 2002) : « En France, les sciences de l’information sont discrètes au sein des sciences de l’information et de la communication (SIC). On peut le constater à travers les annonces diffusées par le site de la société française des sciences de l’information et de la communication, agorasfic, site de la société savante qui nous représente. Les publications annoncées et les manifestations scientifiques françaises signalées, que celles-ci invitent ou non à proposer des communications, sont majoritairement tournées vers des problématiques le plus souvent abordées en sciences de la communication. Par ailleurs, les thématiques des congrès de la SFSIC ne mobilisent pas suffisamment les travaux de recherche en cours dans notre spécialité » (Couzinet, 2002, p. 9).

Sur le plan institutionnel, il semble que peu de laboratoires se revendiquent avant tout des sciences de l’information (CNE, 1993 ; Boure et al., 1994), tout comme les chercheurs et les enseignants-chercheurs, beaucoup moins nombreux dans ce domaine que dans la spécialité sœur (seul un tiers des enseignant chercheurs des SIC se revendiquant des SI – Polity, 2000 ; Palermiti et al. 2002). La situation ne semble guère plus réjouissante sur le plan des vecteurs de publicisation : « S’il est possible de citer un ensemble de titres de revues françaises à comité de lecture en sciences de la communication (Réseaux, Communication et organisation, etc.), il est difficile de faire la même chose en sciences de l’information » (Couzinet, 2002, p. 9).

Enfin, il continue à planer une certaine confusion, chez certains collègues des sciences de la communication, et, à plus fort titre, chez les chercheurs des autres disciplines humaines et sociales, quant à la spécificité des sciences de l’information, souvent perçues comme plus proches des sciences « dures » (informatique et sciences de l’ingénieur avant tout), et ce malgré quelques textes ciblés cherchant à lever l’ambiguïté (Fondin et al., 1998).

Tous ces facteurs contribuent certainement à renforcer « le sentiment d’isolement exprimé (parfois douloureusement) par de très nombreux enseignants-chercheurs [en SI]. Isolement à l’intérieur de la discipline sciences de l’information et de la communication, isolement à l’intérieur des UFR d’affectation, mais aussi isolement par rapport aux autres chercheurs en sciences de l’information » (Polity, 2000).

Ce sentiment est sans doute justifié par tous les éléments énumérés avant (et par d’autres encore), le but n’est pas ici de le nier. Mais, force est de constater qu’on retrouve, toutes proportions gardées, les mêmes problèmes de « visibilité » à l’intérieur même de la discipline. Si les communautés scientifiques voisines ne savent pas très bien quelles sont les problématiques clés des sciences de l’information, la masse des chercheurs du domaine se retrouve presque tout aussi démunie. La même étude citée ci-dessus conclut ainsi que, parmi les chercheurs du domaine, il n’y a « aucun consensus autour des sous-domaines qui composent les sciences de l’information » (Polity, 2000). S’il est vrai qu’il y a relativement peu de laboratoires et d’équipes de recherche qui travaillent en sciences de l’information (Couzinet, 2002), il semble tout aussi vrai que les enseignants-chercheurs du domaine les connaissent eux-mêmes très mal (« seules quelques personnes – en particulier des professeurs ou des maîtres de conférences ayant fait partie du CNU – sont capables de citer plus de trois équipes de recherche. Ils connaissent souvent des noms de personnes associés à des noms de villes mais ne sont pas capables d’évoquer leurs axes de recherche » – Polity, 2000).

Les deux faces de la question de la visibilité sont sans doute liées, et l’augmentation des moyens matériels et le renforcement des vecteurs de publicisations seraient un élément de la réponse. Mais il nous semble qu’il ne soit pas le seul, et, surtout, qu’il ne soit pas suffisant. Car, derrière le problème de la visibilité, il y a celui d’une identité cognitive, dont les causes et les enjeux sont beaucoup plus complexes.

Des causes cognitives du malaise identitaire

La quête identitaire est, dit-on souvent, le symptôme d’une discipline jeune et fragile. Soit, effectivement, les sciences de l’information sont une discipline jeune. Certains esprits critiques considèrent même (non sans arguments d’ailleurs) qu’il s’agirait d’une science bien « virtuelle » (Metzger, 2002, p. 27). S’il est vrai qu’elle est déjà institutionnalisée en France depuis trente ans, il l’est non moins que cette discipline peine encore à donner une image cohérente d’elle-même, à la fois à l’intérieur (d’où, en partie, le malaise identitaire) et à l’extérieur (d’où, en partie, le problème de visibilité). Dire qu’elle est « virtuelle » est une manière de voir les choses, dire qu’elle a un problème (temporaire) d’identité revient au même, à une nuance près : cela suggère plus clairement que la discipline possède son « propre », mais que, pour des raisons diverses (à la fois liées à la pratique de la recherche et à la symbolique de la perception), ce « propre » émergeant n’est pas encore pleinement conscientisé. Afin de justifier cette interprétation, avançons quelques arguments.

Tout d’abord, un préalable rassurant : la confusion identitaire n’est pas réservée à notre discipline, loin de là, on la retrouve chez beaucoup d’autres, y compris dans des disciplines issues des sciences « dures ». C’est, semble-t-il, un point de passage obligé pour tous les champs de frontière, construits par l’hybridation des objets, des approches et des méthodes.

Ensuite, dans nombre de cas, cette confusion peut être un faux problème engendré plutôt par le regard porté sur la discipline que par la fragilité même de cette dernière. Il est en effet assez difficile de se prononcer sur le propre d’un champ scientifique si on le juge en termes de « domaines » ou de « sujets » couverts. Notons que cette manière traditionnelle de voir les choses s’applique de moins en moins, même au noyau dur des sciences exactes, en raison des hybridations de plus en plus fréquentes et nécessaires, mais qu’elle est a fortiori moins appropriée lorsqu’il s’agit d’une science nouvelle à forte coloration interdisciplinaire. En effet, quelle discipline pourrait se féliciter aujourd’hui d’avoir le monopole d’un sujet ou d’un domaine ? Dire que la physique est la science qui s’occupe de l’étude des phénomènes matériels de la nature, que la sociologie s’intéresse aux phénomènes sociaux et que les sciences de l’information étudient les phénomènes liés àla collecte, au stockage et à la recherche efficace de l’information(définition très restrictive aujourd’hui, mais qui s’est imposée auprès du public large, du moins dans l’espace anglo-saxon, à la suite des débats houleux des années 1960 – Borko, 1968) ne favorise en effet pas la clarté. Ou, du moins, ce n’est plus suffisant, d’autres disciplines pourraient prétendre faire la même chose. Et, inversement, les disciplines citées pourraient prétendre faire plus que cela.

Dès lors, une approche plus appropriée serait de définir le propre d’une discipline selon les problèmes qu’elle se pose et surtout, selon sa manière spécifique de les poser. Par conséquent, le champ de la réalité où le problème apparaît et l’appareillage de théories et de méthodes employé pour chercher des explications (voire des solutions) traduiraient une manière complémentaire de définir la discipline en question, l’hybridation n’étant plus en l’occurrence une attaque portée à l’identité. C’est, nous semble-t-il, ce que Karl Popper veut dire lorsqu’il écrit : « Je considère que les sujets de recherche ou le type des choses à étudier est une première base pour différencier les disciplines […] Nous n’étudions pas des sujets mais des problèmes. Tout problème peut être délimité à la frontière même d’un sujet ou d’une discipline » (Popper, 1989, p. 67).

Enfin, s’il est vrai que ce sentiment de confusion planant sur le champ des sciences de l’information s’explique en partie par la jeunesse de la discipline qui n’a sans doute pas encore bénéficié de tout le temps de maturation nécessaire, il s’explique aussi par la formation d’origine très diverse de la majorité des chercheurs professant dans ce domaine et surtout par un certain cloisonnement des recherches perpétré au long du temps et malheureusement assez difficile à dépasser. Comme dans toute entreprise ambitieuse, l’étendue et la diversité des préoccupations est aujourd’hui telle qu’une unification totale du champ autour d’une théorie générale semble impossible. Mais, plus que cette unification irréalisable (et, par ailleurs, probablement peu souhaitable), ce qui est ici mis en cause est l’absence d’un regard transversal et récurrent qui ne devrait certainement pas chercher des rapprochements là où ils n’existent pas, mais qui, en revanche, pourrait mettre en avant un certain nombre d’éléments fédérateurs qui semblent bel et bien exister et qui se perdent pourtant dans la diversité des objectifs locaux. C’est sur ce problème fondamental de nature synthétique et critique que Howard White insiste lorsqu’il lance un avis de recherche de scientifiques-poètes : « Je trouve que la science des bibliothèques et de l’information est très centrifuge et a aujourd’hui grand besoin de synthèses de qualité. La science des bibliothèques et de l’information s’est toujours montrée facile d’accès pour des personnes formées dans d’autres disciplines, surtout si elles apportaient des compétences quantitatives. Ce modèle a favorisé l’apparition de nouvelles directions impulsées par les nouveaux venus plutôt qu’une forte accumulation. Il n’y a pas, par ailleurs, un accord unanime concernant le caractère paradigmatique du travail dans cette discipline. Pour cette raison, j’encouragerais chaleureusement les auteurs qui font preuve d’habilités d’intégration créative et d’esprit critique de s’attaquer à des idées déjà existantes dans la littérature. Leurs efforts devraient en effet se concentrer sur l’analyse et l’organisation des thèses existantes, plutôt que sur la collecte de données nouvelles » (White, 1999, p. 1052).

La même observation vaut pour la France, et l’insistance avec laquelle elle revient dernièrement (LeCoadic, 1994 ; Boure**, 2002 ; Palermiti et al., 2002 ; Metzger, 2002) montre que l’obstacle est d’ores et déjà clairement identifié : « Les premières histoires, petites histoires, ont pris pour objet des institutions, des techniques, parfois des individus, mais très rarement des idées, des concepts, des méthodes ou des théories » (LeCoadic, 1994).

Il ne resterait maintenant qu’à se donner les moyens pour le franchir. Nous pourrions nous demander plus loin si cette tâche « olympienne » devrait être principalement confiée à des littéraires et des philosophes qui « interrogeraient les grands noms du domaine, leurs disciples et leurs critiques à la manière d’un journaliste » (White, ibidem), ou s’il ne serait pas en fin de compte tout aussi profitable que les chercheurs du domaine commencent eux-mêmes à le faire en acceptant de passer outre le cloisonnement de leurs préoccupations de recherche immédiates et les a priori souvent hérités de leurs disciplines d’origine. A cet égard, l’institutionnalisation « sociale » de la discipline et l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs formés dans le cadre et dans l’esprit des sciences de l’information commencent à façonner un environnement particulièrement propice pour des travaux autoréférentiels transversaux qui devraient dégager enfin l’ossature profonde de ce champ, et, par ricochet, dissiper ne serait-ce que partiellement le sentiment de confusion qui plane sur son identité.

Car, en fin de compte, bien qu’elle soit une affaire de « perception symbolique », l’identité d’une discipline ne peut se construire que sur une ossature solide, celle des réponses spécifiques apportées à des problèmes dont le caractère singulier est lui-même manifeste aux yeux de tous. Dès lors, la question qui se pose aujourd’hui à propos d’un propre des sciences de l’information nous paraît triple :

– est-ce que le caractère spécifique des problèmes posés et des réponses apportées par les sciences de l’information est manifeste aux yeux de tous ? De toute évidence non, ni en France, ni aux États-Unis, ni probablement ailleurs, d’où (en partie) le caractère transfrontalier de la confusion identitaire ;

– est-ce que l’ossature qui pourrait soutenir une telle manifestation évidente est elle-même conscientisée par les chercheurs du domaine ? Peu probable, et, là aussi, la situation semble similaire un peu partout, les appels répétés à des synthèses critiques en témoignent ;

– enfin, est-ce que la réalité des recherches permet de faire émerger une telle ossature ? On ne pourrait répondre définitivement à cette question qu’en tentant de la faire émerger, mais la thèse que nous voulons défendre ici est que, malgré la diversité des préoccupations et surtout malgré le cloisonnement des acquis, il y a en fin de compte des points forts de convergence et d’ancrage d’une spécificité des sciences de l’information. Par conséquent, si cette observation s’avère valide, la thèse d’une faiblesse fatale de la discipline s’en retrouve réfutée d’emblée, et la question de l’identité devient en partie un problème de collaboration, de synthèse et de critique (historique et épistémologique), et, en partie, un problème de publicisation, voire de perception et de projection personnelle de la part des chercheurs concernés.

Bien que nous ne puissions pas l’analyser ici dans ses moindres détails, c’est en faveur de cette idée que nous allons tenter d’argumenter dans la suite de ce texte. Nous commencerons par dégager les lignes fortes de la configuration historique articulant les préoccupations majeures du domaine pour indiquer par la suite où se trouvent d’après nous les principaux points convergents pouvant donner forme à cette ossature identitaire.

L’enseignement d’un regard historique et transversal : un cloisonnement de fait sans incompatibilité de fond

Avant de nous pencher sur ce qu’une tentative fugitive de regard historique traversant les diverses recherches du domaine pourrait nous apprendre sur le champ des sciences de l’information, s’impose une précision quant au caractère national ou, au contraire, transfrontalier, de cette entreprise. Ce préalable semble important, pour plusieurs raisons.

En effet, de nombreux auteurs insistent sur la superposition imparfaite entre les champs actuels de ce qu’on appelle communément en France sciences de l’information et aux États-Unis science de l’information (la variation terminologique étant elle-même un premier élément sujet à débat). Plus loin, si l’on compare ces deux références à d’autres cas (comme la Suisse par exemple, voir Deschamps, 2002), cette superposition a priori difficile s’alourdit considérablement. Les raisons de cet état de fait sont multiples (liées notamment au contexte institutionnel, social et scientifique naturellement différent d’un pays à l’autre) et leur analyse nous apprendrait certainement beaucoup sur les orientations actuelles. Mais, par-delà ces différences indéniables, il nous semble qu’il y ait un certain nombre de similitudes, à la fois au niveau des réalisations et de leurs conséquences scientifiques. Qui plus est, un projet synthétique souffrant de myopie manquerait d’emblée à son objectif de fédération scientifique, autrement dit, une tentative d’identification d’un noyau dur des sciences de l’information ne saurait en aucun cas se limiter à un pays ou à un autre, sous peine de se décrédibiliser. C’est la raison pour laquelle nous voulons donner à ce qui va suivre une portée plus globale, sans confiner a priori les références. En même temps, il va de soi que le refus de la localisation rendra cette tentative de schématisation d’autant plus incomplète.

Cherchons un point de départ. Selon Tefko Saracevic l’histoire des sciences de l’information peut se résumer à quelques idées fortes, qu’il organise selon un schéma du type « trois plus un » : « L’histoire de toute discipline est l’histoire de quelques idées fortes. Je considère que la science de l’information en possède trois, jusqu’ici. Ces idées concernent le traitement de l’information d’une manière radicalement différente par rapport à ce qui s’est fait avant ou ailleurs. La toute première idée, qui est également l’idée originaire, apparue dans les années 1950, est la recherche d’information, qui propose un traitement de l’information fondé sur la logique formelle. La deuxième, apparue peu de temps après, est la pertinence, qui oriente ce processus et l’associe aux besoins d’information humains et à l’évaluation. La troisième idée, qui émerge environ deux décennies plus tard et trouve son origine ailleurs, vise à rendre possibles les échanges et la rétroaction entre les systèmes et les personnes engagées dans les processus de recherche d’information. Jusqu’à présent, aucune idée forte concernant l’information en tant que phénomène de base n’est apparue, ni concernant la documentation (matière informative de base), en tant qu’objet des traitements. Cependant, l’on pourrait dire que l’idée de dresser une carte de cette documentation, qui est apparue avec l’exploitation des index des citations dans les années 1960, pourrait être également qualifiée comme étant une idée forte » (Saracevic, 1999, p. 1052).

Malheureusement, les évolutions de ces idées fortes s’avèrent en réalité extrêmement fragmentées et partiellement contradictoires, dès qu’il s’agit de réaliser une « synthèse » des courants et des auteurs majeurs du domaine. La cause en est peut-être le fait que, bien que les trois problèmes majeurs indiqués ci-dessus soient interdépendants en substance, ils ont été en réalité traités de manière plutôt isolée et selon des approches plutôt antagonistes que complémentaires.

En effet, les quelques tentatives de synthèses bibliographiques et/ou bibliométriques dont on dispose aujourd’hui montrent une forte division des productions scientifiques en quelques sous-champs presque isolés les uns des autres. Pour commencer avec la France, dont certains auteurs s’attachent à expliciter la spécificité (une synthèse des principales particularités des recherches françaises est disponible in Palermiti et al., 2002), l’accent est surtout mis sur des questions regroupées communément sous l’appellation commode d’informatique documentaire, à savoir sur l’étude des technologies de stockage, de traitement et de l’accès à l’information. Les recherches portant sur les activités documentaires, la bibliologie, la lecture et, plus globalement, l’étude des utilisateurs/usagers pèsent nettement moins, du moins à l’intérieur du sous-champ des recherches doctorales (même si ces domaines bénéficient d’un intérêt croissant depuis une quinzaine d’années).

Dans le monde anglo-saxon, Howard White et Katherine McCain (White et al. 1998) constatent que deux continents se détachent en substance. D’une part, les études touchant aux pôles extrêmes des processus informationnels, qu’il s’agisse des documents porteurs d’information (l’analyse mettant l’accent, selon le cas, sur leur contexte social de production ou, par exemple, sur leur structuration), ou du contexte social d’usage de l’information et des comportements sociaux connexes. D’autre part, sur l’autre continent (nettement plus peuplé que le premier), l’on retrouve tous les travaux liés à la conception et à la réalisation effective des systèmes d’information, la définition des algorithmes de recherche, des méthodes d’indexation et des stratégies d’appariement, mais également les études sur l’utilisateur de ces systèmes, sur les comportements informatifs face à la machine, sur l’évaluation des systèmes et sur l’ergonomie des interfaces, etc. Comme le remarquent les deux auteurs cités ci-dessus, très peu de chercheurs ont traversé ces deux continents et il y en a encore moins qui ont tenté d’exploiter leurs éventuelles interdépendances.

Le cloisonnement ne s’arrête cependant pas ici. Si l’on reprend les trois idées majeures qui constitueraient selon Saracevic une sorte de noyau dur des sciences de l’information, elles se retrouveraient davantage sur le deuxième continent. Cependant, une fois de plus, le manque d’unité est manifeste : d’abord, il y a très peu d’auteurs qui ont cherché à les couvrir également, mais, surtout, les objectifs des recherches ne participent pas d’une logique globale et homogène, et, pour cette raison, ces dernières sont rarement exportées et exploitées pour faire progresser des problématiques communes.

En substance, deux sous-domaines se détachent, reliés ça et là par quelques ponts. Il y a, d’une part, les travaux portant sur la conception des systèmes (dans cette catégorie l’on pourrait mettre, parmi d’autres : les études portant sur l’architecture des systèmes, l’élaboration des méthodes d’indexation et de recherche, la définition des algorithmes, etc.). D’autre part, il y a les recherches portant sur les utilisateurs-usagers, sur leurs comportements face au système, sur leurs besoins et attentes, mais également sur l’usage plus large qu’il font de l’information, une fois recueillie. Entre les deux, les quelques ponts (dont le centre d’équilibre est rarement à mi-chemin) seraient : les études d’évaluation des systèmes (le plus souvent selon des critères orientés-système, mais parfois également selon des critères orientés-utilisateur), les études d’amélioration des interfaces (qui vont malheureusement rarement jusqu’à la redéfinition des principes de fonctionnement du système) et celles portant sur le dialogue homme-machine (en langue naturelle ou selon d’autres modes, cas où de plus en plus de travaux envisagent cette problématique en relation avec celle de l’indexation et de la recherche).

Pour appréhender le cloisonnement de ces diverses directions de recherche (à la fois sur un axe syntagmatique et paradigmatique) l’on fait souvent référence à une succession de « paradigmes ». L’on parle ainsi de « paradigme système » pour désigner le vision techniciste des premières recherches du domaine (des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970), marquées par un souci de performance immanente du dispositif et, sur le plan humain, par des chercheurs issus des disciplines « exactes » (mathématiciens, logiciens, ingénieurs, etc.). Le « paradigme utilisateur » prendrait le pas dès les années 1980, en mettant en évidence les carences des systèmes existants et en insistant sur la modélisation des comportements humains (selon des méthodes empruntées aux sciences cognitives et sociales d’où sont issus beaucoup de chercheurs de cette nouvelle génération). Ces comportements sont envisagés d’abord en relation directe avec la machine, puis dans un cadre plus large, que ce soit en amont du processus de recherche (étude des besoins) ou en aval (étude de la satisfaction, voire des usages de l’information). Enfin, ces dernières années, l’on commence à parler d’un « troisième paradigme », élargissant celui de l’utilisateur, et dont le propre serait de positionner les diverses problématiques liées aux processus informationnels (qu’il s’agisse des besoins d’information, de la modélisation des comportements informatifs, de la satisfaction ou des usages) dans un cadre plutôt social qu’individuel (en insistant, par exemple, sur les contraintes culturelles, professionnelles, etc. propres au cadre social englobant l’action individuelle).

Si toutes ces approches ont certainement contribué sur le plan scientifique à enrichir la discipline, et, sur le plan pratique, à améliorer incontestablement la mise en place effective des systèmes d’information (terme que nous utilisons ici dans son sens le plus large, c’est-à-dire en englobant à la fois les dispositifs techniques, les structures organisationnelles et le facteur humain), leurs interdépendances n’ont malheureusement pas été suffisamment exploitées à ce jour.

Au fond, il nous semble que le problème n’est pas tellement qu’il s’agisse d’aspects « différents » ou « concurrents », mais plutôt des facettes complémentaires d’une même question, qui, à force d’être considérées individuellement et d’être hissées au rang de vision dominante, sont devenues de facto partiellement contradictoires, et, de toute façon, peu exploitable conjointement. Or, en réalité, l’étude scientifique, tout comme l’amélioration pratique des processus informationnels dans leur ensemble ne semblent possibles qu’en progressant conjointement dans toutes ces directions.

Par exemple, il paraît évident que l’amélioration du fonctionnement du dispositif technique en soi ne puisse se réaliser à terme qu’en prenant en compte son utilité finale, qui, quelle que soit la manière précise de la définir, est inévitablement liée à l’utilisateur. De la même manière, l’étude des utilisateurs, quelque intéressante qu’elle soit en soi, risque de s’avérer peu utile en pratique si elle n’est pas envisagée en continuité et en rétroaction avec celle du dispositif informationnel. Pour prendre un exemple, c’est le cas de la plupart des modèles du comportement informationnel individuel élaborés ces deux dernières décennies (qui représentent l’une des directions de recherche majeures des sciences de l’information), dont Tom Wilson, autorité réputée en la matière, est amené à constater invariablement les limites opérationnelles (Wilson, 1999). Enfin, quant aux recherches portant sur les usages de l’information, la tendance qui consiste à isoler leurs retombées des structures et des systèmes spécifiquement informationnels n’est certainement pas de nature à renforcer l’identité des sciences de l’information où elles prétendent pourtant s’inscrire.

Pour résumer, la fragmentation du champ des sciences de l’information nous paraît être avant tout le résultat d’un manque de collaboration effective et de réflexion conjointe et non pas d’une incompatibilité a priori des questions traitées ou d’une divergence conceptuelle irréconciliable. Il nous semble ainsi que les problèmes, bien que divers, sont en substance interdépendants, et que ce sont souvent les problématiques qui divergent. Dès lors, il serait nécessaire de les redéfinir pour qu’une ossature profonde devienne enfin manifeste.

La nécessité d’une vision d’ensemble

C’est un lieu commun de dire que l’un des problèmes majeurs des SIC est le « flou conceptuel » : « La discipline ambitieusement baptisée ‘sciences de l’information et de la communication’ souffre d’une maladie infantile, le flou persistant de ses concepts de base ; comment veut-on que les chercheurs (…) progressent s’ils ne parlent pas la même langue ? » écrit Daniel Bougnoux à propos de l’ensemble des SIC (Bougnoux, 1995, p. 7). Se limitant à ce qui devrait être le fondement du concept clé des sciences de l’information, Tefko Saracevic affirme : « jusqu’à présent, aucune idée forte concernant l’information en tant que phénomène de base n’est apparue » (Saracevic, 1999, p. 1052).

Ces affirmations, trop souvent acceptées inconditionnellement, demandent pourtant d’être de plus en plus nuancées. Notons d’abord que cette « maladie infantile », certes plus visible dans le cas des disciplines jeunes, n’épargne pas pour autant entièrement les autres sciences sociales (pensons seulement à la critique du concept de « masse » par Bourdieu, 1996), ni même les vieilles sciences exactes (le physicien aurait du mal à « définir » l’énergie, se contenant d’indiquer que c’est un « concept préalable »). Force est de constater que ce « flou conceptuel » ne les a pas empêchées de progresser.

D’autre part, il n’est pas question ici de nier la nécessité d’affiner et d’harmoniser les concepts par la critique et le débat, au contraire. Nous voulons tout simplement dire que ce qui compte n’est pas tellement de proposer des définitions strictes mais de repérer les articulations d’une éventuelle entente intuitive et néanmoins partagée. Or, il nous paraît que ce processus de « mûrissement » est largement entamé et commence même à porter des fruits, en fournissant un point de départ pour délimiter un noyau dur des sciences de l’information et en même temps pour éclairer leurs relations avec d’autres disciplines voisines. Au risque d’une grande simplification, tentons néanmoins l’exercice de la synthèse.

La principale difficulté qui s’oppose à une conceptualisation claire de l’information vient du fait que l’usage scientifique de ce terme ne peut pas être circonscrit à une seule discipline, subissant ainsi des métamorphoses conceptuelles non négligeables. En effet, selon les sciences qui en font un objet de recherche, l’information renvoie tantôt à une succession de symboles binaires, quantifiables et calculables statistiquement (les bits de la théorie mathématique de l’information), tantôt à un ensemble de stimuli physiques ou chimiques (comme en biologie, par exemple), tantôt à un facteur de production ou à une valeur marchande (chez les économistes), tantôt à une valeur d’usage (en sciences sociales), etc.

Comme les sciences de l’information se sont construites à la confluence des traditions scientifiques exactes et sociales, elles en ont également hérité une partie de ces significations multiples et croisées. Et pourtant, par-delà ces différences, quelques idées fortes et cohérentes commencent à se dégager.

Tout d’abord, telle qu’elle pourrait se définir selon une optique propre aux sciences de l’information, l’information serait le produit d’une activité humaine : elle ne pourrait pas être envisagée en dehors d’un important travail humain de rapprochement et de mise en forme (Sutter, 1994), de contextualisation nécessaire (car l’information est pure énonciation, Charaudeau et al., 1997). Il s’agirait donc d’un artefact à vocation communicationnelle, car indissociable du processus qui la communique (Fondin, 1998 ; Miège 1995). L’information serait ainsi davantage synonyme d’un acte que d’un état (Machlup, 1962), un acte dont le support privilégié serait néanmoins la technique, et qui, à la différence d’une communication immédiate, ouvrirait la voie à une dynamique temporelle différente (Stiegler, 1994-1996). L’information porte certes un contenu de signification, mais ce qui devrait compter avant tout aux yeux des sciences de l’information est la manière dont cette signification fait sens hic et nunc, à savoir dans un contexte particulier et au sein d’une relation concrète. L’information se définirait donc par son utilité (potentielle ou actualisée), par son usabilité (LeCoadic, 1997, p. 52), par l’intérêt qu’elle suscite, voire, dans une certaine mesure, par les besoins qu’elle permet de satisfaire (LeCoadic, 1998). En prolongeant le raisonnement à l’échelle sociale, l’information ne trouverait ainsi sa véritable valeur que dans l’usage.

Si ces différentes acceptions se sont souvent construites individuellement (et portent parfois l’empreinte d’auteurs qui ne se revendiqueraient pas des sciences de l’information), elles se retrouvent néanmoins dans les diverses directions de recherche que cette science reconnaît, et que nous avons sommairement discutées dans la section précédente. Dès lors, il serait difficile de conclure qu’aucune idée forte concernant l’information comme phénomène de base n’est apparue ou que les concepts seraient flous… à rendre la discipline « malade ».

Si l’on voulait résumer, au moins trois idées fortes et complémentaires se détacheraient : d’abord, l’information est liée à l’humain, elle est un artefact qui n’a pas d’existence autonome, autrement dit, elle n’existe qu’en sa présence et par son action. Mais, deuxième point, que l’on ne peut plus négliger dans le contexte social actuel, cette information naît de plus en plus de la relation entre l’homme et la technique, vecteur de la communication. Enfin, troisième et dernier point fort, puisqu’elle est de par sa nature communicable, l’information a son penchant relativement autonome : le document (au sens large). Dès lors, l’information serait le résultat d’une médiation (parfois technique) entre l’homme, producteur et bénéficiaire, et un contenu potentiellement signifiant et temporairement autonomisé.

Cette manière tripolaire d’envisager l’objet central d’étude nous permet d’identifier les problèmes clés de ce champ et de mieux comprendre ce qui peut faire le propre des sciences de l’information par rapport aux disciplines voisines et parfois fondatrices.

Les sciences de l’information s’intéressent donc à l’objet technique qui permet de transmettre l’information, non pas comme le ferait l’informaticien ou l’ingénieur principalement concerné par la performance immanente du dispositif, mais en tant que moyen de médiation performant. Autrement dit, l’objet technique est ici envisagé dans le cadre d’une relation avec l’homme et son étude acquiert d’emblée une portée ergonomique, certes, mais sociale également.

Faut-il pour autant conclure que toute recherche en sciences de l’information se doit de se focaliser directement sur l’humain ? Bien évidemment pas, une fois de plus, il ne faudrait pas confondre objet et approche. L’on peut très bien se concentrer sur la technique, sans avoir pour autant une vision techniciste. D’ailleurs, l’un des intérêts majeurs des sciences de l’information pourrait être justement cette préoccupation constante d’améliorer la technique, de réfléchir aux fonctionnalités et aux contraintes des outils, voire de proposer des solutions de fonctionnement concrètes (mais en même temps mieux adaptées aux cadres d’usage). Or, cet objectif immanent de développement technologique ferait que le voisinage avec les sciences dures (théoriques et appliquées) soit inévitable et profitable à la fois.

En même temps, les sciences de l’information se focalisent aussi sur l’humain qui se sert de l’objet technique, une fois de plus, non pas en soi, mais dans le cadre de la relation qui fonde la production et l’accès à l’information. L’appareillage du psychologue ou du sociologue, par exemple, est ici certes nécessaire, mais la vision serait, une fois de plus, différente.

Autre pôle, autre point d’ancrage, celui des documents (au sens large), ou de la matière informative de base. La synergie et les emprunts chez le linguiste, le sémiologue, le logicien, le philosophe, etc. sont certes nécessaires, mais le propre d’une approche informationnelle serait de garder un œil sur l’humain en tant que producteur et usager de ces documents. Ce qui implique aussi que, même lorsque l’objectif serait par exemple celui d’un traitement automatique, le chercheur se doit d’adopter un point de vue de passage, celui d’un traducteur qui met en relation la vision de l’humain avec celle de la machine. La première se doit de rester toujours prédominante, car, dès qu’on envisage la chaîne de l’information dans sa globalité, la deuxième n’est qu’un intermédiaire de plus.

Enfin, nous avons laissé en dernier, bien que, parmi tous les rapprochements possibles, ce soit le plus étroit et le plus synergique, celui avec les sciences de la communication. Il suffit d’éloigner le regard pour se rendre compte que la jonction des deux champs est – comme les pères fondateurs le soulignaient déjà (Escarpit, 1976 ; Meyriat, 2001) – bien plus qu’un simple arbitraire administratif. Si l’on accepte d’approcher l’information comme nous l’avons fait ci-dessus, il paraît évident que la science qui s’en occupe ne pourrait qu’être une science humaine et sociale. L’homme qui est à l’origine et à la fin du processus informationnel est un acteur social, la production et l’usage de l’information s’inscrivent dans des logiques sociales, le dispositif technique mis en place pour véhiculer l’information s’insère dans les cercles concentriques (privés, professionnels, etc.) d’un cadre social. Si l’on accepte donc qu’il n’y pas d’information figée, mais que toute information présuppose un processus informationnel qui ne peut être compris en dehors de son cadre (humain, technique, organisationnel, etc.), si l’on accepte que les diverses facettes de ce cadre sont intimement liées et que l’étude de l’information ne peut faire l’économie de cette interdépendance, l’intérêt d’une perspective communicationnelle apparaît comme indiscutable.

Pour conclure

Nous dirons que, si les sciences de l’information veulent mettre un terme à leur quête identitaire, elles auraient intérêt à ne pas chercher à définir leur propre par référence à un noyau de sujets isolés, mais par rapport à des problèmes globaux. L’identification des sous-champs et de leurs frontières se fera beaucoup plus aisément si un projet global parvenait ainsi à être esquissé (Jean-Paul Metzger fait d’ailleurs quelques suggestions à ce propos dans un texte récent – Metzger, 2002). Paradoxalement, l’héritage du passé n’est pas tellement handicapant : les préoccupations ont été certes diverses et peu harmonisées, mais, comme nous avons tenté de le montrer, elles ne sont pas irréconciliables.

Dès lors, cette synthèse critique adoptant une vision propice à l’identification des convergences (car elles existent) devient urgente afin de rendre visible l’ossature profonde qui permettrait l’émergence d’un projet d’ensemble. Les conséquences ne seraient pas seulement symboliques : la discipline serait certainement plus à l’aise avec elle-même et plus crédible aux yeux de la communauté, mais, surtout, la consolidation identitaire saurait orienter et dynamiser les recherches à venir.

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Auteur

Adrian Staii

.: Adrian Staii est maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Pierre Mendès France de Grenoble. Sa thèse de doctorat réalisée au Gresec porte sur la recherche d’information et la représentation des connaissances à base de traitement automatique de la langue. Journaliste de formation, il s’intéresse également à la socio-économie des médias et aux enjeux organisationnels des technologies numériques.