Lecture interactive : un document à niveau de détails réglable.
Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :
Bertier Marc, « Lecture interactive : un document à niveau de détails réglable.« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°02/1, 2001, p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2001/varia/00-lecture-interactive-un-document-a-niveau-de-details-reglable
En guise d’introduction
L’intérêt qui existe à proposer au lecteur d’un texte plusieurs niveaux d’approfondissement des thèmes traités, est difficilement contestable dans le cadre d’une lecture à visée informative. A contrario, pour ce qui des textes récréatifs, l’intérêt est a priori moindre, cependant peut-être la question mériterait-elle d’être envisagée, et j’ai d’ailleurs l’intuition que l’existence d’un outil adéquat susciterait rapidement des vocations de littérateurs d’un nouveau type.Le principal apport de la possibilité offerte au lecteur de règler le niveau de détails de sa lecture réside vraisemblablement dans une réduction du temps de lecture et ceci dans deux cas typiques au moins : un lecteur plus ou moins déjà expert du sujet abordé, appréciera de pouvoir se contenter de la seule évocation rapide des points bien connus de lui ; alors que dans un contexte de recherche d’information le lecteur pourra limiter sa lecture aux seuls passages éventuellement pertinents.
Mais peut-être le rédacteur pourrait-il, lui aussi, trouver un intérêt à cette forme de publication, celui de contrôler lui-même ce qui lui paraît utile de laisser figurer en cas de lecture rapide, de survol du document qu’il a produit.
La mise en page de certains documents est parfois conçue pour offrir explicitement plusieurs niveaux de lecture. Plusieurs exemples courants de mise en page permettant plusieurs niveaux de lecture peuvent être décrits :
Les courts volumes de poche de l’encyclopédie « Que sais-je ? » des Presses Universitaires de France utilisent très simplement une typographie en petits caractères pour les passages « à sauter en 1� lecture et à reprendre pour approfondir ».
Les éditions américaines « Sélection du Reader’s Digest » ont fondé leur succès sur la publication de versions courtes de romans publiés en version intégrale par ailleurs. A ma connaissance, le procédé mis en œuvre ne consiste pas à résumer, mais à couper des passages.
Dans la collection des « Classiques Larousse », on trouve certaines œuvres de la littérature française présentées sous forme d’extraits reliés par le résumé des parties coupées.
Enfin, il est un parti pris de mise en page que l’on rencontre fréquemment entre autres dans les magazines et en particulier dans les magazines de vulgarisation scientifique, qui consiste à présenter dans des encarts ou encadrés, certaines digressions, certains développements ou certains compléments à l’article auxquels ils sont liés.Par ailleurs, les lecteurs exercés aux techniques de lecture rapide, ont développé dans leur propre fonctionnement de lecteur, la possibilité de lire à deux niveaux, soit en survolant le texte, soit en en faisant une lecture attentive et exhaustive.
Malgré l’existence de ces pratiques anciennes, il n’en reste pas moins qu’à l’évidence, l’avènement du document électronique ouvre des perspectives nouvelles. Comme toujours en cas semblable, une partie seulement de ces nouvelles possibilités ne nous est aujourd’hui visible et d’autres possibilités apparaîtront, vraisemblablement, au fur et à mesure du développement et de l’évolution de l’usage des fonctionnalités offertes.A contrario et en tout état de cause, il ne faut cependant pas oublier que les gains apportés par le document électronique dans l’ergonomie de la lecture, s’accompagnent encore à l’heure actuelle, dans le cas où la lecture s’opère directement à l’écran, de très lourds handicaps liés plus ou moins directement à la techonologie matérielle mise en œuvre.
La revue électronique « Les enjeux »
Le cadre de la revue électronique du laboratoire GRESEC, « Les Enjeux de l’information et de la communication » m’a semblé une bonne opportunité pour tenter l’expérience d’une mise en oeuvre d’un mécanisme de lecture à l’écran, à un niveau d’approfondissement réglable par le lecteur. En effet, cette revue annuelle regroupe des textes académiques dans le domaine (ou reliés au domaine) de la sociologie de la communication. Le style rédactionnel soutenu des articles publiés se distingue à l’extrême de ce que l’on trouve le plus fréquemment sur le Web. En un mot, les articles sont conçus pour une lecture attentive et non pour un simple « butinage ». C’est dans le cadre restrictif de la lecture de tels documents (minoritaires sur le Web, mais dont la pertinence revendiquée est supérieure) que se place la présente tentative. Néanmoins, même si dans les articles de la revue, le texte prédomine largement on s’intéressera rapidement à la mise en oeuvre du principe sur des documents multimédia.
La présente tentative
La technologie des liens hypertextuels, abondamment utilisée en rédaction multimédia, permet aisément au rédacteur d’offrir l’accès à plusieurs niveaux d’approfondissement des thèmes qu’il aborde : dans la mesure où les hyperliens permettent la navigation entre pages de rédacteurs différents et de localisations éloignées, ils permettent a fortiori de passer d’une page présentant la version courte d’un thème, à une page offrant une version plus développée du même thème ou d’une partie de celui-ci. Le mécanisme peut être reproduit à plusieurs niveaux et pourrait sembler réaliser le fonctionnement souhaité. Mais on imagine intuitivement et/ou on expérimente facilement et fréquemment que le va-et-vient de pages perturbe de manière inacceptable, la continuité de la lecture à l’écran. Plus précisément à chaque fois que l’on suivra un lien, le texte détaillé appelé sera visualisé à l’écran, soit en remplacement du texte courant, soit dans une nouvelle fenêtre. Les habitués de la navigation sur l’Internet connaissent bien les deux déroulements… et les désagréments qui en découlent : disparition de la version courante du texte dans un cas, empilement gênant de fenêtres dans l’autre.On décrit ici et on expérimentera deux variantes d’un mécanisme offrant au lecteur la même capacité. Il s’agit de la possibilité pour le lecteur de gérer par lui-même les multiples niveaux de lecture prévus par le rédacteur/concepteur du document. L’expérimentation permettra de valider ou d’invalider le principe en observant si ils réduisent significativement ou non l’inconvénient d’un déroulement haché de la lecture que la technique d’appels de pages provoque inévitablement : le délai le plus souvent au moins significatif qui s’écoule entre l’appel et l’affichage d’une page, me semble démontrer la faible adéquation du mécanisme à la fonction voulue.
Le principe proposé ici consiste à offrir en permanence une version « séquentiellement complète » du texte. Autrement dit, à tout instant, le texte de la page Web recouvre la totalité du sujet de l’article (« de A jusqu’à Z »), mais à un niveau de détail qui peut varier d’un bout du texte à l’autre. Bien entendu, la version courante du texte dépassera le plus souvent la taille de l’écran d’affichage, et l’on devra recourir classiquement à une fonction de déroulement.
Dans l’énoncé qui précède, certains auront peut-être vu le retour à un principe rétrograde (ou du moins son maintien) : celui de la permanence/persistance d’une réalisation « linéaire » du texte, structure linéaire que le multimédia permettrait techniquement de dépasser. Effectivement dans ma première tentative sur ce thème, il était important de ne pas modifier sur plusieurs points en même temps, les habitudes du lecteur, pour mieux en cerner les effets.
A propos de l’observation des lecteurs et des mécanismes mentaux qu’ils mettent en oeuvre, j’ai eu l’occasion de discuter de la présente tentative avec Maria-Caterina Manes-Gallo, psychologue cogniticienne dans l’équipe. Celle-ci a décelé une analogie entre la personnalisation de la version du texte à l’écran et le processus cognitif d’appropriation d’un texte par un lecteur (élaboration mentale de sa propre version du texte).
Pour mémoire
Une autre fonctionnalité de mise en œuvre plus aisée et plus fréquente, est à citer ici pour sa complémentarité avec la présente proposition. La technique des « pop-up windows », traduite par Brétancourt et Caro (de l’Inri Rhône-Alpes) par le joli néologisme d' »escamot », est aussi connue comme « bulle » de commentaire ou d’annotation. La technique consiste à faire apparaître lors du survol d’une partie du document par le curseur de la souris, une zone de texte additif.
On voit que l’esprit d’amélioration de l’ergonomie de la lecture à l’écran, rejoint tout à fait celui qui guide le présent article. Et effectivement l’utilisation des escamots pourrait permettre d’offrir une lecture à deux niveaux d’approfondissement. Mais l’usage me paraît devoir être distingué de ce qui est envisagé ici. En effet l’imbrication d’escamots pour augmenter le nombre de niveaux, risquerait de réintroduire une certaine confusion dans l’esprit du lecteur. Le cas où l’escamot est parfaitement adapté est celui d’un apport d’information complémentaire ponctuel, comme le contenu d’une parenthèse ou d’une note de bas de page. Le passage du niveau d’approfondissement courant à un niveau de détail plus fouillé offre une fonction réellement différente.
Pour conclure (temporairement)
La présente version de ce document expérimental est très frustre et doit être révisée. Si néanmoins vous avez été intéressé par cette première tentative merci de la faire connaître autour de vous.
Peut-être souhaitez-vous donner votre avis suite à la lecture (?) ou à l’exploration (?) ou à l’expérimentation (?) de cet article. En particulier, peut-être voulez-vous vous exprimer quant à l’intérêt ou l’absence d’intérêt de l’idée, son originalité, l’ergonomie de la présente mise en oeuvre.
Merci de le faire à l’adresse électronique de l’auteur :
marc.bertier@univ-grenoble-alpes.fr
Pour ma part cette tentative, aussi « rustique » soit-elle, m’a d’ores et déjà fait entrevoir une foule de remarques, de sujets de réflexion, de questions, d’améliorations, voire de développements à envisager. En particulier, la seule utilisation par un rédacteur, de la technique utilisée ici, est d’une grandeur lourdeur et demandera si l’idée s’avère le mériter, la mise au point d’un outil d’aide à la production de textes à niveau de détails règlable (à suivre… ?).
Auteur
Marc Bertier
.: Université Stendhal-Grenoble 3 -Laboratoire GRESEC – Equipe CRISTAL