-

Histoires et filiations du terme ‘weblog’ (1992-2003). Perspectives pour penser l’histoire de certaines pratiques sociales sur le web

15 Avr, 2010

Résumé

Ce texte propose les premiers résultats d’une recherche sur l’histoire de la nomination de l’objet ‘weblog’ et sur la circulation initiale du terme (1992-2003) qui fonde progressivement une pratique sociale spécifique. L’analyse des filiations antérieures de cette pratique, des acteurs qui l’ont nommée, de ceux qui l’ont promue et défendue, fait apparaître des luttes discursives entre acteurs. Cela nous amène à proposer une piste de recherche particulière centrée autour du concept de ‘dialogisme stratégique’, inspiré des travaux de Moirand (2007) et de Bakhtine (Todorov, 1981), lequel permettrait de penser les pratiques sociales sur le web dans une démarche socio-historique.

In English

Abstract

This text highlights the first results obtain from a research about the history of the term ‘weblogs’ and its first circulation (1992-2003), which progressively constructs a specific social practice. The analysis of the previous filiations of this practice, of those who name it, promoted and defended it, shows discursive conflicts between actors. It leads us to offer a lane of particular research centred on the concept of ‘strategical dialogisme’, inspired by Moirand (2007) and Bakhtine (Todorov, 1981). This concept permits to perceive these social practices onto the web in a socio-historical perspective.

En Español

Resumen

Este texto propone los primeros resultados de una búsqueda sobre la historia del nombramiento del objeto ‘weblog’ y de la circulación inicial del término (1992-2003) que funda progresivamente una práctica social específica. El análisis de las filiaciones anteriores de esta práctica, actores que lo nombraron, de los que lo promovieron y defendieron, poniendo de manifiesto las luchas discursivas entre actores. Esto nos permite proponer una pista de búsqueda particular centrada alrededor del concepto de ‘dialogisme estratégico’, inspirado de los trabajos de Moirand (2007) y de Bakhtine (Todorov, 1981), el cual permitiría pensar en las prácticas sociales sobre el red en un paso socio-histórico.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Le Cam Florence, « Histoires et filiations du terme ‘weblog’ (1992-2003). Perspectives pour penser l’histoire de certaines pratiques sociales sur le web », Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°11/1, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2010/varia/07-histoires-et-filiations-du-terme-weblog-1992-2003-perspectives-pour-penser-lhistoire-de-certaines-pratiques-sociales-sur-le-web

Introduction

Le fil directeur de cette recherche repose sur un questionnement transversal : par quels processus, par quels jeux d’acteurs et quelles stratégies linguistiques et pratiques, une modalité de communication d’information acquiert-elle une étiquette, et ce faisant, une définition (ou plusieurs d’ailleurs), tout en augurant une circulation du terme qui construise  et pérennise cette pratique sociale. Il s’agit ici de réaliser une histoire de certains espaces signifiants du web (ici, l’objet ‘blog’ (Le Cam, 2008a) et dans un autre projet (Le Cam, 2008b) l’objet ‘journalisme citoyen’) et de s’attarder sur le processus d’étiquetage, donc de nomination de ces pratiques par les acteurs du web (repérer les lieux d’émergence du terme dans les discours, les acteurs qui l’ont fait circuler,  qui s’en sont appropriés la paternité ou qui l’ont popularisé).
Ce texte (1) propose un premier décryptage des mécanismes qui mènent à la constitution d’un terme définitoire d’une pratique de communication, en l’occurrence le mot ‘weblog’ ou ‘blog’ et de voir comment un mot en changeant de locuteurs prend des « colorations sémantiques nouvelles  » et perd en route une certaine partie de son sens originel pour s’en construire d’autres (Moirand, 2007). L’analyse est centrée sur l’histoire du terme depuis le début des années 1990 en Amérique du Nord et jusqu’en 2003, date de la popularisation massive du phénomène des ‘weblogs’ (Jeanne-Perrier, et al, 2005).
Cette analyse du processus d’étiquetage d’une pratique sociale de publication est confrontée à une recherche tâtonnante sur les traces des discours et des actions des acteurs. Or, ce tâtonnement pose des problèmes de différents ordres :

  1. retrouver l’émergence du mot-événement (au sens d’Alice Krieg-Planque, 1996),
  2. retrouver les sources de cette émergence,
  3. repérer les multiples influences de ces sources,
  4. repérer dans le temps et dans l’espace (au sens de la position des acteurs) l’émergence de ce terme.

Cette perspective ne se limite donc pas à l’émergence des mots-événements. Il faut ensuite concevoir la circulation du terme, ses changements de sens, voire ses changements terminologiques.
Ce texte s’organise en plusieurs temps. Le premier temps présente le fruit d’une première étape de la recherche, incomplète de fait puisque, nous le verrons dans la présentation de la méthodologie, il se base sur un corpus limité et restreint aux observateurs et commentateurs du milieu journalistique (en l’occurrence l’analyse de la Online Journalism Review). Cependant, cette démarche permet de proposer une première série d’analyses autour du processus d’étiquetage, ou de l’acte de nomination de l’objet ‘Weblog’, des filières ‘originelles’ de la pratique du blogging, et enfin des stratégies de mise en visibilité et de légitimation de la pratique et de la nomination. Ce texte énonce ensuite quelques perspectives théoriques. Celles-ci proposent de penser l’histoire de cette pratique sociale en mettant l’accent sur les stratégies discursives (Simunic, 2004 ; Le Cam, 2005), et en les liant au principe dialogique de Bakhtine, afin de montrer que « chaque discours entre en dialogue avec les discours antérieurs tenus sur le même sujet, ainsi qu’avec les discours à venir, dont il pressent et prévient les interactions  » (Todorov, 1981, p.8).

Choix méthodologiques

Ce projet de recherche entend donc analyser l’émergence de la notion de ‘Weblog’, des acteurs qui l’ont fait circuler, qui se sont réapproprié le terme, donc de la circulation du terme, qui a mené à sa construction puis à sa popularisation. L’analyse ne doit pas se cantonner aux traces discursives issues des textes et du support web lui-même, mais doit aussi être poursuivie par le décryptage des pratiques des acteurs, afin de voir comment les ‘premiers’ animateurs de cette pratique sociale ont mis en forme et en mots leurs écrits, comment ils ont imaginé leurs publics, interagi avec eux et défini leurs propres pratiques.

Méthodologiquement, il s’agit, dans un premier temps, de chercher des instants discursifs qui permettront de « s’appuyer toujours sur des marques formelles identifiables pour repérer les points de surgissement des objets de discours dans un texte ainsi que leurs transformations au fil du discours  » (référence à Sitri, in Moirand, 2007, p.59).

Une première étape de la recherche a constitué à repérer des ‘portes d’entrée’ qui permettent d’accéder à l’une ou l’autre forme de discours autour de l’histoire du ‘phénomène des weblogs’. Pour débuter, une première recherche simple a été réalisée par le moteur de recherche Google en indiquant comme mots clés : History of Weblogs (of Blogs)/The first weblog. Plusieurs textes indigènes ont été repérés (Bailey, 2003 ; Blood, 2000 ; Caraher, 2008 ; Rosenberg, 1999 ; Wang, 1999 ; Winer, 2001). La lecture de ces textes s’est accompagnée d’un suivi systématique des liens hypertextes proposés et des mots référents, des expériences présentées, des acteurs mentionnés qui donnent des pistes sur les situations et acteurs antérieurs. Cette approche est une démarche qualifiée par ailleurs de ‘saute-moutons’ (Le Cam, 2005) ou encore de sérendipité, au sens pratique de suivi des liens hypertextuels proposés à la navigation par les animateurs de sites. Cette progression par liens hypertextuels est souvent de nature intuitive, puisqu’elle permet d’ouvrir et de fermer des chemins de ‘découverte’ des espaces liés au et liant le texte initial.
La seconde étape de la recherche s’est concentrée sur un espace particulier de production de discours, la revue Online Journalism Review. Le choix est évidemment sélectif puisqu’il concerne avant tout des discours issus ou destinés au milieu journalistique (et non pas de celui des programmateurs ou des collectifs d’internautes, etc.). La Online Journalism Review (OJR) est un espace de production d’articles de veille sur les nouvelles technologies et le rapport aux médias de façon générale, produit par l’Annenberg School for Communication de The University of Southern California. Cette revue, en ligne depuis 1998, propose à la lecture des textes d’analyse d’observateurs, issus, pour la plupart, du ‘milieu’, au sens large, du journalisme en ligne. Il s’agit donc d’un espace de productions de discours indigènes, mais réflexifs sur les pratiques.
La recherche du terme ‘Weblogs’ dans le moteur de l’OJR, sur la période 1998-2008, donne 190 occurrences. Sur ce total, 180 articles sont antérieurs à 2003. L’explication est simple puisque le terme de ‘weblog’ va, à partir de cette date, être contracté en ‘Blog’. Ce dernier terme révèle 837 articles, avec un pic des occurrences après 2004 que l’on peut relier à la forte médiatisation du phénomène dans les médias américains et à la création exponentielle de ces espaces de publication sur le web. Le corpus actuel de la recherche comprend au final 180 articles tous antérieurs à janvier 2004 (voir Annexes, graphique 1). Le premier texte retrouvé est daté de 2001. Ce corpus est construit pour repérer, après les premières expériences de blogging retrouvées dans les textes d’histoire du phénomène, les acteurs et les stratégies d’appropriation du phénomène. L’analyse de la production discursive de ces espaces vise, dans un premier temps, à identifier le moment-clé de l’émergence de l’étiquette ‘Weblog/Blog’ et à en dégager ses origines et les lieux de ses premières expérimentations.
Evidemment, plusieurs difficultés se posent. Tout d’abord, les modalités qui permettent de retracer les discours sur un support non permanent freinent considérablement la progression de la recherche (même s’il existe des outils tels que Internet Archives). Retracer les acteurs et surtout leurs discours, leurs trajectoires, leurs stratégies pensées et mises en œuvre doit nous encourager à veiller aux prismes des discours, aux ‘déformations’, liés notamment à la prédominance des figures influentes, à leurs anticipations ainsi qu’à leurs silences. De plus, la porte d’entrée choisie, l’OJR, biaise fortement l’analyse des traces discursives produite. Cette revue agit comme miroir déformant. Issue et destinée au milieu journalistique, elle sur-représente l’importance de ces acteurs dans le développement du phénomène des ‘weblogs’, puisqu’en tant qu’observateurs-savants ou praticiens, ils ont eux-mêmes des stratégies de positionnements particulières. Les journalistes et les défenseurs du journalisme ou du changement dans le journalisme ont tout intérêt à s’approprier le phénomène et à le montrer comme partie intégrante du journalisme, en excluant ainsi toutes les autres tentatives de domaines congruents notamment les weblogs personnels ou spécialisés dans d’autres domaines que l’information d’actualité. Les discours retrouvés sur le phénomène le renvoient régulièrement au journalisme, alors que les études de cas, les exemples donnés montrent au contraire sa diversité et son rapport plus ou moins éloigné, par nature, avec le journalisme. Il s’agit clairement dans les discours du corpus de s’approprier, dans ces années-là (1999-2001) un phénomène que certains ne veulent pas laisser échapper.
Cette période de 1992 à 2003 et les pistes que nous présentons seront éclairées, dans une phase ultérieure, par les entretiens qualitatifs menés auprès de personnalités repérées afin de conjuguer les traces des stratégies issues des textes et des actions, avec ce que les acteurs pourront en dire et notamment avec leurs intentions. Cette période nécessitera aussi d’être contextualisée par une analyse des représentations plus générales que le web véhicule à partir du début des années 1990. Certaines idéologies fortes liées à la communauté, à l’hypertextualité, à la contre-culture et à l’amateurisme ancrent notre analyse dans un contexte bien spécifique, lié à une situation particulière notamment territoriale, les Etats-Unis, qu’il faut intégrer dans l’analyse, afin de pouvoir poursuivre la recherche sur la circulation du terme en-dehors de l’Amérique du Nord.

Histoire courte du processus d’étiquetage et de circulation initiale du terme ‘weblog’

La pratique de l’étiquetage ou l’acte de nomination postérieur

Les discours analysés sont consensuels sur la ‘paternité’ du nom. Il semblerait donc que le terme de weblog ait été créé par Jorn Barger, en décembre 1997. Ce personnage a, à cette époque, une très forte visibilité dans le petit monde du web (Blood, 2000). En 1997, il qualifie ainsi son site : « Jorn’s WebLog which offers daily updates on the best of the Web– news etc, plus new pages on this site « (2) (voir Annexes, capture 5, Robot Wisdom WebLog). Excentrique, Jorn Barger, né en 1953, est aussi controversé pour certains textes, emprunts d’antisémitisme. Spécialiste de James Joyce et surtout expert en intelligence artificielle, il est éditeur du site Robot Wisdom qui s’est spécialisé dans la psychologie cybernétique. Le terme va connaître un franc succès et être repris pas un certain nombre d’acteurs, qui vont progressivement adopter le terme et le diffuser. Ce terme de WebLog a un rapport direct avec la pratique sociale des premiers ‘blogueurs’. L’expression désigne l’action de rendre compte de la Toile, de se connecter à celle-ci. Le terme va être progressivement transformé en wee-blog (Blood, 2000), pour être raccourci rapidement par ‘blog’, les auteurs étant alors qualifiés de ‘blogger’. Cette contraction du terme est intéressante puisqu’elle gomme la référence au web et semble naturaliser la pratique.

L’étiquetage de la pratique semble donc, dans les discours, relativement peu équivoque. Ce terme s’est diffusé et continue à recouvrir une existence spécifique, qui amène dix ans plus tard à parler du phénomène en usant de la même étiquette. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer ce processus d’étiquetage :

  1. la pertinence pragmatique du terme : to log the web, convenait très bien du point de vue descriptif aux pratiques des premières formes de pages TBL et des auteurs qui veillaient à ce qui était nouveau sur le web.
  2. le statut symbolique important de l’auteur de l’étiquette. Malgré sa personnalité controversée, Jorn Barger est une figure centrale du web de l’époque.
  3. la circulation du terme. Même si la circulation lui change peu à peu son sens originel, la nomination de la pratique la fait exister, et la reprise du terme permet d’identifier une pratique spécifique et de lui donner une certaine autonomie par rapport aux autres pratiques sur le web.
  4. un ensemble de stratégies de mise en visibilité et de légitimation de la pratique vont accompagner la diffusion du terme et lui donner une assise importante.

L’analyse des discours sur le terme fait apparaître une stratégie d’appropriation à rebours. En effet, les premiers sites sur le web vont être, postérieurement, étiquetés de weblogs par certains acteurs ce qui permet une extension de l’étiquette à des formes antérieures et donne au terme utilisé (weblog) une filiation avec des pratiques initiales de mise en ligne sur le web et ce faisant, lui assure un certain monopole. La dissémination du nom permet l’intégration de pratiques antérieures dans l’univers alors plus récent du weblog, afin de lui conférer une crédibilité, même si celle-ci va mettre de longs mois à advenir. A titre d’exemple, Cameron Barrett, un acteur important du web de la fin des années 1990, explique ainsi en 1999 : « A few months back, I heard the term weblog for the first time. I’m not sure who coined it or where it came from, so I can’t properly credit it  » (Barrett, 1999).

Cependant, ce consensus sur la paternité du nom semble le seul point de concorde des discours sur les origines. Car, par ailleurs, un ensemble de filières distinctes se dispute les origines de la pratique.

Les filières ‘originelles’ de la pratique du blogging

L’ensemble des discours issus du corpus ne favorise pas une présentation claire des origines de la pratique du blogging. Celles-ci sont floues car au final, elles sont revendiquées, dans les discours, par des acteurs d’horizons différents qui tous s’approprient le phénomène a posteriori par la mise en scène de leurs propres domaines de compétences et de leurs expériences personnelles ou collectives.
La première ambiguïté porte sur le milieu originel des premières pratiques de blogging. Les origines sont revendiquées de manière différenciée selon les points de vue et les positions stratégiques des acteurs. Les weblogs seraient issus des pratiques du milieu informatique (Blood, 2000 ; Winer, 2001), d’acteurs journalistiques (Lasica, 2001) ou encore de la filiation des pages personnelles et autres productions de l’intime en ligne. Ces origines constituent des filières spécifiques et parfois transversales.

La filière informatique ?

Un premier ensemble de discours associe le phénomène des weblogs à la filière informatique et notamment à celle des newsgroups modérés, de Usenet, et du web Pré-http. Une analogie est faite entre les weblogs et certaines pratiques d’acteurs de newsgroups tels que Brian E. Redman. Cet animateur du newsgroup ‘Mod.ber’ mettait à jour son espace en proposant à la lecture des sommaires d’envois intéressants, mis en ligne par d’autres dans des espaces divers de publication présents sur l’internet. Jorn Barger, un acteur important sur Net, dont nous allons reparler par la suite, appuie cette perspective :  « Even before there was a Web, tens of thousands of us lived on the Net, via mailing lists and newsgroups.  Which meant that the Net was what we thought about all day, when we had the freedom– the debates, the flamewars, the new friends, the opportunities for self-expression  » (Rhodes, 1999). Un autre rapport de ressemblance est établi entre les weblogs et les sites intitulés What’s New, créés par des informaticiens ou des férus d’informatique qui assuraient, dans ces espaces, une forme de veille informationnelle des nouveautés apparaissant sur la Toile (ce qui, à cette époque, était encore envisageable). En ce sens pour Dave Winer, journaliste reconnu du milieu, le premier weblog était le premier site web (http://info.cern.ch/), (voir Annexes, capture 1 Tim Berners-Lee) donc le site de Tim Berners-Lee au CERN (Winer, 2001). Cette page baptisée page TBL (des initiales de son créateur) mettait des liens vers tous les nouveaux sites qui apparaissaient en ligne. Or, Berners-Lee en ‘inventant’ le web se pose aussi comme une figure incontestable et forte de la production de contenu (quel qu’il soit) pour le web. Et la distinction entre hommage et réalité de la pratique du blogging est plutôt floue. Il faut aussi noter le processus de nomination de ces pages en rapport avec une certaine forme d’actualité. Cette étiquette ‘What’s new ?’, tout en n’apparaissant pas directement reliée à une pratique journalistique, n’en dénote pas moins une référence à une temporalité journalistique. Dans de nombreux discours, la page TBL est donc identifiée comme la première forme de weblog, au sens d’un pré-blog qui annonce la forme à venir. Cette page va d’ailleurs être reproduite et adoptée par différents acteurs. La NCSA va créer sa page What’s new, pour ensuite laisser la vedette à celle de Netscape qui était selon Dave Winer, le « big blog  » de la Toile entre 1993 et 1996 (voir Annexes, capture 2, What’s New, Netscape).

La filière journalistique ?

D’autres discours ramènent fortement l’origine de la pratique du weblog à des activités journalistiques, de veille et de commentaires des évolutions des nouvelles technologies, liées de près ou de loin aux médias traditionnels. Ainsi le premier weblog connu, si l’on prend le corpus de l’OJR et les analyses plus médiatiques que techniques, font apparaître que le premier weblog serait celui, justement, de Dave Winer, dont le site a été créé en 1997 (Lasica, 2001). Ce weblog titré « Scripting news  » (voir Annexes, capture 3, Scripting News) a été qualifié a posteriori de weblog, un weblog sur la technologie, le business et sur les autres weblogs. L’appropriation par les journalistes de ce support et de cette forme de communication revêt une importance non négligeable dans le développement du phénomène dans ses premières années. Ainsi, certains journalistes se sont très tôt intéressés au phénomène. Qu’ils proviennent du milieu informatique de l’époque ou bien de la spécialisation ‘Nouvelles technologies’ alors à la mode dans les médias traditionnels, ces journalistes ont non seulement couvert les prémices de ces pratiques sociales de communication mais ont aussi, pour un certain nombre d’entre eux, utilisé le support pour diffuser leurs propres écrits dans le cadre de weblogs indépendants ou bien de weblogs hébergés sur le site de leur média traditionnel (voir ci-après  parag.2.3 Les stratégies de légitimation).

La filière de l’intime ?

Le phénomène des weblogs est présenté par d’autres discours indigènes dans la droite ligne de la pratique du journal intime en ligne, et des pages personnelles permettant l’expression de soi par des internautes de tout horizon. Ainsi pour Wikipédia, et l’explication anglophone du terme ‘blog’, Justin Hall (voir Annexes, capture 4, Justin Hall), alors étudiant au Swarthmore College, et journaliste, est « généralement reconnu  » comme un des premiers blogueurs (dont le site daterait de 1994) (Wikipédia, 2007). La forme moderne du weblog serait issue de la pratique du journal intime : « The modern blog evolved from the online diary  » (Wikipédia, 2007). Cette représentation de l’origine du weblog est relativement diffuse dans le corpus, et renvoie à une appropriation massive de la forme ‘weblog’ par un ensemble d’internautes qui, depuis de nombreuses années, publiaient dans des espaces personnels ou collectifs des textes intimes à destination d’un public d’internautes.

D’autres discours laissent cependant entrevoir une conception, encore différente, qui place le weblog comme une forme en constante évolution, se nourrissant progressivement des évolutions du web et des pratiques des internautes. Le weblog n’aurait donc jamais été réellement inventé comme tel : « You might imagine weblogs were never really invented, instead evolving from earlier species dating…  » (Cavanaugh, 2002). La forme des sites des années 1992 à 1997 est d’ailleurs révélatrice. Que les sites soient issus des milieux informatique, journalistique ou personnel, ils montrent déjà un ensemble de conventions, de normes de mises en page, avec publication de courts textes agrémentés de liens hypertextes, publiés par ordre chronologique inversé. Seuls les espaces de commentaires manquent à cette époque. Les autres critères de la forme éditoriale du weblog, tel qu’il sera par la suite défini à partir des années 2001-2002, sont déjà présents dans les espaces de publication de la fin des années 1990, qu’ils se présentent ou non et se revendiquent ou pas comme des weblogs.

Les stratégies de mise en visibilité et de légitimation

Passées les premières formes de sites et la nomination de la pratique, même si la nomination est encore confidentielle pendant quelques années, des stratégies de mise en visibilité et de légitimation de la pratique, explicites, vont voir le jour principalement à partir de 1999. Des stratégies de captation du phénomène et une certaine volonté de le faire exister vont émerger d’au moins trois espaces que l’on retrouve d’ailleurs dans la quête des origines. Le monde des techniciens et des ingénieurs va créer des listes de ‘weblogs’. Parallèlement, un ensemble de développements de logiciels, de plates-formes vont être à l’œuvre à cette époque. Simultanément, différentes définitions vont être posées de la pratique, et la reconnaissance par le milieu journalistique va, sans nul doute, contribuer à cadrer et à promouvoir la pratique du blogging.

La constitution de listes de weblogs

Le weblog va être pris en main par les techniciens/designers web pour construire progressivement une certaine idée de la communauté des blogueurs et une pratique plus systématique de la veille d’informations spécialisées. Des personnages vont se construire des rôles structurants en se positionnant comme les catalyseurs de la mise en scène du phénomène. Une première initiative va venir de Jesse James Garrett, éditeur de Infosift, qui va compiler progressivement des sites qu’il dit ‘ressembler au sien’ (voir Annexes, capture 6, JJG.net). Il envoie cette liste en novembre 1998 à Cameron Barrett, autre personnage important du web de cette époque, qui commence lui aussi une liste en 1999, sur son site Camworld (voir Annexes, Capture 7, Camworld). La liste de Garrett contient 23 weblogs début 1999. C’est pour cela d’ailleurs que l’on chiffre le nombre de weblogs à une vingtaine à cette époque et que ce chiffre est à présent repris dans différentes recherches universitaires, bien qu’il masque évidemment une partie importante du phénomène (Barrett, 1999b). Il ne faut en effet pas perdre de vue que ce chiffre ne représente qu’une perception particulière du phénomène, par des acteurs aux statuts et aux représentations de la pratique, spécifiques (Barrett, 1999). La liste de Cameron va devenir si importante, qu’il va finir par ne lister que les weblogs qu’il lit lui-même à partir de 2001. D’autres blogueurs vont faire de même, et créer ainsi une des caractéristiques postérieures des weblogs : la liste de sites amis (autrement appelée blogroll) et qui permet aux animateurs de weblogs de se lier les uns les autres, en mettant en scène leurs affinités dans des espaces structurés de liens hypertextes sur leurs pages d’accueil.
D’autres initiatives plus larges vont voir le jour. Brigitte Eaton va ainsi compiler tous les weblogs de sa connaissance et construire le ‘EatonWeb Portal’. Pour faire partie de cette liste, Brigitte Eaton pose un critère simple : que le site soit composé d’entrées datées (dated entries) (voir Annexes, capture 8, EatonWeb Portal). Ces listes contribuent évidemment à lier les acteurs réalisant ces formes de sites. Elles encouragent une visibilité entre acteurs mais aussi une visibilité pour les autres internautes. Les listes permettent, visuellement, de se rendre compte de l’expansion du phénomène. Ainsi, à titre d’exemple, le EatonWeb Portal recense 1285 weblogs en septembre 2000, 2806 en février 2001, 8130 en novembre 2002, 15334 en décembre 2003.

L’expansion grâce à la filière technique

Sans entrer dans le détail de la création des outils de mise en ligne, il faut mentionner l’importance fondamentale du développement de plates-formes gratuites et faciles d’utilisation dans l’expansion du phénomène. En juillet 1999, la première solution gratuite de production d’un contenu en ligne sous la forme weblog va être créée : il s’agit de Pitas (voir Annexes, capture 9, Pitas.com). D’autres acteurs vont alors se succéder. Ce sont des acteurs comme Blogger (voir Annexes, capture 10, Blogger), Groksoup, ou LiveJournal qui stimulent le phénomène (Lasica, 2001). On leur doit une mise en scène moins technique et structurée autour de quelques phrases et surtout de liens hypertextes. Ainsi, une forme nouvelle de weblog s’affirme à partir de ces créations : le short-form journal. Ces weblogs souvent mis à jour quotidiennement sont centrés sur les pensées du blogueur : une information à retenir de leur journée de travail, des notes pour le week-end, des courtes réflexions. Les liens vont se spécifier : ils mènent vers d’autres sites de blogueurs avec lesquels l’auteur du short-form journal a une « conversation », ou qu’il a rencontrés il y a peu, ou vers le site d’un groupe de musique qu’il a pu voir jouer la veille, etc. Des groupes de blogueurs se forment alors, par affinités. La plate-forme Blogger contribue à cela : car les autres plates-formes imposaient des entrées obligatoires, notamment le lien hypertexte et une case de commentaires. Blogger offre des espaces plus libres dans lesquels les blogueurs peuvent publier ce qu’ils souhaitent (Lasica, 2001).

Ce développement des plates-formes engendre deux formes de discours :

  1. un discours de dénaturation de la pratique originelle du weblog. Les animateurs de weblogs plus intimes étant discrédités par les pairs plus ‘spécialisés’ ou se pensant comme experts. Une lutte symbolique émerge donc entre les weblogs dits spécialisés et les weblogs intimes.
  2. un discours enthousiaste de démocratisation de la publication sur le web, qui offre à « tous  » la possibilité de s’exprimer, de créer une communauté, de se mettre en lien, etc.

La reconnaissance par la définition progressive de la pratique

Les définitions du weblog vont progressivement se transformer entre 1999 et 2001. En 1999, Cameron Barrett, de la liste Camworld, propose une définition particulière reposant sur une définition du weblog, comme ‘petit site web’, habituellement produit par une seule personne qui met à jour, de façon régulière son contenu et qui s’appuie sur un nombre de visites élevées et répétées des mêmes internautes (Barrett, 1999). Ces sites sont à l’époque réputés pour être produits par des personnes intéressées au design web ou experts en compétences techniques et initiés de fait au domaine (Battey, 1999).  C’est le temps 1 du phénomène pour certains. Rebecca Blood (2000), à qui l’on doit un texte d’histoire du phénomène, estime que les premiers weblogs étaient des ‘sites de liens’ (link-driven sites). Un mixte de liens, de commentaires, et de pensées personnelles. Les weblogs ne pouvaient donc être réalisés que par des gens qui savaient réaliser un site.
Cependant, très rapidement, les revendications dans les discours, de filiation forte avec le journalisme alternatif ou la tradition des fanzines américains, font émerger d’autres définitions. JD Lasica, commentateur du web et du phénomène des weblogs, résume, dans un article de 2001, la définition de la pratique à une volonté claire de contrer les médias traditionnels, « supplanting the mainstream media as a source of news, information and insight  » (Lasica, 2001 et 2002, 14/08). Car les weblogs ont poursuivi pendant un certain temps l’optique du temps 1 et donc de la veille des nouveautés de la toile. L’idée était, semble-t-il, de filtrer des informations publiées sur le web pour les lecteurs. Et le filtre se faisait d’ailleurs souvent au détriment des informations plus officielles, plus institutionnelles, en-dehors parfois des circuits médiatiques. Ce qui permettait aux blogueurs d’afficher déjà une expertise et un point de vue, selon eux, alternatif (Blood, 2000).
En 2002, un nouveau terme va émerger pour définir la pratique du weblog, le « grassroots movement  » qui va associer le ‘blogging’ à la pratique amateure du journalisme : « Weblogging will drive a powerful new form of amateur journalism as millions of Net users – young people especially – take on the role of columnist, reporter, analyst and publisher … » (Lasica, 2002). Une autre expression, celle de ‘Personal media’ va aussi être largement utilisée pour désigner les weblogs.

La reconnaissance par le milieu médiatique, en miroir de l’actualité internationale

Cette visibilité et les tentatives de définition de la pratique concourent à la reconnaissance progressive mais décisive par certains médias traditionnels et des journalistes indépendants. Des événements internationaux imposent aussi la forme ‘weblog’ dans le paysage de la production d’information.
L’une des premières formes de reconnaissance émane de la couverture du phénomène par un chroniqueur spécialisé dans les nouvelles technologies et reconnu dans le milieu médiatique et informatique. Jusqu’en 1999, les weblogs évoluent dans une certaine ‘obscurité’. La médiatisation de la pratique leur donne une certaine légitimité. Dan Gillmor, un chroniqueur techno respecté va créer son propre weblog, appelé eJournal, un weblog hébergé sur le site web du journal, le San Jose Mercury News. Ce weblog est créé lors d’un déplacement professionnel du journaliste à Hong Kong, et le journaliste va même utiliser une fonction peu usitée à l’époque : la publication de photographies prises lors de son déplacement (Battey, 1999). La légitimité va donc venir de l’extérieur, notamment des médias qui vont prendre en main le phénomène et commencer à produire des articles, comme pour le New York Times, ou même proposer des weblogs à destination de leurs lectorats. L’on verra ainsi le Guardian, journal britannique, proposer l’un des premiers weblogs sur l’information internationale.
Des journalistes indépendants vont devenir des figures mythiques du phénomène. Tom Mangan, Romenesko, Andrew Sullivan et Matt Drudge se posent rapidement en tant que personnages centraux qui produisent des sites sur le journalisme, ou des sites d’information d’actualité qui contribuent à l’essaimage du phénomène. Les stratégies discursives vont être nombreuses autour de la protection juridique des blogueurs (Richard, 2002), mais surtout du caractère journalistique ou non de la pratique du weblog. Dès le départ, les discours entretiennent un flou caractéristique entre les pratiques de veilles d’informations spécialisées et les pratiques de production d’information. Ce flou a pu advenir en raison de l’importante présence des journalistes spécialisés dans les nouvelles technologies avant 1999, mais il est aussi issu de la réappropriation symbolique forte du phénomène par les journalistes et les médias à partir de 2001 et finalement encouragé par les événements internationaux au cours desquels les internautes vont prendre position et avoir envie de le diffuser, hors des circuits traditionnels.

Une seconde forme publique de reconnaissance va donc venir d’un ensemble d’événements-repères de l’actualité internationale. En effet, le développement du nombre de weblogs et sa forte médiatisation correspondent à ce qui est appelé le ‘choc informationnel’ des attentats du 11 septembre 2001. Ces weblogs vont être tout d’abord qualifiés de ‘blogs of war’, la guerre faisant référence à la guerre au terrorisme. « The War On Terrorism, with all its world-historical moment, has combined with the relentless drive of bloggers to create an explosion of unfathomed energy, vitality, and pure mind  » (Cavanaught, 2002). Des acteurs traditionnels issus du milieu journalistique comme Glenn Reynolds ou Andrew Sullivan, mais aussi de nouveaux entrants comme le Muslim Pundit, Bearstrong.net. s’emparent des espaces de diffusion d’informations pour divulguer avant tout des opinions, mais aussi surveiller la couverture de l’actualité des médias traditionnels. Un certain nombre de ces espaces de publication se développent clairement dans une optique de production de contre-informations par rapport aux médias traditionnels, accusés de cacher les mensonges des autorités (Cavanaught, 2002). Et pourtant, la plupart de ces ‘Blogs of war’ puisent leurs informations dans ces mêmes médias traditionnels, et amorcent un véritable discours réticulaire sur les weblogs.  L’appropriation informationnelle du 11 septembre va être une première dans la longue liste des événements internationaux qui vont, tour à tour, stimuler des auteurs de weblogs à créer des current events blogs (Jeanne-Perrier, et al, 2005). Ces weblogs d’information temporaires émergent sporadiquement pour la guerre en Irak (Le Cam, 2004), les élections américaines (et par la suite, pour la période postérieure à notre étude, lors de l’ouragan Katrina, du Tsunami de 2004, des attentats de Londres, ceux de Madrid, etc).

Perspectives pour penser l’histoire de l’objet ‘Weblog’

Cette courte histoire du processus d’étiquetage et de circulation initiale du terme de weblog révèle des luttes discursives claires sur la paternité de la pratique et beaucoup moins sur la nomination de l’objet. Certaines formes éditoriales apparaissent dès 1992, avec les pages What’s New, et la diversité initiale des usages ancre les productions d’information dans quatre filières distinctes : celle des informaticiens, celle des journalistes, celle de la veille technologique d’information et la filière de l’intime. Un second élément de cette histoire nous renseigne sur un certain nombre de luttes discursives entre personnalités. La période choisie pour la recherche nous ancre dans une temporalité des innovateurs qui construisent et ‘forcent’ parfois leur visibilité, leur mise en scène et leur positionnement (par les sites, par les initiatives (les nominations, les listes, les portails)), et anticipent ainsi des développements à venir et des positions futures à tenir. Le milieu journalistique se positionne alors comme central, même s’il est déjà débordé sur ses ‘frontières’. Loin d’être unifiés, les discours sont en fait réellement concurrentiels. Cette concurrence offre un potentiel de controverses qui semble finalement assurer la permanence de la pratique du weblog et des discours qui l’accompagnent. La controverse à venir, en 2003, (à la fin de la période étudiée) va se concentrer sur un sujet polémique : l’amateurisme de masse, qui va catalyser tout autant les discours indigènes que ceux des analystes.
Cette histoire révèle, par une démarche méthodologique même tâtonnante, les conditions d’émergence de la pratique, les stratégies de captation du terme, de l’étiquetage postérieur qui renvoie à des stratégies spécifiques. Elle offre une modalité de penser la recherche historique, voire archéologique en termes de discours, de percevoir la dissémination des discours, et parfois une certaine forme d’ordre. Elle aide à dessiner les intentionnalités des acteurs, dans les traces qu’ils laissent à voir dans leurs espaces de publication et dans les espaces d’analyse ou de commentaires de la pratique sociale étudiée. Elle autorise à regarder les revendications des origines comme autant de luttes discursives, liées aux positions et aux stratégies des acteurs, et essaimées par la circulation des discours. Cela nous amène à introduire dans la recherche la notion de stratégies discursives et à adapter le concept de ‘principe dialogique’ de M. Bakhtine.

Ces premiers pas de la recherche nous encouragent à lire et à analyser les stratégies émergeant comme autant de stratégies discursives qui replacent l’intentionnalité de l’acteur au centre de sa production de discours. Reposant sur la conception défendue par Taboada-Leonetti (1990) et adaptée par ailleurs à notre propos sur l’identité du groupe des journalistes du Québec (Le Cam, 2005 et 2009), les stratégies discursives sont définies par trois éléments centraux : les acteurs impliqués, la situation et les enjeux qu’elle produit et les finalités poursuivies par les acteurs (Taboada-Leonetti, 1990, p.51). Ce concept implique que les acteurs, dans leurs discours et leurs actions (le discours étant évidemment l’ensemble des textes insérés dans leur contexte), se construisent volontairement des finalités, qu’ils agissent en interrelations les uns par rapport et avec les autres, en tentant de défendre leurs objectifs et en interprétant ceux des autres. « Les activités discursives relèvent de la stratégie à différents titres : elles participent à la conception et à l’élaboration de stratégies diverses, contribuent à leur mise en œuvre ou permettent leur description et l’évaluation de leur efficacité  » (Simunic, 2005, p.16). Le terme de stratégies discursives ne doit pas ici être restreint aux activités verbales, donc aux moyens linguistiques, dont disposent les acteurs. Il doit prendre en compte la situation sociale, la trajectoire des acteurs, leurs rôles, leurs positions les uns par rapport aux autres et les actions qu’ils mettent en place pour défendre et tenter d’atteindre leurs objectifs. S’il n’est pas postulé que les stratégies discursives sont conscientes et énoncées comme telles par les acteurs, elles autorisent un décryptage a posteriori par les chercheurs. Les analyser permet la prise en compte du processus d’élaboration des discours et des actions individuels et collectifs. Ce processus met l’accent sur les ajustements opérés progressivement et constamment par les énonciateurs, dans leurs discours et leurs actions, et les replace dans les finalités qu’ils expriment plus ou moins clairement. Or, ce concept, appliqué à une recherche sur les processus d’étiquetage et à la circulation initiale de cette pratique sociale sur le web, ouvre une voie originale de reconstruction des stratégies discursives sur le web faisant émerger:

  1. les personnages ayant énoncé des actes de paroles sur les ‘weblogs’, ayant participé à l’émergence, à la défense et à la diffusion de l’objet,
  2. l’évolution du phénomène, son histoire,
  3. les enjeux qu’une telle émergence fait apparaître du point de vue discursif,
  4. les enjeux de positionnements des acteurs, de stratégies de défense, de légitimation et de pérennisation de leurs objectifs.

Ce concept de stratégies discursives gagne cependant à être complété par la dimension dialogique inspirée des travaux de Moirand (2007) sur l’analyse du discours de la presse quotidienne. Moirand (2007) pose l’hypothèse « que ce sont les mots eux-mêmes, les formulations, les dires transportés au gré des discours des différentes communautés concernées, tels que les médias les transmettent, les mentionnent ou les rapportent, qui sont porteurs de mémoire (et non les acteurs qui les énoncent)  » (Moirand, 2007 : 9). Elle propose ainsi un modèle dialogique de l’analyse de discours.
Sa proposition se centre sur l’analyse des ‘textes’ autour notamment des hétérogénéités sémiotique, textuelle et énonciative. Elle ne prend pas en compte les conditions pratiques de production de l’information, les stratégies des acteurs, leurs discours. Ce faisant, elle ouvre la porte à une extension de la portée de son modèle et donc à la prise en compte des acteurs qui énoncent des mots et à son insertion dans une perspective davantage socio-discursive. En tant que perspective sociologique, la démarche socio-discursive se pose à l’articulation des pratiques, des stratégies d’acteurs et des productions hétérogènes de discours. Pour ce faire, nous sommes revenus sur les textes de Bakhtine. En effet, pour ce théoricien de la littérature russe, l’énoncé est le produit de l’interaction des interlocuteurs et, plus largement, le produit de toute cette situation sociale complexe, dans laquelle il a surgi (Bakhtine, cité par Todorov, 1981 : 50). L’énoncé est donc, pour Bakhtine, profondément social et non individuel.

« Aucun membre de la communauté verbale ne trouve jamais des mots de la langue qui soient neutres, exempts des aspirations et des évaluations d’autrui, inhabités par la voix d’autrui. Non, il reçoit le mot par la voix d’autrui, et ce mot en reste rempli. Il intervient dans son propre contexte à partir d’un autre contexte, pénétré des intentions d’autrui. Sa propre intention trouve un mot déjà habité  » (Bakhtine, cité par Todorov, 1981 : 77).

La relation de chaque énoncé aux autres énoncés est donc qualifiée par Bakhtine de dialogisme. Tout discours est dans ce cas profondément dialogique. L’énoncé incarné dans le discours peut être présent (donc dit ou écrit) ou absent (donc sous-entendu ou incarné dans un autre énoncé). Ce sont ces présences et ces absences qui établissent alors le dialogue (Todorov, 1981 : 97) : « Le discours rencontre le discours d’autrui sur tous les chemins qui mènent vers son objet, et il ne peut ne pas entrer avec lui en interaction vive et intense  » (Bakhtine, cité par Todorov, 1981 : 98). Le principe dialogique a d’ailleurs ensuite été largement réadapté en France dans les deux perspectives de l’intertextualité (Kristeva, 1967) et de l’interdiscours (Maingueneau, 1984).

Travailler l’histoire des processus d’étiquetage et de circulation d’une pratique sociale telle que l’objet ‘Weblog’ devrait alors reposer sur deux points fondamentaux. Le premier point nous invite à admettre, comme Bakhtine, que : « Non seulement, donc, les mots ont toujours déjà servi, et portent en eux-mêmes les traces de leurs usages précédents ; mais les ‘choses’ aussi ont été touchées, fût-ce dans un de leurs états antérieurs, par d’autres discours, qu’on ne peut manquer de rencontrer  » (Todorov, 1981 : 98-99). Le second point remet en perspective les formes intentionnelles ou non du dialogue (Todorov, 1981 : 114). Il s’agit ici de convenir, avec Bakhtine, de l’importance de la prise en compte, voire de l’anticipation des discours à venir dans les discours déjà produits, donc de l’intention de l’auteur du discours dans ce qu’il présuppose advenir. Ce qui remet au cœur de cette perspective les représentations que les ‘auteurs’ des discours se font de la réception de ceux-ci, mais aussi des intentionnalités des acteurs, des finalités qu’ils espèrent, donc de leurs stratégies discursives. Evidemment, pour connaître ces intentions, la seconde phase de la recherche, donc les entretiens, sera cruciale.

Ce qui importe ici est de reconnaître ce caractère dialogique de tout discours, et conséquemment de le replacer dans les stratégies d’acteurs qui, loin d’être neutres, dévoilent :

  1. des représentations particulières du monde,
  2. des intentionnalités spécifiques qui visent à produire du sens à partir de l’observation ou de la réalisation d’une pratique sociale spécifique,
  3. des intentionnalités spécifiques qui visent à se positionner dans un contexte particulier de relations d’acteurs, donc constamment à gérer ses relations aux autres,
  4. la construction d’un rôle personnel particulier,
  5. les tentatives d’asseoir, d’orienter, de défendre ou de faire la promotion d’une activité particulière.

Il faut reconnaître à la production de discours spécifiques et notamment aux modalités d’étiquetage une démarche engagée. Cette forme d’engagement est liée aux intentionnalités d’acteurs ou de groupes d’acteurs, des intentionnalités qui sont stratégiques et qui reflètent une partie des traces de ce qui pourrait advenir et parfois même, une reconstruction de ce qui a été. Cela permet de remettre l’acteur, ses actes de parole et ses actions, au centre du processus d’étiquetage de la pratique.  En ce sens, cela étend aux acteurs la piste proposée par Moirand (2007, p.31) :

« Nommer ce n’est pas seulement se situer à l’égard de l’objet, c’est aussi prendre position à l’égard d’autres dénominations du même objet, à travers lesquelles des locuteurs prennent également position. C’est en conséquence se situer par rapport à eux « .

La recherche menée dans l’OJR autour du terme de « weblog  » nous a permis d’esquisser certaines stratégies discursives performantes de la part d’acteurs disséminés dans divers espaces. Ces stratégies sont plurielles : une stratégie discursive sur l’histoire de la nomination, les luttes discursives, éminemment stratégiques elles aussi, autour des filières originelles de la pratique et celles qui tentent d’asseoir progressivement les statuts, les rôles, les espaces, dans des processus de légitimation individuels et collectifs.  Ces stratégies sont dialogiques, puisqu’elles sont engagées dans un processus, dans une histoire qui se construit, en mouvement constant, en emprunt de mots ‘habités par autrui’, d’idées, d’actions à ce qui précède sur le web, mais aussi à ce qui l’entoure. Dialogiques aussi parce que les discours montrent clairement des anticipations sur ce qui va advenir. Les discours sur les ‘weblogs’ s’ancrent dans une temporalité particulière puisque l’objet en perpétuel changement nécessite l’anticipation pour se maintenir au centre du jeu stratégique. Ces anticipations montrent aussi à quel point les emprunts à des expériences étrangères (d’un point de vue national ou d’un point de vue professionnel), à des imaginaires individuels et collectifs sont prégnants dans les discours des animateurs de weblogs. Cela nous amène à envisager une articulation de cette histoire d’un processus d’étiquetage et de circulation d’une pratique sociale autour du concept de dialogisme stratégique. Ce concept penserait les stratégies discursives qui ont contribué à faire de certaines pratiques sociales de communication d’information sur le web un objet de discours spécifique (Grize, 1996), en l’occurrence le terme de ‘weblog’ ou ‘blog’, en les articulant au chœur complexe des mémoires discursives et des actions des acteurs.

Notes

(1) Ce texte est issu d’un projet de recherche individuel mené dans le cadre du Réseau d’études sur le journalisme (2007-…) autour de l’histoire des processus d’étiquetage et de circulation de certaines pratiques sociales sur le web. Le travail mené sur l’histoire des blogs a été présenté une première fois lors d’une communication au colloque « Les blogs : écriture d’un nouveau genre ? », le 12 juin 2008,  au Centre d’étude des Nouveaux Espaces littéraires de l’Université de Paris 13. Ce colloque était organisé par Christelle Couleau et Pascale Hellégouarc’h.

(2) Voir http://www.robotwisdom.com/log2000moldy.html

Références bibliographiques

Bakhtine, Mikhaïl, (2003), Pour une philosophie de l’acte, Lausanne, Ed. L’Age de l’Homme, Coll. Petite bibliothèque slave,  153p.

Courtine, Jean-Jacques, (1981), « Analyse du discours politique »,  Langages, n62.

Grize, Jean-Blaise, (1996), Logique naturelle et communications, Paris, PUF , Coll. Psychologie sociale, 168p.

Jeanne-Perrier, Valérie, Le Cam, Florence et Pélissier, Nicolas, (2005), « Les sites web d’auto-publication : observatoires privilégiés des effervescences et des débordements journalistiques en tous genres », in Ringoot, Roselyne et Utard, Jean-Michel, (dir.), Le journalisme en invention, nouvelles pratiques, nouveaux acteurs, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, pp. 161-202.

Krieg-Planque, Alice, (1996), « La « purification ethnique » dans la presse : avènement et propagation d’une formule », Mots. Les langages du politique, n47, juin, pp. 109-126.

Le Cam, Florence, (2009), Le journalisme imaginé. Histoire d’un projet professionnel au Québec, Montréal, Leméac, Coll. Documents Histoire, 256p.

Le Cam, Florence, (2008b), « Le ‘journalisme citoyen’ comme étiquette », Communication présentée au Laboratoire de journalisme du département information-communication, Université Laval, Québec, le 12 décembre.

Le Cam, Florence, (2008a), « Esquisse d’une généalogie du terme ‘weblog’. Histoires et filiations avant 2003, en Amérique du Nord », Communication présentée au colloque
« Les blogs : écriture d’un nouveau genre ? », Centre d’étude des Nouveaux Espaces littéraires de l’Université de Paris 13, le 12 juin.

Le Cam, Florence, (2005), L’identité du groupe des journalistes du Québec au défi d’Internet, Thèse de doctorat, Université de Rennes 1 (France) et Université Laval, Québec, 555p.
[www document : http://tel.ccsd.cnrs.fr/tel-00011013/en/]

Le Cam, Florence, (2004), « Les warblogs, un traitement différent de l’information ? », in Charon, Jean-Marie et Mercier, Arnaud, Armes de communication massive. Information de guerre en Irak : 1991-2003, Paris, Éditions CNRS, pp.94-97.

Maingueneau, Dominique, (1984), Genèses du discours, Bruxelles, Ed. Pierre Mardaga, Coll. Philosophie et langage, 209p.

Moirand, Sophie, (2007), Les discours de la presse quotidienne. Observer, analyser, comprendre, Paris, PUF, Coll. Linguistique nouvelle, 179p.

Peytard, Jean, (1995), Mikhaïl Bakhtine. Dialogisme et analyse du discours, Paris, Ed. Bertrand Lacoste, Coll. Référence,, 128p.

Sarfati, Georges-Elia, (2005), Précis de pragmatique, Paris, Armand Colin, Coll. Linguistique, 128p.

Simunic, Zrinka, (2004), Une approche modulaire des stratégies discursives du journalisme politique, Genève, Université de Genève, Département de linguistique, thèse de doctorat, 405p.

Taboada-Leonetti, Isabel, (1990), « Stratégies identitaires et minorités : le point de vue du sociologue », in Camilleri, C., et al, Stratégies identitaires, Paris, Presses Universitaires de France, Coll. Psychologie d’aujourd’hui, pp.43-83.

Tzvetan Todorov, (1981), Mikhaïl Bakhtine. Le principe dialogique. Suivi de Ecrits du Cercle de Bakhtine, Paris, Seuil, Coll. Poétique, 316p.

Textes du corpus mentionnés dans l’article

Bailey, R., (2003), « Social History of blogs », (www document), http://prstudies.typepad.com/weblog/2003/10/social_history_.html, 18 octobre. Dernière consultation : 12 mai 2008.

Barrett, Cameron, (1999), « Anatomy of a weblog », Camworld, (www document), http://www.camworld.com/journal/rants/99/01/26.html, dernière consultation 22 mai 2008.

Barrett, Cameron, (1999b), « More about WebLogs », Camworld, (www document), http://www.camworld.com/journal/rants/99/05/11.html, dernière consultation 22 mai 2008.

Battey, Jim, (1999), « Weblogs mix creative expression with practical information », InfoWorld, (www document), http://www.infoworld.com/cgi-bin/displayNew.pl?/hotsites/hotextra991101.htm , dernière consultation le 30 mai 2008

Blood, R., (2000), « Weblogs : a history and perspective », (www document), http://www.rebeccablood.net/essays/weblog_history.html, 7 septembre. Dernière consultation : 12 mai 2008.

Caraher, W.R., (2008), « Blogging Archeology and the Archeology of Blogging », (www document), http://www.archaeology.org/online/features/blogs/part1.html, 17 janvier. Dernière consultation : 12 mai 2008.

Cavanaugh, T., (2002), « Let slip the Blogs of War », OJR, 2 avril.

Lasica, J.D., (2001), « Weblogs : A New Source of News », OJR, (www document), http://www.ojr.org/ojr/workplace/1017958782.php, dernière consultation le 2 juin 2008).

Rhodes, J.S., (1999), « The Human Behind Robot Winsdom », Webword, (www document),
http://www.webword.com/interviews/barger.html, dernière consultation le 21 mai 2008.

Rosenberg, S., (1999), « Fear of Links », (www document), 28 mai. Dernière consultation : 12 mai 2008.

Wang, A., (1999), « Online Digests Help Readers Cope with Information Avalanche », (www document), 2 août. Dernière consultation : 12 mai 2008.

Winer, D., (2001), « The history of weblogs », Userland Software, (www document), http://www.userland.com/theHistoryOfWeblogs, dernière consultation le 20 mai 2008.

Welch, M., (2001),  « The Web’s Most Curious Man. 15 Questions for Online Journalism Pioneer Tom Mangan », (www document), dernière consultation le 20 mai 2008.

Annexes

GRAPHIQUE 1 : Détails sur le corpus

Nbre Auteurs Dates

OJR Weblogs 2000

1 Jim Benning (1) Juillet (1)

OJR Weblogs 2001

5 JD Lasica (2)
Eriq Gardner (1)
Matt Welch (1)
Jordan Raphael (1)
Avril (1)
Mai (4)
OJR Weblogs 2002 25 Tim Cavanaugh (1)
J. D. Lasica (11)
Mindy McAdams (1)
Carla Passino (1)
Mark Glaser (6)
Matt Welch (1)
Michelle Nicolosi (1)
Emmanuelle Richard (1)
Steven O’Leary (1)
Spike (1)
Avril (10)
Juin (3)
Août (1)
Septembre (3)
Octobre (3)
Décembre (5)
OJR Weblogs 2003 51
+ 5 Japan Media Review.
Mark Glaser (37)
OJR (2)
Laura Castevada (1)
Bruce Rutledge (1)
Mathew Honan (1)
Spike (1)
JD Lasica (3)
Peter Boczkowski (1)
Staci D. Kramer (1)
Howard Rheingold (1)
Susan Mernit (1)
Sarah Lai Stirland (1)
Janvier (6)
Février (3)
Mars (7)
Avril (5)
Mai (3)
Juin (3)
Juillet (4)
Août (6)
Septembre (6)
Novembre (2)
Décembre (2)
? (4)

Capture 1 : Tim Berners-Lee

Capture du site de Tim Berners-Lee, What’s new (1992)
(archivé au WWW consortium)
http://www.w3.org/History/19921103-hypertext/hypertext/WWW/News/9201.html

Capture 2 : What’s New, Netscape

Capture du site What’s new (1993) de Netscape
« The big blog in the sky in 1993-96  » (Dave Winer, 2001)
http://home.mcom.com/home/whatsnew/whats_new_1293.html

Capture 3 : Scipting news

Capture du site Sripting News (Créé en 1997, capture de 2000)
Blog de Dave Winer
http://web.archive.org/web/20000815061940/www.scripting.com/

Capture 4 : Justin Hall

Capture du site Justin Hall.com (capture de 1996)
http://web.archive.org/web/19961221005458/http://www.links.net/

Capture 5 : Robot Wisdom WebLog

Capture du site Robot Wisdom WebLog (décembre 1997)
Revendique la paternité du mot ‘WebLog’
http://www.robotwisdom.com/log1997m12.html

Capture 6 : site JJG.net, le site de Jesse James Garrett

Capture du site JJG.net, le site de Jesse James Garrett
Liste de blogs ( à jour en 2000) – 23 en 1999.
http://www.jjg.net/retired/portal/tpoowl.html

Capture 7 : Camworld, le site de Cameron Barrett

Capture du site Camworld, le site de Cameron Barrett
Liste de blogs créée à la suite de J.J. Garrett.
http://www.camworld.com/list/

Capture 8 : site EatonWeb Portal, le site de Brigitte Eaton

Capture du site EatonWeb Portal, le site de Brigitte Eaton
Portail de blogs créé en 1999. Capture du site en 2000.
http://web.archive.org/web/20001109062400/http://portal.eatonweb.com/

Capture 9 : site Pitas.com, le premier ‘free build-your-own weblog’(1999)

Capture du site Pitas.com, le premier ‘free build-your-own weblog’(1999)
Capture du site en 2008.
http://www.pitas.com/

Capture 10 : Blogger, le ‘free build-your-own weblog’(1999)

Capture du site Blogger, le ‘free build-your-own weblog’(1999)
qui va ‘ouvrir’ la pratique de publication
Capture du site en 1999. http://web.archive.org/web/19991012022531/http://blogger.com/

Auteur

Florence Le Cam

.: Florence Le Cam est maître de conférences à l’IUT de Lannion (Université de Rennes 1). Elle mène des recherches sur l’histoire des journalistes et leur confrontation contemporaine aux nouvelles technologies. Membre du Centre de recherches sur l’action politique en Europe (CRAPE) et du Réseau d’études sur le journalisme (REJ), elle est par ailleurs animatrice du site en ligne de recherches surlejournalisme.com. Elle vient de publier Le journalisme imaginé. Histoire d’un projet professionnel au Québec, aux éditions Leméac, Montréal, 2009.