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Du droit à la communication au droit d’accès à l’information dans les pays du Maghreb

15 Jan, 2011

Résumé

En 1980, l’accès à l’information se présentait dans le Rapport MacBride sous une forme mineure, étant rattaché au droit des seuls journalistes à « rechercher l’information sans entraves et de transmettre sans danger ni obstacle ». Mais le Rapport esquisse une ouverture qui s’avèrera très féconde en ajoutant « qu’il s’agit aussi du droit du public –lecteurs et auditeurs- à être informé et à connaître les opinions différentes. »
Cette ouverture était annonciatrice des émergences à venir, que l’Unesco allait traduire dans des textes de référence, mais que les pays du Maghreb tardent à intégrer dans leur droit interne et dans leurs pratiques administratives.

D’une revendication des journalistes, le droit d’accès à l’information est devenu une exigence citoyenne. A l’heure de « la société de l’information », ce droit est en train d’acquérir le statut d’un nouveau droit de l’Homme et de s’imposer comme un enjeu majeur de toute réforme pour une meilleure gouvernance.

In English

Abstract

In 1980, access to information was presented in MacBride’s report in a minor shape, being attached to the privileged right of journalists to « outsource information without hindrances and transmit them without any risk or obstacle. » But the report outlines an opening that will turn out to be fecund in adding « that it is about the right of the public – readers and listeners – to be informed and to know the different opinions. »

This opening announced future emergences that the UNESCO will transform into reference texts, but that the Maghreb countries will take time integrating in their domestic law and administrative practices.

From one of the claims of journalists, the right to access to information is becoming a citizen requirement. In the age of Information Society, this right is acquiring the status of a new Human right and is imposing itself as a major stake of any reform for a better governance.

Pour citer cet article, utiliser la référence suivante :

Hizaoui Abdelkrim, « Du droit à la communication au droit d’accès à l’information dans les pays du Maghreb« , Les Enjeux de l’Information et de la Communication, n°11/3A, , p. à , consulté le , [en ligne] URL : https://lesenjeux.univ-grenoble-alpes.fr/2010/supplement-a/02-du-droit-a-la-communication-au-droit-dacces-a-linformation-dans-les-pays-du-maghreb

Introduction

Revisiter le Rapport MacBride à partir de Tunis, d’où écrit l’auteur de ces lignes, permet incontestablement une mise en perspective particulière.
En effet, il se trouve que la Tunisie a joué, dans la genèse du Rapport et dans ses lointaines retombées, un rôle plus important qu’il n’y paraît. Pour un petit pays à régime présidentiel autoritaire et dont la politique d’information est fortement étatisée, cela ne manque pas de surprendre. Sur ce terreau supposé défavorable vont, paradoxalement, se développer deux des initiatives les plus significatives des relations internationales en matière d’information et de communication : le NOMIC (Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication) dans les années soixante dix et le SMSI (Sommet mondial sur la société de l’information) à l’aube du nouveau siècle.
Réelle ou exagérée, partielle ou entière, la contribution tunisienne à ces deux initiatives est désormais établie(1). Elle s’explique en ce qui concerne le NOMIC par sa prise en charge du dossier dans le cadre du Mouvement des Pays Non Alignés (PNA).
On l’oublie souvent, le Rapport MacBride n’a pas été engendré uniquement par les initiatives adoptées au sein de l’Unesco. Il est aussi le fruit d’une évolution qui prend ses racines dans plusieurs sources, notamment dans l’action du Mouvement des Pays Non Alignés à partir de 1973. En effet, soucieux de trouver un pendant « culturel » au Nouvel ordre économique international, les PNA réunis à Belgrade en septembre 1974, décidèrent d’organiser un symposium international chargé d’identifier les moyens susceptibles de promouvoir les moyens d’information des Pays Non Alignés.
A l’invitation de la Tunisie, ce symposium aura lieu en mars 1976 à Tunis.
La lecture des constats établis par les participants à ce symposium révèle que les credo du NOMIC sont déjà présents:
« … Les PNA souffrent de la mainmise sur les moyens de communication de masse des pays développés qui ont le monopole de la plupart des moyens de communication dans le monde … »
Le rapport final de ce symposium recommande notamment qu’un « effort particulier doit être fourni pour neutraliser l’influence néfaste des moyens d’information étrangers qui s’opposent aux aspirations et aux ambitions des pays non-alignés. » (2)
Ces recommandations allaient être adoptées par le sommet des PNA organisé à Colombo en août 1976.
Ce n’est qu’à partir de novembre 1976 que l’Unesco allait se saisir réellement du projet de mise en place d’un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication. La Conférence Générale de l’Unesco réunie à Nairobi à cette date allait consacrer l’Unesco comme dépositaire de cette quête planétaire de ce qu’on appellera désormais le NOMIC.
C’est à ce titre que le Directeur général de l’Unesco, le sénégalais M. M’Bow, chargea Sean MacBride, l’ancien ministre irlandais, prix Nobel de la paix et Prix Lénine, de présider les travaux de la Commission internationale pour l’étude des problèmes de la communication.
Dans la présente contribution, nous examinerons le cheminement du principe du droit d’accès à l’information à partir du Rapport Mac Bride, et nous essaierons de faire l’état des lieux en la matière dans les quatre pays du Maghreb francophone (Algérie, Maroc, Mauritanie et Tunisie).
A cet effet, nous nous proposons de revenir sur la notion d’accès à l’information, inscrite dans le Rapport MacBride sous le chapitre V intitulé « Droits et responsabilités des journalistes » et d’en analyser le contenu et les développements actuels dans le contexte des pays du Maghreb.
Il nous paraît en effet pertinent de retracer l’évolution de cette revendication centrale au regard du droit à la communication, d’abord au niveau international, ensuite au niveau des législations et des pratiques administratives et professionnelles dans les pays du Maghreb.

L’accès à l’information, une laborieuse quête de reconnaissance :

Le mouvement qui a porté la revendication d’un droit à la communication en tant que nouveau droit de l’Homme a certes pris ses racines dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, mais c’est à partir des années soixante dix du siècle dernier qu’il commencera à s’inscrire durablement dans les enceintes internationales et dans la littérature spécialisée.

L’accès à l’information dans le Rapport Mac Bride

Le Rapport traite de l’accès à l’information dans la 4ème et avant-dernière partie (Chapitre 5) intitulée « Droits et responsabilités des journalistes ».
Dans le paragraphe 1 intitulé « Accès à l’information », il est indiqué que
« Les journalistes revendiquent le droit de rechercher l’information sans entraves et de la transmettre sans dangers ni obstacle. »
On le constate, il s’agit avant tout d’un droit pour les journalistes, même si le Rapport prend soin de préciser qu’il « s’agit aussi du droit du public – lecteurs et auditeurs – à être informé … » mais il se hâte d’ajouter que  « bien qu’il appartienne à chaque citoyen, un tel droit dépend en pratique de la liberté des journalistes. »
Le « droit à communiquer », dont l’accès à l’information est une composante, est évoqué succinctement dans le Rapport, notamment à cause de la réserve exprimée par le membre soviétique de la Commission, pour qui « le droit à la communication n’est pas un droit internationalement reconnu », de ce fait, « Il ne devrait donc pas être discuté aussi longuement ni abordé dans notre rapport ».(3) Pour définir les éléments constitutifs de ce nouveau droit à la communication, les rédacteurs du Rapport ont manifestement essayé d’anticiper les réserves américaines en ayant recours à un obscur document de l’Université de Hawaï (4), de préférence aux travaux pionniers  élaborés par Jean d’Arcy dès 1969. (5)
Un bel exemple d’équilibrisme et de compromis dans le contexte de la guerre froide.
Malgré leurs efforts, les auteurs du Rapport ne pourront pas satisfaire tout le monde. C’est ainsi que l’International Press Institute, vigilant défenseur du dogme libéral de la liberté de la presse, condamne son « langage impénétrable et l’ambiguïté de son attitude à l’égard de la liberté d’information ». Un reproche particulier est adressé à la formulation des dispositions relatives à l’accès à l’information : « La Commission … dit que les journalistes doivent avoir accès aux sources des nouvelles. Mais en ce qui concerne la pratique de la liberté – ce que les journalistes font des informations quand ils les ont – la Commission a été moins franche. »(6)
Pour les auteurs du Rapport comme pour ses détracteurs, le droit d’accès à l’information demeure donc nettement rattaché aux exigences de la liberté de la presse et aux droits des journalistes. Une extension de ce droit va progressivement permettre de dépasser cette vision  média centrée  pour jeter les bases d’un droit plus universel et plus citoyen.

L’accès à l’information dans les textes du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI)

Signalons d’abord que les thèmes majeurs inscrits à l’ordre du jour du SMSI, la fracture numérique et la gouvernance de l’Internet, semblent faire écho à ceux qui ont agité un quart de siècle auparavant les enceintes de l’Unesco.
La revue Foreign Affairs n’a pas manqué de le relever dans un article de K.N. Cukier intitulé « Who Will Control the Internet ? »  publié au moment où se déroulait au Sommet de Tunis, le round final de la bataille opposant les Etats-Unis à une coalition hétéroclite de pays désireux de substituer une gouvernance collective de  l’Internet à l’actuel système géré par son initiateur états-unien :
“…This is especially so since the very countries that most restrict the Internet within their borders are the ones calling loudest for greater control.
As other countries sharpen their diplomatic knives for the final round of the summit in Tunis in November, the dispute is echoing an earlier battle at Unesco in the 1980s over the so-called New World Information and Communication Order, which led the United States and the United Kingdom to pull out of the organization. Then, it was the Soviet Union, its satellites, and the developing world that called for controlling media activities and funding the development of media resources in developing countries; today, some of those same nations seek power over the Internet, as well as financial aid to overcome the digital divide…”(7)
L’examen des déclarations de principes et des plans d’action des deux phases du SMSI (Genève, décembre 2003 et Tunis, novembre 2005), permet de constater que la question de l’accès à l’information a été quasiment occultée au bénéfice de celle de l’accès aux Tic.
Même quand il est explicitement mentionné, l’accès à l’information est confiné dans une acception technologique.
Partant du principe que les Tic permettent à chacun d’accéder quasi instantanément à l’information et au savoir, le Plan d’action de la première phase du SMSI, encourage, dans son point 10, les pouvoirs publics à « donner un accès adéquat aux informations officielles à caractère public par divers moyens de communication, en particulier par l’Internet. Il est recommandé d’établir une législation sur l’accès aux informations et la préservation des données publiques, notamment dans le domaine des nouvelles technologies.»
Par ailleurs, le Plan d’action invite les acteurs concernés par la mise en valeur et la promotion des informations qui sont dans le domaine public, à élaborer des lignes directrices devant favoriser l’accès public à l’information, à l’échelle internationale. C’est ce que l’Unesco a précisément réalisé en 2004.

L’accès à l’information du domaine public : promesse ou utopie ?

En annonçant la naissance d’un droit de l’Homme à la communication, Jean d’Arcy et l’Unesco n’avaient probablement pas conscience de toutes ses retombées et implications. Parmi celles-ci,  il y a cette promesse d’une démocratisation de l’accès aux données produites et détenues par l’administration, qui seraient accessibles au commun des citoyens et non plus aux seuls journalistes et autres professionnels des médias.
Conformément à son mandat, l’UNESCO a abrité le travail normatif  qui a permis d’aboutir à la déclaration de 2004 intitulée « Principes directeurs pour le développement et la promotion de l’information du domaine public gouvernemental ».
D’après cette déclaration, la mise en œuvre du droit d’accès à l’information publique dans chaque pays requiert les conditions suivantes :
1- Définir le champ de l’information du domaine public accessible produite par les pouvoirs publics selon les besoins du pays;
2- Établir le droit juridique d’accès à l’information publique et d’utilisation de celle-ci;
3- Établir et mettre en oeuvre une politique-cadre globale de l’information gouvernementale pour la gestion et la diffusion des ressources d’informations publiques.
Ces normes de référence sont particulièrement utiles pour aider les gouvernements et les parlements à concevoir et adopter des mesures législatives nationales garantissant l’accès à l’information publique.
Leur mise en œuvre est cependant encore assez lointaine dans les pays du Maghreb.

L’accès à l’information publique au Maghreb

Les constitutions des pays maghrébins n’établissent pas expressément le droit d’accès à l’information, même si plusieurs dispositions constitutionnelles garantissent les libertés d’opinion, d’expression de presse, d’association et de réunion. En Algérie, la constitution de 1996 mentionne une « loi sur l’information » qui relèverait  du parlement, mais les textes d’application se font toujours attendre.

L’accès à l’information dans l’ordre interne : un vide juridique à combler

Au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie, il n’existe aucune loi spécifique qui organise le droit d’accès à l’information et qui prévoit les institutions à même de le garantir. En revanche, des dispositions législatives et réglementaires disparates sont insérées dans des textes relatifs à d’autres matières. Il s’agit notamment des textes suivants : lois relatives à la communication des archives publiques, certains codes de la presse, quelques  statuts des journalistes, lois relatives à la protection du consommateur, le code de déontologie des agents publics, le code des marchés publics, la loi sur l’obligation de l’administration de motiver ses décisions de refus, etc.
La publication dans les pays du Maghreb de Journaux ou Bulletins officiels à périodicité rapprochée permet l’accès du public aux différents textes officiels (lois et règlements en particulier). Cet accès devient plus aisé lorsque ces textes sont mis en ligne à travers le web comme c’est souvent le cas.

Disparités et similitudes intermaghrébines

En Algérie, la loi du 3 avril 1990 relative à l’information consacre expressément « le droit à l’information » pour la première fois au Maghreb. Elle le définit comme étant « le droit du citoyen d’être informé de manière complète et objective des faits et opinions  intéressant la société aux plans national et international, et dans le droit de participer à l’information par l’exercice des libertés fondamentales de  pensée, d’opinion et d’expression… ». Mais cette loi pionnière à plusieurs égards n’a jamais pu  connaître d’application et le « Conseil supérieur de l’information » censé mettre fin à la tutelle gouvernementale sur les médias n’a jamais été mis en place.
Au Maroc, il n’y a donc pas dans le droit positif de texte garantissant le droit d’accès à l’information, pas plus qu’il n’y a de législation générale imposant aux administrations publiques la publication ou le mise en ligne des données essentielles relatives à ses activités et à ses prestations.
C’est ainsi que la loi qui régit le statut des fonctionnaires publics (Dahir du 24 février 1958), loin de favoriser la transparence, incite au contraire à la rétention de l’information et au culte du secret.
Cette opacité n’est cependant pas systématique et  devrait être relativisée notamment en ce qui concerne l’importante question des procédures d’attribution des marchés publics.
Le décret du 5 février 2007 relatif aux marchés publics impose la publicité des appels d’offres et notamment leur mise en ligne sur le site web du gouvernement.
De même, la révision du code de la presse en 2002 a permis une avancée encourageante en matière de reconnaissance du droit d’accès à l’information au Maroc ;
L’article 1 nouveau stipule en effet que « les citoyens ont le droit à l’information ». Quant aux moyens d’information, ils ont « le droit d’accéder aux sources des nouvelles et d’obtenir les informations auprès de ses différents détenteurs tant que sa divulgation n’est pas prohibée par la loi. »
En Mauritanie, il n’y a pas de législation spécifique, malgré l’existence d’arrêtés ministériels incitant à une plus large diffusion de l’information publique. Mais il y a incontestablement une volonté politique plus nette que chez ses voisins  en faveur de la transparence de l’administration publique et de l’action gouvernementale.
A la demande du gouvernement, un Etat des lieux a été entrepris par une mission de l’UNESCO en mai 2008. Le rapport final prend acte de l’existence d’un environnement politique favorable et se préoccupe des modalités d’application. A cet effet, il recommande « la mise en place une structure nationale pour la gestion de l’information du domaine public gouvernemental (IDPG), ainsi que l’élaboration d’une charte pour une meilleure diffusion de cette information et le renforcement de l’Arsenal juridique qui la régit. »
Ce volontarisme gouvernemental n’a cependant pas satisfait tout  le monde.
En effet, la société civile a déploré le déficit de participation, du fait de sa non implication dans le processus de conception, d’élaboration et de mise en œuvre des politiques et stratégies relatives au droit d’accès à l’information. Rarement associés aux opérations de suivi et d’évaluation de ces mêmes stratégies, les acteurs de la société civile revendiquent une plus grande participation en tant que « partenaires incontournables et non plus un instrument de justification et de validation. » (8)
En Tunisie, le droit d’accès à l’information publique est largement méconnu. Il ne figure pas non plus dans les critères et paramètres utilisés dans les rapports nationaux et internationaux sur l’état de l’information et de la liberté de la presse en Tunisie.
C’est ainsi que les différents rapports des groupes d’observation tels que  l’IFEX, le CPJ ou  RSF sur la liberté d’expression et de presse en Tunisie font l’impasse sur l’absence de garanties juridiques en matière d’accès à l’information publique.
Le plus surprenant, c’est que les journalistes eux-mêmes ne semblent pas inclure ce droit parmi leurs revendications !  A preuve, le rapport 2008 du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) comporte 12 recommandations finales dont aucune ne revendique le droit d’accès à l’information, pourtant essentiel pour les journalistes ! Il faudra attendre le rapport 2009 pour trouver une trace de cette revendication.
En outre, à la différence de ses voisins de l’Ouest, la Tunisie n’a pas encore intégré dans le statut des journalistes professionnels une disposition garantissant  leur droit à accéder aux informations et données produites par l’administration.
Pourtant, la transparence est requise par la loi en matière économique et les marchés publics bénéficient d’une rubrique fixe sur le portail Internet du gouvernement. A noter également que sur la question sensible des atteintes aux droits de l’Homme,  une instance gouvernementale, le Comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, a l’obligation légale d’établir un rapport national annuel sur la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et de le diffuser publiquement.
Enfin, en matière de e-government, la Tunisie est reléguée en bas du tableau du classement établi par les Nations Unies, au même titre que les autres pays du Maghreb.(9)

Conclusion

Le droit d’accès à l’information publique est encore largement méconnu au Maghreb, tant au sein des instances gouvernementales que dans le discours des acteurs de la société civile.
Les journalistes eux-mêmes ne mentionnaient pas ce droit parmi leurs revendications. Mais pour la première fois, ce droit a fait l’objet d’un paragraphe dans le rapport annuel sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie présenté le 4 mai 2009 par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens.
Cette question est de plus en plus présente dans le débat public sur l’information et la communication.
Du côté des gouvernements, un effort visible est mené dans le cadre de la réforme de l’administration pour se mettre en conformité avec les standards onusiens du « e-government » et de l’administration électronique, pour lesquels les pays du Maghreb sont mal classés.
Des services administratifs sont désormais accessibles en ligne, mais aussi quelques informations, documents et données statistiques deviennent disponibles sur les sites web des ministères et organismes publics.
Mais l’information « sensible » continue à être retenue et on est encore loin d’une pleine reconnaissance du droit de tout citoyen à accéder à l’information détenue par l’administration.
Les professionnels des médias, mais également les chercheurs, les ONG, les opérateurs économiques et les acteurs de la société civile, se plaignent régulièrement du manque de transparence de l’administration.
Un travail de plaidoyer et de formation est donc nécessaire, car il importe de mobiliser les acteurs de la société civile et les médias et d’élargir le plaidoyer vers les milieux gouvernementaux, avec l’appui de la communauté académique.
Enfin, débordant la sphère médiatique, une convention internationale récente va inscrire le principe de l’accès à l’information publique dans la perspective stratégique de la bonne gouvernance et du développement durable : il s’agit de la convention des Nations Unies contre la corruption, adoptée le 31 Octobre 2003, en vigueur depuis le 14 décembre 2005 et ratifiée par les Etats du Maghreb.
La question est essentielle : seule une bonne divulgation de l’information peut permettre aux citoyens d’avoir un jugement adéquat sur l’activité gouvernementale et favoriser un débat de qualité sur les affaires publiques.

Notes

(1) C’est ainsi que Roger Pinto, auteur du manuel de référence La liberté d’information et d’opinion en droit international, présente « le Tunisien Mustapha Masmoudi » (Secrétaire d’Etat à l’information dans les années 70) comme « l’initiateur du nouvel ordre mondial de l’information » (PINTO, 1984, p39).
De son côté, quelques années plus tard, pendant la phase de préparation du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), Charles Geiger, le directeur exécutif du secrétariat du SMSI, déclarera au quotidien français « Libération »: « C’est à la Tunisie que l’on doit l’idée de faire une conférence mondiale consacrée aux questions qui vont nous tomber dessus aux XXIe siècle avec le développement des nouvelles technologies. » Libération, 17 février 2005.

(2) Le nouvel ordre mondial de l’information, Secrétariat d’Etat à l’information, Tunis, 1977, p.17.

(3) Commentaire de M.S. Losev, Voix multiples, un seul monde, p. 215.

(4) An emergent communication policy, par L.S. Harms.

(5) D’Arcy Jean, Revue de l’Union Européenne de Radiodiffusion, nov. 1969.

(6) Righter Rosemary, IPI Report, mai-juin 1980.

(7) “… Ce sont les pays qui censurent le plus l’Internet à l’intérieur de leurs frontières qui appellent le plus fort à davantage de contrôle. Au moment où les autres pays fourbissent leur armes diplomatiques pour le round final du sommet de Tunis, le conflit fait écho à une précédente bataille à l’Unesco dans les années 1980 à propos du prétendu Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication, qui a conduit les USA et le Royaume Uni à quitter l’organisation. Naguère, c’étaient l’Union Soviétique, ses satellites et les pays en développement qui appelaient au contrôle des activités médiatiques et au financement des ressources médiatiques dans ces derniers pays ; aujourd’hui, certains de ces mêmes pays cherchent à maîtriser l’Internet en même temps qu’ils réclament une aide financière pour combler le fossé numérique. » Cukier Kenneth Neil, Who Will Control the Internet ?  Foreign Affairs, November/December 2005

(8) L’accès à l’information dans les pays du Maghreb, état des lieux, 2009, en cours de publication, Transparency Maroc.

(9) Index « e-government readiness » des Nations Unies pour 2008, sur un total de 182 pays : Algérie :   121è, Tunisie : 124è, Maroc : 140è, Mauritanie : 168è.

Références bibliographiques

Bounabat, B., 2008, Feuille de Route pour la mise en œuvre des principes directeurs de l’UNESCO pour le développement et la promotion de l’Information du Domaine Public Gouvernemental en Mauritanie, Unesco, Rabat.

Cukier, Kenneth Neil, 2005, Who Will Control the Internet?, Foreign Affairs, November/December 2005.

La Documentation Française, 2005, La société de l’information: glossaire critique, 164p.

Mendel Toby, 2008 , Liberté de l’information, étude juridique comparative, UNESCO, www.unesco.org.webworld/en/foi, 172p.

Miège, Bernard, 2000, (sous la direction de), Questionner la société de l’information, revue Réseaux n° 101, Paris, Hermès.

Pinto, Roger, 1984, La liberté d’information et d’opinion en droit international, Economica, 420 p.

Secrétariat d’Etat à l’information, Tunis, 1977, Le nouvel ordre mondial de l’information, 55p.

Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), Genève 2003-Tunis 2005, Déclarations   de principes et Plans d’action.

Uhlir, Paul F., 2004, Principes directeurs pour l’accès à l’information du domaine public gouvernemental, UNESCO, 44p.

UNESCO, 1980, Voix multiples, un seul monde. Communication et société aujourd’hui et demain, 367p.

United Nations e-Government Survey, 2008, www.un.org  , New York, 246p.

Auteur

Abdelkrim Hizaoui

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